La Presse daté du 16 mars 1883/Les transports d’ouvriers

La Presse du 16 mars 1883 (p. 1).

LES TRANSPORTS D’OUVRIERS


On s’est souvent plaint des privilèges de certaines corporations pour les transports par chemin de fer. Les congréganistes n’ont pas manqué de se faire attribuer des prix réduits quand personne encore ne jouissait de cet avantage. Et cependant si quelqu’un a besoin de voyager à peu de frais, ce ne sont pas les membres des congrégations qui ont des vignes et des immeubles au soleil, des actions dans leur portefeuille, mais bien les ouvriers qui n’ont d’autre ressource que le prix de leur journée de travail.

M. Manger, député du Calvados, a pensé qu’il était temps de songer, après les instituteurs, les députés et les sénateurs, aux ouvriers en quête de travail, et, il a préparé le projet de loi suivant qui va être déposé sur le bureau de le Chambre, et qui a déjà été adopté par le Comité d’études des questions de travaux publics.

PROPOSITION DE LOI
Article premier

Tout ouvrier français quittant sa résidence pour aller travailler dans une autre commune sera exempté des impôts établis sur le prix des places des voyageurs transportés par les chemins de fer, en vertu des lois des 2 juillet 1838, 14 juillet 1855 et 16 septembre 1871.

Art. 2

Pour jouir de cette exemption, il devra présenter à la gare de départ son certificat délivré par l’autorité compétente de la commune qu’il quitte ; contre la remise de ce certificat, ou bon de réduction, il lui sera délivré un billet social lui donnant le droit de voyager en troisième classe.

Le prix de ce billet spécial sera établi en déduisant des tarifs en vigueur pour la troisième classe :

1o  Les 29|154 qui représentent les impôts sur la grande vitesse ;

2o  Les réductions que le ministre des travaux publics obtiendra des Compagnies de chemins de fer, en faveur des ouvriers français, comme compensation de l’abandon de l’impôt.

Art. 3.

Un règlement de l’administration publique désignera les autorités chargées de délivrer les certificats ou bons de réduction dont il est parlé ci-dessus et déterminera la forme desdits certificats.

On remarquera qu’il s’agit non des ouvriers qui se promènent pour leur agréments mais des ouvriers qui se rendent à un chantier.

Dans ces conditions on ne peut pas crier au privilège, au socialisme d’État.

C’est là une de ces réformes utiles de nature à améliorer la condition des travailleurs qui doivent faire l’étude constante du législateur.

Nous félicitons M. Manger de l’initiative qu’il a prise.