La Préparation pratique dans les Écoles normales anglaises et américaines
États-Unis d’Amérique.
Revues diverses. — La Préparation pratique dans les Écoles normales anglaises et américaines. — La préparation pédagogique dans les Écoles normales anglaises et américaines présente des différences que deux articles récents permettent d’apprécier.
L’un, paru dans le School Journal du 1er mars, nous renseigne sur les travaux d’une candidate aux fonctions d’institutrice en Angleterre ; l’autre, publié par le Pedagogical Seminary de décembre 1901, donne des détails précis sur l’éducation professionnelle d’un futur maître ou d’une future maîtresse en Amérique.
La jeune Anglaise qui désire enseigner dans les écoles publiques doit être âgée d’au moins quatorze ans, et subir un premier examen, comprenant dans son programme : la géographie, l’histoire d’Angleterre, la grammaire, la composition et l’arithmétique. Elle devient, en cas de succès, « probationer » (élève-maîtresse stagiaire) dans une école normale préparatoire (Pupil Teachers’centre). La moitié de son temps se passe alors à « observer » ses ainées tandis qu’elles font leurs classes. Elle étudie ainsi les méthodes de la directrice et de ses adjointes. Au bout d’un minimum de trois mois, on se prononce sur son aptitude à remplir les fonctions qu’elle recherche.
Dans l’affirmative, elle devient exclusivement élève de l’École normale préparatoire. Ce n’est qu’au bout de neuf mois, et après un second examen, que reprend la préparation professionnelle. Considérée comme élève-maîtresse de première année, tout en poursuivant son instruction générale, elle exerce dès maintenant comme institutrice. Elle reçoit, en effet, les appointements très minimes, il est vrai, de 3 fr. 75 par semaine, la première année, et de 10 francs par semaine, pendant la deuxième et la troisième années.
Le programme des études à l’École normale préparatoire comprend : arithmétique, l’algèbre, la trigonométrie, l’anglais, le latin, le français, la composition, l’histoire, la géographie, les sciences physiques et naturelles, le dessin géométrique, la perspective, le dessin d’après la bosse, la pédagogie, la musique (clés de sol et de fa, la lecture, l’écriture, l’économie domestique et les travaux à l’aiguille.
À la fin de la troisième année, l’élève-maîtresse, alors âgée de dix-huit ans, passe ses examens d’entrée au « Training College » (École normale), où elle peut obtenir une bourse. À sa sortie elle à droit au traitement de 1 400 francs. Ce traitement s’augmente de 100 francs par an pendant trois ans, puis de 75 francs, jusqu à ce qu’un maximum de 3 500 francs soit atteint. Elle peut ensuite devenir directrice, et recevoir un traitement qui s’élève parfois jusqu’à 7 500 francs.
En réalité, de ce qui précède, on peut voir que la préparation pratique de l’institutrice anglaise est donnée un peu sans suite dans divers établissements primaires élémentaires, et n’existe à peu près pas à l’École normale même.
Une enquête organisée dans 72 écoles normales américaines, par MM. A. P. Hollis, inspecteur pédagogique à l’École normale de Valley City, North Dakota, et Geo. A. Me. Farland, directeur de cette même école (The Pedagogical Seminary, déc. 1901), montre que ce système n’est pas généralement suivi en Amérique. Onze, parmi les 72 écoles normales consultées, détiennent l’autorité scolaire dans les villes, généralement petites, où elles sont situées. Tous les établissements primaires servent alors d’écoles d’application pour la « Normal School », dont le directeur est en même temps directeur de l’Enseignement et nomme à tous les postes
Cette organisation est peu en faveur et n’est adoptée le plus souvent que par suite de nécessités locales. Dans ? autres établissements, les élèves-maîtres, au lieu d’être exercés à la pratique dans toutes les écoles de la ville indifféremment, se rendent seulement dans quelques-unes plus spécialement désignées à cet effet. Dans la plupart de ces 7 établissements, une école élémentaire modèle existe, où les élèves-maîtres assistent aux classes dites d’ « observation », faites par des instituteurs choisis.
