ÉTUDES
INDUSTRIELLES

I.
DE LA PROPRIÉTÉ SOUTERRAINE EN FRANCE



Traiter de la propriété souterraine en France, c’est se proposer une tâche très complexe. La grande industrie qu’intéresse la situation faite à cette propriété appelle l’attention, non-seulement par l’importance des résultats, par la diversité des applications, mais aussi par les singulières difficultés administratives qui en ont presque partout accompagné le développement. Avant d’étudier sous ses formes variées le rude travail du mineur, c’est le théâtre même de l’exploitation, c’est le régime appliqué à la propriété souterraine qu’il importe de bien connaître.

Le principe de la propriété, si singulièrement mis en question, il y a quelques années, par certains novateurs de l’école socialiste, et si vigoureusement défendu par leurs adversaires, est devenu, depuis cette époque, l’objet des méditations d’un grand nombre d’esprits sérieux, qui en ont analysé l’origine et l’essence dans leurs conséquences les plus diverses. Ces études approfondies, où chacun apportait le tribut de ses appréciations personnelles, me paraissent avoir produit un utile résultat. Deux systèmes opposés, dont la lutte menaçait d’être violente, se trouvaient en présence : l’un rendait, dans un sens absolu, la possession de chaque chose dépendante de l’intérêt général; l’autre considérait l’intérêt public comme la réunion de tous les intérêts privés. On a reconnu que ces deux systèmes, qui ne sont nullement inconciliables, ont coexisté chez tous les peuples civilisés, à quelque période historique qu’ils appartinssent, et que les bases mêmes du droit civil en Europe n’ont fait que consacrer la légitimité de cette juxtaposition. En effet, s’il est permis à chacun d’acquérir et de posséder une portion de la propriété générale, ce n’est que sous la réserve d’en jouir selon certaines conditions, qui ne peuvent être contraires à l’intérêt public. De même l’intérêt général ne permet la disposition d’une portion quelconque de la propriété privée que pour cause d’utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité. Enfin, dans un très grand nombre de cas, on voit le pouvoir social s’attribuer, en vertu de simples lois de police, une action réellement dominatrice sur la jouissance de la propriété privée. Ces indications sur l’usage et l’exercice du droit de propriété sont aujourd’hui élémentaires : je ne m’y arrêterai point. Il suffit de rappeler la prépondérance que doit légitimement exercer dans une circonstance donnée l’intérêt général sur l’intérêt particulier, et à coup sûr ce principe ne saurait recevoir une application mieux justifiée par les exigences spéciales de la mise en œuvre que relativement à la propriété minérale.

Ceux-là même qui n’ont jamais visité une exploitation souterraine ont pu, s’ils ont parcouru pendant l’exposition universelle de 1855 l’annexe du palais de l’industrie, se faire l’idée d’une mine, « cet édifice immense caché sous la terre, » — pour employer une heureuse expression de Mirabeau. Ils ont vu le curieux spécimen qu’avait envoyé la compagnie concessionnaire des mines d’Anzin, — celles d’ailleurs, par une coïncidence digne de remarque, qui étaient toujours citées, dans les discussions législatives sur la propriété souterraine, comme un exemple des sacrifices de temps et d’argent qu’exige l’établissement des entreprises de cette nature. Ils ont donc pu juger des travaux immenses, des machines coûteuses que nécessite parfois l’exploitation d’une mine. Si, évaluant les capitaux considérables que réclament le creusement des puits, le percement des galeries, le remblai des excavations, le boisage qui soutient l’édifice, l’achat du matériel de toute espèce, ils ont en outre réfléchi au caractère particulier des substances minérales, qui, déposées une fois pour toutes par la nature dans le sein de la terre, ne s’y reproduisent plus; s’ils ont songé à l’influence de ces substances sur l’industrie de l’homme; s’ils ont compris l’importance qu’il y a dès-lors pour la société, par cette double considération, à retirer des profondeurs du globe la plus grande partie possible du produit des mines, les visiteurs auront, sans contredit, tranché spontanément la question si controversée, dans les régions théoriques, de l’attribution de la propriété souterraine. Ils auront reconnu que toutes ces conditions de dépôt unique et précieux, de rareté, d’utilité, de difficulté d’extraction, indiquent forcément un système réglementaire tout différent, quant au principe fondamental, de celui auquel sont assujettis les biens ordinaires; qu’il faut absolument que les richesses minérales soient avant tout aménagées pour le plus grand intérêt de la société; que le droit d’user doit être limité par les conditions essentielles dans lesquelles il s’exerce, et que le droit d’abuser, s’il n’avait pas d’ailleurs disparu de nos codes, ne serait point admissible ici. En un mot, convaincus que le droit naturel doit s’effacer devant le droit public, par suite de la liaison nécessaire qui doit exister entre le caractère légal et le caractère technique de ce bien d’une nature spéciale, ils seront amenés à cette conclusion, — qui ressort, à presque toutes les époques, de la législation de presque tous les peuples, — que les mines doivent être considérées comme des propriétés publiques.

Tel est aussi, on va le voir, le système qui a généralement prévalu à l’égard de la propriété des mines. Deux autres systèmes ont, il est vrai, trouvé et trouvent encore leurs partisans. L’un est celui dont les défenseurs inscriraient volontiers sur leur drapeau ces paroles de Heurtault-Lamerville, député du Cher à l’assemblée constituante : « Il faut que le plus petit propriétaire français, délivré des fers féodaux, soit libre dans tout l’espace perpendiculaire à sa propriété, depuis la région des airs jusqu’au centre de la terre[1]. » Pour eux, c’est attaquer le droit de propriété dans son essence que de vouloir le réduire à la simple superficie du fonds; c’est une doctrine sacrilège que de priver le propriétaire d’un revenu sur lequel il a dû compter. Les défenseurs de la propriété individuelle semblent alors oublier que, sauf dans quelques rares régions, où le fonds et le tréfonds sont réellement distingués pour les transmissions du sol, ce propriétaire ignore le plus souvent, au moment de l’acquisition, si son terrain recèle ou non une richesse qui attend encore son maître, — richesse que rien n’indique généralement à la superficie, même à l’œil du géologue le plus exercé, qui, lorsqu’elle se montre au jour, s’enfonce bientôt dans la terre, et dont l’exploitation ne doit point être commencée par la partie supérieure. Ils ne veulent pas convenir que, si le possesseur du sol peut seul mettre en valeur la propriété souterraine, celle-ci courra grand risque d’être immobilisée, quand elle ne sera pas gaspillée. Il est évident en effet que l’étendue nécessaire à l’exploitation d’un gîte minéral ne correspondra qu’exceptionnellement à la superficie d’une seule propriété. À cette objection fondamentale ils répondent que l’association est un remède tout trouvé pour un mal peu probable, — comme si, dans l’état de division de la propriété en France, où l’étendue moyenne est, dit-on, de neuf hectares, la réunion de tous les propriétaires (car le refus d’un seul empêcherait toute entreprise commune) ne dût pas être fort difficile au point de vue du terrain, et probablement irréalisable au point de vue pécuniaire. Le morcellement du sol, qu’on regarde comme un obstacle aux progrès de l’agriculture et dont on se préoccupe tellement qu’il est interdit par le législateur dans quelques contrées de l’Europe, aurait certainement une influence désastreuse sur l’exploitation des mines. Concluons plutôt avec Mirabeau, contre Adam Smith, Merlin, J.-B. Say, qu’il « est impossible, dans une telle question d’intérêt général, de se reposer uniquement sur l’intérêt des propriétaires du sol et de courir toutes les chances de leur paresse, de leur ignorance ou de la faiblesse de leurs moyens. »

Dans un système intermédiaire, fort préconisé par Turgot, à propos d’un avis qu’il avait eu à donner au conseil d’état comme intendant de la généralité de Limoges[2], les mines seraient à celui qui les découvre; elles seraient attribuées au premier occupant, en vertu de ce droit qui n’est jamais reconnu qu’une fois, à l’origine d’une société, et s’efface ensuite devant les règles que trace le droit public. Certes, en pareille matière, il faut tenir grand compte de l’inventeur, bien que le hasard ne préside que trop souvent à la découverte des mines. Il faut que ses droits réels soient rémunérés par la société, qui lui doit le prix d’un service rendu, qu’il soit payé des études auxquelles il a pu se livrer, des avances qu’il a pu faire, et maintenant la législation française y pourvoit d’une manière rationnelle; mais il est impossible d’attribuer les mines au premier occupant, sous peine d’ériger, pour ainsi dire, en principe une guerre continuelle et souterraine entre les mineurs qui attaqueraient le même gîte, — lutte qui deviendrait une source interminable de chicanes, au sujet notamment de cette qualité même de premier occupant. Turgot complétait sa théorie en disant que personne n’a le droit d’ouvrir la terre dans le champ d’autrui sans le consentement du possesseur, mais que chacun a le droit d’y pousser des galeries souterraines, en prenant toutes les précautions nécessaires pour ne pas endommager le champ. En se faisant l’apologiste d’un pareil système, qui n’est séduisant qu’en apparence, et en repoussant les raisons alléguées en faveur du système de la propriété publique des mines, comme ressemblant beaucoup à celles alléguées en faveur des monopoles de toute espèce, Turgot n’oubliait qu’une chose : c’est la nature toute particulière de la propriété souterraine; or cette nature, il ne faut pas le perdre de vue, doit dominer complètement la question.

Montrer ce qu’a été cette propriété aux différens âges, particulièrement dans notre pays, ce sera peut-être apporter à la discussion encore aujourd’hui pendante un élément utile, et à coup sûr peu connu. Une série de travaux sur l’industrie minérale de la France n’a-t-elle pas pour introduction obligée une récapitulation rapide des lois qui ont régi successivement l’extraction de ces produits naturels qui jouent un si grand rôle dans la civilisation moderne, et que l’on ne considère presque toujours qu’au moment où ils deviennent, par les conquêtes incessantes de la science, les instrumens les plus actifs de la prospérité d’un pays? N’est-il pas intéressant de connaître les soins qu’a toujours et partout pris le pouvoir public pour provoquer la production de ces richesses sociales?

