La Poste aérienne - Les Pigeons voyageurs

La Poste aérienne - Les Pigeons voyageurs
Revue des Deux Mondes4e période, tome 133 (p. 639-654).
LA POSTE AÉRIENNE

Le concours du Trocadéro et les lâchers de pigeons récemment exécutés en mer ont attiré l’attention et l’intérêt du public sur la colombophilie ; ils ont surtout révélé l’existence de sociétés nombreuses et prospères qui manifestent leur activité en entraînant dans tous les sens, par des exercices répétés, des centaines de milliers de pigeons. Quel est donc le but poursuivi par ceux qui s’adonnent avec tant de passion à ce genre de sport et quel résultat pratique ont-ils atteint ?

En campagne, les pigeons messagers rendront assurément de très grands services en remplaçant le télégraphe intercepté, en reliant à la mère-patrie les défenseurs d’une ville assiégée. Mais l’importance momentanée du rôle que pourront alors jouer les pigeons voyageurs ne suffit pas pour expliquer l’extension prise depuis quelques années par la colombophilie. La Belgique par exemple possède à elle seule autant de pigeons que les autres nations européennes réunies ; en entretenant dans leurs colombiers les races les plus estimées, les Belges n’ont pas uniquement en vue la défense nationale ; ils demandent à la pratique de leur sport favori les émotions violentes que procure le jeu. Les concours, ont lieu chaque dimanche dans la belle saison, sont l’occasion de paris nombreux ; le possesseur du pigeon qui arrive premier, battant des centaines de concurrens, éprouve certainement à un degré égal toute la joie que peut ressentir le propriétaire d’une écurie de courses dont le cheval préféré vient de gagner le grand prix. Ainsi donc la colombophilie, dont l’utilité en campagne ne saurait être contestée, n’est en temps de paix qu’un agréable passe-temps ou encore une des formes du jeu. Bien peu de personnes en effet songent à utiliser les pigeons pour les transactions de la vie quotidienne. « Nous avons à notre disposition le téléphone, le télégraphe, la poste, à quoi bon recourir à un mode de correspondance aussi primitif ? » Telle est la raison qu’on donne trop souvent pour reléguer le pigeon voyageur parmi les objets de luxe, tel est le préjugé que nous voulons essayer de combattre. Nous pensons que les relations de toute nature gagneraient beaucoup en rapidité si l’on employait le pigeon, concurremment avec les modes de correspondance les plus perfectionnés. Cet utile messager peut, dans bien des cas, suppléer ou même remplacer avantageusement la poste et le télégraphe. Un réseau télégraphique, même très dense, ne peut desservir que des localités présentant une certaine importance ; il ne saurait relier directement par exemple un château avec ses voisins, ses fournisseurs ou ses dépendances, parce que la correspondance quotidienne se borne le plus souvent à l’échange d’un nombre de dépêches insuffisant pour motiver la création d’un bureau et surtout d’une ligne.

Nous nous proposons donc d’étudier les moyens de tirer un parti immédiat et pratique des ressources existant déjà dans nos colombiers. Il semble nécessaire au préalable de rappeler sommairement les services rendus dans le passé par le pigeon messager ; n’est-ce pas le meilleur moyen de faire pressentir ce que peut devenir ou plutôt ce que sera dans l’avenir la poste aérienne ?


I

Quand on parcourt l’histoire de l’Asie, on voit dès les premières pages surgir cette question sociale qui, sous des formes si variées, agitera le monde pendant le cours des siècles. C’est d’abord la lutte entre le nomade ennemi de la propriété et l’habitant des villes. Tandis que les populations industrieuses ont formé des agglomérations urbaines ou plutôt de véritables provinces fortifiées telles que Ninive et Babylone, la campagne appartient toujours sans conteste aux pasteurs pillards. Des relations s’établissent pourtant entre les villes qui sont des centres d’exploitation agricole et surtout de production industrielle. Mais si les échanges commerciaux entre ces grands marchés peuvent se faire au moyen de caravanes défendues par des escortes nombreuses, quels messagers porteront la correspondance qui est l’âme même du commerce ? Comment des villes séparées par des déserts parviendront-elles à s’entendre pour combattre l’ennemie commun, le nomade ? Dans le premier conflit entre la civilisation et la barbarie, le pigeon ne fut peut-être pas le moindre auxiliaire de la bonne cause. Les Phéniciens, les Persans, les Mèdes, les Assyriens avaient tous organisé une poste aérienne dont le fonctionnement ne laissait rien à désirer. Babylone était reliée de la même manière aux villes de la Turquie d’Asie et à l’Égypte elle-même.

Les Grecs empruntèrent aux Asiatiques le goût de la colombophilie. L’histoire a conservé le souvenir de cet athlète de l’île d’Egine qui, vainqueur aux jeux olympiques, annonçait le jour même son triomphe à ses concitoyens en leur envoyant une dépêche portée par un pigeon.

