Le Vigneron dans sa vigne/La Promenade du chien
LA PROMENADE DU CHIEN
Chaque dimanche, après déjeuner, Barget dit à sa femme :
— Allons faire un tour, tu iras de ton côté avec les enfants, et moi j’irai de mon côté avec le chien.
— Mais, dit sa femme, si tu voulais, nous sortirions ensemble.
— Le chien court trop, répond Barget, et vous ne pourriez pas nous suivre ; amusez-vous bien ; ici, Pyrame !
Comme Pyrame, joyeux de prendre l’air, gambade sur le trottoir :
— Beau ! fait Barget, tu t’essouffles, nous avons le temps.
D’abord il entre à l’auberge du coin, il attache solidement Pyrame au pied d’une table et s’assied en face d’un vieil ami qui n’attendait que lui pour commencer la partie.
Tandis que son maître joue, Pyrame se tient tranquille, lèche ses pattes, les retire quand on marche dessus, happe des guêpes, éternue, et dort oublié, sans rancune.
Les heures passent. Déjà la septième du soir va sonner et Barget regarde fiévreusement la pendule. Sa femme et ses enfants doivent être de retour et la soupe servie.
— Plus que deux parties, dit-il.
Puis :
— La belle et nous filons.
Puis :
— Celle des malheureux et je me sauve !
Et presque debout, les doigts mouillés d’avance, il dit encore :
— Vite, la dernière des dernières !
Cette fois, c’est fini, Barget détache Pyrame et sautillant jusqu’à la maison afin de suer un peu, il ramène son chien de la promenade.