La Place royale
Œuvres de P. Corneille, Texte établi par Ch. Marty-LaveauxHachettetome II (p. 255-269).
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ACTE III.


Scène première.


PHYLIS, CLÉANDRE.
CLÉANDRE.

605En ce point il ressemble à ton humeur volage,
Qu’il reçoit tout le monde avec même visage[1] ;
Mais d’ailleurs ce portrait ne te ressemble pas,
En ce qu’il ne dit mot et ne suit point mes pas[2].

PHYLIS.

En quoi que désormais ma présence te nuise,
610La civilité veut que je te reconduise.

CLÉANDRE.

Mets enfin quelque borne à ta civilité[3],
Et suivant notre accord me laisse en liberté.



Scène II.

DORASTE, PHYLIS, CLÉANDRE.
DORASTE sort de chez Angélique[4].

Tout est gagné, ma sœur : la belle m’est acquise ;

Jamais occasion ne se trouva mieux prise ;
Je possède Angélique.

CLÉANDRE.

Je possède Angélique.Angélique ?

DORASTE.

615Je possède Angélique.Angélique ? Oui, tu peux
Avertir Alidor du succès de mes vœux,
Et qu’au sortir du bal, que je donne chez elle,
Demain un sacré nœud m’unit à cette belle[5] ;
Dis-lui qu’il s’en console. Adieu : je vais pourvoir
620À tout ce qu’il me faut préparer pour ce soir.

PHYLIS[6].

Ce soir j’ai bien la mine, en dépit de ta glace,
D’en trouver là cinquante à qui donner ta place[7].
Va-t’en, si bon te semble, ou demeure en ces lieux ;
Je ne t’arrêtais pas ici pour tes beaux yeux ;
625Mais jusqu’à maintenant j’ai voulu te distraire,
De peur que ton abord interrompît mon frère.
Quelque fin que tu sois, tiens-toi pour affiné[8].



Scène III.

CLÉANDRE.

Ciel ! à tant de malheurs m’aviez-vous destiné ?
Faut-il que d’un dessein si juste que le nôtre
630La peine soit pour nous, et les fruits pour un autre,

Et que notre artifice ait si mal succédé,
Qu’il me dérobe un bien qu’Alidor m’a cédé ?
Officieux ami d’un amant déplorable,
Que tu m’offres en vain cet objet adorable !
635Qu’en vain de m’en saisir ton adresse entreprend !
Ce que tu m’as donné, Doraste le surprend.
Tandis qu’il me supplante, une sœur me cajole ;
Elle me tient les mains cependant qu’il me vole.
On me joue, on me brave, on me tue, on s’en rit :
640L’un me vante son heur, l’autre son trait d’esprit ;
L’un et l’autre à la fois me perd, me désespère,
Et je puis épargner ou la sœur ou le frère !
Être sans Angélique, et sans ressentiment !
Avec si peu de cœur aimer si puissamment[9] !
645Cléandre, est-ce un forfait que l’ardeur qui te presse ?
Craignois-tu d’avouer une telle maîtresse ?
Et cachois-tu l’excès de ton affection
Par honte, par dépit, ou par discrétion[10] ?
Pouvois-tu desirer occasion plus belle[11]
650Que le nom d’Alidor à venger ta querelle ?
Si pour tes feux cachés tu n’oses t’émouvoir,
Laisse leurs intérêts, suis ceux de ton devoir.
On supplante Alidor, du moins en apparence,
Et sans ressentiment tu souffres cette offense !

655Ton courage est muet, et ton bras endormi !
Pour être amant discret, tu parois lâche ami !
C’est trop abandonner ta renommée au blâme :
Il faut sauver d’un coup ton honneur et ta flamme,
Et l’un et l’autre ici marchent d’un pas égal ;
660Soutenant un ami, tu t’ôtes un rival.
Ne diffère donc plus ce que l’honneur commande[12],
Et lui gagne Angélique, afin qu’il te la rende[13].
Il faut…



Scène IV.

ALIDOR, CLÉANDRE.
ALIDOR.

Il faut…Eh bien, Cléandre, ai-je su t’obliger ?

CLÉANDRE.

Pour m’avoir obligé, que je vais t’affliger !
665Doraste a pris le temps des dépits d’Angélique.

ALIDOR.