Les Romains employèrent eux aussi la poste aérienne ; leur première préoccupation fut d’améliorer par la sélection les races existantes. Pline nous apprend qu’on payait très cher les animaux dont les ascendant avaient fait leurs preuves. Il y avait à Rome et dans la plupart des villes de l’empire des colombiers pouvant contenir de 5 000 à 10 000 pigeons. Les Romains étaient gens pratiques ; ils visaient avant tout le résultat utile, et nous avons tout lieu de croire qu’ils surent tirer de la colombophilie le rendement maximum qu’elle pouvait donner.

Il n’est pas sans intérêt de rappeler par quels moyens les Romains réussissaient à maintenir leur domination dans les provinces récemment annexées : ils organisaient tout d’abord le service des renseignemens. Puis un réseau de télégraphie optique reliait bientôt les points importans de la contrée : la poste par pigeons suppléait le télégraphe aérien, dont les signaux n’étaient pas visibles à toute heure et en toute saison dans des pays brumeux tels que la Gaule. Enfin, des routes stratégiques permettant une concentration rapide complétaient ce système de communications. Dans ces conditions, il n’était pas nécessaire d’éparpiller des troupes nombreuses sur la périphérie de l’immense empire pour en assurer la défense ; un corps d’occupation stationné dans une province frontière était chargé de tenir tête aux insurrections locales, Les projets de l’ennemi étaient le plus souvent connus d’avance, grâce à la bonne organisation de l’espionnage ; il était par suite assez facile de proportionner les moyens de répression aux ressources dont on savait l’adversaire pourvu.

Si le soulèvement prenait de graves proportions, le corps d’occupation ou plutôt de couverture, comme on dirait aujourd’hui, luttait pied à pied en évitant de s’engager à fond pour gagner du temps et couvrir la mobilisation et la concentration qui s’opéraient avec rapidité. Bientôt César apparaissait suivi de ses légions qui avaient pour elles sinon la supériorité de l’armement, du moins la discipline et le nombre ; il s’attaquait immédiatement aux forces organisées de l’adversaire et pouvait écrire Le soir de la première bataille : Veni, vidi, víci. Et quand, quelques jours plus tard, le vainqueur montait au Capitole, songeait-il aux utiles messagers, aux pigeons, qui, dès la première heure, avaient porté avec la rapidité de l’éclair les renseignemens sur l’ennemi, avaient été l’organe essentiel de la mobilisation, et qui avaient tant contribué à donner aux mouvemens des légions le secret et la vitesse, ces deux élémens du succès ?

L’emploi de la poste aérienne tend à se généraliser de plus en plus vers la fin de l’empire : ce ne sont plus, il est vrai, des messages de victoire que portent les pigeons ; ils annoncent aux descendans déchus des maîtres du monde les seules nouvelles les intéresseront désormais : le résultat des courses de chars, des régates, ou encore le succès de tel ou tel gladiateur.

L’histoire relate bien des faits intéressans concernant l’emploi des pigeons au moyen âge. La nouvelle de la prise de Damiette par saint Louis se répandit avec une rapidité que Joinville explique : «Les Sarrasins annoncèrent au Soudan par coulons messagers que le roi est arrivé. »

A une époque moins reculée, les pigeons ont joué parfois un rôle important dans les sièges, notamment à Harlem et à Leyde ; ils ont relié avec la mère patrie des corps expéditionnaires opérant dans des pays lointains. Faut-il rappeler les pigeons de Saint-Marc, que Venise entretient depuis le XIIIe siècle en souvenir des services qu’ils rendirent alors à la République ? Le doge Dandolo assiégeant Candie put rester en relations quotidiennes avec la République, et par cette voie réussit à obtenir des renforts. Bientôt Venise, alors à l’apogée de sa puissance, compta une conquête de plus.

Pendant le blocus continental, tandis que les relations postales étaient interrompues entre l’Angleterre et le reste de l’Europe, certains financiers du continent communiquaient fréquemment par pigeons avec leurs correspondans de Londres.

Quand la vie normale reprit son cours en Europe, on oublia les services que la poste par pigeons est susceptible de rendre ; les modes de correspondance perfectionnés ne manquaient pas d’ailleurs. La colombophilie ne fut plus pratiquée que par les amateurs de sport qui eurent du moins le mérite de conserver et d’améliorer les races de pigeons qui leur avaient été transmises. Un épisode de la guerre de 1870 vint rappeler que même de nos jours on peut tirer un utile parti de la poste aérienne. Paris assiégé put communiquer avec la province au moyen de pigeons qui sortaient emportés par les ballons pour rentrer chargés de dépêches.

Nous citerons encore deux faits intéressans qui ont le mérite de l’actualité. Les bateaux de pêche rentrant à Boulogne, Dieppe et Saint-Malo sont toujours devancés par des pigeons messagers lâchés en mer qui annoncent leur entrée et indiquent en détail quel est le produit de la pêche.

