La Princesse de Navarre
Constance, Princesse de Navarre.
Le duc de foix
Don Morillo, Seigneur de campagne.
Sanchette, Fille de Morillo.
Leonor, Une des femmes de la Princesse.
Hernand, Écuyer du duc.
Un officier des gardes
Un alcade
Un jardinier.
ACTE I
Scène I
Ah quel voyage, et quel séjour,
Pour l’héritière de Navarre !
Votre tuteur Don Pedre est un tyran barbare,
Il vous force à fuir de sa Cour.
Du fameux Duc de Foix vous craignez la tendresse ;
Vous fuyez la haine et l’amour ;
Vous courez la nuit et le jour,
Sans page et sans dame d’atour,
Quel état pour une Princesse !
Vous vous exposez tour à tour
À des dangers de toute espèce.
J’espère que demain, ces dangers, ces malheurs,
De la guerre civile effet inévitable,
Seront au moins suivis d’un ennui tolérable ;
Et je pourrai cacher mes pleurs,
Dans un asile inviolable.
Ô fort ! à quels chagrins me veux-tu réserver ?
De tous côtés infortunée,
Don Pedre aux fers m’avait abandonnée,
Gaston de Foix veut m’enlever.
Je fuis de vos malheurs comme vous occupée ;
Malgré mon humeur gaie ils troublent ma raison ;
Mais un enlèvement, ou je fuis fort trompée,
Vaut un peu mieux qu’une prison.
Contre Gaston de Foix quel couroux vous anime ?
Il veut finir votre malheur ;
Il voit ainsi que nous Don Pedre avec horreur.
Un Roi cruel qui vous opprime,
Doit vous faire aimer un vengeur.
Je hais Gaston de Foix autant que le Roi même.
Eh pourquoi ? Parce qu’il vous aime ?
Lui, m’aimer ! Nos parents se font toujours haïs.
Belle raison !
Son père accabla ma famille.
Le fils est moins cruel, Madame, avec la fille ;
Et vous n’êtes point faits pour vivre en ennemis.
De tout temps la haine sépare
Le sang de Foix, et le sang de Navarre.
Mais l’amour est utile aux raccommodements.
Enfin dans vos raisons je n’entre qu’avec peine
Et je ne crois point que la haine
Produise les enlèvements.
Mais ce beau Duc de Foix que votre cœur déteste,
L’avez-vous vu, Madame ?
Au moins mon fort funeste,
À mes yeux indignés n’a point voulu l’offrir.
Quelque hasard aux siens m’a pu faire paraître.
Vous m’avouerez qu’il faut connaître
Du moins avant que de haïr.
J’ai juré, Léonor, au tombeau de mon père,
De ne jamais m’unir à ce sang que je hais.
Serment d’aimer toujours, ou de n’aimer jamais,
Me paraît un peu téméraire.
Enfin, de peur des Rois et des amants, hélas !
Vous allez dans un cloître enfermer tant d’appas.
Je vais dans un couvent tranquille,
Loin de Gaston, loin des combats,
Cette nuit trouver un asile.
Ah ! c’était à Burgos, dans votre appartement,
Qu’était en effet le couvent.
Loin des hommes renfermés,
Vous n’avez pas vu seulement
Ce jeune et redoutable amant
Qui vous avait tant alarmée.
Grâce aux troubles affreux dont nos États font pleins,
Au moins dans ce château nous voyons des humains.
Le maître du logis, ce Baron qui vous prie
À dîner malgré vous, faute d’hôtellerie,
Est un Baron absurde, ayant assez de bien,
Grossièrement galant avec peu de scrupule ;
Mais un homme ridicule Vaut peut-être encore mieux que rien.
Souvent dans le loisir d’une heureuse fortune,
Le ridicule amuse, on se prête à ses traits ;
Mais il fatigue, il importune
Les cœurs infortunés et les esprits bien faits.
Mais un esprit bien fait peut remarquer, je pense,
Ce noble Cavalier si prompt à vous servir,
Qu’avec tant de respects, de soin, de complaisance,
Au devant de vos pas nous avons vu venir.
Vous le nommez ?
Je crois qu’il se nomme Alamir.
Alamir ? Il paraît d’une toute autre espèce
Que monsieur le Baron.
Oui, plus de politesse,
Plus de monde, de grâce.
Il porte dans son air
Je ne sais quoi de grand.
Oui.
De noble.
Oui.
De fier.
Oui. J’ai cru même y voir je ne fais quoi de tendre.
Oh point. Dans tous les soins qu’il s’empresse à nous rendre
Son respect est si retenu !
Son respect est si grand qu’en vérité j’ai cru
Qu’il a deviné votre Altesse.
Les voici, mais surtout point d’Altesse en ces lieux :
Dans mes destins injurieux
Je conserve le cœur, non le rang de Princesse.
Garde de découvrir mon secret à leurs yeux :
Modère ta gaieté déplacée, imprudente
Ne me parle point en suivante.
Dans le plus secret entretien,
Il faut t’accoutumer à passer pour ma tante.
Oui, j’aurai cet honneur, je m’en souviens très-bien.
Point de respect, je te l’ordonne.
Scène II
au Duc de Foix : qu’il prend toûjours pour Alamir.
OH, oh, qu’est — ce donc que j’entends ?
La tante est tutoyée ? Ah, ma foi, je soupçonne
Que cette tante là n’est pas de ses parents.
Alamir, mon ami, je crois que la friponne
Ayant sur moi du dessin, Pour renchérir sa personne,
Prit cette tante en chemin.
Non, je ne le crois pas ; elle paraît bien née.
La vertu, la noblesse éclate en ses regards.
De nos troubles civils les funestes hasards,
Près de votre château l’ont sans doute amenée.
Parbleu, dans mon château je prétends la garder ;
En bon parent tu dois m’aider :
C’est une bonne aubaine, et : des nièces pareilles
Se trouvent rarement, et miraient à merveilles.
Gardez de les laisser échapper de vos mains.
à la Princesse.
On parle ici de vous, et l’on a des desseins.
Je réponds de leurs complaisances.
Morillo s’avance vers la Princesse de Navarre.
Madame, jamais mon château, …
(au Duc de Foix. )
Aide-moi donc un peu.
bas.
Ne vit rien de si beau.
Ne vit rien de si beau … Je sens en sa présence
Un embarras tout nouveau ;
Que veut dire cela ? Je n’ai plus d’assurance.
Son aspect : en impose, et se fait respecter.
À peine elle daigne écouter.
Ce maintien réservé glace mon éloquence
Elle jette sur nous un regard bien altier !
Quels grands airs ! Allons donc, sers— moi de chancelier,
Explique— lui le reste, et touche un peu son âme.
Ah ! que je le voudrais ! … Madame,
Tout reconnaît ici vos souveraines lois,
Le ciel, sans doute, vous a faite
Pour en donner aux plus grands Rois.
Mais du sein des grandeurs, on aime quelquefois,
À se cacher dans la retraite.
On dit que les Dieux autrefois,
Dans de simples hameaux se plaisaient à paraître :
On put souvent les méconnaître,
On ne peut se méprendre aux charmes que je vois.
Quels discours ampoulés, quel diable de langage !
Es— tu fou ?
Je crains bien de n’être pas trop sage.
(À Léonor.)
Vous qui semblez le cœur de cet objet divin,
De nos empressements daignez être attendrie,
Accordez un seul jour, ne partez que demain ;
Ce jour le plus heureux, le plus beau de ma vie,
Du reste de nos jours va régler le destin.
(à Morillo. )
Je parle ici pour vous.
Eh bien, que dit la tante ?
Je ne vous cache point que cette offre me tente :
Mais, madame, ma nièce.
à Léonor.
Oh, c’est trop de raison
À la fin, je ferai le maître en ma maison.
Ma tante, il faut souper alors que l’on voyage ;
Petites façons et grands airs,
À
mon avis, font des travers.
Humanisez un peu cette nièce sauvage.
Plus d’une Reine en mon château
À couché dans la route, et l’a trouvé fort beau.
Ces Reines voyageaient en des temps plus paisibles,
Et vous savez quel trouble agite ces Etats.
À tous vos soins polis nos cœurs feront sensibles ;
Mais nous partons, daignez ne nous arrêter pas.
La petite obstinée ! Où courez— vous si vite ?
Au couvent.
Quelle idée, et quels tristes projets !
Pourquoi préférez— vous un aussi vilain gîte ?
Qu’y pourriez— vous trouver ?
La paix.
Que cette paix est loin de ce cœur qui soupire !
Eh bien, espères-tu de pouvoir la réduire ?
Je vous promets du moins d’y mettre tout mon art.
J’emploierai tout le mien.
Souffrez qu’on se retire
Il faut ordonner tout pour ce prochain départ.
(Elles font un pas vers la porte. )
Le respect nous défend d’insister davantage ;
Vous obéir en tout est le premier devoir.
(Ils font une révérence. )
Mais quand on cesse de vous voir,
En perdant vos beaux yeux, on garde votre image.
Scène III
Ne partira point, et j’y suis résolu.
Le sang m’unit à vous, et c’est une vertu
D’aider dans leurs desseins des parents qu’on révère.
La nièce est mon vrai fait, quoiqu’un peu froide et fière ;
La tante fera ton affaire.
Que me conseilles— tu ?
D’être aimable, de plaire.
Fais-moi plaire.
Il y faut mille foins complaisants,
Les plus profonds respects, des fêtes et du temps.
J’ai très peu de respect, le temps est long ; les fêtes
Coûtent beaucoup ? et ne font jamais prêtes ;
C’est de l’argent perdu.
L’argent fut inventé Pour payer,
si l’on peut, l’agréable et l’utile.
Eh jamais le plaisir fut-il trop acheté ?