Les ressources minérales de la France comprennent à peu près exclusivement la houille et le fer, ces deux élémens essentiels de la paix et de la guerre, qui rappellent tout de suite l’idée de la vapeur, la source de cette force motrice dont la manifestation la plus frappante est de tendre, avec l’électricité, par l’anéantissement des distances, à changer en peu de temps la face du globe. Bien que riche en dépôts métallifères, notre territoire n’offre encore qu’un petit nombre d’exploitations de métaux autres que le fer, exploitations d’ailleurs peu considérables. D’importantes mines de sel gemme et des sources d’eau salée, situées principalement dans l’est de la France, concourent, avec les marais salans et les laveries de sable de plusieurs départemens maritimes, à la production du sel, cette denrée si essentielle à la vie. Rappeler les conditions économiques et industrielles de l’extraction et de l’emploi de ces diverses substances minérales ; indiquer les renseignemens statistiques propres à faire apprécier l’importance relative de la production et de la consommation des produits minéraux dans notre pays; donner une idée des travaux souterrains que nécessite l’exploitation d’une mine, des conditions de tout genre auxquelles il importe de satisfaire pour la sécurité et l’hygiène des ouvriers, comme des accidens auxquels ceux-ci sont exposés; résumer l’organisation et le rôle de l’administration spéciale chargée de surveiller, de diriger au besoin l’industrie minérale, tel est le plan d’un ensemble d’études qui a pour préambule naturel, nous l’avons dit, l’examen succinct de la législation souterraine[3].

S’il est impossible d’indiquer, même approximativement, la valeur totale créée par toutes les branches, sans exception, de l’industrie soumise à cette législation, il est du moins facile, au moyen du dernier résumé des travaux statistiques de l’administration des. mines, de donner par quelques chiffres une idée de l’importance actuelle de la propriété souterraine, à l’exploitation de laquelle 180,000 ouvriers environ sont occupés en France.

Il n’y a, d’après les derniers documens officiels, que vingt-sept de nos départemens qui soient dépourvus de mines. Tous les autres contiennent au moins du minerai de fer utilement exploitable. Quarante-cinq renferment des mines de charbon. Sur les 79,585,200 quintaux de houille consommés par la France en 1852, 49,039,258 ont été produits par les mines nationales, et représentent une valeur de 46,751,806 francs. Ces mines avaient employé 35,381 ouvriers, dont les salaires se montaient à 19,874,688 francs[4].

L’extraction du minerai de fer avait produit, à l’époque où nous place le dernier résumé administratif, 20,806,334 quintaux métriques, évalués à 7,717,046 francs; elle avait donné du travail à 11,611 ouvriers, qui avaient gagné ensemble 4,203,455 francs.

La production du sel, sans distinction d’origine, n’atteignait qu’à 4,280,876 quintaux métriques, dont la valeur totale était de 7,833,099 francs; le nombre d’ouvriers occupés était de 15,864.

En groupant quelques-uns de ces chiffres, on peut vérifier immédiatement ce que nous avons dit du caractère particulier de la richesse minérale de la France. L’exploitation du charbon minéral, du minerai de fer et du sel crée une valeur totale de 62,301,951 fr. et occupe 62,856 ouvriers. Quant aux mines de métaux autres que le fer, elles donnent les résultats suivans : 2,103 ouvriers seulement ont concouru à une production dont la valeur n’est que de 1,398,728 francs, et la somme des salaires auxquels elle correspond est de 685,505 francs. J’ajouterai enfin, pour ne passer sous silence aucune branche de l’industrie des mines, que le bilan se complète par une mine de graphite et sept mines de bitume produisant, réunies, une valeur de 358,227 francs.

L’exploitation de la propriété souterraine prend d’ailleurs dans notre pays des développemens qu’il importe de constater. En 1852, il y avait en France 448 concessions de mines de charbon, 177 de mines de fer, et 199 de mines de substances diverses. Au 31 juillet 1854, un rapport émané de l’administration des mines constatait 158 nouvelles demandes de concessions ou en extension de concessions, savoir : 49 de mines de charbon, 45 de mines de fer, 42 de mines de métaux autres que le fer, de sel, soufre, etc. Ces chiffres suffisent pour indiquer la situation présente de la grande industrie dont l’histoire et les applications actuelles devront successivement appeler notre attention.


I. — PRINCIPE FONDAMENTAL DE LA LÉGISLATION MINÉRALE CHEZ TOUS LES PEUPLES. — RÉGIME DE LA PROPRIÉTÉ SOUTERRAINE EN FRANCE AVANT LA RÉVOLUTION.

La liaison intime des métaux avec les premiers besoins de l’homme prouve, sans aucun doute, que l’origine de l’art des mines se perd dans la nuit des temps. Chez les peuples anciens toutefois, on trouve rarement des dispositions réglementaires bien précises sur la propriété des substances minérales. Avec les temps du moyen âge commence vraiment ce qu’on peut nommer l’ère historique de la législation des mines, et c’est en Allemagne surtout qu’on peut en étudier la naissance. Les plus anciens monumens législatifs de ce pays ne constatent guère, avant le XIe siècle, l’usage du droit régalien; mais il est permis de conclure de ces monumens mêmes qu’antérieurement à cette époque, le droit d’exploitation des gîtes minéraux était l’objet de concessions émanées des pouvoirs publics ou des seigneurs terriens. Il est d’ailleurs naturel de supposer que, durant la période du moyen âge, où la société tout entière reposait sur l’institution de la féodalité, les concessions de mines, comme toute autre valeur territoriale ou industrielle, étaient abandonnées en fiefs aux sujets ou aux vassaux, moyennant certaines conditions de service personnel ou de rétribution pécuniaire.

Quoi qu’il en soit, on doit reconnaître, à travers cette multitude de coutumes locales qui, combinées avec l’introduction du droit romain, devinrent plus tard en Europe l’origine du droit administratif, que l’autorité souveraine n’a jamais cessé d’exercer en Allemagne une action directe et régulatrice sur l’exploitation des produits minéraux, considérés comme faisant partie de la fortune publique. Cette action, émanée assez confusément du souverain, regardé tantôt comme chef de l’état, tantôt comme propriétaire, revêtira des formes multiples; mais elle existera toujours. Tantôt les mines seront exploitées en totalité par une administration publique, par le gouvernement seul ou associé avec des compagnies, ou encore affermant les gîtes d’une certaine nature; tantôt elles seront louées en totalité, concédées moyennant un impôt et des obligations plus ou moins pesantes; tantôt enfin elles seront, pour ceux qui s’en occuperont, la source de privilèges spéciaux destinés à les encourager.

Il semble en définitive que les trois systèmes de propriété souterraine viennent se classer rationnellement, par la seule force des indications historiques, dans cette Allemagne où les richesses minérales occupent une si grande place. Plus on remonte dans le passé, plus une législation doit être simple; aussi n’existe-t-il d’abord que le droit du premier occupant. Quand les idées de propriété tendent à se développer par les bienfaits d’une civilisation naissante, ce système disparait naturellement devant celui de la propriété privée. Enfin, lorsque les conditions essentielles d’une bonne exploitation des substances minérales commencent à se faire jour, les mines deviennent des propriétés publiques, et toutes ces législations, uniformes quant au principe général, différentes suivant les idées locales quant aux applications, viennent aboutir à un mode souvent très compliqué d’administration et de juridiction, qui subsiste encore aujourd’hui en partie, notamment en Prusse et en Bavière[5]. Quant au droit du propriétaire du sol, il est parfois nul, comme en Autriche et en Hongrie; parfois aussi il est représenté par une fraction du profit, sans aucune charge comme en Bohême, avec des servitudes diverses comme en Saxe.

En poursuivant cet examen succinct des principes qui régissent les législations étrangères, on n’arrive point à une conclusion différente. En Suède et en Norvège, les mines sont toutes des propriétés de la couronne; mais la liberté d’exploitation n’y est restreinte que par des formalités réglementaires. En Russie, après bien des tergiversations, la législation allemande a fini par être imitée en grande partie. En Angleterre, le droit de fouille, qui s’appelle royalty, indique, par ce nom même, qu’il émane primitivement du souverain; mais il a bientôt dégénéré, hormis pour les mines d’or et d’argent, par suite du système exagéré de liberté industrielle dont jouissent nos alliés d’outre-Manche, et il n’est guère limité pour les propriétaires du sol que par le paiement d’un impôt, sauf pour les mines d’étain des provinces de Cornwall et de Devon et les mines de plomb du comté de Derby, assujetties à des règlemens particuliers : ailleurs on ne trouve que des dispositions fiscales ou de police.