Voici un autre exemple de l’utilisation de la poste aérienne. Nos lecteurs savent que le pari mutuel est mis aujourd’hui à la portée des bourses les plus modestes. L’ouvrier parisien, n’a pas le loisir d’assister aux courses, trouve sur son chemin, en se rendant à son travail, des agences interlopes qui prélèvent sur lui, sous forme de pari, le plus dur des impôts. Une course vient d’avoir lieu, le résultat ne sera connu par dépêche que le soir, dans trois ou quatre heures. Le bookmaker consent donc avec bonhomie à recevoir des paris, à faire même la contre-partie de ses cliens. La dépêche tant attendue arrive enfin : les cliens ont perdu. Ils se conscient en songeant qu’ils seront plus heureux une autre fois. Les pauvres gens ne se doutent pas que leur partenaire jouait à coup sûr : un compère présent aux courses lui envoyait par pigeon le résultat de chacune d’entre elles, et le pigeon devançait le télégraphe.

C’est ainsi que, depuis les habitans de l’Arche auxquels la colombe annonçait la délivrance prochaine, jusqu’au bookmaker parisien, les hommes ont plus ou moins tiré parti du merveilleux instinct du pigeon.


II

Il est indispensable de donner sur l’organisation, le fonctionnement et surtout le rendement d’un colombier quelques indications sommaires qui seront d’ailleurs la base des propositions que nous allons formuler au cours de cette étude.

Les animaux qui peuplent nos colombiers appartiennent à la race belge : le pigeon voyageur belge n’est autre chose qu’un descendant du biset modifié par des sélections accumulées depuis des siècles ; il diffère beaucoup par suite de son ancêtre sauvage, tant pour les habitudes que pour l’instinct. Le pigeon voyageur est un peu moins grand que le ramier, mais il a une tête plus expressive, des formes plus élégantes, un plumage plus brillant et plus varié.

On peut installer un colombier dans un local quelconque, autant que possible aéré et spacieux. On assigne généralement à chaque couple une petite habitation distincte, une case, où il fera son nid et élèvera ses petits. Le pigeonnier est pourvu d’une entrée unique constituée par une cage, qui présente deux issues donnant l’une sur l’extérieur, l’autre sur le colombier. Les deux portes sont fermées par de petites tringles verticales, mobiles autour du point de suspension et appelées cliquettes. La cage, qui est en quelque sorte l’antichambre du colombier, permet d’isoler les pigeons arrivant de l’extérieur, porteurs de dépêches. On ferme la cage aux sortans et on la laissé ouverte aux entrans en disposant deux réglettes en travers des cliquettes. Le pigeon arrivant du dehors pousse avec la tête les cliquettes de la première porte, entre dans la cage qu’il traverse, puis essaie de pousser de même les cliquettes de la deuxième porte, mais celle-ci est fermée. Il reste donc pris dans une sorte de souricière jusqu’à ce que son maître vienne le délivrer.

Le dressage des pigeonneaux commence dès qu’ils ont de trois à quatre mois ; on les lâche à des distances de plus en plus grandes : l, 3, 10, 20, 30, 50, 90, 120 kilomètres, en choisissant ces étapes successives sur une même direction. A 6 mois, un pigeonneau doit être en état de rentrer au colombier en parcourant 300 kilomètres à la vitesse de 80 kilomètres à l’heure. A la fin de la deuxième année d’entraînement, les pigeons devront revenir de 500 kilomètres, et la troisième année, de 1 000 kilomètres. Ces épreuves successives ont pour résultat de sélectionner les habitans d’un colombier ; les sujets de valeur médiocre se perdent en effet en route.

Le pigeon revient beaucoup plus rapidement des localités situées sur la direction dans laquelle il a été entraîné ; mais, quand il est de bonne race, il revient d’une direction quelconque. Il serait logique d’entraîner tous les habitans d’un colombier dans des directions différentes. Cette manière de procéder occasionnerait assurément des pertes plus nombreuses, mais les pigeons restant après ces différentes épreuves auraient évidemment une plus grande valeur. L’entraînement dans une direction unique est pratiqué par la plupart des colombophiles : en spécialisant de la sorte leurs pigeons, ils ont un double but : limiter les pertes et obtenir sur une direction, toujours la même, une orientation plus rapide, un retour plus prompt au colombier. Le colombophile ne vise pas actuellement un résultat pratique, l’emploi de ses pigeons pour la correspondance dans des circonstances forcément variées ; il cherche simplement à obtenir des succès dans les concours, et ceux-ci ont généralement lieu pour une même ville dans une direction invariable connue d’avance. A quoi bon, dans ces conditions, entraîner les pigeons sur d’autres directions ? Un certain nombre d’amateurs vont même plus loin : ils recherchent la vitesse au détriment de l’instinct. Ils croisent par exemple leurs pigeons belges avec des ramiers. Les produits sont doués d’une puissance musculaire considérable, mais l’instinct des oiseaux obtenus par de semblables croisement laisse beaucoup à désirer. Sur vingt pigeons de sang mêlé, dix-huit se perdront dans les concours, mais deux arriveront, et en raison de leur vitesse gagneront les deux premiers prix. Les concours actuels ont donc peut-être l’inconvénient de primer trop exclusivement la vitesse alors que l’instinct doit être la qualité maîtresse du pigeon. L’oiseau dont le vol sera exceptionnellement rapide devancera d’une demi-heure à peine, sur un parcours de 400 kilomètres, ses concurrens moins vigoureux. Cette différence de vitesse étant sans grande importance dans la pratique il conviendrait donc avant tout de rechercher pour la correspondance le pigeon dont le retour est assuré dans toutes les circonstances.