Comment t’y prendras— tu ?
La chose est très facile.
Laissez— moi partager les frais.
Il vient de venir ici près
Quelques comédiens de France,
Des Troubadours experts dans la haute science,
Dans le premier des arts, le grand art du plaisir :
Ils ne font pas dignes, peut — être,
Des adorables yeux qui les verront paraître ;
Mais ils savent beaucoup, s’ils savent réjouir.
Réjouissons— nous donc.
Oui, mais avec mystère.
Avec mystère, avec fracas,
Sers-moi tout comme tu voudras ;
Je trouve tout fort bon quand j’ai l’amour en tête.
Prépare ta petite fête :
De mes menus plaisirs je te fais l’Intendant.
Je veux subjuguer la friponne
Avec son air important,
Et je vais pour danser ajuster ma personne.
Scène IV
Hernand, tout est-il prêt ?
Pouvez-vous en douter ?
Quand Monseigneur ordonne, on fait exécuter.
Par mes soins secrets tout s’apprête,
Pour amollir ce cœur et si fier et si grand.
Mais j’ai grand peur que votre fête
Réussisse aussi mal que votre enlèvement.
Ah ! c’est-là ce qui fait la douleur qui me presse ;
Je pleure ces transports d’une aveugle jeunesse,
Et je veux expier le crime d’un moment
Par une éternelle tendresse.
Tout me réussira ; car j’aime à la fureur.
Mais en déguisements vous avez du malheur :
Chez Don Pedre en secret j’eus l’honneur de vous suivre
En qualité de conjuré,
Vous fûtes reconnu, tout prêt d’être livré,
Et nous sommes heureux de vivre ;
Vos affaires ici ne tournent pas trop bien,
Et je crains tout pour vous.
J’aime et je ne crains rien ;
Mon projet avorté, quoique plein de justice,
Dut sans doute être malheureux ;
Je ne méritais pas un destin plus propice,
Mon cœur n’était point amoureux,
Je voulais d’un tyran punir la violence,
Je voulais enlever Confiance,
Pour unir nos maisons, nos noms et nos amis ;
La feule ambition fut d’abord mon partage.
Belle Confiance je vous vis,
L’amour seul arme mon courage.
Elle ne vous vit point, c’est— là votre malheur.
Vos grands projets lui firent peur ;
Et dès qu’elle en fut informée,
Sa fureur contre vous dès longtemps allumée,
En avertit toute la cour.
Il salut fuir alors.
Elle fuit à son tour.
Nos communs ennemis la rendront plus traitable.
Elle hait votre sang.
Quelle haine indomptable
Peut tenir contre tant d’amour ?
Pour un héros tout jeune et sans expérience,
Vous embrassez beaucoup de terrain à la fois :
Vous voudriez finir la mésintelligence
Du sang de Navarre et de Foix ;
Vous avez en secret avec le Roi de France,
Un chiffre de correspondance.
Contre un Roi formidable ici vous conspirez ;
Vous y risquez vos jours et ceux des conjurez.
Vos troupes vers ces lieux s’avancent à la file ;
Vous préparez la guerre au milieu des festins,
Vous bernez le Seigneur qui vous donne un asile ;
Sa fille pour combler vos singuliers dessins,
Devient folle de vous, et vous tient en contrainte ;
Il vous faut employer et l’audace et la feinte ;
Téméraire en amour et criminel d’État,
Perdant votre raison, vous risquez votre tête.
Vous allez livrer un combat,
Et vous préparez une fête ?
Mon cœur de tant d’objets n’en voit qu’un seul ici.
Je ne vois, je n’entends que la belle Confiance.
Si par mes tendres foins son cœur est adouci,
Tout le reste est en assurance.
Don Pedre périra, Don Pedre est trop haï.
Le fameux Du Guesclin vers l’Espagne s’avance ;
Le fier Anglais notre ennemi,
D’un tyran détesté prend en vain la défense :
Par le bras des Français les Rois font protégés ;
Des tyrans de l’Europe ils domptent la puissance ;
Le sort des Castillans fera d’être vengé
Par le courage de la France.
Et cependant en ce séjour
Vous ne connaissez rien qu’un charmant esclavage.
Va, — tu verras bientôt ce que peut un courage,
Qui sert la patrie et l’amour.
Ici tout ce qui m’inquiète,
C’est cette passion dont m’honore Sanchette,
La fille de notre Baron.
C’est une fille neuve, innocente, indiscrète,
Bonne par inclination,
Simple par éducation,
Et par instinct un peu coquette ;
C’est la pure nature en sa simplicité.
Sa simplicité même est fort embarrassante,
Et peut nuire aux projets de mon cœur agité.
J’étais loin d’en vouloir à cette âme innocente.
J’apprends que la Princesse arrive en ce canton.
Je me rend sur la route, et me donne au Baron
Pour un fils d’Alamir, parent de la maison.
En amour comme en guerre une ruse est permise.
J’arrive, et sur un compliment,
Moitié poli, moitié galant,
Que partout l’usage autorise, Sanchette prend feu promptement,
Et son cœur tout neuf s’humanise :
Elle me prend pour son amant,
Se flatte d’un engagement,
M’aime, et le dit avec franchise.
Je crains plus sa naïveté,
Que d’une femme bien apprise
Je ne craindrais la fausseté.
Elle vous cherche.
Je te laisse ;
Tâche de dérouter sa curiosité,
Je vole aux pieds de la Princesse.
Scène V
Je fuis au désespoir.
Qu’est — ce qui vous déplaît, Mademoiselle ?
Votre maître.
Vous déplaît-il beaucoup ?
Beaucoup ; car c’est un traître,
Ou du moins il est prêt de l’être ;
Il ne prend plus à moi nul intérêt.
Avant — hier il vint, et je fus transportée
De son séduisant entretien ;
Hier il m’a beaucoup flattée,
À présent il ne me dit rien.
Il court, ou je me trompe, après cette étrangère :
Moi je cours après lui, tous mes pas font perdus ;
Et depuis qu’elle est chez mon père,
Il semble que je n’y fois plus.
Quelle est donc cette femme, et si belle et si fière,
Pour qui l’on fait tant de façons ?
On va pour elle encor donner les violons,
Et c’est ce qui me désespère.
Elle va tout gâter. Mademoiselle, eh bien
Si vous me promettiez de n’en témoigner rien
D’être discrète.
Oh oui, je jure de me taire,
Pourvu que vous parliez.
Le regret, le mystère
Rend les plaisirs piquants.
Je ne vois pas pourquoi.
Mon maître né galant, dont vous tournez la tête,
Sans vous en avertir, vous prépare une fête.
Quoi tous ces violons !
Sont tous pour vous.
Pour moi !
N’en faites point semblant, gardez un beau silence,
Vous verrez vingt Français entrer dans un moment ;
Ils font parés superbement ;
Ils parlent en chansons, ils marchent en cadence,
Et la joie : leur élément.
Vingt beaux messieurs Français ! J’en ai l’âme ravie ;
J’eus de voir des Français toujours très grande envie :
Entreront— ils bientôt ?
Ils font dans le château.
L’aimable nation ! Que de galanterie !
On vous donne un spectacle, un plaisir tout nouveau.
Ce que font les Français est si brillant, si beau !
Eh qu’est— ce qu’un spectacle ?
Une chose charmante.
Quelquefois un Spectacle est un mouvant tableau
Où la nature agit, où l’histoire est parlante,
Ou les Rois, les héros sortent de leur tombeau :
Des mœurs des nations, c’est l’image vivante.
Je ne vous entends point.
Un spectacle assez beau
Serait encore une fête galante ;
C’est un art tout français d’expliquer ses désirs,
Par l’organe des jeux, par la voix des plaisirs,
Un spectacle est surtout un amoureux mystère,
Pour courtiser Sanchette tâcher de lui plaire,
Avant d’aller tout uniment, Parler au Baron votre père,
De Notaire, d’engagement, De fiançailles et : de douaire.
Ah ! je vous entends bien ; mais moi, que dois-je faire ?
Rien.
Comment, rien du tout ?
Le goût, la dignité
Consistent dans la gravité,
Dans l’art d’écouter tout finement sans rien dire,
D’approuver d’un regard, d’un geste, d’un sourire.
Le feu dont mon maître soupire,
Sous des noms empruntés, devant vous paraîtra.
Et l’adorable Sanchette,
Toujours tendre, toujours discrète,
En silence triomphera.
Je comprends fort peu tout cela ;
Mais je vous avouerai que je suis enchantée
De voir de beaux Français, et d’en être fêtée.
Scène VI
Sanchette et Hernand sont sur le devant, la princesse DE NAVARRE arrive par un des côtés du fond sur le théâtre, entre DON MORILLOet le duc de foix
à Morillo
Oui, monsieur, nous allons partir.
à part.
Amour, daigne éloigner un départ qui me tue.
à Hernand
On ne commence point.
Je ne peux me tenir ;
Quand aurai— je une fête aux yeux de l’inconnue ?
Je la verrai jalouse, et c’est un grand plaisir.
constance voulant passer par une porte, elle s’ouyre, et paraît remplie de guerriers.
Que vois-je, oh ciel, fuis— je trahie ?
Ce passage : rempli de guerriers menaçants !
Quoi Don Pedre en ces lieux étend sa tyrannie ?
La frayeur trouble tous mes sens.
(Les guerriers entrent sur la scène précédés de trompettes, et tous les aéleurs de la comédie se rangent d’un côté du théâtre, )
Jeune beauté cessez de vous plaindre,
Bannissez vos terreurs,
C’est vous qu’il faut craindre :
Bannissez vos terreurs,
C’est vous qu’il faut craindre,
Régnez sur nos cœurs.
le chœur répète.