Dans notre pays enfin, où nous ramène le plan de cette étude, l’histoire de la législation souterraine présente trois phases bien nettes : une longue série de tâtonnemens, qui ne se termine qu’en 1791; — une époque de perfectionnement, qui n’a pas duré une vingtaine d’années, mais qui prouve une fois de plus qu’il faut presque toujours, comme le disait ici même M. Michel Chevalier, remonter à l’assemblée constituante pour découvrir l’origine des grandes améliorations introduites dans l’administration de la France depuis 1789; — la période actuelle, qui s’ouvre par la loi fondamentale du 21 avril 1810. En tout temps, cette législation particulière oscille autour du droit régalien, non pas du droit que Louis XIV s’attribue dans ses instructions au dauphin, lorsqu’il dit : dans l’état, tout est à moi; mais, pour en emprunter la définition au savant Héron de Villefosse, de « ce droit que se réserve l’état entier, représenté par le souverain, de disposer de la propriété souterraine comme d’une propriété publique, indépendante de la propriété privée du terrain qui la recèle, et d’en disposer pour le plus grand avantage de la société. » Telle a été, à toute époque, la base de la législation minérale en France, base plus ou moins respectée sous l’ancien régime, plus ou moins franchement avouée sous l’empire de la loi de 1791, plus ou moins timidement proclamée par la loi de 1810, mais base toujours existante de la pratique essentielle de cette branche importante du droit administratif, u Les formes de la législation ont souvent varié, disait, il y a plus de vingt ans, le regrettable M. Migneron, qui a été pendant longtemps l’une des lumières du conseil-général des mines; mais on peut, quant au fond, la résumer dans la triple attribution qu’elle conférait au prince : 1° de régler la destination de la propriété souterraine, ou, en d’autres termes, de pourvoir du privilège de l’exploiter les personnes qui pouvaient le mieux le mettre en valeur; 2° d’en surveiller l’exploitation dans ses rapports avec l’ordre public, avec la conservation du sol et avec la sûreté des ouvriers mineurs; 3° de percevoir un certain tribut sur les produits qu’en obtenait l’exploitant. »

Le plus ancien des actes souverains sur la propriété des mines qui soit aujourd’hui connu est l’ordonnance du 30 mai 1413[6], purement et simplement confirmée par Charles VII (1437), Charles VIII (1483), Louis XII (1498) et François Ier (1515). Charles VI y affirme énergiquement son droit régalien[7]; il prend tous les mineurs sous sa protection spéciale, les exempte d’impôts, leur permet de « quérir mines par tous lieux. » Mais la première phase de l’ancienne législation minérale n’est pas seulement caractérisée par l’ordonnance de Charles VI; elle comprend en outre un édit de Louis XI, infiniment plus intéressant à tous les points de vue. Cet édit (septembre 1471) est en effet, chronologiquement, le premier des actes royaux sur les mines qui ait été enregistré par les parlemens (1475), et, tel qu’il est appliqué après les modifications subies lors de cette formalité, il semble réellement contenir en germe quelques-unes des dispositions essentielles des lois de 1791 et de 1810. « On est frappé, disait justement M. Vigneron, qui a le premier fait cette observation, on est frappé de la conformité des vues d’après lesquelles certaines questions ont été décidées à deux époques séparées l’une de l’autre par un intervalle de plus de trois siècles et demi. » Cependant, bien qu’enregistré par deux parlemens (ceux de Paris et de Toulouse), et malgré une valeur réglementaire fort remarquable, l’édit de Louis XI n’en a pas moins été l’objet d’oublis singuliers : Charles VIII, Louis XII et François Ier n’y font aucune allusion. Un très ancien code des mines ne le reproduit point. Louis XI de son côté, il est vrai, ne mentionne pas les ordonnances de Charles VI et de Charles VII; il va même, en constatant le chômage des mines du royaume, jusqu’à l’attribuer au « défaut d’édits, constitutions et ordonnances convenables et nécessaires pour l’entretènement des mines. »

Louis XI voulait diminuer le dommage causé par l’infériorité dans laquelle se trouvait en France, vis-à-vis des pays voisins, l’exploitation des mines. L’un de ses moyens pour encourager cette industrie fut une exemption absolue des impôts ordinaires, durant vingt ans, pour tous ceux, étrangers ou régnicoles, qui s’adonneraient directement ou indirectement à l’art des mines. Les étrangers étaient surtout l’objet des plus grandes avances : une multitude de franchises leur étaient accordées, notamment le droit de tester et d’hériter; leur liberté était garantie, même pendant les guerres qui pouvaient s’élever entre la France et les pays où ils étaient nés, et ils pouvaient s’en retourner avec le congé du roi, après avoir prêté serment de ne rien faire de préjudiciable à lui ni au royaume. Ce règlement ne produisit pas les effets qu’on était en droit d’en attendre, et Henri II, dans des lettres du 10 octobre 1552, — où apparaît la première mention, par un acte souverain, de l’édit de Louis XI, — constate que « peu de profit et d’avancement en serait provenu. » Il convient de tenir compte aussi des longues guerres qui avaient marqué les règnes de Louis XII et de François Ier.

Avec le règne de Henri II commence la seconde phase de la législation minérale sous l’ancienne monarchie française. Jusqu’alors avait existé une liberté absolue d’exploiter les mines; pendant la seconde moitié du XVIe siècle, un privilégié obtiendra la concession temporaire de toutes les mines du royaume. Dès 1548, Henri II concède pour neuf années, en l’exemptant pendant cinq ans de tout droit de décime régal, à Jean-François de La Roque, chevalier, seigneur de Roberval, le droit de « profonder, chercher et ouvrer toutes et chacunes les mines, minières et substances terrestres, tant métalliques que autres, précieuses ou non précieuses, et de toutes autres choses qu’il pourra trouver en toutes et chacunes les terres de sondit royaume. » Roberval a le droit de prendre des associés, même étrangers, et jouit d’ailleurs, lui et les siens, de toutes les franchises accoutumées. Les régnicoles sont considérés comme ne dérogeant pas à leurs droits et privilèges de noblesse, dignités ou états, par leur immixtion dans l’exploitation des mines. Comme dans tous les historiques de cette époque d’enfance économique et industrielle, l’étranger continue à jouer un rôle important. Lorsque Roberval sollicita, en 1552, une amplification de privilèges, il fit remarquer que ceux qu’il avait obtenus étaient insuffisans pour attirer les étrangers ou leurs capitaux, et plaida la nécessité d’empêcher que les pays voisins, par l’importation de leurs richesses minérales de toute nature, ne prélevassent sur la France tout le profit que pouvait y donner la vente des marchandises. Ce raisonnement fut goûté par Henri II, qui, dans les lettres patentes déjà mentionnées, attribue à l’industrie minérale une notable influence, et y voit le moyen d’empêcher que « lesdits étrangers aient plus aucun moyen de ainsi sucer la substance de sesdits sujets, comme ils ont par ci-devant fait. »

Roberval fut en outre autorisé à ériger un marché franc sur ses mines en exploitation, ou en tout autre endroit qu’il lui serait commode, à la seule condition qu’il n’y eût pas de marché le même jour dans un rayon de trois lieues. Il pouvait prendre partout, pour les besoins de cette exploitation, les arbres qui lui convenaient, gratuitement dans les pays peu fertiles, et ailleurs moyennant une indemnité raisonnable. Si ces arbres avaient été vendus à des marchands, ils leur étaient retirés en échange du prix que ceux-ci avaient payé; il était même défendu à tous les propriétaires de bois du royaume « de construire aucune usine, ni choses semblables qui font dégât de bois, à six lieues des mines. » Enfin, — ce qui explique et justifie le nom de petit tyran donné à Roberval par l’auteur des Anciens Minéralogistes, — ce concessionnaire général reçut le pouvoir exorbitant de rendre la justice, tant au civil qu’au criminel, pour le fait desdites mines, « en s’adjoignant six hommes de justice, avocats ou conseillers, et trois mineurs notables. » L’appel des jugemens de cette sorte de conseil de prud’hommes n’était suspensif que lorsqu’ils entraînaient la mort ou la question. Roberval avait encore le pouvoir de faire des règlemens — sous l’approbation du conseil privé du roi, mais exécutoires par provision. Il avait le droit de construire maisons fortes et prisons partout où cela lui semblait nécessaire à la sûreté des personnes et des choses et à l’emprisonnement des délinquans. Tous les mineurs avaient la faculté de porter toutes armes, tant défendues que non défendues.

Ces privilèges excessifs devaient évidemment soulever de grandes résistances; ils donnèrent particulièrement lieu à une protestation des gens du roi, conçue dans ce style à formes bizarres qu’affectionnait quelquefois le parlement de Paris. Il leur sembla que « la matière était sujette à faire remontrances au roi, parce que, par icelles lettres, le roi fait ledit Roberval chef et capitaine général des mines de son royaume, pays, terres et seigneuries de son obéissance, lui baille pouvoir ubique terrarum fouiller et fait défenses à tous ses sujets d’empêcher ledit Roberval; trouvent cela de grandes conséquences, nam multi vellent se réduire à ce que l’on ne fouille point en leurs terres ou héritages pour voir s’il y a mines. » (20 juillet 1553; mane.)[8].

Les trois fils de Henri II maintinrent le système de leur père. En 1560, François II transporta à Claude de Grippon de Guillien, écuyer, seigneur de Saint-Julien, tous les privilèges précédemment concédés à Roberval, en constatant que l’exploitation des mines n’avait fait aucun progrès, mais en n’attribuant qu’aux guerres cette fâcheuse torpeur. En 1561, Charles IX confirma Saint-Julien dans ces mêmes privilèges; puis il les transporta, en 1568, à Antoine Vidal, seigneur de Bellesaigues, receveur général des finances à Rouen, qui fut maintenu en possession par Henri III. En définitive, ce système de concession générale ne porta aucun fruit. Henri II et ses successeurs n’avaient emprunté à Louis XI son idée d’un grand-maître des mines que pour la dénaturer. Louis XI avait voulu visiblement instituer un fonctionnaire supérieur, dans le sens moderne du mot, et lui donner, indépendamment d’attributions à la fois judiciaires et fiscales, finalement très complexes, un rôle technique et administratif fort remarquable pour l’époque. Henri II et ses fils, malgré le titre de grand-maître, gouverneur-général et surintendant des mines et minières de France, qu’ils laissèrent prendre à Roberval, Saint-Julien et Bellesaigues, n’eurent toujours qu’un fermier.

