La Pluie artificielle

La Pluie artificielle
Revue des Deux Mondes3e période, tome 113 (p. 133-167).
LA
PLUIE ARTIFICIELLE


I.

Partie des rives de l’Atlantique, la civilisation a gagné progressivement l’intérieur des États-Unis. Au début, — c’était hier encore, — la population était relativement peu nombreuse, et pas n’était besoin d’aller bien loin pour trouver des terres où s’installer. Les grandes vallées du Centre et du Sud, en particulier, offrirent l’hospitalité à de nombreux immigrans, nationaux ou étrangers, en quête d’une situation sociale. Mais le courant avait beau se déverser sur de larges espaces, il ne perdait guère de sa force ; l’invasion continuait régulièrement, et il fallait aller plus loin pour rencontrer des terres libres. On n’y perdait pas toujours, au contraire : les terres les plus fertiles n’étaient pas nécessairement les plus rapprochées de la côte orientale, et la Californie ne fit pas de mécontens. Vint un moment, pourtant, où la plupart des régions favorisées du climat furent occupées, et les nouveaux-venus ne surent trop où se nicher. Il y avait bien dans le Nébraska, le Kansas, le Dakota, le Wyoming, Montana, le Texas, des étendues énormes, mais personne n’en voulait. Les hauts plateaux et les plaines des Cordillères partageaient cette défaveur, et pour cause. C’étaient, — Et ce sont encore, — à l’est des montagnes Rocheuses, d’immenses plaines à perte de vue, larges de 600 kilomètres environ, onduleuses, battues par le vent ; non pas stériles, certes, mais dépourvues d’arbres, et uniquement revêtues d’un épais tapis de hautes herbes qui, l’été venu, se dessèchent et meurent, le plus souvent consumées par des incendies immenses. Que tenter dans ces prairies, où l’eau manque : à quoi bon y perdre son temps et son travail ? Pas de rivières ; pas de pluie ; où prendre de quoi arroser ses cultures ? Dans certaines régions de l’Ouest, sans doute, on était parvenu, à coups de millions, à créer des canaux et des écluses, et à entraîner hors de leur lit des rivières paisibles qu’on avait employées à étancher la soif d’une terre brûlée : on était parvenu à cultiver des milliers d’hectares jusque-là stériles ; et dans le Nouveau-Mexique en particulier, dans la vallée du Pecos, on obtenait, sans trop de peine, quatre récoltes de légumes par an, que l’on vendait aux habitans de l’Est ; mais encore avait-on eu des rivières et des cours d’eau importans à sa disposition, au lieu que dans les plaines dont il s’agit il n’y a pas la moindre rivière.

Quelques optimistes tentèrent pourtant de relever le courage des immigrans. Installez-vous toujours, disaient-ils, travaillez le sol, retournez-le, et vous aurez de l’eau, la pluie viendra[1]. Avec une foi aveugle, les immigrans s’installèrent ; ils arrosèrent le sol de leurs sueurs, mais il ne poussa pas un radis. Paternel, toujours, le gouvernement leur annonçait que les pluies viendraient ; mais, pas plus que sœur Anne, ils ne virent venir quoi que ce soit ; l’herbe verdoyait aussi peu que par le passé, tandis que la plaine poudroyait à l’infini. Ils interrogèrent alors les météorologistes, et sans colère d’ailleurs, tinrent à ces hommes paisibles à peu près ce langage : Vous qui fréquentez les pluviomètres, les baromètres et autres instrumens destinés à vous renseigner sur les faits et gestes de l’atmosphère, qu’avez-vous à nous dire ? Pleut-il réellement plus depuis que nous retournons notre sol ? À la vérité, nous ne nous en sommes pas aperçus, mais peut-être existe-t-il quelque changement d’où nous pourrions tirer bon augure pour l’avenir ? Les météorologistes complilsèrent leurs registres, — ceux-ci étaient fort bien tenus, — et comme, à Fort-Leavenworth en particulier, les observations avaient été notées depuis plus d’un demi-siècle, on. y trouva des données d’une réelle valeur. Mais elles n’étaient guère encourageantes[2]. Ici, l’on démontrait clair comme le jour que la situation n’a pas subi la moindre altération, et qu’il n’y a pas signe d’un accroissement quelconque de la précipitation pluviale ; ailleurs, dans le Kansas, l’Université et le Collège d’agriculture confessaient piteusement que la quantité de pluie décroît au lieu d’augmenter. Encore faut-il noter que les stations météorologiques dont il s’agit se trouvent déjà à quelque distance de la région sèche des plaines ; mais ceci ne pouvait consoler le moins du monde les immigrans, qui voyaient trop clairement leur malheur. Des âmes bien intentionnées leur dirent alors qu’il était impossible que leurs efforts fussent stériles, et qu’à coup sûr leurs tentatives de culture devaient finir par augmenter la pluie.

Ceux des immigrans qui avaient quelque lecture répondirent que la culture de la vallée du Nil, — qui ne date pas d’hier, pourtant, — n’a point, à leur connaissance du moins, notablement augmenté le régime des pluies, et que, sans les inondations périodiques du fleuve géant, les Égyptiens seraient fort en peine de récolter le moindre légume, malgré leurs efforts et ceux des générations qui ont échappé aux dix plaies. Ils ajoutaient qu’ils étaient d’ailleurs tout prêts à se contenter du Nil, si le gouvernement voulait bien le mettre à portée raisonnable. D’autres firent encore remarquer que les pays du vieux monde, comme la France, l’Espagne, l’Italie, dont le sol a été cent fois tourné et retourné, — si bien qu’il est presque épuisé, et se refuse à produire si l’on ne lui prodigue l’élixir de vie, les engrais les plus variés, — ont si peu vu s’accroître leur régime des pluies que l’irrigation va chaque jour se développant, ce qui prouve clairement qu’il ne suffit pas de s’établir dans un pays et d’y travailler pour appeler sur celui-ci les eaux célestes. Pourtant, leur dit-on, il faut, — la théorie veut, — que la culture augmente la pluie. Ils répondirent simplement qu’ils ignoraient ce que pouvait bien vouloir ou ne pas vouloir la théorie dont ils n’avaient cure, et poussèrent le cynisme jusqu’à déclarer que, si réellement l’augmentation de culture devait accroître le régime des pluies « quelque part, » cela leur était profondément indifférent, du moment où la pluie ne tombait pas sur leurs propres récoltes : l’idée que leurs efforts enrichissaient leurs compatriotes de l’Est, en leur procurant des pluies plus abondantes, ne contribuait en rien à diminuer leurs soucis.

Décidément, la situation était intolérable, et le mécontentement allait grandissant sans qu’on vît jour à l’apaiser. Jadis, au temps où l’homme avait avec le singe plus d’affinités encore qu’il n’en a aujourd’hui, à l’époque de la jeunesse de l’humanité, où chacun vivait « selon la nature, » c’est-à-dire comme les bêtes, pour dire les choses comme elles sont, et où tout le souci de la vie se concentrait sur l’art de satisfaire avec le moins de peine les besoins les plus élémentaires du corps, il existait, dans la plupart des tribus ou hordes errantes, des personnages qui avaient réussi à prendre sur leurs compagnons un ascendant marqué. C’étaient les sorciers, ancêtres directs des savans et des médecins modernes. Ils avaient, — étant d’esprit plus fin, — réussi à se faire attribuer des puissances spéciales ; ils avaient à tant de reprises déclaré posséder des connaissances redoutables que le vulgum pecus y avait cru. Ces sorciers étaient surtout psychologues ; ils avaient reconnu que rien ne force plus le respect et la crainte des autres que de sembler croire en soi-même. Parmi eux, certains prétendaient à volonté déchaîner les eaux du ciel, ou les arrêter, il n’est point de mythologie où le dieu, ou les dieux, de la pluie fassent défaut ; il est peu de races sauvages, — vivant le plus souvent de légumes et de fruits, — où manquent les sorciers « fabricans de pluie.» On les trouve encore en Afrique, et c’est généralement au moyen d’un sifflet qu’opère le sorcier : à son appel la pluie accourt. Elle accourt plus ou moins vite d’ailleurs ; mais l’homme primitif a peu d’esprit critique : il ne s’arrête pas à considérer les détails ; la pluie vient tôt ou tard. Au surplus, le sorcier, s’il sait son métier, et s’il a quelque dose d’observation, saura ne pas siffler hors de saison, si la pluie n’est point vraisemblable, il gagnera du temps en inventant des prétextes quelconques : il boudera, il invoquera le mécontentement de la divinité, il demandera des privilèges, des cadeaux, et ne sifflera qu’à bon escient, quand la pluie lui semblera proche. Et si elle ne vient pas de suite, il saura trouver des raisons.

Les fabricans de pluie existaient dans l’Amérique du Nord, où le serpent à sonnettes passait pour le dieu des eaux célestes ; ils existent encore en Nouvelle-Calédonie. « Que diable fais-tu dans cet accoutrement ? demanda un voyageur à un sauvage couvert de fleurs et lançant des flèches au soleil. — Je travaille la pluie, fit le chef avec onction… sécheresse pas bon pour ignames… pluie tomber avant deux soleils… parce que Boumaza veut. » En Chine, c’est aux génies, aux âmes des morts que l’on s’adresse, et aussi à l’empereur, — au gouvernement, selon l’usage antique, cher aux nations qui se disent civilisées. Aux Indes, on va quérir le gapogari. Ce gapogari est un homme comme les autres, à en juger par les apparences extérieures ; il exerce encore son industrie de nos jours dans les villages du centre de la péninsule indienne, et quand la sécheresse semble devenir excessive, et se prolonge en juin ou juillet, — comme elle l’a fait cette année en France, — de telle sorte que la récolte se dessèche et menace de périr, l’agriculteur va trouver le gapogari et le prie d’agir. Ce que fait le sorcier, je l’ignore ; mais si par malchance ou ignorance, il ne remplit point ses fonctions, si la pluie ne tombe pas, on le garde à vue, et chaque jour il est vigoureusement fustigé jusqu’à ce que l’averse arrive. Le métier de gapogari, fort agréable en temps normal, a donc ses côtés fâcheux : toute rose a ses épines.

Le gouvernement américain, n’ayant ni gapogari, ni sorcier quelconque sous la main, se trouvait donc fort en peine en présence des plaintes de ses agriculteurs. D’autre part, « protection » oblige, et du moment où la libre Amérique doit se suffire à elle-même sans recourir à l’étranger, et sans rien lui demander, il fallait trouver dans les limites mêmes des États de l’Union des ressources nouvelles. Elles se présentèrent l’an passé sous la forme du général R. G. Dyreoforth, qui a tenu au gouvernement fédéral un langage dont voici à peu près la teneur.