Quoi qu’il en soit, malgré les critiques qu’on peut formuler sur leur organisation, les concours ont rendu et rendent encore un service signalé. C’est grâce à eux que la race des pigeons voyageurs belges a conservé et même développé les qualités acquises dans les générations précédentes. Alors qu’en 1826 quelques colombophiles demandaient à leurs pigeons, comme un véritable tour de force, d’accomplir le trajet de Lyon à Verviers, il n’est pas aujourd’hui de petite société du nord de la France qui n’exécute des lâchers à Bayonne, à Perpignan, sur le littoral méditerranéen ou même en Corse. Nous possédons actuellement dans des colombiers répartis sur toute la superficie du territoire plus de 100 000 pigeons entraînés capables de traverser la France entre le lever et le coucher du soleil ; les colombophiles sont tous groupés en sociétés. Le moment n’est-il pas venu de tirer parti de cette organisation et d’assigner au sport colombophile un but pratique immédiat ? Si nous le voulons, la poste aérienne sera créée demain.


III

Nous venons de montrer quels résultats pouvaient obtenir les colombophiles stimulés par le désir de se distinguer dans les concours ; il est juste d’ajouter que quelques-uns d’entre eux, cherchant sans doute à atteindre un but plus pratique, soumettent chaque jour leurs élèves à des épreuves très variées. Ces divers essais ont permis de fixer un certain nombre de points importans à connaître.

Pendant combien de temps le pigeon conserve-t-il le souvenir du colombier natal et le désir d’y rentrer ? On a vu certains oiseaux regagner leur logis après cinq ans de réclusion ; on admet généralement qu’un pigeon de bonne race saura rentrer après un internement de six mois.

On s’est demandé au delà de quelle limite, à quelle distance du pigeonnier l’oiseau perd le sentiment de l’orientation. Des pigeons ont fait le voyage de Vienne et de Rome à Bruxelles, d’autres, vendus en Amérique, ont su retrouver en Belgique la maison de leur premier propriétaire.

Il est une condition qui rend tout au moins difficile dans bien des cas l’utilisation du pigeon voyageur : pour que deux correspondans entrent en relations par cette voie, il faut que chacun d’eux dispose d’un colombier ; un échange préalable de pigeons est enfin nécessaire pour assurer l’envoi des lettres dans les deux sens ; de là une perte de temps parfois considérable. On s’est alors demandé s’il ne serait pas possible de dresser des pigeons à quitter leur colombier porteurs d’une dépêche pour se rendre chez le destinataire et à rapporter la réponse : en un mot, à faire le voyage aller et retour. Si invraisemblable que la chose paraisse, ce résultat merveilleux a été obtenu avec une étonnante facilité. Voici par quels moyens : quelques pigeons appartenant par exemple a un colombier de Paris sont enfermés pendant un certain nombre de jours dans un colombier de Saint-Denis, où l’on a soin de leur servir à heure fixe un repas composé des graines dont ils sont le plus friands et qu’ils ne trouvent pas habituellement dans leur propre colombier. Les pigeons captifs sont au bout de peu de temps parfaitement au courant des habitudes de leur nouvelle demeure.

Quand on leur rend alors la liberté, ils partent joyeusement à tire-d’aile pour regagner le colombier de Paris, mais ils n’ont pas perdu le souvenir des bons momens passés pendant leur internement. Si donc, à Paris, on les laisse jeûner, ils ne manqueront pas de se présenter au colombier de Saint-Denis à l’heure précise où ils savent qu’une distribution de graines doit avoir lieu. Ils contracteront très facilement l’habitude de venir de la sorte une ou plusieurs fois par jour, à heure fixe, quémander un repas. Un exemple dont nous sommes souvent témoin montre bien que sous le rapport de l’exactitude le pigeon ne le cède en rien à l’homme : un de ces oiseaux exécutant le voyage aller et retour entre son colombier et un correspondant éloigné de quelques kilomètres, se présente chaque jour chez ce dernier à 1 heure moins 10 minutes pour manger cinq ou six grains de chènevis ; il repart aussitôt après, à moins qu’on ne le retienne pour le charger d’une dépêche. Le voyage aller et retour peut être très aisément organisé entre deux colombiers distans l’un de l’autre d’une cinquantaine de kilomètres. Nous n’insistons pas sur les avantages que présente ce mode de correspondance pour assurer des relations continues et régulières entre des localités peu éloignées les unes des autres.