Du reste, telle était la confusion qui régnait alors dans toutes les branches de l’administration française, que, pendant la plus grande partie de la seconde phase de l’ancienne législation, il y eut un véritable parallélisme entre deux séries de concessionnaires généraux. J’ai montré Roberval, Saint-Julien et Bellesaigues se succédant régulièrement. En 1562, Charles IX, — qui, six années plus tard, ne fera aucune allusion à cette provision anticipée d’un office dont il pourvoit Bellesaigues, — prenant en considération l’expérience minéralogique d’Etienne de Lescot, capitaine de marine, lui concède, pour en jouir après l’expiration de la concession de Saint-Julien et aux mêmes conditions, le droit de mettre en œuvre toutes les mines et minières du royaume. En 1577, Henri III continue ce droit à Lescot et le transporte, au bout de trois ans, à Antoine Collonges, marchand lyonnais, son associé; enfin il maintient, en 1588, François de Troyes, seigneur de la Féraudière, contrôleur-général des traites domaniales, comme successeur de Lescot, dans la charge de général et superintendant des mines et minières de France; Henri III ne parle pas plus désormais de Roberval, Saint-Julien et Bellesaigues qu’il ne prononce, en 1574, le nom de Lescot. « L’ambition, l’avarice et l’intrigue des courtisans, dit l’auteur des Anciens Minéralogistes, étaient la cause secrète de tant de changemens dans les chefs des mines. »

La transition naturelle entre la deuxième et la troisième des phases qui divisent la période la plus ancienne de l’histoire de la législation souterraine est marquée par un premier édit de Henri IV (janvier 1597), document peu connu et qui ne mérite pas de l’être. C’est le célèbre édit de juin 1601 qui fixe la part spéciale du règne de Henri IV dans l’histoire de la propriété souterraine. Cet acte, qui confirmait naturellement les ordonnances antérieures, particulièrement en ce qui concerne les privilèges accordés de tout temps aux mineurs, régnicoles ou étrangers, est caractérisé par deux faits importans : une suppression de l’impôt régalien, à titre d’encouragement, pour certaines substances minérales à l’égard de quelques-unes desquelles il n’a jamais été rétabli, — puis la création d’une administration publique agissant sur l’aménagement des mines, faisant les règlemens qui lui semblaient utiles, et s’occupant en outre activement de la perception du droit de dixième, sur les fonds duquel les officiers des mines recevaient des gages fixes et des frais de tournées. Ce premier règlement fut complété, en 1604, par un arrêt du conseil, où, à côté de prescriptions de police souterraine qui ont été maintenues dans la législation actuelle, à côté de garanties de propriété empreintes de l’esprit moderne, on est étonné de trouver une mesure aussi barbare que celle-ci : « Et pour ce qu’aucuns des ouvriers... sont coutumiers d’user de blasphèmes et s’adonnent souvent à jeux illicites, dont sortent débats et querelles entre eux, afin de les en détourner par la crainte du châtiment, seront, es lieux où lesdits ouvriers travaillent, mis des carcans, estrapades et autres représentations patibulaires de justice, et par effet les délinquans punis à la rigueur des ordonnances et jugement du grand-maître et superintendant général desdites mines….. » Par compensation, le trentième du produit net de chaque mine devait être versé dans une caisse spéciale « pour l’entretènement d’un ou deux prêtres, selon qu’il en sera besoin, tant pour dire la messe à l’heure qui sera réglée tous les dimanches et jours de fête sur semaine, administrer les sacremens, que pour l’entretènement d’un chirurgien et achat de médicamens, afin que les pauvres blessés soient secourus gratuitement, et, par cet exemple de charité, les autres plus encouragés au travail desdites mines. » Louis XV abrogea le tout en 1739, mais la partie matérielle de la mesure a été reprise dans le décret organique sur la police souterraine (1813), dont deux articles obligent les exploitans à entretenir sur leurs établissemens, outre des chirurgiens attachés à la mine, des dépôts de médicamens, ainsi que des moyens de secours.

Je ne dois pas quitter le règne de Henri IV sans dire un mot d’un incident qui ne me semble pas moins intéressant pour l’histoire générale que pour le sujet qui m’occupe, en ce qu’il constitue une page extrêmement curieuse, d’ailleurs entièrement inédite, de l’historique des relations des rois de France avec le parlement de Paris. Je veux parler de la formalité d’enregistrement de l’édit de 1601, laquelle donna lieu, durant plus d’une année, à une lutte des plus vives, où, à huit lettres de jussion, le parlement répondait presque invariablement en arrêtant qu’il « persistait es délibérations précédentes. » Le point principal du débat portait sur la juridiction civile et criminelle attribuée aux officiers des mines, que le parlement ne voulait pas concèder, surtout en ce qui concernait les propriétaires du sol. La septième lettre de jussion montre Henri IV fatigué de cette résistance. « Nous voulons et mandons, dit-il, que, sans vous arrêter à vos premiers refus ni vous remettre à nous faire sur ce aucunes remontrances, vous ayez à vérifier ledit édit purement et simplement, selon sa forme et teneur… Nous n’entendons plus qu’il s’y rencontre aucune difficulté. » Le parlement de Paris voulait que l’édit fût refait et que le roi y introduisit une modification de détail à laquelle il avait consenti. Cette fois Henri IV n’y tint plus ; je me bornerai à transcrire la fin de sa dernière lettre[9], où l’appréciation royale du rôle des parlemens est réellement curieuse. « Ce n’est pas chose nouvelle que les vérifications de nos édits soient différentes en modifications et restrictions, selon la différence de nos provinces : ains cela se voit tous les jours ; mais c’est chose maudite et contre notre dignité de faire nos édits dissemblables et de les réformer pour les accommoder à votre vérification, même ayant déjà été lus, publiés et enregistrés autrement, partout ailleurs où il a été besoin. Vous suivrez donc cette notre volonté, sans introduire une nouvelle forme que ne voulons être regardée en cestuy notre édit, et mettrez, cette fois pour toutes, une fin à tant de longueurs que vous y avez apportées jusques à cette heure, levant toutes autres modifications que celles contenues en nosdites dernières lettres patentes de jussion. Si n’y faites faute, car tel est notre plaisir. » Il y avait cependant encore loin de ce langage sévère à celui que, cinquante ans plus tard, Louis XIV devait tenir au parlement dans le mémorable lit de justice qui termina la fronde, et où il défendit à cette cour de se mêler des affaires de l’état. Le parlement enregistra enfin l’édit de 1601, en mentionnant qu’il le faisait du très exprès commandement du roi, réitéré par plusieurs lettres de jussion, et constata sa victoire partielle en insérant dans l’arrêt que l’appel serait suspensif de l’exécution des jugemens rendus contre les propriétaires à l’occasion des mines. Puis, avec cet esprit de suite qui lui était propre, l’illustre compagnie, chaque fois qu’elle enregistrait un acte du souverain en conséquence de l’édit de 1601, ne manquait jamais de renvoyer à son arrêt du 31 juillet 1603.

Pendant tout le XVIIe siècle et durant le premier quart du XVIIIe, on ne rencontre dans le domaine de la législation souterraine en général que des documens relatifs au personnel de l’administration des mines. En 1722, on voit reparaître le système d’une concession absolue de toutes les mines métalliques du royaume, faite pour trente années, non plus à un seul individu, mais à une compagnie royale établie sous le nom de Pierre Galabin, sieur du Joncquier, et placée sous la dépendance du duc de Bourbon, investi en 1717 de la charge de grand-maître et surintendant des mines et minières de France, — charge qui s’éteignit avec lui en 1740. Cette compagnie, indépendamment des privilèges habituels, avait le droit de prendre dans les magasins du roi, pour le tirage des rochers, une quantité annuelle de 10,000 livres de poudre au prix de revient, et de faire fabriquer à son profit, dans les monnaies de Pau et de Bayonne, pour 3,000,000 de marcs de sols de cuivre et 400,000 marcs de sols de billon avec les matières par elle extraites. D’autres mines pouvaient d’ailleurs exister en même temps que celles de la compagnie, pourvu qu’elles en fussent éloignées de six lieues; la compagnie Galabin n’eut aucun succès, et en 1731 un arrêt du conseil révoqua le don du dixième domanial qui lui avait été octroyé, tout en restreignant sa concession à l’étendue des quatre provinces du Béarn, de la Basse-Navarre, du Languedoc et du Roussillon.


II. — PÉRIODE DE TRANSITION (1791-1810). — LÉGISLATION ACTUELLE DES MINES.

Ce fut Louis XVI qui le premier parvint à mettre un peu d’ordre et de régularité dans les exploitations minérales. Avant ce malheureux roi, auquel il ne manqua que la force de faire le bien, le crédit, la faveur, l’intrigue faisaient, comme l’a remarqué Regnaud de Saint-Jean-d’Angely en 1810, révoquer et obtenir les mêmes concessions, et les mines étaient devenues la proie des courtisans, foulant également aux pieds les droits du propriétaire de la surface et ceux des inventeurs.

Les mines ne pouvaient être oubliées à cette époque de rénovation sociale qui précéda la révolution de 1789. On sentait que, plus que toute autre propriété, elles avaient besoin d’une législation invariable. Les cahiers envoyés aux états-généraux par les provinces dont le sol recelait des richesses minérales contenaient des plaintes multipliées sur l’ancien régime de la propriété souterraine. L’assemblée nationale, ayant reçu des adresses à ce sujet, se fit présenter, par l’organe de Regnauld d’Épercy, député du Jura, un projet de décret sur la législation minérale. La question fondamentale de la propriété des mines fut naturellement très controversée; on sait quels ont été les systèmes en présence, et je n’ai plus à y revenir. Le rapporteur examina, dans un long et beau travail, les bases que devait adopter la législature relativement à la propriété souterraine, et conclut à ce qu’on la plaçât au rang des propriétés publiques. Les partisans de la propriété privée se défendirent avec passion et firent appel à tous les sentimens de l’assemblée. « Depuis la publication de ce rapport funeste, disait un orateur en parlant de l’exposé des motifs, les pères, les femmes et les enfans, désolés et inquiets, ne se rassurent que sur la déclaration des droits et votre justice. Toutes les villes, tous leurs habitans, tous les districts et le département. en corps vous implorent, et on vous a laissé ignorer et leurs alarmes, et leurs motifs, et leurs droits... » Heurtault-Lamerville vint faire vibrer les mêmes cordes : « Des mémoires très exacts remis au comité attestent, s’écriait-il, que les opérations des mineurs en général sont des attentats journaliers à la liberté, à la tranquillité, à la propriété; je ne les détaillerai point. Je ne veux pas intéresser votre cœur pour entraîner votre jugement, mais vous concevez le parti que je pourrais tirer de ce tableau. » Des argumens plus sérieux contre le système de la propriété publique, dans lequel le député du Cher voyait, par une comparaison prise dans l’objet même, le combat du fer contre l’argile, remplissaient aussi ce discours intéressant, qui fut imprimé par ordre de l’assemblée. Ce mouvement, à la tête duquel s’étaient naturellement mis, excités par leur intérêt personnel, les propriétaires du Forez et du Languedoc, ne devait pas être couronné de succès, par suite du concours puissant que le plus grand des orateurs de l’assemblée vint prêter aux partisans de la propriété nationale dans un discours resté célèbre.

