ESSAI
SUR LA POPULATION DES DEUX MONDES.
PAR M. ADR. BALBI.
(Dernier article.)

Aucune partie du monde ne présente des opinions plus opposées sur le nombre de ses habitans que l’Afrique. Tandis que Chamfort et Galletti le portaient il y a plusieurs années, le premier à 300,000,000, et le second à 200,000,000, Volney et Pinkerton l’estimaient tout au plus à 30,000,00.

Il faut avouer qu’à l’exception des petites parties soumises aux Européens et de l’Égypte, on ne sait rien, absolument rien de positif sur la population de cette partie du monde. On n’a généralement à cet égard que des conjectures. Cependant, si tous les géographes voulaient appliquer aux différentes régions de l’Afrique les méthodes à l’aide desquelles la critique leur enseigne à parvenir à la connaissance de la population approximative d’un pays donné, nous doutons fort que leurs estimations différassent entre elles de plus d’un cinquième, surtout depuis que le généreux dévouement de plusieurs voyageurs a rassemblé de nos jours une foule de faits positifs sur lesquels le géographe peut asseoir ses raisonnemens.

Ne pouvant pas, faute d’espace, exposer en détail tous ceux qui nous ont servi de base pour déterminer la population que nous avons assignée aux différentes portions de l’Afrique, nous nous bornerons à faire quelques réflexions sur le nombre d’habitans qu’on attribue aux états barbaresques.

On se tromperait lourdement si, après avoir parcouru tous les ouvrages publiés sur les états barbaresques, on croyait bien en connaître la population. La géographie de ces contrées offre également encore les plus grandes incertitudes et beaucoup de lacunes. Tout ce que l’on a publié jusqu’à présent, relativement à la population, se réduit à de simples conjectures, malgré les nombres exacts assignés à chacune des trois régences par des auteurs étrangers à la statistique, et même par quelques véritables statisticiens, nous nommerons, parmi ces derniers, Hassel, dont la science déplore la perte récente.

Lorsque nous avons rédigé la Balance politique du Globe, nous n’avons pas déterminé la population des états de cette partie d’Afrique d’après les estimations vagues des géographes et des statisticiens qui ne l’ont jamais visitée, mais d’après l’analyse des évaluations données, soit par les voyageurs les plus instruits qui l’avaient parcourue, soit par des personnes qu’un long séjour et des circonstances favorables mettaient à même de recueillir des faits positifs. C’est en agissant de la sorte, et en employant les moyens déjà exposés, que nous avons cru pouvoir nous arrêter aux nombres assignés dans cet ouvrage. Quand on considère l’anarchie qui désole presque toujours ces contrées jadis si florissantes ; quand on songe au gouvernement tyrannique qui pèse de mille manières sur leurs habitans, excepté les Turcs, qui ne sont qu’une très-petite fraction de la somme totale ; lorsqu’on pense que la propriété n’est presque jamais respectée, que les vices honteux dont toutes les classes sont souillées, et la condition misérable des femmes, les travaux et les fatigues dont elles sont accablées journellement, opposent un double obstacle à la marche naturelle de la population ; lorsqu’on réfléchit aux ravages que doivent produire les maladies, dont la guérison, au lieu d’être confiée à des médecins habiles, est ici livrée à des jongleurs avides, ou bien à des empiriques très-ignorans ; lorsqu’on se rappelle que la peste vient y moissonner périodiquement tant de victimes ; lorsqu’on réfléchit, dis-je, sur toutes ces causes, on ne trouve pas trop faibles les résultats auxquels nous nous sommes arrêté. Mais un court examen des opinions les plus recommandables émises à ce sujet donnera plus de poids à ce que nous venons d’exposer. Nous commencerons par l’état d’Alger.