Après ?

CLÉANDRE.

Après ? Après cela tu veux que je m’explique[14] ?

ALIDOR.

Qu’en a-t-il obtenu ?

CLÉANDRE.

Qu’en a-t-il obtenu ?Par-delà son espoir :
Il l’épouse demain, lui donne bal ce soir[15] ;
Juge, juge par là si mon mal est extrême.

ALIDOR.

En es-tu bien certain ?

CLÉANDRE.

670En es-tu bien certain ? J’ai tout su de lui-même.

ALIDOR.

Que je serois heureux si je ne t’aimois point !
Ton malheur auroit mis mon bonheur à son point[16] ;
La prison d’Angélique auroit rompu la mienne.
Quelque empire sur moi que son visage obtienne,
675Ma passion fût morte avec sa liberté ;
Et trop vain pour souffrir qu’en sa captivité
Les restes d’un rival m’eussent enchaîné l’âme[17],
Les feux de son hymen auroient éteint ma flamme.

Pour forcer sa colère à de si doux effets,
680Quels efforts, cher ami, ne me suis-je point faits !
Malgré tout mon amour, prendre un orgueil farouche[18],
L’adorer dans le cœur, et l’outrager de bouche ;
J’ai souffert ce supplice, et me suis feint léger,
De honte et de dépit de ne pouvoir changer.
685Et je vois, près du but où je voulois prétendre,
Les fruits de mon travail n’être pas pour Cléandre !
À ces conditions mon bonheur me déplaît.
Je ne puis être heureux, si Cléandre ne l’est.
Ce que je t’ai promis ne peut être à personne ;
690Il faut que je périsse, ou que je te le donne.
J’aurois trop de moyens de te garder ma foi[19] ;
Et malgré les destins Angélique est à toi.

CLÉANDRE.

Ne trouble point pour moi le repos de ton âme[20] ;
Il t’en coûteroit trop pour avancer ma flamme.
695Sans que ton amitié fasse un second effort,
Voici de qui j’aurai ma maîtresse ou la mort :
Si Doraste a du cœur, il faut qu’il la défende,
Et que l’épée au poing il la gagne ou la rende.

ALIDOR.

Simple, par le chemin que tu penses tenir,
700Tu la lui peux ôter, mais non pas l’obtenir.
La suite des duels ne fut jamais plaisante :
C’étoit ces jours passés ce que disoit Théante[21].

Je veux prendre un moyen et plus court et plus seur[22],
Et sans aucun péril t’en rendre possesseur.
705Va-t’en donc, et me laisse auprès de ta maîtresse[23]
De mon reste d’amour faire jouer l’adresse.

CLÉANDRE.

Cher ami…

ALIDOR.

Cher ami…Va-t’en, dis-je, et par tes compliments
Cesse de t’opposer à tes contentements ;
Désormais en ces lieux tu ne fais que me nuire.

CLÉANDRE.

710Je vais donc te laisser ma fortune à conduire[24].
Adieu : puissé-je avoir les moyens à mon tour
De faire autant pour toi que toi pour mon amour !

ALIDOR, seul.

Que pour ton amitié je vais souffrir de peine !
Déjà presque échappé, je rentre dans ma chaîne.
715Il faut encore un coup, m’exposant à ses yeux,
Reprendre de l’amour, afin d’en donner mieux.
Mais reprendre un amour dont je veux me défaire[25],
Qu’est-ce qu’à mes desseins un chemin tout contraire ?
Allons-y toutefois, puisque je l’ai promis :
720Et que la peine est douce à qui sert ses amis[26].



Scène V.

ANGÉLIQUE, dans son cabinet.

Quel malheur partout m’accompagne !
Qu’un indiscret hymen me venge à mes dépens !
Que de pleurs en vain je répands,
Moins pour ce que je perds que pour ce que je gagne !
725L’un m’est plus doux que l’autre, et j’ai moins de tourment
Du crime d’Alidor que de son châtiment[27].

Ce traître alluma donc ma flamme !
Je puis donc consentir à ces tristes accords !
Hélas ! par quelques vains efforts[28]
730Que je me fasse jour jusqu’au fond de mon âme,
J’y trouve seulement, afin de me punir,
Le dépit du passé, l’horreur de l’avenir.



Scène VI.