Le début de Mirabeau est bien tel qu’on était en droit de l’attendre de l’énergique tribun de la révolution française. Heurtault-Lamerville avait supposé par erreur, dans une des séances précédentes, que l’opinion dangereuse de Turgot serait « soutenue par cet orateur, qui employait habituellement les deux grands moyens de la parole, l’éloquence et l’à-propos. » — « Dans cette occasion comme dans tant d’autres, dit Mirabeau, on me fait l’insidieux honneur de faire circuler dans l’assemblée mon prétendu avis; je déclare qu’en effet plusieurs personnes connaissent mon résultat, mais que nul ne connaît mon avis. Maintenant je demande attention et table rase absolument, car personne ne sait ce que je vais dire. » Puis, dans un discours plein de force et de raison, dont l’assemblée enthousiaste vota l’impression au milieu des applaudissemens, il discuta avec un admirable bon sens pratique les trois systèmes de propriété souterraine dont j’ai indiqué l’existence. S’attaquant surtout au système de la libre exploitation des mines par les propriétaires du sol, le seul qui avait eu, avec celui de la propriété publique, des défenseurs dans les rangs de l’assemblée, il prononça ces paroles mémorables : « Je dis que la société n’a fait une propriété du sol qu’à la charge de la culture, et sous ce rapport le sol ne s’entend que de la surface. Je dis que, dans la formation de la société, on n’a pu regarder comme propriété que les objets dont la société pouvait alors garantir la conservation; je dis que, si l’intérêt commun et la justice sont les deux fondemens de la propriété, l’intérêt commun ni l’équité n’exigent pas que les mines soient des accessoires de la surface; je dis que l’intérieur de la terre n’est pas susceptible d’un partage, que les mines par leur marche irrégulière le sont encore moins; que, quant à la surface, l’intérêt de la société est que les propriétés soient divisées; que, dans l’intérieur de la terre, il faudrait au contraire les réunir, et qu’ainsi la législation qui admettrait deux sortes de propriétés comme accessoires l’une de l’autre, et dont l’une serait inutile par cela seul qu’elle aurait l’autre pour base et pour mesure, serait absurde. » Mirabeau termina son discours par un projet de décret qui, après avoir subi quelques amendemens, devint la loi du 28 juillet 1791. Il ne devait pas lui être donné de jouir de ce triomphe : il parla encore dans la séance du 27 mars; on sait qu’il mourut le 2 avril[10].

La loi du 28 juillet 1791, qui ne devait précéder que de dix-neuf ans la loi actuellement en vigueur, ne fut, à proprement parler, malgré les discussions solennelles au milieu desquelles elle avait été enfantée, qu’une sorte de transaction mal définie entre deux systèmes contraires. Elle abondait en incohérences : ainsi, après avoir mis les mines à la disposition de la nation, elle accordait une préférence aux propriétaires du sol, — qui jouissaient en outre de celles situées à 100 pieds de profondeur, faute grave, dont les conséquences désastreuses pèsent encore aujourd’hui sur les exploitations ouvertes à cette époque. Cette préférence même n’était accordée qu’à la condition que le terrain du propriétaire de la superficie, seul ou réuni avec les terrains de ses associés, fût d’une étendue propre à former une exploitation. La loi de 1791 semblait proclamer le principe d’indemnité aux propriétaires du sol dans le cas où ils ne jouissaient pas de ce prétendu droit de préférence; puis elle expliquait qu’il ne s’agissait que des non-jouissances et dégâts occasionnés dans les propriétés par les travaux de mines. Elle était finalement si peu claire, que cinq ans plus tard, dans le conseil des cinq-cents, on disait que la constituante avait reconnu que les mines étaient des propriétés privées et individuelles! Enfin la loi commettait cette autre faute de limiter à cinquante ans au maximum la durée d’une concession qui exige avant tout des vues d’avenir.

En 1801, Chaptal, alors ministre de l’intérieur, publia, sous prétexte d’interprétation, une instruction détaillée où, par des prescriptions réglementaires dont l’expérience avait démontré la nécessité, il refit autant que possible la loi de 1791. L’imperfection de ce régime ne put cependant être qu’atténuée, et les inconvéniens, toujours renaissans, qui en étaient la conséquence inévitable, faisaient vivement désirer par tous un remaniement complet. Cet état de choses ne pouvait échapper au génie pénétrant de Napoléon Ier, qui accorda une attention toute particulière à la propriété souterraine dans la promulgation même du code civil, — grand fait historique qui se place entre les deux dates des lois de 1791 et de 1810. L’article 552 proclamait que la propriété du dessus emportait la propriété du dessous, mais il réservait, comme une pierre d’attente, la question des « modifications résultant des lois et règlemens relatifs aux mines. » Ce membre de phrase devait peser outre mesure sur la longue et laborieuse discussion qui précéda au conseil d’état la loi du 21 avril 1810. L’empereur, qui voulut présider lui-même la plupart des nombreuses séances remplies par cette discussion et y prit fréquemment la parole, ne pensa point un instant à attribuer absolument les mines au propriétaire du sol : son respect pour la propriété privée ne pouvait aller jusqu’à lui faire adopter un principe dont il entrevoyait les conséquences fâcheuses, et son esprit éminemment pratique avait immédiatement remarqué que la nature spéciale de la propriété minérale ne permettait pas une application pure et simple de toutes les règles du code civil. Cependant il ne voulait pas qu’il fût écrit dans la loi que les mines étaient des propriétés publiques, parce que c’eut été, disait-il, violer l’article 552 et non le modifier. Il désirait à la fois reconnaître formellement les droits du propriétaire du sol, et tenir compte de la différence radicale qui existe entre le fonds superficiel, qui ne s’use pas, et le tréfonds minéral, qui n’est complètement utilisé qu’à la condition d’une destruction totale.

Au commencement de 1806, le ministre de l’intérieur présenta, par ordre de l’empereur, un projet de loi sur cette matière au conseil d’état; mais Fourcroy, qui en fut le rapporteur, ayant dit que les mines étaient à la disposition de la nation, ce projet fut renvoyé à la section pour recevoir une nouvelle rédaction, dont les bases furent posées par Napoléon lui-même. La discussion ne fut reprise qu’à la fin de 1808, le conquérant législateur ayant eu dans l’intervalle à gagner les batailles d’Iéna, d’Eylau, de Friedland, et aussi à consommer la ruine de la monarchie espagnole, ce premier germe fatal de la décadence de l’empire. Fourcroy lut alors un second projet de loi, reposant sur ce principe que la propriété des mines n’appartient à personne par sa nature et sa disposition, mais que la jouissance doit en être concédée par le gouvernement. Napoléon n’admit pas cette combinaison, et formula ainsi son opinion, qui allait devenir à peu près le système définitif de la loi nouvelle : « Il faut d’abord poser clairement le principe que la mine fait partie de la propriété de la surface. On ajoutera cependant qu’elle ne peut être exploitée qu’en vertu d’un acte du souverain. La découverte d’une mine crée une propriété nouvelle. » Cet acte devait régler et l’exploitation et les droits du propriétaire de la surface. Les événemens militaires de cette époque interrompirent encore une fois la discussion, qui, reprise le 4 avril 1809 et toujours continuée depuis lors, ne comprit pas moins de huit rédactions successives; il en résulta même à la fin une telle lassitude pour le conseil d’état, que la loi est restée avec plusieurs incorrections de forme, dont quelques-unes sont malheureusement une source de chicanes administratives et judiciaires.

M. Stanislas de Girardin, le filleul du roi de Pologne et l’élève du philosophe de Genève, fut le rapporteur de la loi au corps législatif: son discours laisse percer le désir qu’avait eu l’assemblée de voir dans la loi une déclaration bien précise sur la nature de la propriété souterraine. « L’opinion de la commission est, dit-il, que la propriété des mines doit être à l’état. Elle présume que le projet l’eût dit nettement, s’il eût précédé le code civil. » En effet, mieux inspiré en cela que le législateur de 1791, qui avait posé le principe et ne l’avait finalement point respecté, le législateur de 1810 n’a pas voulu donner de définition. Je me hâte d’ajouter que, s’il eût défini la propriété souterraine, il n’eût pas procédé autrement qu’il ne l’a fait, et que, si le lecteur de la loi de 1810 tient absolument à sortir de cette incertitude calculée dont je viens de dire le motif réel, il doit de toute nécessité y lire partout que les mines sont des propriétés publiques. Si on l’aime mieux, le problème intéressant de la propriété minérale a été résolu en 1810 dans le sens d’une propriété distincte, dont la libre disposition est laissée au souverain comme objet d’utilité générale, et on retrouve alors l’expression la plus haute et la plus réelle de la doctrine du droit régalien, suivie en cette matière dans les temps anciens et modernes. L’acte de concession, qui est la clé de voûte du système de la loi actuellement en vigueur, fait la part à chacune des personnalités qui se trouvent en présence : l’état a le pouvoir de statuer entre tous les concurrens, sans préférence pour l’inventeur (auquel, en cas de refus, une indemnité est assurée), ni pour le propriétaire du sol, dont les droits sont réglés ainsi que je le dirai tout à l’heure. Quant aux dispositions complémentaires, quelques détails les feront pleinement ressortir.

