CHARITÉ


 

L e mendiant, vautré par terre, agonisait.
Chacun, déjà, glissait la main dans son gousset,
Car tout passant héberge un cancre charitable :
De tous côtés des gens grouillaient, sortant de table,
Et portaient, essoufflés, rapides, tout courants,
Du bouillon, du poulet, des plats incohérents,
De tout ! On pérorait : — « Quoi qu’y a ? » — Le pauvre homme !
— Il a cassé sa pipe ? — Ah ! — Non ! — Si ! — C’est tout comme.
— Moi, je suis arrivé comme il dégringolait.
Une gouge, portant de la meringue au lait,
Recueillit des bravos, sur le voyou courbée.
Titit gueulait : Ohé Gugusse ! Un machabée !
Un gardien de la paix survint. Le moribond,
Par un signe averti, se releva d’un bond

Et s’éloigna, sans hâte, en crachant une ordure.

Il fit sagement. Moi, je n’ai pas l’âme dure,
J’apportais justement mon obole, à mon tour,
Une soupe, par moi trempée avec amour,
Laquelle soupe j’ai là-haut, pour les cas rares
Et qui contient toujours quelques vagues curares
Ou quelque chlorydrate alerte, précieux
Pour guérir les petits bobos de ces messieurs.