« Une partie importante des terres de l’Union est absolument inutilisable pour l’agriculture. Des millions d’hectares servent tout au plus à l’élevage de quelques maigres vaches, — depuis que nous avons eu l’imprudence de permettre l’extermination du bison, — et c’est tout. C’est peu. Il faudrait changer cela. Ces prairies où l’Indien maigrit à vue d’œil, et refuse de cultiver, où le coyote, cet emblème vivant, — Tout juste vivant, — de la faim erre en squelette ambulant, et ne réussit à prendre du corps que lors du passage des convois d’immigrans dont le bétail de trait meurt de soif, ces prairies sont des terres admirables. Partout où, par l’artifice ou l’ingéniosité, l’homme a réussi à se procurer de l’eau, les cultures ont réussi d’une façon inespérée ; les récoltes ont été prodigieuses. Depuis des siècles innombrables, elles sont en jachère. Chaque année, les herbes les couvrent, puis, après avoir puisé le carbone de l’atmosphère, elles meurent, restituant au sol un engrais naturel contenant non-seulement ce qu’elles lui ont pris, mais aussi les élémens qu’elles ont empruntés à l’atmosphère, si bien que depuis des périodes presque incommensurables les prairies reçoivent en réalité un engrais merveilleux, l’engrais vert si cher aux agriculteurs. Ce sol est digne de toutes nos attentions : il rendra des récoltes fantastiques si seulement on peut lui donner de l’eau. Il n’y a pas à songer à l’irrigation ; les rivières sont trop éloignées, et d’ailleurs, dans ces plaines unies, où construirait-on des réservoirs ayant quelque élévation ? Il faut donc chercher à contraindre la nature, il faut chercher à obtenir artificiellement ce qu’elle ne veut point nous donner de son propre gré, la pluie. Avec la pluie, ce qui ne vaut rien et ne rapporte rien aujourd’hui deviendra demain une source de richesses incalculables. »

Parler ainsi, c’est parler d’or, et nul n’ignore la fascination qu’exerce l’almighty dollar. Le gouvernement, frappé de la justesse de ces vues, et voyant qu’elles tendaient à des choses pratiques et sérieuses, invita donc son interlocuteur à continuer ; ce qu’il fît. « C’est donc le secret de la pluie artificielle qu’il nous faudrait : nous voudrions faire la pluie et le beau temps à volonté. Est-ce possible ? Là est toute la question. Ce n’est pas d’aujourd’hui que vous avez entendu parler de pluie artificielle. On vous a maintes fois dit que la pluie est le résultat de la condensation, — par le froid, — des vapeurs d’eau suspendues dans l’atmosphère. L’eau de l’Océan-Pacifique, sous les rayons du soleil, s’élève en vapeurs dans l’atmosphère comme le fait l’eau de la bouillotte sur le feu ; ces vapeurs forment les nuages, que le vent transporte par-dessus notre pays. Arrivés à la côte de l’Atlantique, ces nuages rencontrent des courans d’air froid descendant du pôle, et le refroidissement des nuages se traduit par de la pluie. Et voilà pourquoi nos frères de l’est ont de l’eau, tandis qu’il nous faut nous contenter, dans l’ouest, de voir passer les nuages à notre barbe : voilà pourquoi ils sont riches, — les frères de l’est, — et nous pauvres.»

« Mais vous ne songez sans doute pas à changer l’itinéraire du courant polaire ? » fît le gouvernement, qui pensait vaguement, et avec quelque effroi, qu’on ne changerait pas les habitudes du courant en question sans des argumens coûteux. — « Non, assurément ; j’ai autre chose en vue. Avez-vous lu les classiques ? Eh bien, Plutarque raconte des choses fort intéressantes : il rapporte que, de son temps, — et avant lui, — les grandes batailles étaient communément suivies de pluies… » Fallait-il donc de nouvelles guerres pour obtenir l’eau nécessaire aux agriculteurs ? Et par quel mécanisme y avait-il corrélation entre la pluie et les batailles ? Cela n’était point clair. — Le général expliqua sa pensée : « — Figurez-vous dix mille Grecs partant en guerre contre cent mille Perses, Tout ce monde crie et hurle ; on frappe sur les boucliers, les chants de guerre retentissent, les armées se heurtent… et il pleut ! Rappelez-vous les pluies qui ont suivi Waterloo… Rappelez-vous la formidable canonnade de cette journée… » — « Oui : mais les Grecs et les Perses n’avaient point de canons, si j’en crois l’histoire… » — « Non, ils n’en avaient pas, mais le fracas des, armes, les cris des vainqueurs, le tumulte du combat en ont tenu lieu : n’a-t-on pas dit que le ciel en trembla, et quand le ciel tremble, il pleut. Cela est connu. Réfléchissez, d’ailleurs. L’air, au-dessus d’un champ de bataille, est admirablement préparé à la pluie : songez à la chaleur qui se dégage des combattans ; songez à la vapeur d’eau qui se dégage de leurs corps, sous forme de transpiration. L’air se remplit de vapeur, et dans cet air ébranlé par les cris et le tumulte, celle-ci se condense, la pluie se forme et tombe. Pourquoi le bruit provoque-t-il cette condensation ? Je l’ignore ; mais le fait est constant. Il a plu après les grandes batailles de l’antiquité ; et, dans les temps modernes, il en a été de même. Rappelez-vous, du reste, les observations faites durant la guerre civile, et qu’a résumées M. Powers, dans War and the Weather, et d’où il ressort que chacune des 198 batailles de quelque importance a été suivie d’une chute de pluie : du reste, le même M. Powers n’a-t-il pas expressément dit que, pour lui, l’influence de la canonnade est à tel point certaine qu’en temps de paix, — et de sécheresse, — on pourrait, avec quelques coups de canon, se procurer, sans grands frais, la pluie nécessaire à la vie des cultures ? Et, voici vingt ans passés, M. Powers n’a-t-il pas donné des chiffres précis sur le coût d’une expérience de ce genre ?»

Le gouvernement ne répondit rien, et pour cause. Comme les libellules, les fonctionnaires ont une durée éphémère, — ils vivent l’espace d’un président, et il est toujours entendu que l’œuvre et les plans de ceux qui s’en vont étaient absurdes, et que le mieux est de les oublier radicalement, ce à quoi l’on se résigne sans peine. Le gouvernement n’était point au courant de la question : mais c’était chose facile de l’y mettre. Le général Dyrenforth lui montra les chiffres et les calculs de M. Powers, auquel les généraux Sherman, Garfield, Logan et d’autres encore s’étaient fort intéressés. L’idée de M. Powers était d’utiliser l’artillerie nationale, fort nombreuse, qui ne semblait pas devoir être employée de sitôt aux choses de la guerre, — et de transporter dans l’ouest un certain nombre de canons. Son devis comportait l’exécution de deux expériences, consistant chacune en la décharge simultanée de 200 canons, cent fois de suite, c’est-à-dire 20,000 coups. Tous frais comptés, depuis la mise en état des canons jusqu’à leur réintégration dans les arsenaux, sans oublier le transport, l’achat des cartouches et de cinquante tonnes de loin pour servir de bourre, la rétribution d’un personnel assez nombreux, etc., chaque expérience devait revenir à plus de 400,000 francs. Le gouvernement frémit. Assurément, une pluie opportune peut sauver une, récolte : mais encore faut-il savoir quelle étendue de récolte cette pluie coûteuse sauverait, et avant de se lancer dans une expérience aussi dispendieuse, le gouvernement avait voulu réfléchir. Il prit si bien son temps qu’on n’entendit plus parler de l’affaire. Mais, en 1880, un autre général — Le général Daniel Ruggles, — sans doute au courant des idées de M. Powers, entreprit l’étude de la question et dressa, à son tour, ses batteries. Elles différaient sensiblement de celles de l’ingénieur Powers : les canons étaient, en effet, remplacés par des explosions de poudre ou d’autres substances. Cet homme pratique prit même un brevet pour ce qu’il croyait être son invention ; un procédé consistant à envoyer dans les nuages de petits ballons auxquels étaient attachés des récipiens pleins de poudre dont il provoquait l’explosion, par l’électricité, à volonté. La commotion devait amener la condensation des vapeurs des nuages en pluie.

À la vérité, quatre ans avant le moment où le général Ruggles prit son brevet, un colon de la Nouvelle-Zélande, M. F. Hatermann, avait eu exactement la même idée, et l’avait publiée dans les journaux, demandant aux agriculteurs des régions sèches de s’entendre pour faire une expérience et en défrayer les dépenses. Le brevet, toutefois, ne fut point exploité et, de 1880 à 1890, on ne s’occupa guère de l’affaire : ou, du moins, ceux qui s’en occupaient n’en parlèrent point. Ils en parlèrent pourtant, en 1890, à différens membres du gouvernement, qui portèrent la question devant le congrès, lequel vota 10,000 francs, — portés plus tard à la somme de 45,000 francs, — pour frais de recherches et d’expériences.

Le général Dyrenforth « en était, » et c’est alors qu’il tint au gouvernement son discours auquel, — l’historique achevé, — il ajouta quelques données complémentaires. C’est ainsi qu’il déconseilla l’usage exclusif de la poudre et de la dynamite, et déclara préférable d’opérer en faisant sauter les ballons eux-mêmes, qui seraient remplis d’hydrogène pour les deux tiers et d’oxygène pour le dernier tiers, ce mélange constituant un des meilleurs explosifs que l’on connaisse. Les frais de l’expérience semblaient devoir être faibles, et du moment où les sommes étaient votées, il convenait de les utiliser. Et c’est pourquoi, après quelques mois de préparatifs, en août 1891, le général Dyrenforth partit pour le Texas, accompagné d’une petite troupe d’élus, et de tout le matériel jugé nécessaire. Tel, autrefois. Moïse dans le désert de Sin : au surplus, pour compléter l’analogie, les eaux amères elles-mêmes ne firent point défaut, et le Llano Estacado ne fournissait que des eaux d’une alcalinité insupportable. Le Llano Estacado est une vaste plaine, située dans le Texas, où la sécheresse est chose habituelle et où, depuis plusieurs années, une pluie sérieuse était passée, disait-on, à l’état de mythe. Là se trouvait un vaste ranch, de quelque 150,000 hectares où vivaient 15,000 têtes de bétail gardées par une vingtaine de cowboys. Le propriétaire était tout disposé à laisser déchaîner les cataractes célestes : le paillasson de la prairie appelait la pluie à grands cris, et les vaches ne savaient plus les délices de l’herbe fraîche, leur rêve comme chacun sait.

On s’installa donc, et le général Dyrenforth put se faire une idée exacte de la peine qu’a l’homme à subsister dans une localité aride, assez éloignée du chemin de fer pour rendre approvisionnemens et communications difficiles, battue par des vents violens et ininterrompus dont la vitesse dépasse 30 et 35 kilomètres par heure, et dont les puits ne fournissent qu’une eau alcaline, qu’on ne peut boire qu’après l’avoir neutralisée par un acide, et qui, même avec cette précaution, força presque tous les membres de l’expédition à gagner, à plusieurs reprises, l’infirmerie.

Ces désagrémens n’empêchèrent point les opérations. Le matériel consistait en 68 ballons de petites dimensions cubant de 500 à 1,000 pieds : c’étaient les ballons destinés à l’explosion. On y avait joint trois plus gros ballons qu’on devait employer pour des ascensions. Pour remplir les premiers, il avait fallu transporter 20,000 livres de rognures de fer et 16,000 livres d’acide sulfurique avec les appareils nécessaires pour obtenir, par le mélange du fer et de l’acide sulfurique, les quantités d’hydrogène nécessaires. Pour fabriquer l’oxygène, on avait emporté 2,500 livres de chlorate de potasse et 600 livres de bioxyde de manganèse, avec les cornues et les fourneaux nécessaires pour chauffer le mélange. On avait encore de quoi fabriquer 100 cerfs-volans en toile, et les produits nécessaires à la confection de quelques milliers de livres de poudre de mine et d’autres substances explosives. Le général Dyrenforth était mieux outillé que Moïse : cela ne fait point de doute. Mais aussi, l’opération était plus compliquée, et le rocher d’Horeb plus difficile à atteindre.