Laissant de côté les 3,000,000 et les 2,000,000, les 1,900,000 et les 1,300,000 habitans, etc., etc., que l’on assigne gratuitement, et, pour ainsi dire, au hasard à cet état, nous citerons les estimations de deux auteurs qui, plus que tous les autres, nous paraissent devoir être regardés comme juges compétens : nous voulons parler de M. Shaler et de M. Renaudot. Le premier, consul général des États-Unis à Alger, est l’auteur de l’ouvrage le plus important que l’on ait encore publié sur cette contrée. Un séjour de dix ans dans le pays, la place éminente qu’il a occupée et un profond savoir, attesté par son ouvrage même, sont des garans en faveur de ses estimations. M. Renaudot, employé pendant plusieurs années comme officier de la garde du consul général de France à Alger, était aussi à portée d’établir ses évaluations, sinon sur des recensemens inconnus dans ces contrées, du moins sur des faits positifs, qui peuvent donner des approximations. Mais, à notre grand étonnement, nous voyons M. Shaler n’évaluer la population de cet état qu’à 1,000,000 à peine, tandis que M. Renaudot la porte à 2,714,000 ! Tout lecteur qui aura lu attentivement ce que nous avons exposé dans la première partie de ces recherches, n’aura pas de difficulté à expliquer cette grande différence entre les estimations contemporaines de deux auteurs qui habitent le même pays, et qui sont tous les deux à peu près dans les mêmes circonstances pour se procurer toutes les informations nécessaires. Nous ajouterons seulement que, d’après l’évaluation de la superficie de cet état donnée par M. Shaler, on voit que cet auteur a exclu de ses calculs toutes les peuplades de l’Atlas qui sont, de fait ou de nom, indépendantes du dey d’Alger. Les renseignemens nombreux que nous avions déjà recueillis en rédigeant l’Atlas éthnographique du globe, ainsi que l’estimation de M. Shaler, nous ont engagé à porter à 1,500,000 la population totale de l’état d’Alger, dans les limites qui nous semblaient pouvoir lui être assignées. Nous y avons compris toutes les peuplades qui vivent sur son territoire, quels que soient leurs rapports politiques vis-à-vis le dey d’Alger. Nous avons vérifié dernièrement nos calculs, parcouru tous les ouvrages qu’a fait naître l’expédition que l’on prépare ; nous n’avons rien trouvé qui nous déterminât à les modifier.

Les estimations relatives à l’état de Tunis offrent les mêmes divergences. Tandis que le voyageur anglais Maggil, après avoir visité cette contrée en 1811, en évaluait la population à 2,500,000, un autre voyageur de sa nation, M. Blacquière, qui l’avait parcourue presque dans la même année, la portait à 4,500,000. Les détails de leurs calculs respectifs présentent des différences encore plus choquantes. Ainsi, lorsque, d’après l’un, le nombre des Turcs n’est que de 7,000, d’après l’autre il s’élève à 25,000. Nous ajouterons que Von-Holk accordait 3,000,000 d’habitans à cette régence ; que Graberg, en 1813, la réduisait à 1,500,000, et que Hassel, après avoir adopté dans plusieurs de ses ouvrages l’estimation exagérée de M. Blacquière, paraissait dernièrement s’être arrêté à 3,500,000. Plusieurs motifs qu’il serait trop long d’exposer nous ont engagé à lui en assigner 1,800,000 dans notre Balance.