L’instinct du pigeon messager semble donc grandir en raison même des exigences de l’homme. On ne sait vraiment ce qu’il faut admirer le plus, ou le coup d’aile puissant qui permet à un oiseau d’accomplir en une journée un trajet de plus de 1 000 kilomètres, ou le mystérieux instinct lui fait retrouver, presque sans hésitation, la direction du colombier.


IV

Suivons par la pensée le pigeon voyageur que le chemin de fer emporte vers une région inconnue : au milieu des cahots du voyage, dans l’obscurité du wagon où on le traité comme un colis, le pauvre oiseau songe sans doute au colombier natal où, suivant l’expression du fabuliste, il trouvait chaque soir « bon souper, bon gite et le reste. »

Quand, au terme du voyage, ou lui rend la liberté, il s’élève en décrivant une spirale et paraît explorer l’horizon ; il monte encore : rien ne lui rappelle le paysage témoin de ses ébats quotidiens. Cependant il semble prendre un parti, fuit à tire-d’aile dans une direction perpendiculaire à celle du colombier et disparaît dans le lointain. Un quart d’heure se passe, et le pigeon se montre de nouveau au-dessus du point où il a été lâché. Cette fois, il prend sans hésitation la bonne direction, il est orienté. Nous n’osons comparer cette rapidité de décision aux hésitations du voyageur muni pourtant d’un bagage de connaissances péniblement acquises et de toutes les ressources que donne la science : l’occasion serait mal choisie pour opposer la raison à l’instinct.

On s’est demandé quel sens doit guider l’oiseau dans le retour au pigeonnier ; ce n’est pas la vue, car le pigeon ne s’élève guère à plus de 400 mètres au-dessus du sol. L’horizon qu’il découvre est par suite relativement assez limité. On le met d’ailleurs le plus souvent en liberté dans une contrée totalement inconnue ; il n’est donc pas guidé par la mémoire locale. On a imaginé encore je ne sais quelle théorie de courans magnétiques dont la direction assurerait au pigeon des points de repère infaillibles... Tous nos efforts pour analyser et expliquer l’instinct, cette science innée de la bête, resteront sans doute impuissans ; nous sommes en présence d’un secret de la création ; mais si la cause nous échappe, nous pouvons du moins observer les effets, les diriger dans une certaine mesure et en tirer parti. Nous : allons nous placer a un point de vue essentiellement pratique, — étudier les modifications successives par lesquelles est passé l’instinct du pigeon, depuis l’ancêtre sauvage jusqu’au messager qui peuple aujourd’hui nos colombiers, — rechercher quelle limite peut être actuellement assignée à l’utilisation des pigeons voyageurs et indiquer enfin dans quel sens l’élevage doit être dirigé pour que la poste aérienne donne son rendement maximum.

L’instinct de la conservation, qui dicte vraisemblablement tous les actes du biset sauvage, est un assemblage complexe d’élémens très divers : l’aptitude à rechercher la nourriture paraît tenir la première place, puis vient l’habileté à se dérober aux dangers de toute nature, et enfin le sentiment de l’orientation qui permet à l’oiseau de retrouver son nid et le guide dans ses migrations. Le ramier, qui peuple nos bois, diffère sans doute sous bien des rapports de l’ancêtre qui fut la souche de sa race. Tous les êtres étant sujets à varier, la nature conserve et accumule pendant les générations successives les variations d’instinct qui peuvent être utiles à l’animal. Le ramier d’aujourd’hui est par suite mieux préparé que ses ascendant à la lutte pour l’existence.

Si nous passons au pigeon messager domestiqué par l’homme, nous constatons que son instinct diffère essentiellement de celui du ramier : la recherche de la nourriture ne le préoccupe nullement, il sait que son maître y pourvoira. C’est cette même question d’alimentation qui le tient dans une étroite dépendance à l’égard de l’homme : les animaux qui voyagent le mieux sont ceux qui sont incapables de trouver leur nourriture en route et pour lesquels le retour au colombier est une question de vie ou de mort. En revanche, le sens de l’orientation, dont l’importance est secondaire pour le ramier, est développé chez le pigeon voyageur aux dépens des autres aptitudes devenues inutiles. L’instinct d’orientation n’est autre chose que l’instinct de la conservation modifié par la sélection artificielle. Le pigeon voyageur est donc en quelque sorte un être incomplet ; il serait mal armé en vue de la lutte pour la vie s’il était à l’état sauvage, mais il est parfaitement approprié aux conditions d’existence qui lui sont faites et surtout aux services que nous attendons de lui. Il n’a pas comme le ramier l’instinct de migration ; ses aptitudes mentales sont développées et même spécialisées dans le sens voulu par l’éleveur. En sélectionnant, l’homme ne crée pas : il n’a aucune influence immédiate sur la production de la variabilité. Il se contente d’exposer, dans un dessein déterminé, les êtres organisés à de nouvelles conditions d’existence. La nature agit alors sur l’organisation et la fait varier. L’homme choisit les variations que la nature lui a fournies et les accumule. Tel est le principe dont l’application nous a donné des races de pigeons aux aptitudes très diverses. Citons quelques exemples.