Jeune beauté cessez de vous plaindre,
(Marche de guerriers dansants. )
Lorsque Vénus vient embellir la terre c’est dans nos champs qu’elle établit sa cour.
Le terrible Dieu de la guerre,
Désarmé dans ses bras sourit au tendre Amour,
Toujours la beauté dispose,
Des invincibles guerriers ;
Et le charmant Amour est sur un lit de rose
À l’ombre des lauriers.
Jeune beauté, cessez de vous plaindre,
(On danse. )
Si quelque tyran vous opprime,
Il va tomber la vaine
De l’amour et de la valeur,
Il va tomber fous le glaive vengeur.
À votre présence
Tout doit s’enflammer,
Pour votre défense
Tout doit s’armer ;
L’amour, la vengeance
Doit-nous animer.
À votre présence Tout doit s’enflammer, etc.
(On danse. )
à Léonor.
Je l’avouerai, ce divertissement
Me plaît, m’alarme davantage ;
On dirait qu’ils ont fait l’objet de mon voyage.
Ciel ! Avec mon état quel rapport étonnant
Bon, c’est pure galanterie,
C’est un air de chevalerie,
Que prend le vieux Baron pour faire l’important.
(La Princesse veut s’en aller, le Chœur s’arrête en chantant. )
Demeurez, présidez à nos fêtes,
Que nos cœurs soient ici vos conquêtes.
Tout l’univers doit vous rendre l’Hommage qu’on rend aux Dieux ;
Mais en quels lieux Pouvez— vous attendre
Un hommage plus tendre,
Plus digne de vos yeux ?
Demeurez, présidez à nos fêtes
Que nos cœurs soient vos tendres conquêtes.
(Les acteurs du divertissement rentrent par le même portique. )
Pendant que Constance parle à Léonor, Don Morillo qui est devant elles, leur fait des mines. Et Sanchette qui est alors auprès du Duc de Foix, le tire à part sur le devant du théâtre. )
au Duc de Foix.
Écoutez donc, mon cher amant
l’Aubade qu’on me donne étrangement faite,
Je n’ai pas pu danser.
Pourquoi cette trompette ?
Qu’est —ce qu’un Mars, Vénus, des tyrans, des combats,
Et pas un seul mot de Sanchette ?
À cette dame — ci, tout s’adresse en ces lieux.
Cette préférence me touche.
Croyez — moi, taisons — nous ;
l’Amour respectueux
Doit avoir quelquefois son bandeau sur la bouche,
Bien plus encore que sur les yeux.
Quel bandeau, quels respects ! ils font bien ennuyeux !
Eh bien, que dites — vous de notre sérénade ?
La tante — elle un peu contente de l’aubade ?
Et la tante et la nièce y trouvent mille appas.
à Léonor.
Qu’est — ce que tout ceci ?
Non, je ne comprends pas
Les contrariétés qui s’offrent à ma vue ;
Cette rusticité du Seigneur du château,
Et ce goût si noble, si beau,
D’une fête si prompte si bien entendue.
Eh bien donc, notre tante approuve mon cadeau.
Il me paraît brillant, fort heureux et nouveau.
La porte était gardée avec de beaux gens — d’armes ;
Eh, eh, l’on n’est pas neuf dans le métier des armes.
C’est magnifiquement recevoir nos adieux ;
Toujours le souvenir m’en fera précieux.
Je le crois.
Vous pourriez voyager par le monde Sans être festoyée, ainsi qu’on l’est ici :
Soyez sage, demeurez— y ;
Cette fête, ma foi, n’aura pas sa seconde,
Vous chômerez ailleurs.
Quand je vous parle ainsi,
C’est pour votre seul bien ; car pour moi, je vous jure,
Que si vous décampez, de bon cœur je l’endure,
Et quand il vous plaira, vous pourrez nous quitter.
De cette offre polie il nous faut profiter ;
Par cet autre côté, permettez que je sorte.
On nous arrête encor à la seconde porte ?
Que vois— je, quels objets ! Quels spectacles charmants !
Ma nièce, c’est ici le pays des romans. ?
(Il sort de cette seconde porte une troupe de danseurs et de danseuses avec des tambours de basque des tambourins.[2])
Après cette entrée, Léonor se trouve à côté de Morillo, et lui dit :
Qui font donc ces gens — ci ?
au Duc de Foix.
C’est à toi de leur dire
Ce que je ne fais point.
A Princesse de Navarre
Ce sont des gens savants,
Qui dans le ciel tout courant savent lire,
Des Mages d’autrefois illustres descendants,
À qui fut réservé le grand art de prédire.
(Les astrologues Arabes qui étaient reliés sous le portique pendant la danse y s’avancent sur le théâtre, et tous les acteurs de la comédie se rangent pour les écouter. )
chante.
Nous enchaînons le temps, le plaisir fuit nos pas ;
Nous portons dans les cœurs la flatteuse espérance ;
Nous leur donnons la jouissance
Des biens même qu’ils n’ont pas ;
Le présent fuit, il nous entraîne,
Le passé n’est plus rien.
Charme de l’avenir, vous êtes le seul bien
Qui reste à la faiblesse humaine.
Nous enchaînons le temps
(On danse, )
L’astre éclatant et doux de la fille de l’onde,
Qui devance ou qui fuit le jour,
Pour vous recommençait son tour.
Mars a voulu s’unir pour le bonheur du monde
À la planète de l’Amour.
Mais quand les saveurs célestes
Sur nos jours précieux allaient se rassembler,
Des Dieux inhumains et surelles
Se plaisent à les troubler.
Alternativement avec le Chœur,
Dieux ennemis,
Dieux impitoyables,
Soyez confondus :
Dieux secourables,
Tendre Vénus
Soyez à jamais favorables.
Ces astrologues me paraissent
Plus instruits du passé que du sombre avenir ;
Dans mon ignorance ils me laissent ;
Comme moi sur mes maux, ils semblent s’attendrir,
Ils forment comme moi des souhaits inutiles,
Et des espérances stériles,
Sans rien prévoir, et sans rien prévenir.
Peut — être ils prédiront ce que vous devez faire
Des férets de nos cœurs ils percent le mystère.
l’une devineresse s’approche de la Princesse et chante.
Vous excitez la plus sincère ardeur,
Et vous ne sentez que la haine ;
Pour punir votre âme inhumaine,
Un ennemi doit toucher votre cœur :
(Ensuite s’avançant vers Sanchette, )
Et vous, jeune beauté que l’amour veut conduire,
L’amour doit vous instruire
Suivez ses douces lois.
Votre cœur est né tendre ;
Aimez, mais en faisant un choix.
Gardez de vous méprendre.
Ah l’on s’adresse à moi, la fête était pour nous.
J’attendais, j’éprouvais des transports si jaloux.
s’adressant à Sanchette
En mariage
Un sort heureux ;
Est un rare avantage ;
Ses plus doux feux
Sont un long esclavage.
Du mariage
Formez les nœuds ;
Mais ils font dangereux.
L’amour heureux
Est trop volage.
Du mariage
Craignez les nœuds,
Ils font trop dangereux.
au Duc de Foix.
Bon ! Quels dangers feraient à craindre en mariage ?
Moi, je n’en vois aucun ; de bon cœur je m’engage :
Nous nous aimons, tout ira bien.
Puisque nous nous aimons, nous ferons fort fidèles
Donnez-moi bien souvent des fêtes aussi belles,
Et je ne me plaindrai de rien.
Hélas ! j’en donnerais tous les jours de ma vie,
Et les fêtes font ma folie ;
Mais je n’espère point faire votre bonheur.
Il est déjà tout fait, vous enchantez mon cœur.
On danse. Les acteurs de la comédie sont rangés sur les ailes ; Sanchette veut danser avec le Duc de Foix, qui s’en défend ; Morillo prend la Princesse de Navarre et danse avec elle.
(avec un garçon jardinier vient interrompre la danse, dérange tout, prend le Duc de Foix et Morillo par la main, fait des signes en leur parlant bas, et ayant fait cesser la musique, il dit au Duc de Foix, )
Oh ! vous allez bientôt avoir une autre danse,
Tout est perdu, comptez sur moi.
à Morillo
Quelle étrange aventure !
Un Alcade !
Eh pourquoi ?
Il vient la demander par ordre exprès du Roi.
De quel Roi ?
De Don Pedre.
Allez ; le Roi de France
Vous défendra bientôt de cette violence.
à la Princesse.
Il paraît que sur vous roule la conférence.
Bon ; mais en attendant qu’allons-nous devenir
Quand un Alcade parle, il faut bien obéir.
Obéir ? Moi ?
Sans doute, et : que peux — tu prétendre ?
Nous battre contre tous, contre tous la défendre..
Qui toi te révolter contre un ordre précis,
Émané du Roi même ? Es-tu de sang,
Le premier des devoirs de servir les belles,
Et les Rois ne vont qu’après elles.
Ce petit parent-là m’a l’air d’un franc vaurien :
Tu feras
Mais ma foi je ne m’en mêle en rien.,
Rebelle à la justice !
Allons rentrez Sanchette, ?
Plus de fête.
(Morillo pousse Sanchette dans la maison, renvoie la musique et sort avec fort monde. )
Eh quoi donc !
D’où vient cette retraite
Ce trouble, cet effroi, ce changement soudain ?
Je crains de nouveaux coups de mon triste destin.
Madame, il est affreux de causer vos alarmes :
Nos divertissements vont finir par des larmes.
Un cruel.
Ciel ! Qu’entends— je ?
Eh quoi jusqu’en ces lieux Gaston poursuivrait— il ses projets odieux
Qu’avez-vous dit ?
Quel nom prononce votre bouche ?