ANGÉLIQUE, ALIDOR.
ANGÉLIQUE[29].

viens-tu, déloyal ? avec quelle impudence
Oses-tu redoubler mes maux par ta présence ?
735Qui te donne le front de surprendre mes pleurs[30] ?

Cherches-tu de la joie à même mes douleurs ?
Et peux-tu conserver une âme assez hardie
Pour voir ce qu’à mon cœur coûte ta perfidie ?
Après que tu m’as fait un insolent aveu
740De n’avoir plus pour moi ni de foi ni de feu,
Tu te mets à genoux, et tu veux, misérable,
Que ton feint repentir m’en donne un véritable ?
Va, va, n’espère rien de tes submissions[31] ;
Porte-les à l’objet de tes affections ;
745Ne me présente plus les traits qui m’ont déçue ;
N’attaque point mon cœur en me blessant la vue.
Penses-tu que je sois, après ton changement,
Ou sans ressouvenir, ou sans ressentiment ?
S’il te souvient encor de ton brutal caprice,
750Dis-moi, que viens-tu faire au lieu de ton supplice ?
Garde un exil si cher à tes légèretés :
Je ne veux plus savoir de toi mes vérités.
Quoi ! tu ne me dis mot ! Crois-tu que ton silence
Puisse de tes discours réparer l’insolence ?
755Des pleurs effacent-ils un mépris si cuisant ?
Et ne t’en dédis-tu, traître, qu’en te taisant ?
Pour triompher de moi veux-tu, pour toutes armes,
Employer des soupirs et de muettes larmes ?
Sur notre amour passé c’est trop te confier[32] ;
760Du moins dis quelque chose à te justifier ;
Demande le pardon que tes regards m’arrachent ;
Explique leurs discours, dis-moi ce qu’ils me cachent.
Que mon courroux est foible ! et que leurs traits puissants

Rendent des criminels aisément innocents !
765Je n’y puis résister, quelque effort que je fasse ;
Et de peur de me rendre, il faut quitter la place[33].

ALIDOR la retient comme elle veut s’en aller[34].

Quoi ! votre amour renaît, et vous m’abandonnez[35] !
C’est bien là me punir quand vous me pardonnez.
Je sais ce que j’ai fait, et qu’après tant d’audace
770Je ne mérite pas de jouir de ma grâce ;
Mais demeurez du moins, tant que vous ayez su
Que par un feint mépris votre amour fut déçu,
Que je vous fus fidèle en dépit de ma lettre ;
Qu’en vos mains seulement on la devoit remettre ;
775Que mon dessein n’alloit qu’à voir vos mouvements,
Et juger de vos feux par vos ressentiments.
Dites, quand je la vis entre vos mains remise,
Changeai-je de couleur ? eus-je quelque surprise ?
Ma parole plus ferme et mon port assuré
780Ne vous montroient-ils pas un esprit préparé[36] ?
Que Clarine vous die, à la première vue
Si jamais de mon change elle s’est aperçue.
Ce mauvais compliment flattoit mal ses appas[37] ;
Il vous faisoit outrage, et ne l’obligeoit pas ;
785Et ses termes piquants, mal conçus pour lui plaire,
Au lieu de son amour, cherchoient votre colère.

ANGÉLIQUE.

Cesse de m’éclaircir sur ce triste secret[38] ;
En te montrant fidèle, il accroît mon regret :

Je perds moins, si je crois ne perdre qu’un volage,
790Et je ne puis sortir d’erreur qu’à mon dommage.
Que me sert de savoir que tes vœux sont constants[39] ?
Que te sert d’être aimé, quand il n’en est plus temps ?

ALIDOR.

Aussi je ne viens pas pour regagner votre âme[40] :
Préférez-moi Doraste, et devenez sa femme.
795Je vous viens, par ma mort, en donner le pouvoir :
Moi vivant, votre foi ne le peut recevoir ;
Elle m’est engagée, et quoi que l’on vous die,
Sans crime elle ne peut durer moins que ma vie.
Mais voici qui vous rend l’une et l’autre à la fois[41].

ANGÉLIQUE.

800Ah ! ce cruel discours me réduit aux abois.
Ma colère a rendu ma perte inévitable[42],
Et je déteste en vain ma faute irréparable.

ALIDOR.