Les éleveurs français et belges sélectionnant en vue d’obtenir des succès dans les concours : ils spécialisent souvent l’instinct de leurs pigeons. De génération en génération, les animaux issus d’une même souche seront entraînés dans la direction est-ouest par exemple. Si nous prenons un pigeonneau sans connaître l’aptitude spéciale de ses ascendant, et que nous essayons de l’entraîner dans la direction nord-sud, nous aurons sans doute des mécomptes.

En Angleterre, où le brouillard est fréquent, les éleveurs ne conservent que les animaux voyageant bien dans la brume. Les races anglaises ont par suite l’aptitude à s’orienter par le mauvais temps, qui arrête souvent les pigeons des autres contrées. Pour des raisons semblables, les pigeons élevés en Suède et en Norvège sauront retrouver leurs colombiers malgré la neige, qui met souvent en défaut l’instinct de nos pigeons. L’entraînement des pigeons en mer nécessite, lui aussi, des aptitudes particulières, qu’un élevage raisonné développera par la sélection.

On lit dans les ouvrages traitant de la colombophilie que le pigeon voyageur n’est presque jamais blanc ; la raison en est bien simple : les habitans de nos colombiers sont sélectionnés pendant les voyages par les oiseaux de proie qui atteignent surtout les oiseaux de couleurs voyantes ; ceux-ci disparaissent donc généralement avant d’avoir fait souche. Cette observation ne s’applique pas naturellement au pigeon commun, qui s’écartant peu des habitations est moins fréquemment attaqué par l’épervier.

De même les pigeons volant près de terre tombent fatalement tôt ou tard sous le plomb du chasseur ; ils laissent généralement par suite très peu de descendans. C’est ainsi que parfois des circonstances indépendantes de notre volonté interviennent pour jouer un rôle important dans la transformation d’une espèce domestique.

La sélection permet d’approprier nos races à n’importe quel service : nous pouvons créer par exemple une variété d’oiseaux gardant fidèlement pendant un long internement le souvenir du colombier ; nous pouvons encore développer l’aptitude au voyage aller et retour. Nous nous demandions plus haut quelle limite peut être assignée à l’utilisation du pigeon voyageur ; fixer cette limite serait nier le principe du transformisme dans l’espèce qui est une loi de la création. Nos races se modifient constamment, elles sont par suite indéfiniment perfectibles. Au lieu de chercher quelle peut être la limite de l’emploi du pigeon, il faut indiquer un but pratique aux éleveurs, leur dire simplement : nous voulons des oiseaux revenant par tous les temps, en toute saison, de tous les points de l’horizon. Et notre programme serait promptement réalisé. Le pigeon est très prolifique : un couple produit chaque année une douzaine de petits qui deviennent eux-mêmes, en moins d’un an, aptes à la reproduction. Enfin, une circonstance facilite encore la tâche de l’éleveur : le male et la femelle s’accouplent pour la vie, à moins que le caprice de l’homme ne vienne les séparer ; il est donc possible d’entretenir sans le moindre inconvénient des variétés distinctes dans un même colombier.

Il est indispensable que les efforts des éleveurs soient coordonnés et dirigés, parce que rien dans l’élevage ne doit être laissé au hasard ; or la connaissance des principes de la sélection n’est généralement pas assez répandue chez les colombophiles. C’est ainsi que beaucoup d’entre eux croient régénérer leur race belge par le croisement avec le ramier. Cette pratique doit être absolument condamnée : le messager belge est le résultat d’une sélection continuée depuis des siècles ; en le croisant avec un oiseau d’origine douteuse, l’éleveur revient en arrière et renonce au terrain gagné péniblement par les générations précédentes. Les transformations qui se produisent incessamment dans la race suffisent d’ailleurs pour la modifier dans le sens cherché sans qu’il soit nécessaire de lui infuser un sang étranger.

Cette vérité essentielle deviendra évidente le jour où les concours, qui sont actuellement la seule sanction de l’élevage, seront réorganisés dans un sens plus pratique et viseront l’amélioration du pigeon voyageur en vue de son utilisation. Les épreuves, auxquelles nous soumettons nos espèces d’animaux domestiques, servent généralement à discerner dans un lot toujours très considérable les animaux les mieux conformés en vue d’un service ou d’une utilisation spéciale ; ceux-ci une fois primés sont employés comme étalons, autant que possible à l’exclusion des autres animaux de même espèces. Les courses de pigeons n’ont pas exclusivement pour objet la recherche des sujets d’élite, des meilleurs reproducteurs, ils servent surtout à classer tous les habitans de nos colombiers par ordre de mérite, d’après leur aptitude au voyage. Le concours doit être pour le pigeon ce que le baccalauréat est pour les hommes : tout animal qui n’aura pas subi avec succès un minimum d’épreuves sera impitoyablement sacrifié. Nous avons, au cours de cette étude, exprimé l’avis que les courses priment la vitesse au détriment de l’instinct : si la poste aérienne devait être organisée, on se préoccuperait avant tout d’affecter à ce service des animaux dont le retour fût assuré. Qu’importe la vitesse si la correspondance n’arrive pas, par suite d’une erreur d’orientation du messager ?