Mais aucun de ces trois états barbaresques n’offre des estimations plus opposées que celles qu’on attribue à la régence de Tripoli. Deux voyageurs judicieux qui l’ont visitée à des époques très-rapprochées et de nos jours, Aly-Bey et Della-Cella, lui donnèrent, l’un 2,500,000 habitans, l’autre 650,000 ! Dès l’année 1816, et avant d’avoir eu connaissance de cette dernière évaluation de notre savant compatriote qui a parcouru une grande partie de cette régence comme médecin du dey dans l’expédition entreprise en 1817 contre un de ses fils révolté, nous avions suivi l’opinion d’un géographe très-distingué ; nous l’avions réduite avec M. Graberg à 1,000,000, à une époque où presque tous les géographes l’élevaient à 2 et 3,000,000. Mais les renseignemens positifs que nous devons à notre célèbre et malheureux ami, à l’éloquent géographe de la Cyrénaïque, nous ont engagé à réduire ce nombre à 660,000. M. Pacho, qui, malgré sa prédilection pour tout ce qui concerne l’archéologie et la géographie ancienne, avait recueilli quelques faits sur la population si clair-semée de cette contrée, nous avait répété plusieurs fois que l’on ne saurait accorder, sans tomber dans une grande erreur, plus de 660,000 habitans aux possessions actuelles du pacha de Tripoli. C’est d’après ses conseils, et appuyé sur des faits qu’il nous a communiqués, que nous avons adopté ce nombre pour la Balance. Nous ne connaissons aucun motif qui puisse nous engager à le modifier, malgré les 2,500,000 habitans que Hassel lui assignait en 1824, les 1,500,000 auxquels il s’était arrêté en 1828, et les 1,325,000 que le savant M. Uckert penche à lui accorder. Il est bon d’ajouter que, tandis que Hornemann ne donnait que 70,000 habitans à tout le Fezzan, qui dépend actuellement de cette régence, M. Lyon l’élevait en 1817 à 200,000.

TABLEAU COMPARATIF
DES PRINCIPALES OPINIONS ÉMISES
SUR LE NOMBRE DES HABITANS DE l’AFRIQUE.
Habitans.
Volney, en 1804 de 20,000,000 à 
30,000,000
Pinkerton 
30,000,000
Balbi, dans la Balance politique du globe 
60,000,000
L’Oriental Herald, en 1829 
62,500,000
Malte-Brun, en 1810 ; et Pinkerton (Walckenaer et Eyriès), en 1827 
70,000,000
Letronne 
80,000,000
Fabri, en 1805 ; et Mentelle 
90,000,000
Graberg, en 1813 
99,000,000
Riccioli, vers 1660 ; et Guilbert Charles Le Gendre, en 1758 
100,000,000
Uckert, en 1824 
102,393,000

Hassel, dans les Éphémérides géographiques de Weimar, en 1816 
102,412,600
Stein, dans son Dictionnaire, publié en 1818, de 80,000,000 à 
102,412,600
Hassel, dans son Statistischer Umriss, en 1824 
104,430,100
Stein, en 1816 
104,430,100
Hassel, dans son Almanach de 1828 et l’Almanach de Gotha, en 1829 
104,430,100
Denaix, en 1828 
109,581,000
Galetti, dans son Dictionnaire, en 1822 
111,000,000
Reichard, dans l’édition de la Géographie de Galetti, en 1822, de 100,000,000 à 
120,000,000
Cannabich, en 1818, et dans son Lehrbuch, etc., en 1821, de 100,000,000 à 
150,000,000
Sussmilch, en 1765 ; Templeman, Bielfeld, en 1760 et Melish, en 1818 
150,000,000
Golberry, en 1815 ; et Ritter, en citant Golberry 
160,000,000
L’abbé de Saint-Pierre, en 1750 
180,000,000
Galetti, dans les premières éditions de sa Géographie, de 160,000,000 à 
200,000,000
Chamfort 
300,000,000


OCÉANIE.

Deux causes principales produisent les contradictions si fréquentes que l’on rencontre dans les traités de géographie sur la population de l’Océanie. La première provient de la manière dont on détermine son étendue ; la seconde, de la manière dont on estime sa population.

Les variations produites par la première cause sont prodigieuses. En admettant même les évaluations de Hassel, la population de l’Océanie surpasserait de 20,304,000 celle que ce statisticien lui assignait en 1828 ; car, d’après ses limites, elle n’aurait dû avoir que 2,688,000 habitans, tandis que, d’après celles que nous lui assignerons avec tous les géographes français, elle en aurait 22,992,000.

Nous manquons d’espace pour signaler à l’attention du lecteur toutes les différences qui existent entre nous et les autres géographes. Nous nous bornerons à quelques-unes qui sont les plus frappantes.