Les mines sont caractérisées par ce fait qu’elles ne peuvent être exploitées qu’en vertu d’un décret impérial rendu en conseil d’état, qui en concède la propriété perpétuelle. Le mérite de cette idée neuve et féconde de perpétuité, qui ne se trouvait pas dans les législations antérieures, où toutes les concessions étaient temporaires, revient exclusivement à l’empereur Napoléon, qui le premier sut en entrevoir les conséquences avantageuses. Les mines rentrent maintenant dans les mêmes conditions que tous les autres biens, sauf trois exceptions qu’il est indispensable de faire connaître.

La première est posée par la loi même, aux termes de laquelle une mine ne peut être vendue par lots ou partagée sans une autorisation accordée dans les mêmes formes que la concession. Il n’est pas besoin d’insister sur le but que le législateur s’est proposé en introduisant cette restriction fondamentale, qui empêche un morcellement contraire au bon aménagement des gîtes et à la conservation des richesses minérales. Après de longues hésitations, — dont on est en droit de s’étonner, — la cour de cassation a fini par étendre à l’amodiation d’une mine le principe salutaire dont je parle en ce moment. Trop esclave de la lettre et trop peu préoccupée de l’esprit de la loi, la cour suprême, dans une première phase de sa jurisprudence, avait cru devoir soutenir que le législateur n’avait parlé que de la vente et non du louage, comme si, alors qu’il est question de choses que l’usage détruit sans retour, la vente pouvait être distinguée du louage. En 1838, une loi fort importante est d’ailleurs venue assurer expressément cette unité de concession, dont les principes généraux de la propriété souterraine démontrent surabondamment la nécessité.

A cette dernière loi se rattache aussi la seconde exception. Relative surtout à l’assèchement des mines atteintes ou menacées d’une inondation commune pouvant faire naître des craintes sérieuses, la loi de 1838 a donné le retrait, prononcé administrativement, pour sanction aux mesures d’intérêt public qu’elle prescrit en pareille circonstance, et l’a également autorisé dans d’autres cas, notamment lorsqu’une exploitation est restreinte ou suspendue de manière à inquiéter la sûreté publique ou les besoins des consommateurs.

La troisième exception enfin a été introduite, vers la fin de 1852, à la suite d’un gigantesque projet d’association entre des compagnies de mines de houille appartenant à des bassins éloignés : un décret du président de la république, tranchant définitivement des difficultés trop longtemps restées sans solution, est venu interdire toute réunion de concessions de même nature sans l’autorisation du gouvernement.

Il est regrettable qu’une quatrième exception n’ait point également été apportée à la généralité du principe proclamé, par la loi de 1810, relativement à la propriété souterraine. L’arrêt du conseil de 1604 ne voulait pas que les exploitans de mines u pussent vendre ni échanger leurs parts qu’ils n’en eussent préalablement averti le grand-maître ou ses lieutenans, et fait enregistrer leurs ventes ou échanges au greffe desdites mines, afin d’y avoir recours quand il en serait besoin. » Cette prescription avait été maintenue implicitement dans la déclaration de 1762, concernant les privilèges en fait de commerce, déclaration qui exigeait en outre une autorisation. Sous la législation de 1791, un arrêté du directoire exécutif avait, en l’an VI prescrit de soumettre à son approbation tous les actes translatifs de l’exercice des droits accordés par les concessions de mines; mais, un mois après la promulgation de la loi de 1810, un décret impérial constatait très explicitement qu’un concessionnaire pouvait disposer de sa mine sans autorisation et mettait ainsi hors de doute l’abrogation expresse de l’arrêté de l’an VI sauf en ce qui concerne la vente par lots et le partage. En songeant à toute la peine que se donne le gouvernement pour instituer la propriété minérale[11], on est en droit de s’étonner que le législateur n’ait pas imposé au moins quelque restriction de transfert. Quoi qu’il en soit, la seule obligation prescrite en pareil cas, et elle ne date que de 1842, consiste, pour le propriétaire nouveau, à faire une déclaration de domicile à l’administration.

J’ajouterai, pour terminer ce que j’ai à dire du régime particulier auquel est soumise la propriété d’une mine, qu’aucune modification ne peut y être apportée que dans les formes mêmes de l’institution. Un concessionnaire ne peut augmenter ou restreindre sa concession; il ne peut ni la diviser, ni l’abandonner sans avoir rempli les formalités exigées pour l’institution même de cette concession.

Une conséquence naturelle de l’importance qui, de tout temps, a été attribuée en France à l’exploitation des substances minérales était que cette exploitation fut facilitée autant que possible. Louis XI, allant encore ici plus loin que Charles VI, en prescrivait la recherche, obligeait ceux qui connaissaient l’existence de mines dans leurs terrains à venir les révéler, et en exigeait même-la mise en exploitation dans un délai de trois mois. Henri IV encouragea également de tout son pouvoir les recherches de mines. Bientôt on n’eut plus besoin que de les régulariser. La loi de 1791 ne les prévoyait pas; mais l’usage avait institué des permissions provisoires, accordées d’abord par les intendans des provinces, puis par le ministre, à la condition cependant que les travaux ne fussent entrepris qu’avec l’autorisation du propriétaire du sol. Le législateur de 1810 a été plus hardi : le propriétaire a la faculté, sans aucune formalité, d’explorer son terrain ou de céder son droit à un tiers; mais, s’il refuse son consentement ou le subordonne à des conditions inadmissibles, le gouvernement a le pouvoir de conférer ce droit à un explorateur : il n’en use que lorsqu’il croit y voir un intérêt public, mais il est maître absolu. Ce pouvoir, qui pourra paraître exorbitant à quelques-uns, est une conséquence forcée des recherches sérieuses que l’administration exige avant d’instruire une demande en concession; elle veut en effet des travaux de nature à prouver la présence, dans le périmètre sollicité, d’une substance minérale utilement exploitable, ce qu’il ne faut pas confondre, bien entendu, avec la preuve d’une exploitation profitable, — question que le gouvernement ne peut pas plus qu’un autre juger par avance.

La propriété nouvelle ainsi instituée jouit alors de droits spéciaux. Nul ne peut évidemment y venir faire la recherche des substances qui ont été concédées; quant aux autres, l’administration intervient pour empêcher que les explorations qui en seraient faites ne puissent causer quelque préjudice au concessionnaire. Le droit le plus important, et d’ailleurs en quelque sorte indispensable, conféré à ce concessionnaire, c’est de pouvoir occuper les terrains nécessaires à l’exploitation des mines, non-seulement pour creuser des puits et percer des galeries, mais encore pour construire ses machines d’extraction et d’épuisement, ses bâtimens, et enfin même pour établir les chemins dont il a besoin pour ses charrois. La question proprement dite d’occupation du sol est naturellement dans les attributions de l’autorité administrative, seule juge de l’utilité d’imposer une telle servitude aux propriétaires superficiels et de l’emplacement choisi par le concessionnaire; l’autorité judiciaire n’est appelée qu’à régler la question d’indemnité, exceptionnellement doublée en faveur du propriétaire superficiel.

En général, c’est à l’administration seule qu’est soumise, au nom de l’intérêt public, la surveillance des travaux de mines; mais, en vertu du principe fondamental de la séparation des pouvoirs, jamais son action ne peut faire obstacle à ce que les questions d’intérêt privé, que ces travaux viendraient à soulever, soient tranchées par les tribunaux. La cour de cassation n’admet pas que le concessionnaire soit affranchi vis-à-vis du propriétaire des conséquences souvent inévitables de ses travaux, alors même qu’ils sont faits suivant toutes les règles de l’art. Elle n’admet pas davantage que le propriétaire de la surface ait le droit d’exécuter des travaux nuisibles à une exploitation de mines. Cette saine jurisprudence a pour résultat de maintenir la balance entre deux propriétés qui ont finalement les mêmes droits, comme entre les obligations, un peu compliquées parfois, que leur créent la coexistence et la superposition qui constituent ce voisinage d’un ordre particulier.

Le propriétaire du sol est en outre protégé par la loi d’une façon toute spéciale, en ce qu’elle interdit de « faire des fouilles, des travaux ou établissemens d’exploitation, sans le consentement formel du propriétaire, dans ses enclos murés, cours ou habitations, et dans ses terrains attenant aux dites habitations ou clôtures murées dans un rayon de cent mètres... » — « Le respect pour le domicile du citoyen, disait M. Stanislas de Girardin, commandait cette restriction. » Empruntée en quelque sorte à l’une des plus importantes modifications apportées par les parlemens à l’édit de Louis XI, si l’on tient compte toutefois de la différence qui existe entre la France du XIXe siècle et celle du XVe cette discrétion a été maintenue par la loi de 1791, qui fixait à deux cents toises une distance déjà si exorbitante. Un dissentiment profond et de vieille date existe d’ailleurs entre un grand nombre de tribunaux et la cour de cassation au sujet du sens qu’il faut donner à cette prohibition : les premiers veulent qu’elle ne soit applicable que lorsque le propriétaire du bien protégé est en même temps propriétaire du rayon de cent mètres où s’étend la protection; la cour suprême admet qu’elle est établie pour tous les cas, et cette jurisprudence, qu’elle a maintenue récemment par un arrêt solennel, paraît fondée, mais seulement en vertu de l’axiome juridique : dura lex, sed lex.

Le concessionnaire a aussi, comme tout propriétaire, des voisins dans le sens horizontal : ce sont les concessionnaires limitrophes. Les principes qui régissent ce voisinage ont nécessairement été posés par la loi même, qui veut, par exemple, que, si un exploitant se trouve rendre à un autre le service d’absorber ses eaux, ce service soit payé par celui qui en profite. En outre, la loi de 1838, déjà mentionnée, qui est intervenue à l’occasion d’un fait particulier, l’inondation souterraine des houillères du bassin de Rive-de-Gier, a disposé pour tous les cas de même nature : elle a donné au gouvernement le pouvoir d’organiser un système complet de protection contre l’envahissement si redoutable des groupes de mines par les eaux.