Or l’organisation actuelle des courses ne prévoit aucune sanction contre les fautes graves d’instinct que ne manquent pas de commettre un certain nombre de concurrens. Il serait aisé de remédier à cet inconvénient en procédant de la façon suivante : supposons qu’un concours ait lieu entre deux localités éloignées l’une de l’autre de 277 kilomètres. Les pigeons ont été lâchés à 7 heures du matin, à partir de 10 heures ils se présenteront successivement au colombier. On pourrait décider par exemple que les pigeons arrivés après 11 heures seraient considérés comme égarés. Tout colombier ayant un tant pour cent de pertes serait disqualifié et exclu des récompenses, quel que fût d’ailleurs le rang d’arrivée de ses élèves rentrés dans de bonnes conditions. On pourrait encore primer le résultat moyen obtenu par chaque colombier, au lieu de donner le premier prix à l’animal qu’une circonstance favorable, toute fortuite peut-être, a fait arriver avant ses concurrens. Il nous semble que, si nos idées étaient appliquées, on tiendrait encore très suffisamment compte de la vitesse, qui est un facteur assurément très important.

Nous pensons que les expositions où l’on prime les pigeons d’après leurs formes et leurs cou leurs, sans se préoccuper de leurs aptitudes professionnelles, exercent une influence plutôt néfaste sur l’élevage : le jury motive en effet son appréciation sur le plus ou moins de ressemblance que présentent les animaux exposés avec un type classique de pure convention. Le colombophile est par suite amené à recourir aux croisement avec des races communes pour obtenir une forme ou une couleur déterminée, pour faire en un mot le pigeon d’exposition ; il ne recherche pas les qualités essentielles qui, elles, sont impondérables, et que seule la course peut mettre en relief. Il serait bien simple de supprimer le défaut d’organisation que nous signalons en n’admettant dans les expositions que des oiseaux ayant déjà fait leurs preuves dans les courses. Nous croyons avoir suffisamment démontré la nécessité d’une direction étrangère aux compétitions des sociétés, qui imprime a l’élevage une heureuse impulsion et n’ait en vue que l’intérêt général.


V

La poste aérienne est un expédient auquel on doit recourir seulement à défaut des autres modes de correspondance. » Nous acceptons avec toutes ses conséquences cette opinion formulée par un écrivain ami du progrès, qui considérait d’ailleurs l’utilisation du pigeon comme un procédé quelque peu arriéré. Nous allons examiner si, dans notre réseau postal, télégraphique et téléphonique, il n’existe pas de lacune que l’emploi du pigeon messager permette de combler. Prenons deux correspondans habitant l’un Paris, l’autre Bordeaux : ils ont manifestement intérêt à se servir pour leurs relations du télégraphe ou de la poste. Une dépêche expédiée par l’un d’eux parviendra au destinataire en moyenne trois heures après avoir été déposée au bureau de départ. La situation n’est plus la même si nous envisageons le cas de deux correspondans habitant la campagne et résidant seulement à 20 kilomètres l’un de l’autre. La dépêche et souvent la lettre mettront le même temps à franchir ces 20 kilomètres que s’il s’agissait de faire le trajet de Paris à Bordeaux, tandis que le pigeon mettra de 15 à 20 minutes pour faire ces mêmes 20 kilomètres.

Toutes les fois qu’il s’agira de relier des correspondans habitant à moins de 100 kilomètres les uns des autres, la poste aérienne sera le plus rapide et le plus commode des modes de correspondance, surtout si l’on fait usage du voyage aller et retour. Voici comment on pourrait procéder à l’organisation de ce service, qui, une fois créé, fonctionnera en quelque sorte automatiquement. Supposons qu’un château possédant des pigeons voyageurs entretienne des relations de voisinage avec quatre correspondans. Il sera très facile d’affecter par exemple trois animaux au service postal aller et retour avec chaque destination. Le dressage est très simple ; enfin on n’astreint pas son correspondant à posséder un colombier ; il suffit qu’il installe chez lui une grande cage dont l’entrée soit munie de cliquettes, et dans laquelle les pigeons trouveront chaque jour aux heures convenues quelques graines à manger.

