C. Muquardt (p. 177-178).


XXIII


Un an après, le 26 juillet 1830, vers quatre heures, la réunion était encore plus nombreuse que de coutume dans les salons de madame de Rivers. Toute la société élégante se retrouvait encore là, mais non plus cette fois rieuse, frondeuse, moqueuse ; de graves préoccupations assombrissaient tous les fronts ; chacun était accouru pour recueillir des renseignements, communiquer ses inquiétudes sur la fermentation, l’agitation hostile qui commençaient à se faire remarquer dans Paris…

Déjà sous ce ciel serein, sous ce soleil resplendissant, les grondements de la rue… ces sinistres avant-coureurs des grandes tempêtes populaires, semblaient à ce moment faire osciller la terre sous les pas légers de tout ce monde d’heureux imprévoyants.

Le fameux manifeste, au retentissement duquel devait s’écrouler un trône… donnait lieu à une controverse brûlante qui captivait toutes les attentions, en même temps que tous les regards, anxieusement fixés sur la porte d’entrée du salon, accusaient le besoin d’apprendre quelque chose du dehors…

Un nouvel arrivant, ordinairement bien informé, survint.

— Apportez-vous des nouvelles ? lui demanda-t-on avec empressement.

— Je viens d’en apprendre une fort tristel répondit-il.

— Qu’est-ce donc ? qu’est-ce donc ?

— La mort de madame Duval… l’air balsamique de la Suisse a été impuissant !… Elle a succombé à Lausanne, d’une maladie au cœur ; les médecins se sont trompés !

— Quel malheur !

— Sitôt ! à peine la croyait-on malade !

— C’est affreux !

— Voilà une des plus agréables maisons de Paris fermée…

— Mourir si jeune ! — si charmante ! — si riche ! si parfaitement heureuse ! — exclama-t-on de toutes parts.

— Pauvre femme ! dit en joignant les mains madame de Rivers avec une expression déchirante, ce bonheur si envié l’a tuée.