La Populace/Représailles

REPRÉSAILLES


 

M oi, fils d’ouvriers, moi, qui sortis de leurs rangs !
Moi qui fais au budget un trou de mille francs !
Qui moisis d’anémie et sèche de chlorose,
Vissé sur mon péteux, dans mon bureau morose,
Moi loqueteux comme eux, comme eux effiloqué,
C’est moi qu’ils ont choisi ! Moi qu’ils ont attaqué !
Moi ! J’ai fui devant eux ! J’entendais leurs huées !
Moi, que ne nourrit pas l’or des prostituées !
Moi, qui ne reçois pas des marmites d’amour
Le louis quotidien, pour vivre au jour le jour.
Ils sont jaloux ! Ils ont jalousé mes guenilles.
Eh bien, malheur sur vous, malheur à vous, mandrilles !
Je sens rugir en moi des laves de fureur !
Ma haine est juste ! Dieu m’en est témoin ! Malheur !
Vous êtes mal tombés ! Et c’est fait pour me plaire
Que vous ayez pris soin d’allumer ma colère.
Vous êtes mal tombés. Vous paierez ! Ils paieront !

Aujourd’hui, je vous mets ces vers rouges au front,
Je vous traîne à l’égout, je vous rends aux latrines :
Mais, demain, ce sera mon pied dans vos poitrines
Et mes dents, oui, mes dents rageuses, dans vos cœurs.
Ah ! vous verrez, le jour où nous serons vainqueurs.
Ce sera notre tour de rire. Et je m’en charge.
Je trouerai cinq cents puits de cinq cents pieds de large,
Profonds de cinq cents pieds ! pour y verser — demain ! —
Votre sang, qui ne fut jamais du sang humain.