S’agit-il des relations du même château avec la ville voisine : le service est encore plus simple. Il existe dans toutes les villes des colombiers de pigeons voyageurs, auxquels le château peut, moyennant une faible redevance, emprunter un certain nombre de messagers. Les pigeons internés au château seront mis en liberté au fur et à mesure des besoins et rentreront à leur colombier porteurs de dépêches : celles-ci seront remises à destination par les soins du propriétaire des pigeons.

Le château peut lui-même interner un certain nombre de ses pigeons chez les personnes avec lesquelles il entretient des relations intermittentes.

Il est encore une circonstance, où le pigeon rendra des services très appréciés. Supposons qu’un habitant de la campagne s’éloigne de chez lui pour aller visiter des dépendances assez éloignées et qu’il emporte dans sa voiture deux ou trois pigeons : à n’importe quel moment et quel que soit l’endroit où il se trouve, il peut réparer un oubli, donner un ordre qui sera presque instantanément exécuté.

Nous connaissons des pays perdus dans le Jura et la Savoie où les relations sont fréquemment interrompues par la neige. Certaines localités situées en pays de montagnes sont à vol d’oiseau à 5 ou 6 kilomètres l’une de l’autre, mais pour franchir la distance qui les sépare, il faut traverser des ravins, escalader des montagnes. Le pigeon saura rapprocher ceux que la nature a séparés. Aussi longtemps donc que chaque maison ne sera pas reliée par un fil au réseau qui sillonne la contrée, la poste aérienne aura sa raison d’être.

Nous croyons devoir, en terminant, aborder quelques considérations d’ordre plus matériel et répondre aux objections qu’on pourrait nous faire. Un pigeon porte très aisément 30 grammes. Des tubes en aluminium de forme aplatie sont en tout temps cousus dans les plumes de la queue. Il suffit de glisser la lettre dans le tube et de le refermer en en repliant l’extrémité.

Que coûte l’entretien d’un colombier ? Un pigeon mange environ 1 500 grammes de graines par mois. Un colombier de 30 pigeons consomme donc par an environ 540 kilos de graines, soit une dépense totale de 110 francs. De cette somme il faut défalquer le prix des pigeonneaux (de 80 à 100) qui seront destinés à l’alimentation. On peut donc admettre que la dépense occasionnés par les frais d’entretien du colombier sera couverte par ce revenu.

Aucune connaissance technique n’est nécessaire pour élever et dresser des pigeons voyageurs : il suffit d’appliquer les règles pratiques très simples qu’on trouve dans les ouvrages de colombophilie, et de consacrer quelques instans chaque jour à l’inspection du colombier. Les animaux malades sont supprimés, n’est-ce pas le mode de traitement le plus facile à appliquer ? En résumé, la mise en pratique de l’idée que nous avons présentée à nos lecteurs ne présente aucune difficulté.


VI

Il existe un contraste frappant entre l’existence si calme et monotone de jadis et notre vie contemporaine, qui est caractérisée par une prodigieuse activité : les échanges continuels, les affaires, un va-et-vient incessant ont complètement modifié la face du monde. Nos pères demandaient aux sciences occultes, à l’alchimie de prolonger la vie humaine ; ne semble-t-il pas que ce problème désespérant soit enfin résolu ? Dans le trop court intervalle qui sépare le berceau de la tombe, l’homme réussit aujourd’hui à dépenser une activité qui eût suffi jadis à remplir plusieurs existences. Or cette intensité de vie provient d’une cause bien simple, la multiplicité et la rapidité des moyens de communication : la pensée à peine élaborée est aussitôt transmise et mise en œuvre ; un projet qui vient d’être conçu est instantanément réalisé. Si le monde actuel peut, avec quelque vraisemblance, être comparé à la locomotive lancée à toute vitesse, les moyens de transmission de toute nature, qui sont l’organe essentiel de l’activité contemporaine, représentent bien de leur côté la goutte d’huile qui est partout dans la machine, qui ne produit rien par elle-même, que personne ne voit et sans laquelle pourtant aucun rouage ne marcherait.

Les modes de correspondance si variés dont nous disposons ont tous leur raison d’être : chacun d’eux répond à une nécessité bien déterminée. Si donc les perfectionnement apportés aux services télégraphique et téléphonique nous faisaient rejeter comme superflue la poste aérienne, nous méconnaîtrions cette loi du progrès qui veut que l’homme accroisse sans cesse son domaine tout en gardant avec un soin jaloux le terrain déjà conquis : il doit de plus en plus utiliser pour son service toutes les forces de la nature. Les merveilleux engins imaginés pour transporter au loin la force motrice n’empêcheront pas la roue du moulin de tourner. S’il nous était donné d’évoquer le siècle à venir, il nous dirait sans doute, en montrant avec orgueil les inventions les plus ingénieuses destinées à multiplier les relations entre les hommes : « Ce câble qui traverse les mers va porter la parole jusqu’aux limites du monde, et cet oiseau qui vole à tire-d’aile, c’est encore la pensée de l’homme qui passe ! »


G. REYNAUD.