Gaston de Foix, Madame, a-t-il un cœur farouche
Sur la foi de son nom, j’ose vous protester
Qu’ainsi que moi, pour vous, il donnerait sa vie
Mais d’un autre ennemi craignez la barbarie,
De la part de Don Pedre on vient vous arrêter.
M’arrêter ?
Un Alcade avec impatience
Jusqu’en ces lieux suivit vos pas.
Il doit venir vous prendre.
Eh sur quelle apparence
Sous quel nom, quel prétexte ?
Il ne vous nomme pas
Mais il a désigné vos gens, votre équipage
Tout envoyé qu’il est d’un ennemi sauvage
Il a surtout désigné vos appas.
Ah, cachons — nous, Madame.
Où ?
Chez la jardinière, Chez guillot.
Chez guillot on viendra vous chercher.
La beauté ne peut se cacher.
Fuyons.
Ne fuyez point.
Restons donc.
Ciel ! que faire ?
Si vous restez, si vous fuyez,
Je mourrai partout à vos pieds.
Madame, je n’ai point la coupable imprudence
D’oser vous demander quelle est votre naissance :
Soyez Reine ou bergère, il n’importe à mon cœur :
Et le secret que vous m’en faites,
Du soin de vous servir n’affaiblit point l’ardeur ;
Le trône est partout où vous êtes.
Cachez, s’il se peut, vos appas,
Je vais voir en ces lieux si l’on peut vous surprendre,
Et je ne me cacherai pas,
Quand il faudra vous défendre.
Scène VII
Enfin, nous avons un appui,
Le brave Chevalier ! nous viendrait-il de France ?
Il n’est point d’Espagnol plus généreux que lui.
J’en espère beaucoup, s’il prend votre défense.
Mais que peut-il seul aujourd’hui
Contre le danger qui me presse
Le fort a sur ma tête épuisé tous ses coups.
Je craindrais le fort en courroux
Si vous n’étiez qu’une Princesse ;
Mais vous avez, Madame, un partage plus doux..
La nature elle-même a pris votre querelle
Puisque vous êtes jeune et belle,
Le monde entier fera pour vous.
ACTE II
Scène I
Arrête, parle — moi, guillot.
Oh, guillot est pressé.
guillot, demeure ; un mot ;
Que fait notre Alamir ?
Oh, rien n’est plus étrange.
Mais que fait-il, dis-moi ?
Moi, je crois qu’il fait tout,
Libéral comme un Roi, jeune et beau comme un Ange.
L’infidèle me pouffe à bout.
N’est-il pas au jardin avec cette étrangère ?
Eh vraiment oui !
Qu’elle doit me déplaire !
Eh mon Dieu ! d’où vient ce courroux ?
Vous devez l’aimer au contraire
Car elle est belle comme vous.
D’où vient qu’on a cessé sitôt la sérénade ?
Je n’en sais rien.
Que veut dire un Alcade ?
Je n’en fais rien.
D’où vient que mon père voulait
M’enfermer fous la clef ? d’où vient qu’il s’en allait ?
Je n’en fais rien.
D’où vient qu’Alamir est près d’elle ?
Eh, je le fais qu’elle est belle ;
Il lui parle à genoux, tout comme on parle au Roi ;
C’est des respects, des soins, j’en fuis tout hors de moi.
Vous en feriez charmée.
Ah, guillot, le perfide !
Adieu ; car on m’attend, on a besoin d’un guide,
Elle veut s’en aller.
(Il sort. )
seule.
Puisse — t — elle partir,
Et me laisser mon Alamir !
Oh, que je fuis honteuse, dépitée !
Il m’aimait en un jour ; en deux, fuis — je quittée ?
Monsieur Hernand m’a dit que c’est là le bon ton.
Je n’en crois rien du tout. Alamir ! quel fripon !
S’il était sot et laid, il me ferait fidèle,
Et ne pouvant trouver de conquête nouvelle,
Il m’aimerait faute de mieux.
Comment faut — il faire à mon âge ?
J’ai des amants Constans, ils font tous ennuyeux,
J’en trouve un seul aimable, et le traître est volage.
Scène II
Mes amis, vous avez un important emploi ;
Elle est dans ces jardins ; ah, la voici, c’est elle ;
Le portrait qu’on m’en fit me semble assez fidèle ;
Voilà son air, sa taille, elle est jeune, elle est belle,
Remplissons les ordres du Roi.
Soyez prêts à me suivre et faites sentinelle.
un lieutenant de l’alcade.
Nous vous obéirons, comptez sur notre zèle.
Ah, Meilleurs, vous parlez de moi.
Oui, Madame, à vos traits nous savons vous connaître ;
Votre air nous dit assez ce que vous devez être ;
Nous venons vous prier de venir avec nous ;
La moitié de mes gens marchera devant vous,
L’autre moitié suivra, vous ferez transportée
Sûrement et sans bruit, et partout respectée.
Quel étrange propos !
Me transporter !
Qui ? moi !
Eh, qui donc êtes — vous ?
Des officiers du Roi ;
Vous l’offensez beaucoup d’habiter ces retraites ;
Monsieur l’amirante[3] en secret,
Sans nous dire qui vous êtes,
Nous a fait votre portrait.
Mon portrait dites-vous ?
Madame, trait pour trait.
Mais je ne connais point ce monsieur l’amirante.
Il fait pourtant de vous la peinture vivante.
Mon portrait à la Cour a donc été porté ?
Apparemment.
Voyez ce que fait la beauté.
Et de la part du Roi vous m’enlevez ?
Sans doute, C’est notre ordre précis, il le faut quoi qu’il coûte.
Ou allez-vous me mener ?
À Burgos, à la Cour ;
Vous y ferez demain avant la fin du jour.
À la Cour ! mais vraiment ce n’est pas me déplaire
La Cour, j’y consens fort ; mais que dira mon père ?
Votre père ? il dira tout ce qu’il lui plaira.
Il doit être charmé de ce voyage —là !
C’est un honneur très—grand qui sans doute le flatte.
On m’a dit que la Cour est un pays si beau
Hélas hors ce jour-ci, la vie en ce château
Fut toujours ennuyeuse et plate.
Il faut que dans la Cour votre personne éclate.
Eh, qu’est— ce qu’on y fait ?
Mais, du bien et du mal ;
On y vit d’espérance, on tâche de paraître ;
Près des belles toujours on a quelque rival,
On en a cent auprès du maître.
Eh, quand je ferai-là, je verrai donc le Roi ?
C’est lui qui veut vous voir.
Ah, quel plaisir pour moi !
Ne me trompez-vous point ? Eh quoi, le Roi souhaite
Que je vive à sa Cour ? il veut avoir Sanchette ?
Hélas ! de tout mon cœur, il m’enlève, partons.
Est-il comme Alamir ? quelles font ses façons ?
Comment en use — t — il, messieurs, avec les belles ?
Il ne m’appartient pas d’en savoir des nouvelles ;
À ses ordres sacrés, je ne fais qu’obéir.
Vous emmenez sans doute à la Cour Alamir ?
Comment ? quel Alamir ?
L’homme le plus aimable,
Le plus fait pour la Cour, brave, jeune, adorable.
Si c’est : un Gentilhomme à vous,
Sans doute, il peut venir, vous êtes la maîtresse.
Un Gentilhomme à moi, plût à Dieu !
Le temps presse
La nuit vient, les chemins ne font pas sûrs pour nous.
Partons.
— Ah, volontiers.
Scène III
Messieurs, êtes-vous fous ?
Arrêtez donc, qu’allez — vous faire ?
Où menez-vous ma fille ?
À la Cour, mon cher père.
Elle est folle ; arrêtez, c’est ma fille.
Comment ?
Ce n’est pas cette Dame,
Non vraiment
C’est ma fille, et je suis Don Morillo son père
Jamais on ne l’enlèvera.
Quoi, jamais !
Emmenez, s’il le faut, l’étrangère, Mais ma fille me restera.
Elle aura donc sur moi toujours la préférence
C’est elle qu’on enlève !
Allez en diligence.
L’heureuse créature ! on l’emmène à la Cour :
Hélas ! quand sera-ce mon tour ?
Vous voyez que du Roi la volonté sacrée
Est chez Don Morillo comme il faut révérée,
Vous en rendrez compte.
Oui, fiez-vous à nos soins.
Meilleurs, ne prenez qu’elle au moins.
Scène IV
Je fuis saisi de crainte ; ah ! L’affaire est fâcheuse.
Eh, qu’ai — je à craindre moi ?
La chose est sérieuse,
C’est affaire d’Etat, vois-tu, que tout ceci.
Comment d’Etat ?
Eh, oui, j’apprends que près d’ici
Tous les Français font en campagne
Pour donner un maître à l’Espagne.
Qu’est-ce que cela fait ?
On dit qu’en ce canton,
Alamir est leur espion ;
Cette Dame est errante, et : chez moi se déguise ;
Elle a tout l’air d’être comprise
Dans quelque conspiration ;
Et si tu veux que je le dise,
Tout cela sent la pendaison.
J’ai fait une grosse sottise,
De faire entrer dans ma maison
Cette Dame en ce temps de crise,
Et cet agréable fripon,
Qui me joue, et qui la courtise :
Je veux qu’il parte tout de bon,
Et qu’ailleurs il s’impatronise.
Lui, mon père, ce beau garçon ?
Lui — même, il peut ailleurs donner la sérénade.
Scène V
tout essouflé.
Au secours, au secours, ah, quelle étrange aubade
Quoi donc ?
Qu’a-t-il donc fait ?
Dans ces jardins là-bas
Eh bien !