Hassel, et un grand nombre de géographes qui le copient sans jamais le citer, ont extraordinairement exagéré la population des îles de Bornéo, Sumatra et Célèbes. Des renseignemens positifs que nous devons à l’obligeance de M. le baron de Vander-Capellen, avant-dernier gouverneur général de l’Océanie néerlandaise, nous ont démontré combien on se trompe en portant au-delà de 7,000,000 la population de Sumatra, au-delà de 4,000,000 celle de Bornéo, et au-dessus de 3,000,000 celle de Célèbes. D’un autre côté, le recensement fait pendant l’administration de Raffles, et celui qui eut lieu pendant celle de M. Vander-Capellen, prouvent sans réplique combien était dans l’erreur Bertuch, qui, en adoptant l’opinion généralement suivie par les géographes, n’accordait que 2,100,000 habitans à l’île de Java avec celle de Madoura. Cependant, lorsque, dès l’année 1816, nous trouvant à Venise, nous ne pouvions pas encore avoir connaissance des recensemens exécutés par Raffles en 1815, nous avons prouvé qu’il fallait augmenter de beaucoup la population de Java, à laquelle, avec Dirk Von-Hogendorp, nous accordions 5,000,000 d’habitans. Les communications obligeantes de M. le capitaine de Freycinet, ainsi qu’un mémoire manuscrit, rédigé par un des derniers gouverneurs de l’Océanie portugaise, et que nous avons eu entre les mains durant notre séjour à Lisbonne, nous ont mis également en état de rectifier l’idée erronée que l’on avait généralement sur la population de l’île de Timor. Nous ne quitterons pas la Malaisie (archipel indien), sans faire observer que nous avons dû accorder en 1826 à la portion des Philippines qui est soumise aux Espagnols, une population supérieure à celle qui lui a été assignée par M. Morquer des Campes.

La population de l’Australie est plus difficile à déterminer que celle des deux autres grandes divisions de l’Océanie. Nous ne connaissons encore qu’une lisière le long des côtes du Continent Austral (Nouvelle-Hollande), et une très-petite partie de son intérieur. Hassel conjecturait, il y a quelques années, qu’on ne pouvait lui accorder une population indigène que d’environ 100,000 ames, malgré sa grande étendue. Plus tard, en 1828, il attribuait au continent et aux îles qui en sont le plus près 200,000 habitans. Comme il n’est question que d’une très-petite somme répartie sur la totalité de l’Océanie ; nous croyons qu’on peut admettre sans grand inconvénient cette faible population. Tout ce que l’on en connaît jusqu’à présent paraît venir à l’appui de l’évaluation du statisticien allemand.

Les renseignemens que nous devons à quelques-uns des officiers des expéditions des capitaines Duperrey et Durville nous ont engagé aussi à diminuer de beaucoup les populations excessives que les géographes, sur les traces de Hassel, accordaient à la Papouasie (Nouvelle-Guinée).

Dès l’année 1816, nous avons signalé les exagérations relatives aux populations des principaux archipels de la Polynésie. Les missionnaires anglais ayant compté, en 1797, les habitans de l’île de Otaïti, n’en trouvèrent que 16,050, au lieu de 160,000 que Forster lui avait assignés. D’après les rapports de ces mêmes missionnaires, tout l’archipel de la Société proprement dit ne renfermait, en 1818, que 13,900 habitans, dont 8,000 à Otaïti. Hassel, en s’appuyant sur les calculs exagérés faits par King en 1779, et récemment par Johnson, assignait, dans ces dernières années, à l’archipel de Sandwich, tantôt 400,000 habitans, tantôt 740,000, évaluations qui étaient aveuglément adoptées par presque tous les géographes allemands, français, anglais, et des autres nations. Selon M. le capitaine de Freycinet, cet archipel renfermerait 264,000 habitans, tandis que M. Ellis et d’autres missionnaires, qui depuis l’ont visité en détail, n’en portent la population qu’à 130,000, ce que nous adoptons sans hésiter.