Il est enfin un troisième ordre de voisins qui mérite aujourd’hui une attention sérieuse, je veux parler des chemins de fer, dont, à un moment donné, l’antagonisme avec les mines pourrait offrir plus d’un danger, La question s’était présentée, dès l’origine de ces voies nouvelles, au sujet du chemin de Saint-Étienne à Lyon[12], qui se déroule, dans le département de la Loire, sur un terrain percé de tous côtés par les exploitations minérales. Le débat s’était engagé à propos d’un tunnel traversant le monticule du Couzon ; porté successivement devant toutes les juridictions administratives et judiciaires, par suite de l’acharnement que les deux concessionnaires mettaient à défendre leurs prétentions réciproques, ce débat a duré plus de dix années ; il a été finalement tranché dans le sens équitable d’une indemnité payée par la compagnie du chemin de fer, dont la concession était postérieure à celle de la houillère, au concessionnaire de la mine, à raison de l’interdiction d’exploitation qui lui avait été faite en faveur du chemin de fer. Maintenant le gouvernement se réserve, dans les cahiers des charges de toutes les concessions de chemins de fer et de mines, le soin d’empêcher que l’une des propriétés ne porte atteinte à l’autre. Il prévoit également le cas où des travaux de mines doivent s’étendre dans le voisinage d’un canal, d’un bassin, d’un cours d’eau ou d’une route ordinaire, sous une ville, sous des habitations ou des édifices.

Indépendamment de leurs droits et de leurs devoirs, les concessionnaires de mines ont encore des charges pécuniaires que je ne puis passer sous silence : l’une, bien souvent illusoire, vis-à-vis du propriétaire du sol ; l’autre envers l’état, que par habitude de contribuable ils affectent toujours de trouver lourde.

L’ordonnance de Charles VI est très obscure à l’égard du droit qui pouvait, au XVe siècle, être reconnu sur les mines au propriétaire du sol, et il en est de même de l’édit de Louis XI ; mais, si ce point doit rester dans le doute pour la première des périodes que j’ai considérées sous l’ancienne monarchie, le langage de Henri II, — qu’on retrouve dans la totalité des actes de la seconde, — ne permet aucune hésitation relativement au régime qu’il voulait inaugurer pour les tréfonciers. Lorsqu’il stipule que Roberval pourrait prendre, partout où bon lui semblerait, les terrains dont il aurait besoin, « en les payant raisonnablement aux propriétaires, ou le dommage et intérêt qui leur serait fait pour le regard de la valeur desdites terres seulement, et non des mines y étant, » il prouve ce fait, important dans l’histoire de la propriété souterraine, que les propriétaires du sol n’étaient pas considérés comme propriétaires du gite minéral que pouvait receler le tréfonds. Aucun acte de la troisième période ne vient infirmer cette proposition. — De 1791 à 1810, la préférence plus ou moins douteuse qui était reconnue au propriétaire du sol par la loi fondamentale était, je l’ai dit, une solution déplorable du problème.

Depuis 1810, c’est l’acte de concession qui règle, dans une forme incommutable, les droits à payer par les concessionnaires aux propriétaires de la surface. Jusqu’en 1842, le gouvernement était lié par les conventions que les parties avaient pu faire; maintenant il peut ne pas même les prendre en considération : s’il ne croit point devoir les maintenir, elles sont par cela même nulles et non avenues, comme le rappelle expressément le décret de concession. Les deux articles de la loi de 1810 qui s’occupent de la redevance tréfoncière laissent subsister un vague regrettable, et il n’y a pas de système général à cet égard. Tantôt, et c’est le cas le plus ordinaire, la redevance consiste en une rente annuelle par hectare, parfois si modique que le propriétaire déçu ne se donne pas la peine de la réclamer. Tantôt elle est une redevance proportionnelle aux produits de l’extraction, dont jouissent les propriétaires des terrains sous lesquels l’exploitation s’opère : tel est le mode usité notamment dans les bassins houillers de la Loire, où le respect des droits acquis par les propriétaires du sol a fait adopter des bases qui font de ce droit le dixième de l’extraction. Tantôt enfin les deux systèmes sont combinés. Il est certain que la pensée du législateur a été que cette redevance fût infime et ne servît en quelque sorte qu’à sauvegarder le principe du respect dû à la propriété privée; je n’en voudrais pour preuve que les concessions données depuis la promulgation de la loi de 1810 jusqu’à la restauration, qui fixent pour la plupart à une rente annuelle de 0 fr. 10 cent, par hectare ce dédommagement accordé au propriétaire du sol. Cela n’a point empêché des concessionnaires de venir sérieusement soutenir, devant la justice, que la redevance tréfoncière avait pour but de les exonérer de tous les dommages qu’ils pourraient causer à la propriété superficielle. En Belgique, où la législation de 1810 n’a pas cessé d’être en vigueur, à quelques modifications près, une loi de 1837 a beaucoup mieux réglé la matière, en imitant le mode d’impôt perçu sur les mines par l’état; cette loi attribue au propriétaire du sol une redevance fixe, qui ne peut être moindre de 0 fr. 25 cent, par hectare, puis une redevance proportionnelle, s’élevant de 1 à 3 pour 100 du produit net des mines, tel qu’il est admis par l’état, et ayant également pour base l’étendue superficielle.

On a vu déjà que l’une des trois attributions que comprenait le droit régalien, celle même à laquelle s’est trop longtemps réduite la manifestation extérieure de ce droit, était l’impôt du dixième du produit des mines. La nature, l’arbitraire et la difficulté de la perception se trouvent très clairement caractérisés par plusieurs documens de la première période. On se rappelle l’abandon fait par Henri IV de son droit pour un certain nombre de substances; à l’égard des autres, les exemptions devinrent continuelles. Louis XV, qu’on a vu plus haut donner et reprendre ce droit à la compagnie Galabin, avait fini par le modérer au quarantième dans un édit de 1739. Bref, Jars, dans ses Voyages métallurgiques, pouvait dire, en 1769 : « Quoiqu’il y ait eu plusieurs remises de ce droit, qui ne se perçoit pas, il paraît juste de le conserver. »

Tel était l’état des choses lorsqu’éclata la révolution de 1789. La loi de 1791, par une condescendance manifeste pour les idées de l’époque, garda le silence à l’endroit de l’impôt des mines, et ce fut seulement en 1802 qu’on le vit reparaître à l’horizon. Jusque-là, aux termes des lois de 1790 et de l’an vu sur la contribution foncière, les mines ne furent évaluées qu’à raison de la superficie du terrain occupé par l’exploitation et sur le pied des terrains environnans. Les nouveaux concessionnaires furent ensuite imposés. Jusqu’à la promulgation de la loi de 1810, d’après des bases que fixait le gouvernement.

Maintenant le concessionnaire de mines est assujetti à un impôt spécial qui l’exempte de la patente; cet impôt est double : — il se compose d’une redevance fixe annuelle de 10 francs par kilomètre carré, dont il ne peut s’affranchir que le jour où il renonce à sa concession; il la doit alors même que ses travaux seraient suspendus par des événemens de force majeure. Le législateur de 1810 voulait absolument voir dans cet impôt une garantie contre les demandes de concessions trop étendues; mais je n’ai pas besoin de faire remarquer combien il est difficile de supposer qu’un exploitant puisse être arrêté par une pareille considération. — La seconde partie de l’impôt des mines, également contribution annuelle, s’appelle redevance proportionnelle. Imposée et perçue comme la contribution foncière, elle s’élève au vingtième du produit net; le concessionnaire peut à volonté la faire régler chaque année ou demander un abonnement. L’assiette de la redevance proportionnelle est confier, principalement à l’administration des mines elle-même.

L’impôt des mines s’élève, pour le dernier exercice, à 1,000,000 de francs au moins, dont 80,000 francs pour la redevance fixe, correspondant à 800,000 hectares de territoire concédé, et 830,000 francs pour la redevance proportionnelle; le reste représente ce décime de guerre établi provisoirement, en l’an vu, sur toutes les contributions publiques et toujours maintenu depuis.

Il ne me reste plus, pour terminer cette première étude, qu’à dire quelques mots de la question, si importante en pareille matière, de la juridiction à laquelle est attribué, suivant les époques, le contentieux qu’engendre la propriété souterraine. J’ai à peine besoin de noter que la période antérieure à 1791 offre de nombreuses variations, inséparables de l’hétérogénéité compliquée de l’organisation administrative et judiciaire de la France sous l’ancienne monarchie. Cependant un système domine alors réellement, et, chose remarquable, c’est à peu près celui qu’inaugure l’ordonnance de Charles VI, — où l’on trouve des juges spéciaux au premier degré, les généraux des monnaies au second, et le parlement en dernier ressort. Seule, la superposition du parlement à la cour des monnaies ne durera pas, celle-ci devant plus tard devenir, à l’instar de celui-là, une juridiction supérieure et souveraine; mais le principe d’une justice particulière, dépendant de la cour des monnaies, doit être regardé comme ayant été le plus généralement en vigueur. Tous les édits relatifs à cette cour lui attribuent la connaissance des appellations des jugemens rendus, tant en matière civile qu’en matière criminelle, au sujet des mineurs. On ne sera point étonné de la liaison étroite qui existait anciennement entre les monnaies et l’exploitation des mines, car sans doute on pressent que, parmi les substances minérales, celles qui, avec le fer, ont le mieux et le plus tôt été connues sont naturellement les métaux monétaires. Ce fait est accusé par la presque totalité des documens sur la législation souterraine. On y voit, à travers des dispositions qui s’appliquent aux mines d’une nature quelconque, percer à chaque pas la préoccupation du souverain pour les métaux employés dans la fabrication des monnaies.