Cet Alamir, ce monsieur
Les gens d’Alamir, des soldats,
Ayant du fer partout, en tête, au dos, aux bras
L’étrangère enlevée au milieu des gens — d’armes,
Et le brave Alamir tout brillant fous les armes,
Qui la reprend soudain, et : fait tomber à bas,
Tout alentour de lui, nez, mentons, jambes, bras,
Et la belle étrangère en larmes,
Des chevaux renversés, et. des maîtres dessous,
Et des valets dessus, des jambes fracassées
Des vainqueurs, des fuyards, des cris, du sang, des coups
Des lances à la fois, et des têtes cassées,
Et la tante, et ma femme, et ma fille, avec moi,
C’est horrible à penser, je fuis tout mort d’effroi.
Eh, n’est-il point blessé ?
C’est lui qui blesse et tue,
C’est un héros, un diable.
Ah, quelle étrange issue !
Quel maudit Alamir ! quel enragé y quel fou !
S’attaquer à son maître, et : hasarder son cou !
Et le mien, qui pis est ! Ah, le maudit esclandre !
Qu’allons-nous devenir ?
Le plus grand châtiment
Sera le digne fruit de cet emportement ;
Et moi bien sot aussi de vouloir entreprendre
De retenir chez moi cette fière beauté ;
Voilà ce qu’il m’en a coûté.
Assemblons nos parents, allons chez votre mère,
Et tâchons d’assoupir cette effroyable affaire.
en s’en allant.
Ah, guillot ! prends bien foin de ce jeune officier,
Il a tort, en effet mais il est bien aimable
Il est si brave
Scène V
seul
AH, oui, c’est un homme admirable
On ne peut mieux se battre, on ne peut mieux payer :
Que j’aime les héros, quand ils font de l’espèce
De cet amoureux Chevalier !
J’ai vu ça tout d’un coup.
La dame a sa tendresse.
J’aime à voir un jeune guerrier
Bien payer ses amis, bien servir sa maîtresse
C’est comme il faut me plaire.
Scène VII
Ou me réfugier
Hélas ! qu’est devenu ce guerrier intrépide,
Dont l’âme généreuse et la valeur rapide
Étalent tant d’exploits avec tant de vertu
Comme il me défendait ! comme il a combattu !
L’aurais-tu vu ? répond.
J’ai vu, je n’ai rien vu.
Je ne vois rien encor.
Une semblable fête
Trouble terriblement les yeux.
Eh, va donc t’informer.
Où, Madame
En tous lieux.
Va, vole, réponds donc : que fait-il ? cours, arrête :
Aurait-il succombé ?
Que ne puis-je à mon tour
Défendre ce héros et lui sauver le jour ?
Hélas ! plus que jamais y le danger est extrême,
Le nombre était trop grand.
Contre un, ils étaient dix.
Peut-être qu’on vous cherche, et qu’Alamir est pris.
Qui ? lui ! vous vous moquez ; il aurait pris lui-même
Tous les Alcades d’un pays.
Allez, croyez sans vous méprendre
Qu’il fera mort cent fois avant que de se rendre.
Il serait mort ?
Va donc.
(il sort. )
Tâche de t’éclaircir
Va vite. Il serait mort !
je vous envois frémir y Il le mérite bien, votre ame attendrie
Mais y sur quoi jugez-vous, qu’il ait perdu la vie ?
S’il vivait, Léonor, il ferait près de moi.
De l’honneur qui, connaît trop la loi.
Sa main pour me servir par le ciel Réservée,
M’abandonnerai— elle après m’avoir sauvée ?
Non, je crois qu’en tout temps il ferait mon. appui.
Puisqu’il ne paraît pas je dois trembler pour lui
Tremblez aussi pour vous, car tout vous est contraire
En vain partout vous savez plaire,
Par — tout on vous poursuit, on menace vos Jours ;
Chacun craint ici pour sa tête.
Le maître : du château qui vous donne une fête
N’ose vous donner du secours.
Alamir seule vous sert ; le reste vous opprime,
Que devient Alamirt ? et quel fera mon sort ?
Songez au votre, hélas ! quel transport vous anime !
Léonor, ce n’est point un aveugle transport,
C’est un sentiment légitime..
Ce qu’il a fait pour moi.
Scène VIII
J’ai fait ce que j’ai dû.
J’exécutais votre ordre, et vous avez vaincu.
Vous n’êtes point blessé ?
Le ciel, ce ciel propice
De votre cause en tout seconda la justice.
Puisse un jour cette main, par de plus heureux coups,
De tous vos ennemis vous faire un sacrifice !
Mais un de vos regards doit les désarmer tous.
Hélas ! du sort encor je ressens le courroux ;
De vous récompenser il m’ôte la puissance. ;
Je ne puis qu’admirer cet excès de vaillance.
Non, c’est moi qui vous dois de la reconnaissance.
Vos yeux me regardaient, je combattais pour vous,
Quelle plus belle récompense !
Ce que j’entends, ce que je vois,
Votre sort le mien, vos discours, vos exploits
Tout étonne mon âme ; elle en est confondue ;
Quel nous rassemble, par quel noble effort,
Par quelle grandeur d’âme en ces lieux peu connue
Pour ma feule défense affrontiez— vous la mort ?
Eh n’est — ce pas assez que de vous avoir vue ?
Quoi, vous ne connaissez ni mon nom, ni mon fort,
Ni mes malheurs, ni ma naissance ?
Tout cela dans mon cœur eût-il été plus fort
Qu’un moment de votre présence ?
Alamir, je vous dois ma juste confiance,
Après des services si grands.
Je fuis fille des Rois et du sang de Navarre ;
Mon fort est cruel et bizarre :
Je fuyais ici deux tyrans :
Mais vous de qui le bras protège l’innocence,
À votre tour daignez-vous découvrir.
Le sort juste une fois me fit pour vous servir ;
Et ce bonheur me tient lieu de naissance :
Quoi puis — je encor vous secourir ?
Quels font ces deux tyrans de qui la violence
Vous persécutait à la fois ?
Don Pedre est le premier ?
Je brave sa vengeance.
Mais l’autre quel est — il ?
L’autre est le Duc de Foix.
Ce Duc de Foix qu’on dit et si juste, et si tendre !
Eh que pourrai — je contre lui ?
Alamir, contre tous vous serez. mon appui ;
Il cherche à m’enlever.
Il cherche à vous défendre,
On le dit, il le doit, et tout le prouve assez.
Alamir !
Et c’est vous !
C’est vous qui l’excusez
Non, je dois le haïr si vous le haïssez.
Vous étant odieux, il doit l’être à lui — même ;
Mais comment condamner un mortel qui vous aime ?
On dit que la vertu l’a pû seule enflammer ;
S’il est ainsi, grand Dieu ? comme il doit vous aimer
On dit que devant vous il tremble de paraître,
Que ses jours aux remords font tous sacrifiés ;
On dit qu’enfin si vous le connaissiez,
Vous lui pardonneriez peut-être.
C’est vous seul que je veux connaître,
Parlez-moi de vous seul, ne trompez plus mes vœux..
Ah daignez épargner un soldat malheureux ;
Ce que je suis dément ce que je peux paraître[4].
Vous êtes un héros, et vous le paraissez.
Mon sang me fait rougir. Il me condamne
Si votre sang est d’une source obscure,
Il est noble par vos vertus,
Et des dessins j’effacerai l’injure.
Si vous êtes sorti d’une source plus pure,
Je. Mais vous êtes Prince, et je n’en doute plus,
Je n’en veux que l’aveu, le reste me l’assure,
Parlez.
J’obéis à vos lois ;
Je voudrais être Prince, alors que je vous vois.
Je fuis un cavalier.
Scène IX
Vous ? Vous êtes un traître,
Vous n’échapperez pas, et je prétends connaître
Pour qui la fête était, qui vous trompiez des deux.
Je n’ai trompé personne, si je fais des vœux
Ces vœux font trop cachés, et tremblent de paraître.
Ne jugez point de moi par ces frivoles jeux.
Une fête est un hommage,
Que la galanterie, ou bien la vanité,
Sans en prendre aucun avantage,
Quelquefois donne à la beauté.
Si j’aimais, si j’osais m’abandonner aux flammes
De cette passion, vertu des grandes âmes,
J’aimerais constamment sans espoir de retour ;
Je mêlerais dans le silence
Les plus profonds respects au plus ardent amour.
J’aimerais un objet d’une illustre naissance.
à part.
Mon père est bon Baron.
Un objet ingénu.
Je la suis fort[5].
Doux, fier, éclairé, retenu,
Qui joindrait sans effort, l’esprit et l’innocence.
à part.
Est — ce moi ?
J’aimerais certain air de grandeur,
Qui produit le respect sans inspirer la crainte,
La beauté sans orgueil, la vertu sans contrainte,
L auguste majesté sur le visage empreinte,
Sous les voiles de la douceur.
De la madéfié ! moi !
Si j’écoutais mon cœur,
Si j’aimais, j’aimerais avec délicatesse
Mais en brûlant avec transport :
Et je cacherais ma tendresse,
Comme je dois cacher mes malheurs mon fort.
Eh bien, connaissez — vous la personne qu’il aime ?
à Léonor.
Je ne me connais pas moi — même,
Mon cœur est trop ému pour oser vous parler.
Scène X
Helas tout cela fait trembler :
Ta mère en va mourir, que deviendra ma fille ?
L’enfer est déchaîné, mon château, ma famille,
Mon bien, tout est pillé, tout est à l’abandon,
Le Duc de Foix a fait investir ma maison.
Le Duc de Foix ? Qu’entends-je ?
ciel, ta tyrannie veut encore par ses mains persécuter ma vie !
Bien ce n’est-là que la moindre partie
De ce qu’il nous faut ennuyer.
Un certain Du Guesclin, brigand de son métier ?
Turc de Religion ? et Breton d’origine,
Avec ses spadassins, devers Burgos chemine.