Pour arriver à ses fins, voici quel fut le plan du général : il disposa ses hommes et ses appareils selon trois lignes parallèles, longues de trois kilomètres chacune et séparées l’une de l’autre par une distance de près d’un kilomètre, une triple ligne de bataille. En première ligne, au vent, une série de batteries terrestres où de la dynamite et de la poudre de mine devaient faire explosion à intervalles rapprochés. La seconde ligne consistait en de grands cerfs-volans auxquels étaient suspendues des cartouches de dynamite, — cette panacée moderne, — lesquelles cartouches, reliées à la terre par un fil électrique, le fil du cerf-volant, devaient faire explosion selon la volonté des opérateurs ; enfin la troisième ligne était composée de ballons dont l’explosion amènerait de formidables « tremblemens d’air » à intervalles d’une ou deux heures. On dut toutefois renoncer à tirer grand parti des cerfs-volans : le vent les brisait sans cesse, ou bien rompait le fil électrique, et la pluie de dynamite qui en était le résultat pouvait incommoder les opérateurs eux-mêmes, pour ne pas parler du bétail que ce spectacle inusité effarait quelque peu. Le but du général Dyrenforth était d’imiter « une grande bataille » avec coups de canon et bombes éclatant dans l’air, et au point de vue du tapage, il se déclara satisfait du résultat obtenu. L’expérience commença le 9 août : on ne fit agir que la première ligne. À 5 heures du soir, première série d’explosions qui dura une heure, et recommença à 7 heures pendant un temps plus court. Le temps était beau ; la nuit fut paisible : mais à midi, le jour suivant, des nuages arrivaient, et, durant l’après-midi et la soirée, dit le général américain, une pluie épaisse s’abattit sur le sol, lequel, ayant sans doute perdu l’habitude de boire, fut, dans tous les endroits creux, converti en torrens impétueux, et en petits lacs. Le pluviomètre indiqua cinq centimètres : c’était une fort bonne pluie.

Le 18, on recommença. Dès la veille au soir, on avait mis la première ligne en action, et aussi la troisième, et durant toute la nuit la bataille continua sans interruption. La matinée du 18 fut claire et belle ; le ciel et le baromètre ne présageaient que le beau temps : mais vers la fin de l’après-midi des nuages se formèrent dans le sud et l’ouest, et à cinq heures du soir, les servans de la première ligne, qui n’avaient cessé de faire parler poudre et dynamite, durent abandonner la partie et accourir à toutes jambes vers le quartier-général, chassés par une pluie torrentielle qui, durant deux heures et demie, se déversa sur toute la région avoisinante. Le même soir, le général se rendit en voiture à la station du chemin de fer, à quelque quarante kilomètres de distance, et pendant dix ou quinze kilomètres la route était inondée ; l’eau y formait, d’après lui, une couche ayant de dix centimètres à un mètre de profondeur.

Le 25 enfin, la dernière expérience fut tentée. Ce jour, le baromètre était légèrement au-dessous de son niveau habituel ; le vent soufflait du sud-est comme de coutume, avec une vitesse de plus de 28 kilomètres par heure, et le ciel était clair ; pourtant quelques cumulus se voyaient çà et là à plus de trois kilomètres de hauteur. On employa sept ballons, les plus grands, remplis d’oxygène et d’hydrogène, qui firent explosion à des altitudes variant entre 1,500 et 45 500 mètres. Toute l’après-midi et une partie de la soirée, la première ligne demeura en activité, et quand à onze heures du soir on se retira pour la nuit, on avait produit une somme raisonnable de tapage. Le ciel ne voulut pas être en reste, car, à trois heures du matin, le tonnerre se fit entendre : un orage arrivait du nord et de l’ouest, et une heure après, la pluie commençait et durait jusqu’à huit heures du matin. Les cowboys rapportèrent que la pluie s’était étendue sur une superficie de plusieurs centaines de kilomètres carrés, et depuis trois ans, selon eux, le sol n’avait reçu pareil arrosage.

Tels furent les résultats de l’expédition du général américain ; il faut ajouter, du reste, qu’en sus des trois orages qui suivirent les trois expériences principales, il tomba encore neuf ondées durant les seize jours que l’expédition passa dans le Llano Estacado, phénomène extraordinaire pour la localité et la saison, nous est-il dit. Si l’on tient compte du fait qu’à certaines occasions la pluie commença à tomber dès que les explosions avaient eu lieu, — douze secondes après la première de celles-ci, — on conclura peut-être avec le général Dyrenforth « que l’ébranlement résultant des explosions exerce un effet marqué sur les conditions atmosphériques en produisant de la pluie, probablement en troublant les courans supérieurs de l’air, et que, quand le temps est menaçant, — phénomène fréquent dans ces-régions arides, bien qu’aucune pluie ne s’ensuive, — on peut provoquer la chute de la pluie presque immédiatement par le choc des gouttelettes d’humidité suspendues dans l’air[3]. »

À vrai dire, la conclusion est vraisemblablement prématurée, et cela pour plusieurs raisons. La première est que l’expérience même qui vient d’être relatée n’a point été conduite dans des conditions satisfaisantes. Il faudrait posséder des données exactes, — et non de simples affirmations de cowboys, — sur le régime normal de la localité ; il faudrait savoir exactement quelle est la quantité d’eau pluviale qui tombe chaque année, — si petite soit-elle, — et connaître la saison où cette eau tombe de préférence : il faudrait posséder des renseignemens précis et recueillis de longue date, chose qui ne s’improvise point. Cela est d’autant plus nécessaire que la voix enthousiaste du général Dyrenforth n’a pas provoqué d’écho. On a dit que l’expérience a été faite dans la saison pluvieuse, et que la pluie a été beaucoup plus forte au loin qu’elle ne l’a été sur le lieu même de l’expérience. Un autre point est peu clair. Le général nous parle d’un vent fort ayant une vitesse considérable ; mais comment l’atmosphère ébranlée par les coups de dynamite a-t-elle pu réagir deux, quatre, huit heures ou plus encore après les explosions, étant donné que le vent même avait renouvelé cette atmosphère dix, cent et mille fois dans l’intervalle ? Dans un cas il nous parle du vent et de sa direction, et dans d’autres il n’en fait pas mention ; ici il dit d’où viennent les nuages, là il ne dit rien. En un mot, l’observation est très défectueuse.

Il faut ajouter que les assertions du général Dyrenforth semblent sujettes à caution. M. G.-E. Curtis[4], un météorologiste qui a suivi les opérations, a fait entendre une voix très discordante. D’après lui, l’expérience du 9 août fut tout à fait insignifiante, — bien qu’elle ait été suivie de pluie le 10, — et dans le télégramme qui fut envoyé aussitôt après, il était expressément dit qu’on n’établissait aucun lien de causalité entre les explosions et la précipitation atmosphérique. L’expérience du 18 semble à M. Curtis avoir été faite dans des conditions particulièrement favorables : le temps étant couvert du 16 au 18 et le 20, et des orages étant visibles à l’horizon. Dans ces conditions toutefois, on observa à plusieurs reprises le fait intéressant que, si les explosions coïncidaient avec le passage d’un nuage très menaçant, il se produisait en trente ou quarante secondes une petite chute de pluie, d’ailleurs insignifiante. Le général par le d’une pluie torrentielle le 18 ; mais M. Curtis déclare froidement que le pluviomètre n’a enregistré qu’une couche de deux centièmes de pouce (le pouce a 25 millimètres), ce qui nous met fort loin de compte ; et il ajoute que pour les habitans du pays, la pluie était chose certaine ce jour, quoi que l’on fit ou ne fît pas, tant le temps était menaçant. Ceci réduit notablement la valeur de l’expérience. Reste celle du 25, la plus importante. Mais on n’a pas mesuré la quantité de pluie tombée, et un des membres de l’expédition déclara que ce n’était qu’une petite ondée (a sprinkle), et pour brocher sur le tout, les prédictions du météorologiste de la région, énoncées à Washington, pour le jour et la localité où se faisait cette expérience, étaient les suivantes : « Généralement beau, sauf des ondées locales. » Voilà bien des divergences d’opinion, et voilà qui réduit beaucoup la valeur des expériences.

Soit, dira-t-on, mais le fait est là : il a plu. Comment expliquer cela ? Il ne sera pas très facile d’expliquer la chose ; mais il est à peu près certain que l’interprétation du général ne vaut rien : tous les météorologistes seront d’accord sur ce point. Selon l’expérimentateur américain, la pluie, — en admettant qu’elle se rattache directement aux explosions, et qu’elle en soit l’effet, — la pluie a été due à l’ébranlement de l’atmosphère. La secousse physique dont celle-ci a été agitée, au moment où les gaz dégagés par l’explosion ont fait irruption dans l’air, cette secousse dont chacun a pu plus ou moins apprécier les effets, après une explosion de gaz, de poudre ou de dynamite, cette secousse, qui est souvent si formidable, serait capable de déterminer le rapprochement des gouttelettes d’eau menues dont sont formés les nuages, et devenues plus volumineuses et plus pesantes, ces gouttes tomberaient sous forme de pluie. C’est là, il faut bien le dire, la partie la plus neuve des travaux de M. Dyrenforth : jusqu’ici les météorologistes ne s’étaient point doutés de ce mécanisme de la formation de la pluie ; et peut-être éprouveront-ils quelque hésitation à adopter une théorie aussi extraordinaire[5].Ils savent tous que l’air contient une proportion variable de vapeur d’eau, non de la vapeur visible, comme celle qui s’échappe de l’eau chauffée, — et qui d’ailleurs n’est pas de la vraie vapeur, — mais une vapeur invisible, répandue dans l’atmosphère. Celle-ci contient encore des nuages, c’est-à-dire des amas de gouttelettes d’eau très ténues, quelque chose de différent de la vapeur, par conséquent. Les nuages dérivent de la vapeur d’eau, résultent de la condensation de cette vapeur en gouttelettes, et cette condensation s’opère sous l’influence d’un certain refroidissement : le refroidissement est indispensable. Mais le son ne saurait en aucune façon remplacer le refroidissement, cela ne s’est point encore vu. Tandis qu’on produira à volonté la condensation par le refroidissement, — mille expériences de laboratoire et observations journalières le montrent assez, — nul ne l’a encore provoquée par l’ébranlement mécanique de l’atmosphère chargée de vapeur d’eau. Au surplus, s’il suffit d’une seule explosion d’un ballon d’hydrogène et d’oxygène à quelque 800 ou 1,000 mètres dans l’air pour déterminer une ondée sur une superficie de quelques milliers de mètres carrés, à coup sûr un coup de revolver, ou dix, ou cent, devront produire de la pluie dans une chambre. Faites donc l’expérience, et notez le résultat.

Pourtant, il a plu, nous répliquera-t-on une fois encore. Sans doute, il a plu : mais peut-être eût-il plu quand même. Écartons toutefois cette observation. Il est évidemment très malaisé de comprendre comment dans une atmosphère animée d’un mouvement, — D’une ondulation, d’une vibration rapide, — où le vent se propage avec une vitesse considérable, une explosion peut, plusieurs heures après, déterminer une condensation de la vapeur d’eau ; l’ébranlement imprimé à l’air et aux vapeurs qu’il renferme doit se dissiper et s’éteindre comme le remous produit dans une pièce d’eau se dissipe en quelques minutes, si grosse que soit la pierre qu’on y a jetée, si forte que soit la cartouche de dynamite qu’on y a fait éclater : le repos et l’immobilité reviennent, et rien dans l’apparence de l’eau ne trahit l’agitation naguère si violente : le mouvement dont elle était animée n’a point laissé de traces ; mais enfin, il y a quelque relation entre cette agitation et la pluie qui a suivi ; ou pour mieux dire, entre les phénomènes dont l’atmosphère a été le théâtre, et la condensation de la vapeur d’eau. Quelle est cette relation, si l’hypothèse du général Dyrenforth doit être écartée, et s’il nous faut a priori repousser son interprétation, tout en acceptant ses faits ?


II.

Pour répondre à cette question, demandons d’abord aux météorologistes quelle est leur théorie de la pluie. Ils nous répondent que la pluie se forme par condensation de la vapeur d’eau, ou mieux, par la réunion des gouttelettes d’eau qui forment les nuages, en gouttelettes plus volumineuses, toujours sous l’influence d’un refroidissement, l’intensité de celle-ci étant d’ailleurs variable selon différentes conditions, parmi lesquelles la richesse de l’air en vapeur d’eau est la principale. L’air est-il très humide, il suffira d’un abaissement de température léger ; est-il au contraire très sec, il faudra un refroidissement considérable pour provoquer la chute de la pluie.