Les Écoles normales renfermant dans leurs propres bâtiments une école annexe qui dépend de la direction de l’Enseignement de la localité, ne sont qu’au nombre de onze. Le directeur de l’École normale a le contrôle de l’école annexe et n’est, en théorie, responsable que vis-à-vis du directeur de l’Enseignement de l’État, Nous disons, en théorie, car, de fait, il est responsable vis-à-vis du directeur de l’Enseignement de la ville, qui subvient à toutes les dépenses. La grande majorité des Écoles normales (quarante-trois) possèdent d’une manière complète et absolument indépendante leur école annexe. Chose remarquable, ces écoles annexes payantes dans un pays où l’enseignement, à tous ses degrés, est gratuit, sont encombrées d’élèves. Quelques unes des plus grandes écoles normales entretiennent aussi un établissement annexe à la campagne, pour y préparer des élèves-maîtres à l’enseignement des écoles de village.
En outre, dans presque toutes les Écoles normales, en plus d’un professeur spécial de pédagogie dont les préceptes restent trop souvent didactiques, ce sont le professeurs de l’École qui sont, avec beaucoup de raison, chargés de la démonstration des méthodes à employer pour l’enseignement de leurs diverses spécialités. Cette façon de procéder a l’avantage de varier la manière de l’élève-maître suivant les facultés qu’il aura à faire étudier. Elle permet un choix et une sélection qui doivent lui être profitables.
Pour conclure, il faut reconnaître que l’enseignement pédagogique anglais, qui n’est à peu près pas organisé dans les Écoles normales et se peut taxer d’empirisme, paraît inférieur à l’enseignement pratique américain, en général donné scientifiquement et avec beaucoup d’esprit de suite dans les « Normal Schools ».
D’ailleurs, les effets permettent ici de juger des causes. Dans un article sur l’école primaire élémentaire, en Angleterre et en Amérique (Educational Review, mars 1902), Mr. H. Thiselton Mark d’Owens College, Manchester, n’hésite pas à reconnaître la supériorité de l’école américaine sur l’école anglaise. Le travail de l’école américaine repose beaucoup plus sur le rôle de l’enfant pendant la classe et beaucoup moins sur celui du maître, comme c’est le cas en Angleterre. L’auteur ajoute que l’une et l’autre école pèchent peut-être par excès contraires. Cette appréciation est très probablement la vérité. L’École normale anglaise, par trop dogmatique et spéculative, a produit des écoles élémentaires à sa ressemblance. L’école normale américaine, par suite de l’importance donnée aux travaux pratiques et même manuels (Pedagogical Seminary, déc. 1901) qu’elle cultive d’une manière souvent exagérée et sans contrôle, transforme très facilement l’école élémentaire en école professionnelle, au détriment de l’éducation générale.
Il ne faut point hésiter à reconnaître, contrairement à l’habitude française qui nous porte à juger peu favorablement ce qui est français, que nos écoles de tous degrés sont plus prés de la juste mesure, et ne point s’étonner de l’admiration que quelques-unes d’entre elles provoquaient chez cet Australien, dont Mr. Merton C. Leonard, professeur à l’École normale supérieure de Fokyo, nous parle dans une longue étude sur les Écoles normales japonaises (Educational Review, avril 1902).
Le premier article de cette mème revue, fort intéressant et documenté (Moral and Religious Instruction in France), rend à notre pédagogie un hommage plus inattendu. Mr. Ch. Bracq, de Vassar College, État de New York, affirme que l’éducation morale est loin d’être négligée dans nos écoles, comme on l’a trop donné à entendre. Et d’abord, le meilleur mode d’enseignement, l’exemple, est, en général, au-dessus de toute critique. Le niveau moral des instituteurs français est, en effet, très élevé, parce que ces maîtres ne considèrent pas leur métier comme un expédient temporaire, mais comme la mission de toute une vie (teaching is not for them a temporary makeshift but a life). Comme preuve de leur esprit altruiste, M. Bracq rappelle que 3 500 d’entre eux, au moins, ont, durant plusieurs hivers, organisé pour les adultes et mené à bien les cours du soir, si pénibles, et cela sans rémunération. L’enseignement de la morale, tel qu’il se constitue peu à peu dans nos écoles, donne à l’auteur de l’article les plus grandes espérances. Il ne doute pas que cette éducation nouvelle ne devienne, avant longtemps, une direction excellente pour les énergies qui tendent à orienter la France vers le mieux (the energies which make for the better life of France).