Ce traître Duc de Foix vient de s’associer
Avec toute cette racaille.
Contre eux, tout près d’ici, le Roi va guerroyer,
Et nous allons avoir bataille.
Ainsi donc à mon fort je n’ai pu résister ;
Son inévitable poursuite Dans le piège me précipite
Par les mêmes chemins choisis pour l’éviter.
Toujours le Duc de Foix ! sa funeste tendresse
Est pire que la haine, , il me poursuit sans celle.
C’est bien moi qu’il poursuit, si vous le trouvez bon :
Serait-ce donc pour vous que je fuis au pillage ?
On fera sauter ma maison.
Est-ce vous qui causez tout ce maudit ravage ?
Quelle personne étrange êtes-vous y s’il vous plaît
Pour que les Rois et les Princes
Prennent à vous tant d’intérêt,
Et qu’on coure après vous au fond de nos provinces ?
Je fuis infortunée, et c’est assez pour vous, Si vous avez un cœur.
Scène XI
Voyez à vos genoux, Madame, un envoyé du Duc de Foix mon maître
De sa part je mets en vos mains
Cette place, où lui-même il n’oserait paraître :
En son nom je viens reconnaître
Vos commandements souverains.
Mes soldats fous vos lois vont, avec allégresse,
Vous suivre, ou vous garder, ou sortir de ces lieux
Et quand le Duc de Foix combat pour vos beaux yeux
Nous répondons ici des jours de votre Altesse.
Son Altesse ! Eh bon Dieu, quoi Madame est Princesse ?
Princesse de Navarre, et suprême maîtresse
De vos jours et des miens, et de votre maison.
Je suis hors de moi —même.
Ah, Madame, pardon
Je me jette à vos pieds.
Vous voilà reconnue.
De mes desseins coquets la singulière issue !
Quoi, vous êtes Princesse, et faite comme nous
Nous attendons ici vos ordres à genoux.
Je rends grâce à vos soins, mais ils font inutiles ;
Je ne crains rien dans ces asiles ;
Alamir est ici ; contre mes oppresseurs
Je n’aurai pas besoin de nouveaux défenseurs.
Alamir ! de ce nom je n’ai point connaissance ;
Mais je respecte en lui l’honneur de votre choix ;
S’il combat pour votre défense,
Nous ferons trop heureux de servir sous ses lois :
Je vous ramène aussi vos compagnes fidèles,
Vos premiers officiers, vos dames du palais[6]
Échappés aux tyrans, ils nous suivent de près.
Ah ! les agréables nouvelles !
Ciel ! qu’est-ce que je vois ?
une troupe d’Amours et de plaisirs paraissent sur la scène.
Les Grâces, les Amours
Ainsi Caton de Foix veut vous servir toujours.
On danse.
au Duc de Foix. (Interrompant la danse. )
Ce font donc là ses domestiques ?
Que les Grands font heureux, et qu’ils font magnifiques
Quoi de toute Princesse est — ce là la maison ?
Ah ! que j’en fois, je vous conjure :
Quel cortège ! quel train !
Ce cortège est un don
Qui vient des mains de la nature ;
Toute femme y prétend.
Puis— je y prétendre aussi ?
Oui sans doute, avec vous les Grâces font ici ;
Les Grâces suivent la jeunesse
Et vous les partagez avec cette Princesse.
Il le faut avouer, on n’a point de parent
Plus agréable et plus galant.
Venez que je vous parle ; expliquez-moi de grace
Ce qu’est un Duc de Foix, et tout ce qui se pale :
Restez auprès de moi, contez — moi tout cela,
Et parlez-moi toujours, pendant qu’on dansera.
(Elle s’assied auprès du Duc de Foix. )
(On danse. )
chantent.
La nature en vous formant,
Près de vous nous fit naître ;
Loin de vos yeux nous ne pouvions paraître :
Nous vous servons fidèlement :
Mais le charmant Amour est notre premier maître.
(On danse. )
Vents furieux, tristes tempêtes,
Fuyez de nos climats :
Beaux jours, levez-vous sur nos têtes,
Fleurs, naissez sur nos pas.
(On danse. )
Eco, voix errante,
Légère habitante, De ce séjour, Eco, fille de l’Amour,
Doux rossignol, bois épais, onde pure ;
Répétez avec moi ce que dit la nature, Il faut aimer à son tour.
(On danse. )
(Paroles sur un menuet. ) (Premier couplet. )
Non, le plus grand empire
Ne peut remplir un cœur,
Charmant vainqueur,
Dieu séducteur,
C’est ton délire,
Qui fait le bonheur.
(On danse. )
J’aime, et je crains ma flamme.
Je crains le repentir.
Tendre désir, Premier plaisir,
Dieu de mon âme,
Fais-moi moins gémir.
Ah le refus, la feinte,
Ont des charmes puissants ;
Désirs naissants,
Combats charmants,
Tendre contrainte,
Tout sert les amants.
(On danse, )
alternativement avec LE CHŒUR
Divinité de cet heureux séjour,
Triomphe et fais grâce,
Pardonne à l’audace,
Pardonne à l’amour.
(On danse. )
le même amour.
Toi seule es cause
De ce qu’il ose.
Toi seule allumas ses feux.
Quel crime est plus pardonnable ?
C’est celui de tes beaux yeux,
Et les voyant tout mortel est coupable.
Divinité de cet heureux séjour,
Triomphe et Fais grâce,
Pardonne à l’audace ;
Pardonne à l’amour.
On pardonne à l’amour, et non pas à l’audace.
Un téméraire amant, ennemi de ma race,
Ne pourra m’apaiser jamais.
Je connais son malheur, et sans doute il l’accable ;
Mais serez-vous toujours inexorable ?
Alamir, je vous le promets.
On ne fuit point sa destinée :
Les Devins ont prédit à votre âme étonnée,
Qu’un jour votre ennemi ferait votre vainqueur.
Les Devins se trompaient, fiez— vous à mon cœur.
chante.
On diffère vainement ;
Le sort nous entraîne
L’amour nous amène
Au fatal moment.
(Trompettes et timbales. )
Mais d’où partent ces cris, ces sons, ce bruit de guerre ?
arrivant avec précipitation.
On marche, et les Français précipitent leurs pas,
Ils n’attendent personne.
Et je vole avec eux.
Ils ne m’attendront pas ;
Les jeux et les combats
Tour à tour aujourd’hui partagent-ils la terre ?
Où fuyez — vous, où portez — vous vos pas ?
Je sers sous les Français, et mon devoir m’appelle ;
Ils combattent pour vous ; jugez s’il m’est permis
De rester un moment loin d’un peuple fidèle,
Qui vient vous délivrer de tous vos ennemis.
Il sort.
à Léonor.
Ah Léonor ! cachons un trouble si funeste.
La liberté des pleurs est tout ce qui me reste.
(Elles sortent. )
Sans ce brave Alamir que devenir hélas !
Que d’aventures, quel fracas !
Quels démons en un jour assemblent des Alcades,
Des Alamir, des sérénades,
Des Princesses et des combats !
Vous allez donc aussi servir cette Princesse ?
Vous suivrez Alamir, vous combattrez.
Qui, moi ?
Quelque sot ! Dieu m’en garde.
Et pourquoi non ?
Pourquoi ?
C’est que j’ai beaucoup de sagesse.
Deux Rois s’en vont combattre à cinq cent pas d’ici,
Ce sont des affaires fort belles,
Mais ils pourront sans moi terminer leurs querelles,
Et je ne prends point de parti.
ACTE III
Scène I
Quel est notre destin ?
Délivrance et victoire.
Quoi, Don Pedre est défait ?
Oui, rien ne peut tenir
Contre un peuple ne pour la gloire
Pour vaincre, et pour vous obéir.
On poursuit les fuyards.
Et le brave Alamir ?
Madame, on doit à sa personne
La moitié du succès que ce grand jour nous donne :
Invincible aux combats, comme avec vous soumis
Il vole à la mêlée aussi — bien qu’aux aubades ;
Il a traité nos ennemis,
Comme il a traité les Alcades.
Il est en ce moment avec le Duc de Foix,
Dont nos soldats charmés célèbrent les exploits
Mais il pense à vous seule, et pénétré de joie,
À vos pieds Alamir m’envoie,
Et je sens, comme lui, les transports les plus doux,
Qu’il ait deux fois vaincu pour vous.
Je veux absolument savoir de votre bouche
Eh quoi, Madame ?
Un secret qui me touche ;
Je veux savoir quel est ce généreux guerrier.
Puis-je parler, Madame, avec quelque assurance ?
Ah, parlez ; est-ce à lui de cacher sa naissance ?
Qu’est — il ? Répondez-moi.
C’est un brave officier
Dont l’âme est assez peu commune,
Elle est au — dessus de son rang ; ?
Comme tant de Français, il prodigue son sang,
Il se ruine enfin pour faire sa fortune.
Il la fera sans doute.
Eh, quel est son projet ?
D’être toujours votre sujet ;
D’aller à votre cour, d’y servir avec zèle ;
De combattre pour vous, de vivre et de mourir,
De vous voir, de vous obéir,
Toujours généreux et fidèle ;
Appartenir à vous est tout ce qu’il prétend.
Ah, le ciel lui devait un fort plus éclatant !
Rien qu’un simple officier ! mais dans cette occurrence
Quel parti prend le Duc de Foix ?
Votre parti, le parti de la France,
Le parti du meilleur des Rois.
Que n’osera —t— il point ? que va-t-il entreprendre ?
Où va-t-il ?
À Burgos il doit bientôt se rendre.
Je cours vers Alamir ; ne lui pourrai— je apprendre
Si mon message est bien reçu ?