L’atmosphère tient en suspension une quantité d’eau que Dalton a évaluée à quelque chose comme 70 trillions de tonnes d’eau. La tonne d’eau, c’est un mètre cube : c’est donc à peu près cent fois le volume du lac de Genève qui est répandu dans l’atmosphère. Étalée sur la surface de la terre, l’eau atmosphérique formerait une couche de 14 ou 15 centimètres de profondeur. C’est beaucoup sans doute, mais ce n’est pas la totalité de ce que pourrait renfermer celle-ci. L’air, en effet, n’est pas saturé de vapeur d’eau, tant s’en faut, sauf par momens et dans des régions restreintes : l’air froid renferme peu de vapeur d’eau ; l’air qui passe sur les mers en renferme plus que celui qui s’élève au-dessus des déserts, etc.

Maintenant, comment s’opère au juste cette condensation de la vapeur d’eau, sous l’influence du refroidissement, sous l’influence du passage de l’air humide d’un milieu chaud dans un milieu froid ? Il faut convenir que la réponse habituellement faite à cette question manque de netteté : mais, au reste, à supposer qu’elle fût parfaitement satisfaisante, il n’en serait pas moins opportun de faire connaître ici les travaux d’un homme qui depuis plusieurs années s’occupe indirectement de la question, et a obtenu des résultats d’un intérêt très direct pour le sujet en discussion, pour l’étude de la pluie artificielle ; je veux parler des travaux d’un physicien écossais, M. John Aitken.

Voici une des nombreuses expériences de ce chercheur.

On prend deux récipiens en verre de même forme. Dans l’un on fait le vide, et le vide une fois fait, on y laisse rentrer l’air, lentement, en le filtrant à travers un épais tampon ouaté : ce récipient contient donc de l’air optiquement pur, privé de poussières. L’autre récipient reste tel quel, contenant l’air ambiant avec ses impuretés naturelles. Extérieurement ces deux récipiens sont d’apparence identique : l’œil ne perçoit aucune différence entre le flacon rempli d’air pur et celui qui contient de l’air chargé de poussières. Mais faisons communiquer chacun de ces flacons, par un tube en caoutchouc, avec une petite chaudière, de telle façon que la vapeur de celle-ci passe dans les deux flacons : alors se manifeste une différence marquée. Dans le flacon à air ordinaire, la vapeur forme un nuage blanc, épais, opaque ; dans le flacon à air pur, rien de pareil ; la transparence de l’air n’est point altérée, il n’y a pas le moindre nuage, la moindre vapeur : on n’y voit rien, absolument rien ; et pourtant la vapeur de la chaudière y a pénétré.

Autre expérience. Dans un flacon, on fait pénétrer un mélange d’air filtré avec une petite quantité d’air non filtré, puis de la vapeur d’eau. Ceci fait, au moyen d’un coup de pompe on détermine une légère dilatation de ce mélange, et cette dilatation a pour conséquence la sursaturation de l’air qui se manifeste immédiatement par la formation d’un petit brouillard qui se dépose peu à peu. On rend alors à l’air son volume primitif pour opérer quelques minutes après une nouvelle dilatation : de nouveau il se forme du brouillard. Quand l’opération a été répétée plusieurs fois, on constate que la dilatation ne produit plus d’effet, à moins d’en accroître l’importance : on dilate de 5 centimètres cubes au lieu de 2. Mais la dilatation de 5 centimètres cubes devient à son tour inefficace ; et on a recours à une expansion de 10 centimètres cubes, qui fournit un certain brouillard ; celle-ci étant devenue inefficace, on pratique une dilatation plus considérable, et enfin, il vient un moment où la dilatation est sans influence, quelle que soit son importance : il ne se produit plus de brouillard, c’est-à-dire de condensation de vapeur d’eau, sauf dans le cas où l’on opère la dilatation très brusquement : dans ces conditions, on obtient encore de petites pluies très nettes.

Comment interpréter ces faits, et quelle est leur signification pour les expériences sur la pluie artificielle ? quel rapport y a-t-il entre les deux questions ?

Pour M. Aitken, ces expériences démontrent que la condensation de la vapeur d’eau répandue dans l’air ne peut s’opérer qu’en présence de parcelles de poussière. Ces parcelles agissent comme noyaux de condensation, des noyaux autour desquels la vapeur se précipite sous forme liquide : quand elles sont présentes, la vapeur peut se condenser autour d’elles, — sans doute en raison de la différence de température entre les poussières et la vapeur, — quand elles font défaut, la condensation n’a pas lieu. La première expérience semble démontrer clairement cette proposition, et prouve que là où des poussières, si ténues soient-elles, n’offrent point à la vapeur d’eau une surface libre sur laquelle celle-ci peut se condenser, il ne peut se former ni nuage ni brouillard. S’il en est ainsi, la condensation doit être proportionnelle à l’abondance des poussières, évidemment. En est-il ainsi ? À cette question M. Aitken répond en montrant que plus la proportion d’air impur, dans un mélange d’air pur et d’air impur, est petite, et moins il se fait de condensation. Une troisième expérience fournit également des renseignemens intéressans au point de vue qui nous occupe. Voici un flacon rempli d’air impur. On y laisse entrer de la vapeur d’eau chaude, et il s’y forme un brouillard épais. Ce brouillard se dépose peu à peu et l’air redevient transparent. Laissons rentrer la vapeur : il se forme un nouveau brouillard, mais moins dense ; et à chaque opération successive, la densité du brouillard formé diminue, et enfin, il ne s’en forme plus du tout. Que s’est-il passé ? Il faut admettre, avec M. Aitken, que le premier brouillard a été très dense parce que les poussières étaient très abondantes, et que les suivans l’ont été beaucoup moins parce qu’à chaque opération le nombre des premières a été diminué, chaque parcelle sur laquelle la condensation s’est opérée ayant été entraînée vers le fond du flacon par le poids de l’eau qui s’est attachée à elle, chaque parcelle qui a servi de noyau de condensation ayant été noyée dans l’eau qui s’accumule au fond, et par là même mise hors d’état de servir à une condensation nouvelle. Chaque opération a diminué le nombre des poussières utilisables, et le brouillard a diminué proportionnellement.

De ces faits, et de beaucoup d’autres que M. Aitken a relatés, le physicien écossais a tiré la conclusion que tout phénomène de condensation de la vapeur d’eau atmosphérique en forme visible, palpable, nécessite la présence de poussières dans l’atmosphère, que chaque gouttelette de brouillard, brume ou nuage, est formée d’un noyau solide, d’une parcelle, d’une poussière, sur laquelle s’est condensée une petite quantité d’eau.

Ce fait est d’une haute importance pour les expériences relatives à la pluie artificielle : mais avant d’en venir à ce point intéressant, je voudrais dire quelques mots encore des recherches de M. Aitken. Deux questions principales se posent, au sujet de cette théorie nouvelle : combien y a-t-il de poussières dans l’atmosphère, — Dans cette atmosphère où les nuages sont si abondans par momens ? — Comment peut-on les déceler, et d’où viennent-elles ?

L’abondance des poussières ne peut faire de doutes pour personne. Dans certains cas, l’air en est visiblement obscurci : la poussière forme dans l’atmosphère une sorte de nuage opaque que nul ne peut méconnaître. Il n’est personne qui ne l’ait vu se former durant l’agitation qui précède souvent l’orage ; l’air s’est tout à coup rempli d’une nuée de poussière prise au sol desséché, et cette nuée voile la transparence normale de l’air. Le plus souvent, elle tombe immédiatement, mais il n’en est pas toujours ainsi : si le vent est fort, elle peut être enlevée à des hauteurs variables, et si les parcelles les plus lourdes et les plus grossières tombent bientôt à terre, il n’en va pas de même pour les parcelles très fines qui peuvent voyager longtemps dans l’atmosphère, entraînées par les vents à des distances énormes. Ces nuages de poussières empruntées au sol forment au loin des pluies terreuses : elles retombent avec de la pluie, — dont elles ont été l’occasion, le prétexte, — et, en raison de la coloration rougeâtre des gouttes de pluie, due aux parcelles minérales d’oxyde de fer qui abondent dans les terres rouges qui donnent naissance à ces sortes de poussières, on a pris ces pluies pour des pluies de sang. Ehrenberg en a signalé plusieurs, et Arago a donné d’intéressans détails sur une pluie de ce genre qui tomba en 1813. Au mois de mars, les habitans de Gerace, en Calabre, aperçurent une nuée dense qui venait de la mer vers le continent, dans la direction de l’est. Cette nuée se rapprocha. D’une couleur rouge pâle d’abord, elle revêtit bientôt une coloration plus foncée, de rouge de feu. La lumière du soleil en fut obscurcie, et des ténèbres envahirent la ville : il fallut allumer des lumières. Très effrayée, la population se précipita dans les églises, craignant quelque catastrophe, et, au bout de peu de temps, le ciel, qui avait la couleur d’un feu rouge, fit entendre le tonnerre, et de grosses gouttes de pluie rougeâtres tombèrent. En 1846, un phénomène analogue se produisit, et la pluie de sang tomba sur un espace considérable en Guyane, à New-York, aux Açores, en France.

En Chine, les pluies colorées par la poussière sont fréquentes ; les Chinois en distinguent deux sortes : la pluie jaune et la pluie noire, et ils pensent que ces poussières viennent des déserts de la Mongolie, du désert de Gobi en particulier. Du reste, les voyageurs qui ont parcouru l’Asie centrale ont souvent remarqué la formation de trombes de poussière qui sont violemment entraînées dans les airs pour retomber au bout d’un temps variable et à des distances souvent considérables, sous forme de pluies colorées, ou même de pluie sèche, de pluie de poussière sans adjonction d’eau. La composition même de ces poussières donne souvent le moyen de connaître exactement leur origine. Il en tombe parfois aux Açores et aux Canaries, et on serait tenté de leur attribuer une origine africaine et de penser qu’elles viennent du Sahara. Le raisonnement est juste dans certains cas : mais quand on trouve dans ces poussières des infusoires qui ne vivent que dans l’Amérique du Sud, comme Ta démontré Ehrenberg, il est difficile de ne pas admettre que ces poussières viennent des plaines de ce pays et des déserts qui s’y trouvent. La quantité de matières solides renfermées dans ces nuées est parfois très considérables : on a évalué le poids de la poussière tombée à Lyon, en 1846, à 7,200 quintaux.

Ces pluies de poussière sont toutefois chose exceptionnelle, et si elles témoignent de la présence d’un grand nombre de parcelles dans l’atmosphère à certains momens, elles ne prouvent point que celle-ci en renferme normalement et en tout temps une quantité considérable. Pour s’assurer de l’existence normale de cette poussière, il n’est pas besoin d’expériences ou d’observations bien difficiles. Entrez dans la chambre la mieux tenue, la plus soigneusement balayée, où nul n’aura pénétré depuis des mois, si vous voulez. Elle a été close tout ce temps, et pourtant, sur chaque meuble, il y a une couche appréciable de poussière qui s’est infiltrée par les fentes des portes ou fenêtres. Entr’ouvrez une de celles-ci, et dans le rayon de soleil, vous verrez danser des milliers de parcelles lumineuses, surtout si vous faites quelques pas dans la chambre pour agiter l’air. Abandonnez en quelque lieu que ce soit un récipient ouvert plein d’eau distillée : au bout d’un temps variable, vous y verrez un sédiment qui est dû au dépôt de la poussière. Mais ces procédés ne fournissent que des indications vagues, sans précision, et pour obtenir des dénuées exactes sur les variations d’abondance des poussières atmosphériques selon le lieu et la localité, il faudrait posséder une méthode sûre. On a bien réussi à dénombrer les poussières organiques, les germes ou microbes de l’atmosphère, si difficile que parût être la tentative, et grâce à des procédés maintenant bien connus, on peut découvrir la proportion de ces microbes dans l’air des villes et des montagnes avec une certitude absolue, — aussi absolue que cela est possible dans des recherches de ce genre ; — Ce qu’on a fait pour les germes vivans de l’atmosphère, ne peut-on le répéter pour les parcelles inorganiques ? C’est encore M. Aitken qui va répondre à cette question.