Au moment où la révolution de 1789 éclata, les dépenses et les retards qu’aurait entraînés le cours ordinaire de la justice avaient fait attribuer tantôt à des commissions spéciales, tantôt et le plus souvent aux intendans des généralités, — sauf l’appel au conseil, et pour un temps déterminé ou pour des faits particuliers, — les débats qui s’élevaient à raison de l’exploitation des mines. La législation de 1791 introduisit naturellement le grand principe de la séparation des pouvoirs dans le jugement des contestations de cette nature : elle abandonna à l’autorité judiciaire les questions d’indemnité, de dommages, de voies de fait que les exploitans de mines pouvaient avoir à vider avec les propriétaires du sol; mais elle réserva au pouvoir administratif toutes les discussions relatives à l’existence même des concessions. La loi de 1810 ne fit que consacrer ce système rationnel. On sait combien l’empereur Napoléon, partisan déclaré des formes judiciaires, dans lesquelles il voyait justement la plus solide garantie pour la propriété, résistait avec force aux tendances du conseil d’état à développer la compétence administrative au détriment de la compétence judiciaire. La loi des mines fournit à Napoléon Ier maintes occasions de proclamer sa prédilection pour les tribunaux ordinaires, et il ne manqua jamais d’insister sur la nécessité de leur attribuer en général les discussions que pouvait faire naître la propriété minérale. Il est donc hors de doute que, dans l’esprit de la législation actuelle, la juridiction administrative ne doit être adoptée que dans quelques cas exceptionnels, indiqués nettement par la nature du sujet.

On a souvent remarqué, sans s’en étonner d’ailleurs, eu égard aux conditions politiques de la matière, que nos principales lois sur l’organisation municipale étaient datées du lendemain de nos révolutions. Un rapprochement analogue de dates doit être fait au sujet de la propriété souterraine. La première loi est émanée de l’assemblée constituante de 1791. La seconde a été projetée un an après l’établissement du premier empire. La révision en a été demandée à trois reprises au pouvoir législatif : en 1816, par M. Dugas de Varennes, député de la Loire; en 1832, par M. Voyer d’Argenson, député du Haut-Rhin; à la fin de 1848, par des habitans du département de Saône-et-Loire, — chaque fois en vertu du droit de propriété, celui de tous ses droits sociaux dont l’homme est le plus jaloux. Malgré ces attaques, dues à des partisans attardés du principe de la propriété privée, la loi de 1810 n’a encore subi aucune atteinte; elle a seulement été complétée par quelques actes postérieurs, qui, en l’améliorant, ont donné le pouvoir d’en assurer l’exécution. Il n’y aurait d’ailleurs pas besoin, pour faire de cette loi un monument législatif empreint de toute la perfection humaine, d’un long et minutieux projet complémentaire comme celui qui fut présenté, en 1849, au conseil d’état, et qui n’eut pas de suite : de simples remaniemens de détail suffiraient amplement pour combler les quelques lacunes qui peuvent encore subsister, corriger quelques vices de forme, et donner un sens définitif à quelques expressions douteuses. Un règlement d’administration publique achèverait la tâche du législateur.

La loi de 1791 n’avait fait, en somme, que rendre le service de déblayer le terrain du passé et de le préparer à recevoir l’édifice que devait y construire Napoléon Ier. Quant à la législation ancienne, elle n’est, à proprement parler, que l’histoire du droit régalien, qui, sainement défini, se dégage des motifs de hasard et de bon plaisir dont on se plaît trop à l’environner, ainsi que des considérations fiscales, — d’autant plus inutiles qu’il était alors moins difficile au souverain de frapper d’un impôt les produits des mines. Il me paraît bien plus naturel de trouver une raison d’être à ce droit dans la nécessité fondamentale de l’aménagement des gîtes minéraux, qui les prédestinait évidemment à être des propriétés publiques. En définitive, le droit régalien avait revêtu la seule forme qui fût admissible aux diverses époques de l’ancienne monarchie, où le mode unique d’encouragement était le privilège. Aussi les concessions minérales avaient-elles toutes un caractère plus ou moins général et embrassaient-elles soit une province entière, soit même la totalité du royaume. S’il était en quelque sorte indispensable, dans un travail de ce genre, de remettre en lumière les dispositions effacées de l’ancien régime, ne fût-ce que pour en montrer les traces dans le régime actuel, cet examen rétrospectif me semble présenter en outre un résultat intéressant : il indique, une fois de plus, les ressources précieuses dont se priverait l’histoire générale, si elle négligeait le passé de l’histoire administrative.

La législation de la propriété souterraine, dont nous venons de raconter le laborieux enfantement, rappelle encore une remarque, dont il faut tenir compte. L’attention du législateur, on le sait de reste, s’est concentrée sur les principes auxquels il importait de soumettre l’exploitation de cette propriété exceptionnelle. Les conditions particulières du travail des mines ne l’ont pas préoccupé. Pour peu qu’on réfléchisse aux difficultés de la matière, on reconnaîtra qu’il ne pouvait en être autrement. Le sort de l’ouvrier mineur est assurément digne de la plus grande sollicitude, mais il ne peut être réglé par voie législative. C’est le progrès des mœurs qui remplace ici l’action de la loi, et en regard du régime de la propriété de plus en plus mis en harmonie avec les vrais principes du droit, il serait aisé de montrer la condition des travailleurs s’améliorant avec la législation même comme avec l’état général de la société. Abandonnées d’abord à des exploiteurs aventureux, les mines de notre pays sont généralement aujourd’hui entre les mains de propriétaires éclairés, dont la sollicitude se partage entre les besoins de l’exploitation et ceux des familles qu’elle fait vivre. Un décret de police souterraine supplée d’ailleurs en partie au silence de la loi, et soumet le travail des mines à certaines règles dictées aussi bien par l’humanité que par la prudence. L’ouvrier mineur justifie, nous aimons à le dire, l’intérêt qu’on lui porte. Cette population de 180,000 hommes voués au travail souterrain se distingue par son amour de l’ordre et son instinct de la discipline. L’énergie, la patience du mineur sont au niveau des difficultés de sa pénible tâche. On reconnaîtra mieux encore ces qualités propres à la population des mines quand on l’étudiera dans les divers groupes qui la composent et dans ses divers centres d’activité, — quand on passera en un mot de la propriété souterraine au travail souterrain.


E. LAME-FLEURY.

  1. Il paraitra peut-être piquant de rapprocher de cette théorie absolue la prétention récemment élevée par un auteur qui, s’annonçant franchement comme le conseil de plusieurs grandes compagnies de mines, voudrait partager le globe en deux parties : l’une comprenant seulement la croûte végétale et appartenant au propriétaire du sol, l’autre comprenant le reste de l’écorce terrestre dans ce qu’elle offre d’accessible aux travaux de l’homme et appartenant au mineur. Ce système est nommé par l’inventeur le partage horizontal de la terre.
  2. Des Mines et des Carrières (Œuvres de Turgot, Paris, 1808, t. IV, p. 400).
  3. Je laisse à dessein de côté ici deux classes légales d’exploitations minérales : les minières, dont j’aurai naturellement l’occasion de parler en m’occupant de l’industrie du fer, et les carrières, dont il y a peu de chose à dire.
  4. Je dois faire observer que l’importance réelle de notre production houillère est très désavantageusement représentée par ces chiffres. En attendant de nouveaux renseignemens de l’administration des mines, dont les publications devraient se faire, il faut bien le dire, à des intervalles plus rapprochés, je puise du moins, dans les documens publiés par l’administration des douanes et dans une appréciation récente du comité des houillères françaises, la certitude qu’en ce qui concerne le combustible minéral, le chiffre de la consommation française ne tardera point à être le double de celui qu’on vient de lire. En effet, les chiffres officiels de l’importation étrangère en 1856 montrent qu’elle a été de 49,522,145 quintaux métriques, et, pour cette même année, notre production est évaluée à 65 millions de quintaux métriques environ.
  5. Il faut toutefois excepter les provinces rhénanes, où la législation française de 1810 est encore en vigueur.
  6. La plupart des aperçus historiques sur la législation souterraine en France citent une ordonnance de Philippe le Long, du 5 avril 1321-1322. Or c’était Charles le Bel qui régnait à cette date, sous laquelle ou rencontre, dans les ordonnances du Louvre, un mandement portant révocation des domaines aliénés, où il n’est pas question de mines. En y trouvant le mot minage (droit sur les grains), on est tenté de croire que cette expression a été la source d’une erreur inqualifiable, commise par un compilateur ignorant et acceptée sans vérification par tous les auteurs.
  7. On a souvent dit que les mines étaient une propriété féodale. Cette assertion n’est point exacte; au contraire, la lutte entre la royauté et les seigneurs au sujet de la propriété des mines a laissé de nombreuses traces dans les documens anciens, les souverains ne négligeant aucune occasion de repousser les prétentions continuelles des seigneurs.
  8. Archives de l’empire; Registres du parlement de Paris : X, 1573, f° 474.
  9. 26 juillet 1603. — Archives de l’empire ; Registres du parlement : X, 1792.
  10. L’assemblée constituante entendit cependant encore une fois la mâle éloquence de Mirabeau. Au moment même où il expirait, M. de Talleyrand lisait un discours qu’il lui avait remis sur l’origine naturelle du droit de tester, — combattu par lui avec passion.
  11. L’instruction des demandes en concession de mines comprend notamment une enquête de quatre mois, avec affiches et publications dans un rayon fort étendu. On peut voir quelquefois, à la quatrième page du Moniteur, des avis de ce genre, qui y sont insérés parce que le pétitionnaire est domicilié dans le département de la Seine.
  12. Elle semble se reproduire en ce moment entre la compagnie du chemin de fer de Lyon à Genève et les concessionnaires des mines de bitume de Seyssel.