Allez, et dites-lui que le cœur de Constance
S’intéresse à tant de vertu,
Plus encor qu’à ma délivrance.
Scène II
Rien qu’un simple officier ?
Tout le monde le dit.
Mon cœur ne peut le croire, et mon front en rougit.
J’ignore de quel sang le destin l’a fait naître,
Mais on est ce qu’on veut avec un si grand cœur.
C’est à lui de choisir le nom dont il veut être,.
Il lui fera beaucoup d’honneur.
Que de vertu ! que de grandeur !
Combien sa modestie illustre sa valeur !
C’est peu d’être modeste, il faut avoir encore
De quoi pouvoir ne l’être pas.
Mais ce héros a tout, courage, esprit, appas,
S’il a quelques défauts, pour moi je les ignore,
Et vos yeux ne les verraient pas.
J’ai vu quelques héros assez insupportables ;
Et l’homme le plus vertueux,
Peut être le plus ennuyeux ;
Mais comment résister à des vertus aimables ?
Alamir fera mon malheur.
Je lui dois trop d’estime et de reconnaissance.
Déjà dans votre cœur il a sa récompense ;
J’en crois assez votre rougeur ;
C’est de nos sentiments le premier témoignage.
C’est l’interprète de l’honneur.
Cet honneur attaqué dans le fond de mon cœur,
S’en indigne sur mon visage.
Ô ciel ! que devenir, s’il était mon vainqueur !
Je le crains, je me crains moi-même,
Je tremble de l’aimer, et je ne fais s’il m’aime.
Il voit que votre orgueil ferait trop offensé
Par ce mot dangereux, si charmant et si tendre
Il ne vous l’a pas prononcé,
Mais qu’il fait bien le faire entendre !
Ah ! son respect encor est un charme de plus.
Alamir ! Alamir a toutes les vertus.
Que lui manque-t-il donc ?
Le hasard, la naissance.
Quelle injustice ! ô ciel !.., mais sa magnificence,
Ces fêtes, cet éclat, ses étonnants exploits,
Ce grand air, ses discours, son ton même, sa voix.
Ajoutez-y l’amour, qui parle en sa défense.
Sans doute il est du sang des Rois..
Tout me le dit, et je le crois.
Son amour délicat voulait que je rendisse
À tant de grandeur d’âme, à ce rare service
Ce qu’ailleurs on immole à son ambition.
Ah ! si pour m’éprouver, il m’a caché son nom,
S’il n’a jamais d’autre artifice,
S’il est Prince, s il m’aime !. ciel ! que me veut-on ?
Scène III
Madame, à vos genoux, souffrez que je me jette.
Madame, protégez Sanchette ;
Je vous ai mal connue, et pourtant malgré moi,
Je sentais :, sans savoir bien pourquoi.
Vous voilà, je crois, Reine ; il faut à tout le monde
Faire du bien à tout moment,
À commencer par moi.
Si le sort me seconde,
C’est mon projet, du moins.
Eh bien, ma belle enfant,
Madame a des bontés ; quel bien faut — il vous faire ?
On dit le Duc de Foix vainqueur ;
Mais je prends peu de part au destin de la guerre ;
Tout cela m’épouvante, et ne m’importe guère ;
J’aime, et c’est tout pour moi.
Votre aimable candeur
M’intéresse pour vous ; parlez, soyez sincère.
Ah, je suis de très— bonne foi.
J’aime Alamir, Madame, et j’avais sû lui plaire ;
Il devait parler à mon père ;
Il est de mes parents ; il vint ici pour moi.
se tournant vers Léonor.
Son parent, Léonor !
En écoutant ma plainte,
D’un profond déplaisir votre âme semble atteinte !
Il l’aimait !
Votre cœur paraît bien agité !
Je vous ai donc perdue, illusion flatteuse !
Peut — on se voir Princesse, et n’être pas heureuse ?
Hélas ! votre simplicité
Croit que dans la grandeur est la félicité ;
Vous vous trompez beaucoup ; ce jour doit vous apprendre
Que dans tous les états, il est des malheureux.
Vous ne connaissez pas mes destins rigoureux.
Au bonheur, croyez — moi, c’est à vous de prétendre.
Mon cœur, de ce grand jour, est encor effrayé ;
Le ciel me conduisit de disgrâce en disgrâce,
Mon sort peut — il être envié ?
Votre Altesse me fait pitié ; Mais je voudrais être à sa place
Il ne tiendrait qu’à vous de finir mon tourment.
Alamir est tout fait pour être mon amant.
Je bénis, bien le ciel que vous soyez Princesse
Il faut un Prince à votre altesse
Un simple gentilhomme est peu pour vos appas.
Seriez — vous assez rigoureuse,
Pour m’ôter mon amant, en ne le prenant pas ?
Vous qui semblez si généreuse !
ayant un peu rêvé.
Allez, ne craignez rien,. quoi ! le sang vous unit ?
Oui, Madame.
Il vous aime !
Oui, d’abord il l’a dit,
Et d’abord je l’ai cru ; souffrez que je le croie :
Madame, tout mon cœur avec vous se déploie.
Chez messieurs mes parents je me mourais d’ennui ;
Il faut qu’en l’épousant, pour comble de ma joie,
J’aille dans votre Cour vous servir avec lui.
Vous ! avec Alamir ?
Vous connaissez son zèle,
Madame, qu’avec lui, votre Cour fera belle !
Quel plaisir de vous y servir !
Ah ! quel charme de voir, et sa Reine, et son Prince !
Un chagrin à la Cour donne plus de plaisir
Que mille fêtes en province.
Mariez — nous, Madame, et faites — nous partir.
Étouffe tes soupirs, malheureuse Constance ;
Soyons en tous les temps digne de ma naissance.
Oui, vous l’épouserez.
Comptez sur mon appui.
Au vaillant Alamir, je dois ma délivrance ;
Il a tout fait pour moi.
Je vous unis à lui ;
Et vous ferez sa récompense.
Parlez donc à mon père.
Oui.
Parlez aujourd’hui,
Tout à l’heure.
Oui. quel trouble et quel effort extrême !
Quel excès de bonté ! je tombe à vos genoux,
Madame, et je ne fais qui j’aime,
Le plus sincèrement d’Alamir ou de vous.
(Elle fait quelques pas pour s’en aller.)
De mon fort ennemi la rigueur est confiante.
revenant.
C’est à condition que vous m’emmènerez.
C’en est trop.
De nous deux vous ferez si contente.
(à Léonor. )
Avertissez-moi, vous, lorsque vous partirez.
(En s’en allant.)
Que je suis une heureuse fille !
Qu’on va me respecter ce soir dans ma famille !
Scène IV
Quels maux différents tous mes jours font livrés !
Léonor, connais — tu ma peine et mon outrage ?
Je supportais, Madame, avec tranquillité,
Les persécutions, le couvent, le voyage ;
J’essuyais même avec gaieté
Ces infortunes de passage.
Vous me faites enfin connaître la douleur,
Tout le reste n’est rien près des peines du cœur ;
Le vrai malheur est son ouvrage.
Je suis accoutumée à dompter le malheur.
Ainsi par vos bontés, sa parente l’épouse.
Il méritait d’autres appas.
Si j’étais son égale, hélas !
Que mon âme ferait jalouse !
Oublions Alamir, ses vertus, ses attraits,
Ce qu’il est, ce qu’il devrait être.
Tout ce qui de mon cœur s’en : presque rendu maître.
Non je ne l’oublierai jamais.
Vous ne l’oublierez point ! vous le cédez !
Sans doute.
Hélas ! que cet effort vous coûte !
Mais ne ferait — il point un effort généreux
Non moins grand, beaucoup plus heureux ?
Celui d’être au — dessus de la grandeur suprême ?
Vous pouvez aujourd’hui disposer de vous-même.
Elever un héros, est-ce vous avilir ?
Est — ce donc par orgueil qu’on aime ?
N’a — t — on que des Rois à choisir ?
Alamir ne l’est pas, mais il est brave et tendre.
Non, le devoir l’emporte, et tel est son pouvoir.
Hélas, gardez-vous bien de prendre
La vanité pour le devoir.
Que résolvez— vous donc ?
Moi ! d’être au désespoir,
D’obéir en pleurant à ma gloire importune,
D’éloigner le héros dont je me sens charmer,
De goûter le bonheur de faire sa fortune,
Ne pouvant me livrer au bonheur de l’aimer.
(On entend derrière le théâtre un bruit de trompettes. )
Triomphe Victoire,
L’équité marche devant nous ;
Le ciel y joint la Gloire,
L’ennemi tombe fous nos coups.
Triomphe Victoire.
Est-ce le Duc de Foix qui prétend par des fêtes,
Vous mettre encore, Madame, au rang de ses conquêtes ?
Ah ! je déteste le parti,
Dont la Victoire a secondé ses armes ;
Quel qu’il soit, Léonor, il est mon ennemi.
Puisse le Duc de Foix auteur de mes alarmes,
Puissent Don Pedre et lui l’un par, l’autre périr !
Mais, ô ciel ! conservez mon vengeur Alamir,
Dût — il ne point m’aimer, dût — il causer mes larmes.
Scène V
Madame, les Français ont délivré ces lieux ;
Don Pedre est descendu dans la nuit éternelle.
Gaston de Foix victorieux,
Attend encor une gloire plus belle,
Et demande l’honneur de paraître à vos yeux.
Que dites — vous, et qu’osez — vous m’apprendre ?
Il paraîtrait en des lieux où je fuis !
Don Pedre est mort, et mes ennuis
Survivraient encor à sa cendre !
Gaston de Foix vainqueur en ces lieux va se rendre.
J’ai combattu fous lui ; j’ai vu dans ce grand jour,
Ce que peut le courage, et ce que peut l’amour.