D’après lui, en effet, du moment où le brouillard a pour cause la condensation d’un peu de vapeur d’eau autour d’une parcelle de poussière, on peut connaître aisément le nombre de ces parcelles, quand même elles seraient invisibles au microscope, en dénombrant les gouttelettes de brouillard dans une atmosphère donnée. Évidemment, la méthode postule l’exactitude de la théorie, et c’est là son gros défaut ; mais nous accorderons provisoirement le postulat. Comment procéderons-nous alors ? S’agit-il de capter par un procédé quelconque une quantité voulue de brouillard, un titre ou un demi-litre, par exemple, et d’opérer la numération des gouttelettes à mesure qu’elles tomberont ? Ceci serait impraticable, et la méthode est tout autre. En voici la base : si l’on introduit dans un récipient bien privé de poussière une petite quantité d’air, et si l’on sature cet air d’humidité, nous avons vu qu’il suffit d’augmenter un peu les dimensions de ce récipient, il suffit de dilater quelque peu le volume de cet air, c’est-à-dire de le refroidir, au moyen d’un piston, par exemple, qui sera tiré de 0m,02, 0m,03 ou 0m,10 et qui laisse à l’air un espace plus grand que celui qu’il occuperait à la température et la pression extérieure du moment, il suffit de dilater le volume de cet air pour qu’aussitôt, la quantité d’air et de vapeur demeurant invariables, l’air soit sursaturé de vapeur et refroidi. À ce moment, il se produit un brouillard, et celui-ci se dépose sur les parois et le fond du récipient sous forme de gouttelettes qu’il est facile de compter au microscope, si elles ne sont point trop nombreuses. On peut, par un artifice, diminuer considérablement le nombre de ces gouttelettes sans entacher le résultat d’erreur, et voici comment. Au lieu de remplir le récipient où se fait l’analyse, de l’air extérieur, on y introduit un petit volume de cet air, 1 centimètre cube, par exemple, auquel on ajoute ensuite 9 ou 99 ou 999 centimètres cubes d’air pur, privé de poussière par filtration à travers un tampon ouaté comme nous l’avons dit. À coup sûr le mélange renfermera 9, 99 ou 999 fois moins de poussières que ne le ferait un volume de 10, de 100 ou de 1,000 centimètres cubes de l’air à analyser ; mais du moment où on le sait, cela n’a aucune importance : il suffira, en effet, de multiplier le chiffre des gouttelettes comptées au microscope par 10, 100 ou 1,000 pour avoir le résultat cherché, et l’artifice dont il s’agit n’a d’autre but que de diluer l’air et de faciliter la numération en réduisant dans des proportions considérables le nombre des gouttelettes à compter. Ceci posé, — et la méthode est inattaquable à ce point de vue, — voici comment on procédera. On mélangera un centimètre cube de l’air à analyser, — recueilli dans la rue de Rivoli, le Bois de Boulogne ou au sommet de la tour de 300 mètres, — avec 99 centimètres cubes d’air filtré. Le tout sera contenu dans un récipient de 100 centimètres cubes dont le volume pourra être à volonté augmenté dans la proportion que l’on voudra au moyen d’un simple coup de piston. Dans ce récipient a été disposée une plaque de métal fin, très fin, choisi avec beaucoup de soin, de 1 centimètre carré de surface. Elle est placée exactement à 1 centimètre de distance du plafond de l’appareil, et on peut la considérer comme recueillant les gouttelettes formées dans le centimètre cube d’air logé entre le plafond et la plaque. Il suffira donc de compter non la totalité des gouttelettes qui se formeront dans le récipient, mais le nombre de celles qui se déposeront sur cette plaque, et de multiplier ensuite par 100 pour connaître le chiffre total pour les 100 centimètres cubes d’air du récipient, et une fois encore par 100, puisque l’air à analyser est dilué au centième. Il va de soi que cette plaque est disposée de façon que la numération se fasse facilement, sans toucher à l’appareil : du reste, elle est divisée en petites surfaces de 1 millimètre carré au moyen de lignes fines, et on compte les gouttelettes non de la totalité de la plaque, mais d’un certain nombre de petits carrés. Pour bien faire, on commence par introduire de l’air pur, filtré, dans l’appareil, et on en vérifie la pureté en constatant que lors de la dilatation de cet air, chargé de vapeur d’eau, aucune gouttelette ne se montre, et c’est après cette épreuve nécessaire que l’on introduit l’air à analyser. Dans ces conditions, l’expérience est assez facile à faire. Connaissant la proportion de l’air impur dans l’air pur, connaissant le nombre des gouttelettes déposées par centimètre cube, on arrive par un calcul très simple à des chiffres suffisamment exacts sur le nombre total des parcelles, puisque chaque gouttelette correspond à une poussière.

M. Aitken n’a, toutefois, pas réussi du premier coup à donner à sa méthode cette simplicité relative. Il y a fallu beaucoup de travail et de recherches. Par exemple, pour trouver une substance propre à la fabrication de la plaque où se déposent les gouttelettes, M. Aitken a dû se livrer à des expériences nombreuses. Le verre, si fin, si pur soit-il, ne vaut rien : il présente toujours de petits défauts qui troublent la numération, et le physicien écossais s’est arrêté en fin de compte à l’emploi de plaques d’argent fin du plus beau poli. Mais, même avec l’appareil le mieux organisé, M. Aitken a souvent eu des mécomptes. C’est ainsi que dans des conditions où il semblait impossible que les résultats ne fussent pas identiques, on obtenait souvent, de façon brusque, des résultats tout à fait discordans. La cause de cet incident fut cherchée un peu partout, et d’abord, là surtout où elle n’existait pas ; mais elle finit par se découvrir. La variabilité des résultats, dans les cas dont il s’agit, dépendait de la façon dont l’air était filtré. Le faisait-on passer rapidement à travers le tampon ouaté faisant office de filtre, l’air conservait des poussières, et la filtration était insuffisante, d’où un nombre de gouttelettes plus considérable qu’il ne convenait. Il faut filtrer lentement, très lentement même, pour obtenir un air absolument pur, et il faut toujours vérifier la pureté de ce dernier au moyen d’une expansion préalable, ou même de plusieurs. Voici, en effet, de l’air que l’on est en droit de croire pur ; il est saturé de vapeur, et si l’on en provoque la sursaturation et le refroidissement par l’expansion du volume du récipient, il se produit pourtant quelques gouttelettes : c’est qu’il restait sans doute quelques poussières. Recommençons l’opération : il ne se produit rien. Recommençons encore, en employant une expansion plus considérable : voici de nouveau des gouttelettes. Qu’est-ce que cela prouve ? Selon M. Aitken, cela montre qu’il restait encore des parcelles, mais des parcelles plus petites que celles qui, lors de la première expansion, servaient de noyau de condensation. Pourtant il survient un moment à partir duquel l’expansion, si forte soit-elle, ne détermine plus de condensation : l’air peut alors être considéré comme privé de poussières, même des plus fines ; les plus grossières ont été entraînées lors des premières expansions faibles ; les dernières expansions, plus fortes, ont déterminé la précipitation des élémens plus fins. Dans cet air, il ne doit donc plus se produire de gouttelettes. Cela est vrai dans une certaine limite, dans certaines conditions qu’il importe de ne pas oublier : une expansion brusque peut, en effet, provoquer une précipitation de gouttelettes, et M. Aitken pense qu’en ce cas il s’opère une condensation sans noyau, sans parcelles de poussière. Bref, il faut opérer avec beaucoup de précaution, avec lenteur en particulier.

Une fois maître de sa méthode[6], M. Aitken a pu faire des numérations méthodiques et rechercher la quantité des poussières contenues dans l’air en différentes localités ou à différens momens. Cette étude est particulièrement instructive, et tout en nous montrant combien le nombre des poussières varie selon les localités, et les conditions, elle nous révèle des chiffres formidables que nous n’eussions certainement pas soupçonnés. Je les résume brièvement. En somme, le minimum observé par M. Aitken parait être 16 parcelles par centimètre cube ; ce chiffre a été relevé par lui une seule fois au sommet du Ben-Nevis, en Écosse, en juillet 1890, l’un des mois les plus pluvieux qu’il y ait eu depuis longtemps dans cette région. Mais ce chiffre est exceptionnel. Dans d’autres montagnes, au Righi par exemple, M. Aitken a compté de 500 à 2,000 parcelles et plus encore ; par exemple avant un orage, il a obtenu le chiffre de 4,000, et après, le nombre des poussières est tombé à 725. D’une façon générale pourtant, l’air de la Suisse, — des montagnes du moins, — doit passer pour pur. À Bellagio et Baveno, il l’est moins, car on a compté de 3,000 à 10,000 parcelles. Sur le littoral méditerranéen il l’est moins encore ; à Hyères, sur une colline, M. Aitken a trouvé 3,550 parcelles par centimètre cube quand le vent venait de la mer ; quand il venait de la ville, le chiffre était plus élevé : 25,000. À Cannes, mêmes différences ; mais l’air est plus pur avec le vent du large : 1,550 poussières. En revanche, quand il a passé sur la ville, il s’est singulièrement enrichi en parcelles diverses, elles sont au nombre de 150,000 par centimètre cube. À Menton, les écarts sont moindres : 1,200 et 7,200. À Paris, à la tour de 300 mètres, — par un vent du sud, — les chiffres ont énormément varié : de 226 à 104,000 ; et dans la rue de l’Université ils ont varié de 210 à 160,000. À Londres, les chiffres ont été similaires. À Edimbourg, ils sont plus forts : 260,000 par centimètre cube, et à Glascow près de 400,000. Mais où ces chiffres deviennent fantastiques, c’est quand ils se rapportent à des numérations faites à l’intérieur des maisons. Dans une chambre, on trouve aisément plus de 2 millions de parcelles de poussière par centimètre cube, et si, au lieu d’analyser l’air de la partie inférieure de celle-ci on s’adresse à la couche d’air voisine du plafond, on arrive à 5 ou 6 millions. Et enfin, si l’on analyse l’air qui s’élève au-dessus d’un brûleur à gaz, on y trouve jusqu’à 30 millions de poussières. C’est-à-dire que 100 centimètres cubes de cet air renferment plus de poussières que le monde entier ne renferme d’habitans.

On remarquera la grande variabilité des chiffres qui précèdent. Donner une moyenne du nombre de poussières contenues dans 1 centimètre cube d’air est donc chose à peu près impossible. On arrivera sans doute à reconnaître que cette moyenne est généralement inférieure dans les lieux élevés et au milieu des mers, à ce qu’elle est au milieu de la campagne, et que dans les villes il y en a infiniment plus que dans les campagnes ; mais une moyenne présentant quelque constance est difficile à indiquer, car dans une même localité, selon les momens, selon les vents, selon qu’il a plu récemment ou non, les chiffres peuvent différer non pas seulement du simple au double, mais au décuple et au centuple, et beaucoup plus encore.

L’air que nous respirons est donc rempli de poussières, et il faudrait sans doute s’élever bien haut dans l’atmosphère pour y trouver un air exempt de celles-ci ; peut-être même, pour des raisons que nous allons indiquer, faut-il renoncer à le découvrir jamais.