Toutes les recherches que nous avons faites sur le nombre des habitans de l’Océanie, et l’examen des faits rassemblés jusqu’à présent, paraissent pouvoir nous autoriser à lui attribuer 20,300,000 ames. Le tableau suivant offre les principales opinions émises par les géographes et les voyageurs. Afin de rendre cette comparaison plus facile, nous en excluons toute la Malaisie (archipel indien), et nous nous bornons à ce que les Allemands appellent Australie, et les Anglais, ainsi que les géographes d’autres nations, nomment Australasie ou Terres Australes. Ce tableau contient des disparates non moins remarquables que celles que nous avons signalées pour les autres parties du monde.

TABLEAU COMPARATIF
DES PRINCIPALES OPINIONS ÉMISES
SUR LE NOMBRE DES HABITANS DE l’AUSTRALIE.
Habitans.
Balbi, en 1816 
1,400,000
Cannabich, en 1818 et 1821 
1,500,000
Reichard, dans l’édition de la Géographie de Galetti, en 1822, de 1,500,000 à 
2,000,000
Stein, en 1811 ; et Galetti, dans son Dictionnaire, en 1822 
2,000,000
Charles Julius Bergius, en 1828 
2,500,400
Hassel, dans le Vollstaendiges Handbuch, en 1825 
2,628,000
Denaix, en 1828 
2,675,400
Hassel, dans son Almanach de 1828, et l’Almanach de Gotha de 1829 
2,688,000
Le Conversations Lexikon, en 1827 
3,700,000
Stein, en 1826 
3,712,800
Volney, en 1804 
5,000,000
L’Oriental Herald, en 1829 
8,000,400
AMÉRIQUE.

Dès l’année 1808, dans notre Prospetto politico geografico dello stato attuale del globo sopra un nuovo piano, nous avons fait connaître les exagérations des géographes sur la population du Nouveau-Monde. Dans cet ouvrage, nous la portions à 27,400,000, d’après les renseignemens les plus positifs qu’on pouvait avoir à cette époque. Les recherches que nous avons faites, et les travaux géographiques publiés depuis lors sur les principales régions de ce continent, nous ont engagé à porter sa population, d’après les sommes spéciales de ses différentes parties, à 33,800,000 en 1816, et à 36,000,000 en 1819. Mais ces calculs ont besoin d’une rectification.

Ne nous étant pas encore livré à des études sur les langues de l’Amérique, nous n’avions aucun moyen de corriger les exagérations des géographes et des voyageurs sur le nombre des Indiens sauvages ou indépendans. Quelques écrivains, même parmi ceux que la renommée place au premier rang, ont augmenté extraordinairement, et continuent à augmenter leur nombre. Le savant géographe Morse portait encore, en 1812, à 5,000,000 les sauvages indépendans de l’Amérique, lorsque l’ingénieux Volney, dès l’année 1804, avait tâché de prouver qu’ils ne sauraient être estimés au-delà de 1,639,000. L’éditeur de la Grammar of general geography of Goldsmith ne tenant aucun compte des estimations de Morse et de Volney, publiait encore à Londres, en 1822, que les sauvages indépendans du Nouveau-Monde s’élèvent à 12,000,000, dont 5,000,000 vivent dans l’Amérique du Nord, et 7,000,000 dans celle du Sud !! Un voyageur très-instruit, M. Buchanan, estimait, en 1824, à 2,000,000 ceux qui errent entre l’isthme de Panama et l’Océan glacial boréal. Hassel, dans une dissertation sur le nombre des habitans de l’Amérique, insérée dans les Éphémérides géographiques de Weimar, croyait pouvoir évaluer tous les sauvages du Nouveau-Monde à environ 2,500,000 en 1825. Après un premier examen sur ce sujet difficile, nous avions cru pouvoir les réduire à ce nombre en 1817. Mais les études de M. de Humboldt sur ce même sujet, celles que M. Gallatin a consignées dans un mémoire manuscrit, dont nous devons la communication à l’obligeance du premier, ainsi que les détails multipliés que nous avons rassemblés sur le nombre des Indiens sauvages, en rédigeant notre Atlas ethnographique du globe, nous ont engagé à diminuer de moitié notre première évaluation.