Pour moi, seul malheureux, si pourtant je peux l’être,
Quand des jours plus sereins pour vous semblent renaître
Pénétré, plein de vous jusqu’au dernier soupir,
Je n’ai qu’à m’éloigner, ou plutôt qu’à vous fuir.
Vous partez !
Je le dois.
Arrêtez, Alamir.
Madame !
Demeurez, je fais trop quelle vue
Vous conduisit en ce séjour.
Quoi, mon âme vous est connue ?
Oui.
Vous sauriez ?
Je fais que d’un tendre retour
On peut payer vos vœux
Je fais que l’innocence,
Qui des dehors du monde a peu de connaissance,
Peut plaire et connaître l’amour.
Je fais qui vous aimiez, et même avant ce jour.
Elle est votre parente, et doublement heureuse.
Je ne m’étonne point qu’une âme vertueuse
Ait pu vous chérir à son tour.
Ne partez point, je vais en parler à sa mère.
La doter richement, est le moins que je dois ;
Devenant votre épouse elle me fera chère ;
Ce que vous aimerez aura des droits sur moi.
Dans vos enfants je chérirai leur père ;
Vos parents, vos amis, me tiendront lieu des miens ;
Je les comblerai tous de dignités, de biens.
C’est trop peu pour mon cœur et rien pour vos services.
Je ne ferai jamais d’assez grands sacrifices ;
Après ce que je dois à vos heureux secours,
Cherchant à m’acquitter je vous devrai toujours.
Je ne m’attendais pas à cette récompense.
Madame, ah ! croyez —moi, votre reconnaissance
Pourrait me tenir lieu de plus grands châtiments.
Non, vous n’ignorez pas mes secrets sentiments ;
Non, vous n’avez point cru qu’une autre ait pu me plaire.
Vous voulez, je le vois, punir un téméraire ;
Mais laissez-le à lui-même, il est assez puni.
Sur votre renommée, à vous feule asservi,
Je me crus fortuné pourvu que je vous visse ;
Je crus que mon bonheur était dans vos beaux yeux ;
Je vous vis dans Burgos, et ce fut mon supplice.
Oui, c’est un châtiment des Dieux,
D’avoir vu de trop près leur chef— d’œuvre adorable :
Le reste de la terre en est insupportable :
Le ciel est ; sans clarté, le monde est sans douceurs :
On vit dans l’amertume, on dévore ses larmes ;
Et l’on est malheureux auprès de tant de charmes,
Sans pouvoir être heureux ailleurs.
Quoi, je ferais la cause et l’objet de vos peines !
Quoi, Quoi, cette innocente beauté
Ne vous tenait pas dans ses chaînes !
Vous osez !
Cet aveu plein de timidité,
Cet aveu de l’amour le plus involontaire,
Le plus pur à la fois, et le plus emporté,
Le plus respectueux, le plus sûr de déplaire ;
Cet aveu malheureux peut-être a mérité
Plus de pitié que de colère.
Alamir, vous m’aimez !
Oui, dès longtemps ce cœur,
D’un feu toujours caché brûlait avec fureur ;
De ce cœur éperdu voyez toute l’ivresse ;
À peine encor connu par ma faible valeur,
Né simple cavalier, amant d’une Princesse,
Jaloux d’un Prince et d’un vainqueur,
Je vois le Duc de Foix amoureux, plein de gloire,
Qui, du grand Du Guesclin compagnon fortuné,
Aux yeux de l’Anglais consterné,
Va vous donner un Roi des mains de la Victoire.
Pour toute récompense, il demande à vous voir ;
Oubliant ses exploits, n’osant s’en prévaloir
Il attend son arrêt, il l’attend en silence.
Moins il espère, et plus il semble mériter ;
Est — ce à moi de rien disputer,
Contre son nom sa gloire, et surtout sa confiance ?
À quoi fuis— je réduite ! Alamir, écoutez :
Vos malheurs font moins grands que mes calamités ;
Jugez — en ; concevez mon désespoir extrême.
Sachez que mon devoir est de ne voir jamais
Ni le Duc de Foix, ni vous-même.
Je vous ai déjà dit à quel point je le hais,
Je vous dis encor plus ; son crime impardonnable
Excitait mon juste courroux ;
Ce crime jusqu’ici le fit seul haïssable,
Et je crains à présent de le haïr pour vous
Après un tel discours, il faut que je vous quitte.
Non, Madame, arrêtez ; il faut que je mérite
Cet oracle étonnant qui paire mon espoir.
Donner pour vous ma vie, est mon premier devoir
Je puis punir encore ce rival redoutable,
Même au milieu des siens je puis percer son flanc,
Et noyer tant de maux dans les flots de son sang ;
J’y cours.
Ah ! demeurez, quel projet effroyable !
Ah ! respectez vos jours à qui je dois les miens ;
Vos jours me font plus chers que je ne hais les siens.
Mais est-il en effet si sûr de votre haine ?
Hélas ! plus je vous vois, plus il m’est odieux.
se jetant à genoux, et présentant son épée.
Punissez donc son crime en terminant sa peine,
Et puisqu’il doit mourir, qu’il expire à vos yeux.
Il bénira vos coups ; frappez, que cette épée
Par vos divines mains soit dans son sang trempée ;
Dans ce sang malheureux, brûlant pour vos attraits.
l’arrêtant.
Ciel ! Alamir, que vois-je, et qu’avez-vous pu dire ?
Alamir, mon vengeur, vous par qui je respire.
Êtes-vous celui que je hais ?
Je fuis celui qui vous adore ;
Je n’ose prononcer encore Ce nom haï longtemps, et toujours dangereux ;
Mais parlez, de ce nom faut-il que je jouisse ?
Faudra-t-il qu’avec moi ma mort l’ensevelisse,
Ou que de tous les noms il soit le plus heureux ?
J’attends de mon destin l’arrêt irrévocable ;
Faut-il vivre, faut-il mourir ?
Ne vous connaissant pas je croyais vous haïr ;
Votre offense à mes yeux semblait inexcusable.
Mon cœur à son courroux s’était abandonné ;
Mais je sens que ce cœur vous aurait pardonné,
S’il avait connu le coupable.
Quoi ! ce jour a donc fait ma gloire et mon bonheur !
De Don Pedre et de moi vous êtes le vainqueur.
Scène VI
Allons, une Princesse est bonne à quelque chose
Puisqu’elle veut te marier,
Et que ton bon cœur s’y dispose,
Je vais au plus vite, et pour cause,
Avec Alamir te lier, Et conclure à l’instant la chose.
Apercevant Alamir qui parle bas, c’est qui embrasse les genoux de la Princesse
Oh ! oh ! que fait donc là mon petit officier ?
Avec elle tout bas il cause,
D’un air tant soit peu familier.
À genoux il va la prier
De me donner à lui pour femme :
Elle ne répond point, ils sont d’accord.
au Duc de Foix, à qui elle parlait bas auparavant.
Mon âme Mes États, mon dessin, tout est au Duc de Foix
Je vous le dis encore, vos vertus, vos exploits
Me sont moins chers que votre flamme.
Le Duc de Foix ? Mon père, avez — vous entendu ?
Lui, Duc de Foix te moques — tu ?
Il est notre parent.
S’il allait ne plus l’être ?
Il vous faut avouer que ce héros mon maître,
Qui fut votre parent pendant une heure ou deux,
Est un Prince puissant, galant, victorieux ;
Et qu’il s’est fait enfin connaître.
en se retournant vers Hernand
Ah ! dites seulement qu’il est un Prince heureux,
Dites que pour jamais, il consacre ses vœux
À cet objet charmant notre unique espérance,
La gloire de l’Espagne, et l’amour de la France.
Adieu mon mariage !
Hélas trop bonnement,
Moi j’ai crû qu’on m’aimait.
Quelle étrange journée !
À qui ferai — je donc ?
À ma cour amenée,
Je vous promets un établissement ;
J’aurai soin de votre hyménée.
Ce sera, s’il vous plaît, avec un autre amant.
à la Princesse.
Si je vis à vos pieds, je fuis trop fortunée.
Le Duc de Foix, comme je vois,
Me faisait donc l’honneur de se moquer de moi.
Il faudra bien qu’on me pardonne.
La Victoire et l’Amour ont comblé tous nos vœux ;
Qu’au plaisir désormais ici tout s’abandonne :
Confiance daigne aimer, l’univers est heureux.
- ↑ Les amis de Voltaire critiquèrent ce rôle parce qu’ils le trouvaient trop gai, trop comique, trop bas. Nous notons cela pour faire remarquer combien le rire était hors de mode au théâtre en 1745. (G. A.)
- ↑ « Y a—t—il rien, écrit Voltaire au duc de Richelieu, de plus contrasté et de plus magnifi que, j’ose dire de plus neuf ? Où trouvera-t-on une femme persécutée, arrêtée par des fêtes à toutes les portes par où elle veut sortir? »
- ↑ Le mot espagnol almirante signifie amiral (B.)
- ↑ Ce vers se lit ainsi dans la première édition ; mais dans le Mercure de
France, février, tome II, où l’on rapporte des fragments de la Princesse de Navarre, on lit:
Ce que je suis dément ce que je parais être. |
Voyez page 272, dans l'Avertissement, ce qu'il est dit de quelques vers d'une première version que donnent quelques lettres de Voltaire. - ↑ C’est ainsi qu’on lit dans toutes les éditions donnée du vivant de l’auteur. (B.)
- ↑ Il paraît qu’il y avait d’abord : « Vos suivantes et. vos dames du palais. » Le duc de Luynes relève cette incongruité dans ses Mémoires. Voltaire s’empressa de refaire le vers comme il est dans le texte.