Et maintenant d’où viennent ces poussières ? La réponse n’est pas difficile : les sources de poussière sont multiples. La terre d’abord, dont les parcelles plus fines sont, en temps sec, entraînées par le vent ; les végétaux dont les élémens désorganisés par la décomposition se détachent et s’effritent ; les animaux, aussi, de la peau desquels mille débris se détachent à tout moment ; les combustions industrielles ou domestiques, la fumée des cheminées et des usines étant faite de millions et de millions de parcelles qui se répandent au loin[7] ; les volcans qui, en temps d’éruption, vomissent dans l’atmosphère une quantité prodigieuse de parcelles infinitésimales sous forme de fumée et de cendres ; les météorites enfin qui pénètrent dans notre atmosphère au nombre d’une dizaine de millions par jour, en moyenne, et qui s’y résolvent en poussière, ajoutant aux poussières déjà existantes celles qui résultent de la pulvérisation de matériaux qui ne peuvent guère peser, — par jour, — moins de 100 tonnes, ni plus de 1,000 tonnes. Est-ce tout ? Peut-être que non[8], mais en vérité c’est assez, et on se demanderait plutôt dans ces conditions comme nt il se fait que nous respirons encore, dans le milieu semi-solide, semi-aérien, où nous nous agitons. Il faut donc admettre que l’atmosphère tient en suspension un nombre énorme de poussières variées, un nuage le plus souvent invisible, formé de débris infinitésimaux de toute sorte.

En certains cas, ce nuage devient visible. M. S.-P. Langley, l’astronome américain, l’a vu clairement en 1878, du sommet de l’Etna, et en 1881 du mont Whitney, la cime la plus élevée des États-Unis. « De la vallée, dit-il, l’atmosphère était d’une transparence superbe. Mais du haut de la montagne nos regards étaient arrêtés par ce qui semblait être un océan de poussière, à surface plane, invisible d’en bas, mais dont la profondeur atteignait 6 ou 7,000 pieds, car de la chaîne montagneuse en face de nous la partie supérieure seule était nettement visible. La couleur de la lumière réfléchie par cet océan de poussière était d’un rouge franc, et cet océan s’étendait jusqu’à l’horizon en tout sens… À la hauteur où nous étions, le ciel était d’un violet remarquablement foncé, et il semblait que l’air fût entièrement exempt de poussières ; mais, à midi précis, en entrant dans l’ombre d’un pic qui s’élevait au-dessus de nous, le ciel prit aussitôt autour du soleil une teinte blanchâtre ; et le télescope montra que cette apparence était due à des myriades de poussières infinitésimales. » Cette poussière, d’après M. Clarence King, directeur du Geological Survey des États-Unis, était formée de parcelles de loess[9] enlevé par les vents aux plaines de la Chine. Cet océan de poussière, M. Piazzi-Smyth l’a encore observé du haut du pic de Ténériffe. Quiconque a vécu à quelque proximité d’un volcan sait combien l’atmosphère s’obscurcit rapidement et de façon inquiétante, et combien le ciel s’altère dès que survient une éruption. Quel est celui de nous qui n’a remarqué l’aspect particulier du ciel à certains jours, en 1884, après la gigantesque éruption du Krakatoa, dans le détroit de la Sonde, après la formation de ce nuage immense de poussière qui fit plusieurs fois le tour du globe tout entier, et dont une partie demeure probablement à l’heure qu’il est encore suspendue dans l’atmosphère[10] ? C’est en partie aux poussières atmosphériques qu’est due la beauté des couchers de soleil, — et on se rappellera peut-être les admirables couleurs qui accompagnèrent ceux-ci, au moment où le nuage de poussière du Krakatoa passa sur Paris ; — C’est peut-être aussi aux poussières de l’air tombées dans l’eau que la mer doit une partie de son éclat.

En somme, l’atmosphère la plus pure renferme toujours une quantité énorme de poussières[11] ; celles-ci sont plus fines dans les hauteurs et plus grossières dans les parties basses, où leur poids les entraîne, mais elles ne manquent jamais. Il y en a moins à mesure que l’on s’élève, probablement ; il y en a plus après de grands vents, de grands incendies, des éruptions volcaniques importantes ; il y en a moins après la pluie qu’avant, et en pleine mer qu’au-dessus des continens : mais il y en a toujours, et à mesure que les recherches se poursuivront, et que les numérations par le procédé de M. Aitken se multiplieront en des lieux différens, ou dans le même lieu, à des époques différentes, on arrivera à se faire quelque idée de la densité de l’océan de poussières où nous vivons.


III.

Nous voilà, semble-t-il, bien loin du général Dyrenforth et de sa pluie artificielle. Non pas ; il n’est point de travaux qui aient avec les expériences en question de plus grande affinité ; il n’en est point d’importance plus grande pour celles-ci, bien que le général américain ne s’en soit aucunement douté, et bien qu’il semble ignorer les travaux de M. Aitken.

Il est probable, en effet, d’après tout ce que l’on sait, que la vibration sonore imprimée à l’atmosphère par la détonation d’un explosif quelconque ne saurait être considérée comme une cause de pluie, comme une cause de condensation de vapeur d’eau, à supposer naturellement que l’atmosphère où se font les explosions renferme déjà une proportion suffisante de cette vapeur. Si donc il a plu, dans les expériences du Llano Estacado, il y a eu quelque autre cause en action, qui a échappé au général américain, et cette cause est peut-être l’abondance des poussières dégagées par les explosifs. Il a voulu faire du bruit, mais il a produit en même temps de la poussière, et cette poussière a été une des causes de la pluie, en fournissant à la vapeur d’eau atmosphérique des noyaux autour desquels celle-ci a pu se condenser, tandis qu’en lui-même le bruit n’a peut-être joué aucun rôle.

Est-ce dire que la présence de poussière soit suffisante, et que la pluie doive tomber chaque fois que l’air renferme une proportion donnée de parcelles en suspension ? En aucune façon. La formation de la pluie est encore un phénomène dont la théorie est beaucoup plus claire que la pratique, sans doute, et auquel il est évident que de nombreux facteurs participent, et faire la part des uns et des autres est souvent malaisé. On admet, généralement, que la pluie se forme par un processus analogue à la distillation. L’air, froid ou chaud, en contact avec les mers et le sol, qui n’est jamais absolument sec, absorbe une certaine quantité de vapeur d’eau qui varie selon la pression, la température, etc., et qui demeure invisible tant que la température ne s’abaisse pas. Si la température s’abaisse près de terre, ou si l’air chaud, en s’élevant dans l’atmosphère, se refroidit, en se dilatant en raison de la moindre pression, il se forme du brouillard ou un nuage, et il est reconnu que la présence de fumée, — c’est-à-dire de poussières atmosphériques, — facilite grandement cette formation. Cela est d’autant plus vraisemblable que les poussières se refroidissent plus vite que l’air, et de la sorte la condensation de la vapeur autour des poussières est facilitée, car elle ne peut s’opérer que par un refroidissement. Il faut donc, pour que de la pluie se forme, qu’un air renfermant de la vapeur d’eau se refroidisse, et c’est ce qu’il fait simplement en s’élevant, car alors il se dilate et perd de la chaleur. Un coup de canon, ou l’explosion d’une charge de dynamite, peuvent-ils amener cette dilatation ou ce refroidissement ? On ne voit pas par quel mécanisme l’un ou l’autre pourraient avoir lieu : car, au lieu du refroidissement ou de la dilatation de l’air par l’explosion, il ne peut se produire qu’un échauffement et une compression momentanés. Il faut donc interpréter les résultats des expériences du général américain de façon toute différente de celle qu’il propose. Le son n’a rien à faire ici, pas plus que le tonnerre ne détermine la chute de la pluie : le tonnerre accompagne la formation, ou les premières phases de la formation de la pluie, comme l’a dit sir John Herschel, au lieu de la précéder ; et il faut croire plutôt que les explosions de dynamite, de poudre et de ballons agissent de façon complexe, peut-être en agitant l’atmosphère, et par conséquent en facilitant le refroidissement des parties relativement basses qui peuvent être chassées plus haut, où elles se dilatent et se refroidissent ; en augmentant la quantité de vapeur d’eau, — car l’explosion des ballons d’hydrogène et d’oxygène détermine une production d’eau ; — et enfin, en augmentant énormément le nombre des poussières, lesquelles, en se refroidissant beaucoup plus vite que l’air, forment autant de noyaux qui sollicitent la condensation de la vapeur d’eau atmosphérique. Quant à une influence du son, en tant que son, elle est des plus improbables.

L’opinion du général Dyrenforth nous parait donc insoutenable ; son interprétation des résultats obtenus inexacte.

J’ajouterai que l’idée fondamentale de ses expériences n’est pas de lui, tant s’en faut.

L’idée de provoquer la formation artificielle de la pluie est sans doute très ancienne, et on a souvent répété, en particulier, que dans les villages de France, autrefois, il y avait un canon que l’on faisait partir quand passaient des nuages d’orage, dans l’espoir de provoquer la chute de la pluie. La fréquence des pluies après les grandes batailles, et en particulier les batailles modernes, avec leur nombre énorme de bouches à feu et le fracas des pièces de gros calibre, a fait surgir en mainte cervelle l’idée que la décharge des canons et des explosions variées pourrait, en temps de paix, être tout aussi efficace. Il serait toutefois très malaisé de dire quel fut celui qui, le premier, a explicitement formulé l’idée, et sans doute plusieurs de ceux qui observèrent une relation entre les canonnades et la pluie formulèrent le projet d’expériences plus ou moins timidement. Il semble néanmoins que celui qui se fit le premier, avec le plus de persévérance, le champion de cette idée, ait été M. Charles Le Maout, un pharmacien de Saint-Brieuc, frère du botaniste bien connu, et qui, à partir de 1824, s’appliqua à l’observation des phénomènes météorologiques consécutifs aux batailles, et consacra aux résultats de ses observations des publications dont la première date de 1854 et la dernière de 1886, et dont j’ai sous les yeux une partie importante[12].

Il ne faut pas se le dissimuler, les idées de Charles Le Maout sortent du commun. Voici les nuages : remarquez qu’ils s’arrêtent dans leur course, le soir, entre cinq et sept heures, pour la reprendre le lendemain matin, entre cinq et sept, et se reposer ensuite entre onze heures du matin et une heure de l’après-midi. Pourquoi ces alternances de mouvemens et de repos, à quoi correspondent-elles ? Pour M. Le Maout, pas de doute : elles correspondent aux alternances de travail et de repos des hommes, quand toutefois il n’y a pas de causes de perturbation dans l’atmosphère. Le baromètre, comme les nuages, a ses périodes de repos et de mouvement : il monte du matin à midi ou onze heures, s’arrête et reprend sa marche ascendante d’une heure jusqu’à six ou sept heures, après quoi il baisse ; il monte durant l’activité des hommes et baisse durant leur repos[13]. Le vent se lève le matin, se calme au milieu de la journée et reprend jusqu’au soir, où il cesse ; mais il s’élève souvent avec force au moment des sonneries des cloches. L’homme est donc, pour M. Le Maout, la cause de la plupart des phénomènes météorologiques. Son action n’est point limitée aux vents et à la pression atmosphérique : elle s’étend encore aux pluies. « Ainsi, dit-il, j’ai souvent remarqué que la chute de la grêle et de la neige avait lieu au coup même de l’horloge ou au commencement d’une sonnerie annonçant quelque office… Pour moi, la cause de la condensation de la vapeur sous forme de pluie, de grêle ou de neige est la même… La cause, l’unique cause selon moi, de la condensation de la vapeur aqueuse faisant partie de l’atmosphère est la percussion de la masse aérienne à l’aide de corps sonores. Tout ce qui cause du bruit et ébranle l’air me paraît propre à provoquer cette condensation. » Voilà qui est catégorique. Le canon est la cause la plus puissante, puisque le canon de Sébastopol a fait pleuvoir à Saint-Brieuc, d’après notre auteur ; mais les cloches exercent aussi une action marquée : elles constituent même la cause la plus fréquente. À Saint-Brieuc, sur 1,744 cas de condensation de la vapeur d’eau atmosphérique, la pluie est tombée 745 fois au son de l’heure ; 562 fois au son de la demie ; 214 fois à la sonnerie des trois quarts, et 209 fois à la sonnerie du quart. Les simples coups de fusil peuvent provoquer aussi la pluie, comme doivent l’avoir remarqué les chasseurs, toujours d’après M. Le Maout ; il en est de même pour les feux d’artifice de quelque importance, comme l’assurent certains artificiers ; il en est de même aussi pour les explosions de mine dans les carrières, d’après différens observateurs ; le son du tambour, — lors de la retraite, le soir, — est souvent une cause de pluie, et même si la sonnerie de huit heures a fait pleuvoir, la retraite, à huit heures et demie, peut faire pleuvoir derechef. Un camion qui passe dans la rue mal pavée peut déterminer une ondée ; il en est de même pour de simples pétards et pour le choc du marteau qui s’abat sur l’enclume, ou de la cymbale qui se heurte contre l’autre cymbale. En somme, les nuages, le baromètre, la pluie et les mouvemens atmosphériques sont en rapport étroit avec l’activité de l’homme, avec le bruit qu’il produit, et voilà pourquoi il pleut beaucoup à Brest, où le canon tonne souvent, et lors des démonstrations navales ; voilà pourquoi il pleut beaucoup à Indret, où les forges remplacent le canon ; lors des fêtes carillonnées, les cloches tenant lieu de forges ou de canon ; lors des batailles, après les feux d’artifice ; bref, après toutes les opérations bruyantes. Voilà pourquoi il pleut si souvent sur les Parisiens et les Français en général lors des grandes fêtes, les carillons appelant les nuages et la pluie.