Ayant publié dernièrement, dans le xxxviiie volume de la Revue encyclopédique, nos recherches sur la population de l’Amérique, nous croyons inutile de répéter ici les raisonnemens que nous avons faits pour justifier nos calculs. Nous nous bornerons à rédiger le tableau des principales opinions des géographes et des voyageurs.
TABLEAU COMPARATIF
DES PRINCIPALES OPINIONS ÉMISES
SUR LE NOMBRE DES HABITANS DE L’AMÉRIQUE.
Habitans.
Busching, en 1778 
13,441,678
Pinkerton 
15,000,000
Volney, en 1804, et Stein, en 1811 
20,000,000
Fabri, en 1805, et Graberg, en 1813 
24,000,000
Le docteur Callender 
25,500,000
Humboldt, au commencement du dix-neuvième siècle 
25,650,000
Balbi, en 1808 
27,400,000
Bertuch, dans les Éphémérides géographiques de Weimar, et Reichard, dans l’édition de la Géographie de Galetti, en 1822 
30,843,500
Hassel et Stein, dans leurs Dictionnaires géographiques, en 1817 et 1818 
31,000,000
Cannabich, en 1821 
33,000,000
Balbi, en 1816 
33,800,000
Humboldt, en 1823 
34,942,000
Morse, en 1812 
35,000,000
Stein, en 1826 
35,400,000
Worcester, en 1822, de 30,000,000 à 
36,000,000
Darby, en 1826 
37,400,000
Balbi, dans sa Balance politique du globe, référant ses calculs à la fin de l’année 1826 
39,000,000
Denaix, en 1828 
39,309,000
Malte-Brun, en 1810, au-dessous de 
40,000,000
Melish, en 1818 
40,000,000
Hassel, dans son Almanach de 1828, et l’Almanach de Gotha de 1829 
40,048,844
Charles Julius Bergius, en 1828 
40,505,782
Malte-Brun, en 1805 ; Le Sage, en 1823 ; et Letronne en 1824 
50,000,000

Morse, vers la fin du dix-huitième siècle ; Hervas, en 1800 ; et Lalande, dans l’Annuaire de l’an ix 
60,000,000
Sussmilch, en 1765 ; Bielfeld, en 1760 ; Beausobre, en 1771 ; et l’auteur anonyme de la Description des mœurs et coutumes, en 1821 
150,000,000
L’Abbé de Saint-Pierre, vers 1750 ; et Lalande, dans l’Annuaire de l’an viii 
180,000,000 !!
Guilbert Charles Le Gendre, vers 1758, au moins 
260,000,000 !!
Riccioli, vers 1660 
300,000,000 !!
Montaigneet Montesquieu, l’estimaient au plus bas, pour l’époque de sa découverte à 
400,000,000 !!

Après ce que nous venons de dire sur la superficie et sur la population des grandes divisions du globe et de leurs principaux états, nous croyons pouvoir en résumer la statistique générale dans le tableau suivant. Nous espérons que nos lecteurs accorderont quelque confiance à des chiffres qui sont le résultat de si longues et si difficiles recherches.


TABLEAU STATISTIQUE DU GLOBE.
ANCIEN CONTINENT.
SUPERFICIE POPULATION
en milles carrés de 60 au degré équatorial Absolue. Relative.
23,427,000 678,000,000 29
Europe.
2,793,000 227,700,000 82
Asie.
12,118,000 390,000,000 32

Afrique.
8,500,000 60,000,000 7
NOUVEAU CONTINENT.
Amérique.
11,146,000 39,000,000 3.5
CONTINENT AUSTRAL ET DÉPENDANCES.
Océanie.
3,100,000 20,300,000 6.5


LE GLOBE.
Partie occupée par les mers 
110,849,000
Partie terrestre 
37,673,000 737,000,000
Total de la superficie du globe 
148,522,000


Ad. Balbi.