Voilà donc la base des théories de M. Le Maout. C’est l’homme qui, par le bruit et l’agitation de l’air, produit la pluie et la plupart des perturbations atmosphériques, et même subsidiairement, soit dit en passant, les maladies de la vigne, de la pomme de terre et du ver à soie, qui sont un « résultat de l’altération de l’air produite par la combustion de la prodigieuse quantité de poudre qui se consomme de nos jours, » voire même la coqueluche, maladie qui a fait invasion à l’époque où l’usage de la poudre commença à se généraliser ! Ces vues ont à coup sûr le mérite d’une incontestable originalité ; mais jusqu’ici la science ne les a point confirmées, tant s’en faut. Nous n’entrerons pas dans la discussion des faits, mais encore convient-il de rappeler brièvement quelques-unes des observations de M. Le Maout sur la corrélation entre les vibrations sonores et la pluie. La première eut lieu le 22 avril 1854. Ce jour-là, la forteresse d’Odessa fut bombardée, et, moins d’une heure après (je pense que M. Le Maout a fait les corrections nécessaires), à Saint-Brieuc, c’est-à-dire à plus de 2,300 kilomètres à vol d’oiseau, M. Le Maout vit le ciel se voiler, puis il plut et il fit du vent, et le baromètre monta. Inutile de dire que, le télégraphe n’existant point à cette époque entre la Crimée et Paris, M. Le Maout n’a établi de rapport entre les deux phénomènes qu’après coup, en consultant ses notes météorologiques. D’autres observations analogues furent faites aux jours correspondant aux batailles de l’Aima, de Balaklava, d’Inkermann. Cette dernière eut lieu le 5 novembre. Le 6, à la suite de ses observations pour le 5, M. Charles Le Maout écrivit au ministre de la guerre en lui annonçant « qu’une affaire qui pouvait avoir décidé du sort de nos armes en Crimée avait eu lieu la veille. » Le ministre en fut naturellement fort étonné, mais il dut, une fois reçues les nouvelles du théâtre de la guerre, onze jours plus tard, reconnaître que la prédiction n’était point absolument inexacte.

Il peut sembler étrange que le canon de la Crimée ait fait pleuvoir à Saint-Brieuc ; mais pour M. Le Maout, cela ne fait pas l’objet du moindre doute : au bout d’une heure ou deux, — de 60 à 100 minutes, — la canonnade amenait la formation de nuages et de pluie, et quand le combat était suspendu par un armistice de deux ou trois heures, M. Le Maout s’en apercevait invariablement au rétablissement temporaire de l’ordre. Durant la campagne d’Italie, le météorologiste breton fît des observations analogues, et nota le contre-coup des batailles sur le climat de la Bretagne, et c’est de ces coïncidences qu’il partit pour conclure à la possibilité d’une action de l’homme sur le climat et en particulier sur le régime des pluies. Il a certainement de beaucoup devancé le général américain. Si jamais il est prouvé que la vibration sonore est capable en elle-même, — et sans dégagement concomitant de gaz, vapeur d’eau, et poussière, — de déterminer la condensation de l’eau, s’il y a autre chose qu’une simple coïncidence entre le son des cloches ou des tambours, et la chute de la pluie, Charles Le Maout aura certainement la priorité sur M. Dyrentorth ; et d’un autre côté, s’il y a quelque corrélation positive entre la canonnade de Crimée et les variations météorologiques de la Bretagne, M. Le Maout aura encore la priorité, comme ayant montré que l’influence perturbatrice du son peut s’exercer à des distances que l’on n’eût point soupçonnées. Il faut ajouter que M. Le Maout ne s’est pas seulement occupé de cette influence à distance : il a noté aussi les perturbations locales, et a dressé une liste nombreuse des batailles qui ont été, sur place, suivies d’une précipitation atmosphérique considérable. Telles furent les batailles de Crécy, — la première où parut l’artillerie, — où, au début du combat, dit Mézeray, « un grand orage suivi d’éclairs et de tonnerre versa dessus une si furieuse pluie que la corde des arbalètes, en étant relâchée, perdit sa force ; » de Trafalgar, de Dresde, d’Eylau, de Hohenlinden, Varèse, Marignan, l’Alma, Inkermann, Puébla, Palestre, Magenta, Solférino, — et bien d’autres durant la campagne d’Italie, au cours de laquelle le climat de l’Algérie fut d’ailleurs fortement troublé, — tel fut encore le cas en 1870, où la sécheresse extrême qui dura de janvier à juillet, et à l’occasion de laquelle furent ordonnées des prières publiques, fut suivie, après l’entrée en campagne, de pluies très nombreuses. M. Le Maout était trop convaincu de l’exactitude de ses observations pour hésiter à les mettre à l’épreuve, et dès 1857 voici ce qu’il écrivait au ministre de l’agriculture :

« Je vous ai signalé, monsieur le ministre, les étonnans effets du canon et du son des cloches qui déterminent si facilement des tempêtes, et la possibilité de changer le siège de celles-ci, en déplaçant le foyer de la condensation.

« Ainsi que je l’ai établi, dans de nombreux écrits, la pluie, le vent, les tempêtes sont des phénomènes déterminés par des causes artificielles, dont les principales sont les bruits humains. Je ne crains pas de sortir du vrai, en disant que l’homme se fait lui-même le ciel dont il se plaint si souvent.

«… Un des côtés sérieux de cette découverte est l’application qui en pourrait être faite à l’agriculture. Déterminer, selon les besoins successifs de l’ensemble des biens de la terre, la température la plus appropriée à la végétation, en vue d’en obtenir les plus forts produits, était un beau problème à résoudre. Eh bien ! je ne crains pas de le proclamer hautement : ce problème est résolu, et il ne tient qu’à vous, monsieur le ministre, d’en constater la réalité.

« Je fais ce qui m’est possible pour attirer l’attention du gouvernement sur ce sujet que je considère comme d’un immense intérêt. »

S’adressant au même ministre en novembre 1858, M. Le Maout disait encore :

« … Je sais le sort réservé à tout homme qui annonce une idée nouvelle, quand cette idée surtout est en opposition avec les notions acquises, et je ne me décourage pas devant l’inertie, l’ignorance, ou les résistances systématiques que je rencontre. Je laisse au temps, juge en dernier ressort, le soin de décider si je poursuis une utopie ou si je proclame un fait bien observé, une vérité physique fondamentale qui eût dû, il y a cinq siècles, sauter aux yeux de tous.

« Depuis quatre ans, sous le ciel brumeux où je vis, j’ai constaté sept ou huit mille fois cette remarquable propriété des corps sonores que j’avais découverte en faisant mes observations sur l’action du canon sur le baromètre, pendant le siège de Sébastopol.

« Depuis quelque temps, il ne tombe que de petites ondées ; à peine l’eau a-t-elle touché le sol qu’elle est bue et disparaît ; aussi la terre est-elle tellement dure et compacte que le laboureur évite d’y mettre le soc, et que, si ce temps continue, le sort de la récolte prochaine pourra faire naître quelques inquiétudes. Les sources de la plupart de nos puits et de nos fontaines publiques sont à peu près taries, et les meuniers se plaignent de ne pouvoir, faute d’eau, fournir la mouture suffisante.

« Ce serait le cas pour le gouvernement de faire un essai de l’action condensatrice du canon, et de fixer l’opinion sur un phénomène purement artificiel. Ce puissant, cet immense moyen de condensation des vapeurs aqueuses de l’air sera infailliblement tôt ou tard utilisé par l’agriculture, car les faits ont une puissance qu’aucune autorité ne peut détruire.

« Faites, monsieur le ministre, que la gloire d’avoir résolu cet important problème ne soit pas pour un de vos successeurs. « 

En 1870, comme l’agriculture souffrait beaucoup de la sécheresse qui régna durant la première moitié de l’année, Le Maout revint à la charge. Il fit soumettre ses idées à l’empereur par M. Tremblay, un ancien officier de marine, que M. Le Maout avait su convaincre. M. Tremblay proposa à l’empereur de faire l’expérience et d’ordonner une canonnade qui devait, selon lui, faire pleuvoir, à condition qu’elle se produisit dans un moment favorable. L’empereur refusa. M. Tremblay se tourna alors vers l’Académie des Sciences, mais il y rencontra un adversaire déclaré, le maréchal Vaillant. Ce dernier connaissait les observations de Le Maout. Après en avoir ri d’ abord, il voulut les faire soumettre à un contrôle sérieux, et, écrit-il, « les relevés ainsi obtenus furent d’abord très favorables à l’opinion émise par M. Le Maout. Le feu des batteries était suivi de jours de pluie dans certaines régions. Ces premiers essais étaient insuffisans pour rien décider. Toutefois, je les transmis à M. Le Maout et je fis poursuivre le travail. Il nous fut ainsi démontré que nous avions tout d’abord été trompés par de simples coïncidences, et j’en avertis M. Le Maout. » Aussi, quand ce dernier revint à la charge en 1870, le maréchal eut-il promptement enterré la question, par l’opposition qu’il lui fit à l’Académie, et rien ne fut tenté. Quelques jours plus tard, la guerre commençait, le canon tonnait sur le Rhin, et la pluie tombait.

Je ne tirerai aucune conclusion de ce dernier fait, pas plus que de ceux qui ont été énumérés plus haut. Pour juger la question sainement, pour émettre un jugement motivé et non une impression sans fondement, il faudrait une série de documens et d’informations difficiles à recueillir, il faudrait une étude systématique et expérimentale que l’avenir seul peut fournir. Ceci soit dit d’ailleurs sans vouloir, le moins du monde, diminuer la valeur des observations de M. Le Maout ; mais ce ne sont que des observations, et nous ne connaîtrons leur valeur réelle qu’après l’étude expérimentale qui s’impose, et que les États-Unis viennent d’inaugurer, — dans des conditions d’ailleurs très défectueuses. — Cette étude ne sera pas précisément aisée. Il faudra d’abord relever soigneusement la situation météorologique de la localité choisie ; connaître la quantité de pluie qui y tombe chaque année, en moyenne ; noter les vents et les conditions thermométriques favorables à cette condensation atmosphérique, et, une fois les conditions normales connues, modifier ces conditions en ajoutant une cause perturbatrice connue, en quelque sorte mesurée et jaugée. Bien souvent, sans doute, une observation peut remplacer une expérience ; mais il faut, pour cela, parfaitement connaître les conditions de celle-ci, et dans le cas de M. Le Maout, nous ne les connaissons pas suffisamment. Il est superflu d’ajouter que, si l’on veut arriver à quelque conclusion précise, il faudra opérer dans des localités variées et dans des conditions différentes ; il faudra voir si l’on peut, — et dans quelles conditions de vent et d’état hygrométrique de l’air, — déterminer artificiellement la formation de nuages ; il faudra voir encore si l’on peut artificiellement provoquer la condensation en pluie des nuages naturels ou artificiels, sur place ou au loin. En réalité, cette étude est des plus difficiles, en raison des facteurs nombreux qui prennent part à la formation de la pluie, en l’absence de connaissances réellement définitives concernant certains de ces facteurs, et enfin en raison de la variabilité possible de ceux-ci. Si l’on arrive à montrer que telle région jouissant normalement d’un nombre assez régulier de centimètres de pluie par an, — nombre fort ou faible, — en voit accroître notablement le nombre à la suite des expériences faites, et en l’absence de causes de perturbation non artificielles, on pourra conclure « qu’il y a quelque chose ; » mais ce sera difficile.

La situation est donc à peu près la suivante. Il semble bien que les détonations et explosions peuvent, dans certaines conditions atmosphériques qui ne sont point encore élucidées, mais dont Le Maout s’était beaucoup préoccupé, — car il a dit à maintes reprises que l’expérience ne peut ni ne doit réussir à tout coup, et que pour obtenir de la pluie il faut tenir compte de la température, de l’état hygrométrique, de la direction du vent, etc., choses dont le général américain semble tenir un compte médiocre, — il semble bien que dans certaines conditions l’homme puisse artificiellement déterminer la formation de nuages et de pluie. Quelles sont ces conditions ? nous ne savons au juste ; mais elles varieront dans certaines limites, selon les localités. Quels sont les moyens à employer ? Le son suffit-il en lui-même ; ou bien faut-il autre chose ? faut-il un dégagement de poussière ? faut-il d’autres modifications de pression ou de température ? Nous ne savons. L’avenir seul nous indiquera la théorie à adopter ; elle ressortira des expériences, et nous saurons alors si le son est l’agent, ou bien si c’est le dégagement de poussières, si la vérité est dans les vues de M. Aitken, dans celles de Le Maout, ou dans quelque autre théorie encore à venir. Il faudra naturellement mettre à l’épreuve les idées du météorologiste américain Espy, qui, en 1837, déjà, proposait de produire la pluie en allumant de grands incendies, pensant que le courant d’air chaud ainsi formé, et tenant de la vapeur d’eau en suspension, produirait de la pluie en s’élevant dans les airs où, en raison de la diminution de pression, il se dilaterait et sursaturerait, en se refroidissant. Une expérience faillit être tentée en 1884 par le gouvernement australien, — on sait que certaines régions de l’Australie sont d’une sécheresse désespérante, — mais on y renonça devant le coût formidable de la tentative : on avait calculé qu’il faudrait brûler 9 millions de tonnes de houille par jour pour augmenter la précipitation atmosphérique de 66 pour 100 à Sydney ; mais je ne sais sur quels élémens reposent les calculs dont il s’agit, et dont la précision est très problématique.

Espy et ses compagnons ont vu se produire d’abondantes pluies en Floride, après les grands feux de roseaux qu’ils y allumèrent au cours de leurs expériences.

On pourra prendre en considération la proposition de Bell, qui veut ériger des colonnes creuses de 500 mètres, à travers lesquelles il veut envoyer dans l’air des flots d’air chaud, saturé de vapeur, ce qui revient en partie au procédé conseillé par Espy.

Il faudra encore essayer du système de M. H.-W. Allen, qui, aux Indes, propose de provoquer la pluie en lançant dans les airs des fusées capables d’y déterminer un froid intense. Cette idée est très logique d’ailleurs ; car, s’il y a désaccord sur maint point de la théorie de la pluie, on s’accorde généralement sur ce point que la différence de température y joue un rôle considérable, et que la réfrigération de l’air chargé de vapeur d’eau est une condition essentielle de la condensation de cette vapeur en gouttes. M. Allen a donc inventé une fusée qui peut s’élever à 1,600 mètres de hauteur, c’est-à-dire jusqu’au point où la quantité d’humidité est à peu près maxima ; elle renferme de l’éther emmagasiné sous forte pression, qui entre en ébullition et se vaporise, produisant ainsi un froid considérable, et la chute de la fusée est retardée par un parachute. Il faudra essayer de cette méthode, et de toutes celles qui pourront être proposées, car, il faut bien le reconnaître, on ne peut que tâtonner au début, les faits invoqués étant d’ordre différent, et les théories contradictoires et incertaines. Les recherches de Le Maout, d’Aitken, du général Dyrenforth et des autres expérimentateurs ne peuvent nous guider que de façon relative : ce sont des indications à contrôler, à vérifier, ce sont des jalons dont la valeur nous est inconnue, et ne nous sera réellement révélée que du jour où l’expérimentation systématique aura prononcé.

Le général Dyrenforth n’a rien inventé, cela est certain ; sa théorie est probablement inexacte, et elle n’est pas de lui, à coup sûr ; mais cela nous importe peu. Il va recommencer ses expériences très prochainement, et c’est la seule chose qui nous intéresse. Mais il faut que ce soient des expériences sérieuses, exécutées dans une localité dont on connaisse bien la météorologie normale, et avec le contrôle d’hommes connaissant les exigences de l’expérimentation, ce qui est beaucoup plus difficile.


HENRY DE VARIGNY.

  1. Les cultures appellent bien les pluies dans une certaine mesure ; mais il faut des cultures très étendues et denses, des forêts, par exemple, qui forment de véritables réservoirs d’eau, selon un mécanisme qui a été bien mis en lumière ici même par M. J. Clavé (du Reboisement. et du régime, des eaux en France ; Revue du 1er ‘février 1850).
  2. Voyez Rainfall on the Plains, par M. St. O. Henry. (Popular Science Manthly, février 1890.)
  3. North American Review, octobre 1891.
  4. Rain making in Texas. (Nature, 22 octobre 1891, p. 594.)
  5. M. Simon Newcomb, un des hommes les plus autorisés dans la matière, a fait de l’interprétation de son compatriote une critique très sûre et très pénétrante dans la North American Review, d’octobre 1891. Aucun physicien ou météorologiste compétent n’a encore fourni de faits susceptibles de venir à l’appui de la théorie du général Dyrenforth.
  6. Pour plus de détails, voir le résumé que j’ai donné des recherches de M. Aitken, dans la Revue scientifique sous le titre : les Poussières de l’air (13 octobre 1888). Voir aussi les comptes-rendus de la Société royale d’Edimbourg, 1888-92, et Nature, 1er mars 1888, p. 428 ; 23 juillet 1891, p. 279 ; et un travail de M. Aitken (On the number of dust partie les in the Atmosphere) dans Nature du 27 février 1890 et du 28 janvier 1892.
  7. On se fera une vague idée de la quantité des poussières déversées dans l’atmosphère par les combustions industrielles en se reportant aux chiffres relevés par M. Aitken pour l’air provenant d’un brûleur de Bunsen (bec de gaz à courant d’air). Du reste, chacun connaît l’aspect caractéristique de l’atmosphère dans les régions à industrie très développée, à Londres, Manchester, Glascow, en Belgique, à Lille, etc. Sans doute, une partie de ces poussières retombe à peu près sur place, — et c’est ainsi qu’en hiver il arrive à Londres qu’on ne voit pas le soleil une heure entière au cours de tout un mois, — mais beaucoup sont transportées au loin. On a vu la fumée de l’incendie de Chicago sur la côte occidentale des États-Unis ; les incendies des plaines et prairies de l’Amérique du Nord produisent des nuages que l’on reconnaît souvent au loin à la teinte qu’ils donnent au ciel (indian haze) ; il en est de même en Afrique, dans la région du Congo (von Danckelman) ; enfin, on sait que les poussières du Krakatoa sont demeurées des années en suspension dans l’atmosphère. Mais ces poussières finissent toujours tôt ou tard par retomber sur le sol ou dans la mer. Jusqu’ici, on n’a peut-être pas beaucoup prêté d’attention à la quantité des sédimens de l’eau de pluie, mais quand on entreprendra cette étude de façon systématique, on y trouvera des données fort intéressantes. Dans beaucoup de cas, les poussières forment manifestement une partie considérable du volume de la précipitation atmosphérique ; tel est le cas, en particulier, pour la pluie jaune ou noire de Chine, et pour la pluie noire qui s’observe assez souvent en Angleterre (à cause de l’abondance des combustions industrielles). Je rencontre deux cas de pluie noire en Angleterre en 1884 (avril et juillet) ; j’en vois encore un en 1889, signalé par lord Rosse, un autre en 1890. La pluie ressemblait à un mélange d’encre et d’eau ; les ruisseaux des rues étaient absolument noirs, et il était clair que la coloration était due à des parcelles de carbone qui se rencontraient en quantité dans l’eau. Ces pluies noires se produisent souvent à de grandes distances des villes industrielles, et si elles ne sont pas plus fréquentes, cela tient sans doute à ce que les parcelles sont rarement assez nombreuses et volumineuses pour être nettement visibles, ou pour donner une coloration marquée.
  8. L’air renferme, on le sait, un grand nombre de poussières organiques vivantes : des spores, des grains de pollen, et enfin des microbes. À certains momens, l’air renferme une quantité énorme de ces derniers. M. L. Manfredi a montré, en effet, que la poussière des rues de Naples renferme de 10 millions à 5,000 millions de microbes par gramme de poussière. Beaucoup de ceux-ci sont pathogènes : on y trouve en particulier les microbes du tétanos, de la tuberculose, de la septicémie, etc., et il est évident qu’au moindre vent qui répand cette poussière dans l’atmosphère, le nombre des parcelles contenues dans l’air doit augmenter considérablement, et le vent doit les répandre et les disperser au loin.
  9. Au mois d’avril dernier, M. John Milne a signalé la présence d’un nuage de poussière de ce genre et ayant sans doute la même origine, flottant dans l’atmosphère au-dessus du Pacifique, à quelque 300 ou 500 kilomètres de la côte de Chine. Ce nuage avait de 1,500 à 3,000 kilomètres de longueur, et de 300 à 500 kilomètres de largeur, d’après les rapports résumés par le savant météorologiste dans Nature (A dust storm at sea, 9 juin 1892, p. 128). Les navires passant dans ces parages ont recueilli en abondance de cette poussière qui est fine, de couleur jaune, et que M. Milne croit aussi empruntée au loess des plaines chinoises.
  10. Voir, sur ce point, le beau rapport publié, il y a quelques années, par la Société royale de Londres sur l’éruption du Krakatoa, et dont j’ai donné une longue analyse dans la Revue scientifique.
  11. Voir William Marcet : Atmospheric dust (Royal Meteorological Society, 1890), et S.-P. Langley : A vast dust Envelope. (Nature, 31 janvier 1884, p. 324.)
  12. Voir, en particulier, Exposé de la doctrine des condensations (1856) ; Effets du canon et du son des cloches sur l’atmosphère (1861) ; Encore le canon et la pluie (1870) ; le Canon et la Pluie (1870} ; lettre à M. Tremblay (1870) ; lettre au Petit Journal (1887) ; Cuirassés, Torpilleurs et Tempêtes (1886), brochures réimprimées récemment à Saint-Brieuc et à Cherbourg-, par M. Emile Le Maout, fils du météorologiste breton.
  13. En vérité, les oscillations diurnes du baromètre dont parle M. Le Maout ne semblent pas être celles qu’admettent généralement les météorologistes. Pour ces derniers, le baromètre, dans nos contrées, baisse de midi à trois, quatre ou cinq heures, remonte jusqu’à dix ou onze heures du soir, puis baisse de nouveau jusqu’à quatre heures du matin pour remonter jusqu’à dix heures. Le minimum serait vers quatre heures du matin et de l’après-midi, le maximum vers onze heures du soir et du matin.