Si vous avez du cœur, on la peut réparer.

ANGÉLIQUE.

On nous doit dès demain pour jamais séparer[43] ;
805Que puis-je à de tels maux appliquer pour remède ?

ALIDOR.

Ce qu’ordonne l’amour aux âmes qu’il possède.
Si vous m’aimez encor, vous saurez dès ce soir
Rompre les noirs effets d’un juste désespoir.
Quittez avec le bal vos malheurs pour me suivre,

810Ou soudain à vos yeux je vais cesser de vivre.
Mettrez-vous en ma mort votre contentement ?

ANGÉLIQUE.

Non, mais que dira-t-on d’un tel emportement[44] ?

ALIDOR.

Est-ce là donc le prix de vous avoir servie ?
Il y va de votre heur, il y va de ma vie,
815Et vous vous arrêtez à ce qu’on en dira !
Mais faites désormais tout ce qu’il vous plaira :
Puisque vous consentez plutôt à vos supplices
Qu’à l’unique moyen de payer mes services,
Ma mort va me venger de votre peu d’amour ;
820Si vous n’êtes à moi, je ne veux plus du jour.

ANGÉLIQUE.

Retiens ce coup fatal ; me voilà résolue :
Use sur tout mon cœur de puissance absolue[45] :
Puisqu’il est tout à toi, tu peux tout commander ;
Et contre nos malheurs j’ose tout hasarder[46].
825Cet éclat du dehors n’a rien qui m’embarrasse ;
Mon honneur seulement te demande une grâce :
Accorde à ma pudeur que deux mots de ta main
Puissent justifier ma fuite et ton dessein ;
Que mes parents surpris trouvent ici ce gage,
830Qui les rende assurés d’un heureux mariage,

Et que je sauve ainsi ma réputation
Par la sincérité de ton intention.
Ma faute en sera moindre, et mon trop de constance[47]
Paroîtra seulement fuir une violence.

ALIDOR.

835Enfin par ce dessein vous me ressuscitez[48] :
Agissez pleinement dessus mes volontés.
J’avais pour votre honneur la même inquiétude,
Et ne pourrois d’ailleurs qu’avec ingratitude,
Voyant ce que pour moi votre flamme résout,
840Dénier quelque chose à qui m’accorde tout.
Donnez-moi ; sur-le-champ je vous veux satisfaire.

ANGÉLIQUE.

Il vaut mieux que l’effet à tantôt se diffère.
Je manque ici de tout, et j’ai le cœur transi[49]
De crainte que quelqu’un ne te découvre ici.
845Mon dessein généreux fait naître cette crainte ;
Depuis qu’il est formé, j’en ai senti l’atteinte.
Quitte-moi, je te prie, et coule-toi sans bruit[50].

ALIDOR.

Puisque vous le voulez, adieu, jusqu’à minuit.

ANGÉLIQUE.
(Alidor s’en va, et Angélique continue[51].)

Que promets-tu, pauvre aveuglée ?
850À quoi t’engage ici ta folle passion ?
Et de quelle indiscrétion
Ne s’accompagne point ton ardeur déréglée ?

Tu cours à ta ruine, et vas tout hasarder
Sur la foi d’un amant qui n’en sauroit garder[52].

855Je me trompe, il n’est point volage ;
J’ai vu sa fermeté, j’en ai cru ses soupirs ;
Et si je flatte mes desirs,
Une si douce erreur n’est qu’à mon avantage.
Me manquât-il de foi, je la lui dois garder,
860Et pour perdre Doraste il faut tout hasarder.

ALIDOR, sortant de la porte d’Angélique, et repassant sur le théâtre.

Cléandre, elle est à toi ; j’ai fléchi son courage.
Que ne peut l’artifice, et le fard du langage ?
Et si pour un ami ces effets je produis,
Lorsque j’agis pour moi, qu’est-ce que je ne puis ?



Scène VII.

PHYLIS.

865Alidor à mes yeux sort de chez Angélique[53],
Comme s’il y gardoit encor quelque pratique ;
Et même, à son visage, il semble assez content.
Auroit-il regagné cet esprit inconstant ?
Oh ! qu’il feroit bon voir que cette humeur volage
870Deux fois en moins d’une heure eût changé de courage !
Que mon frère en tiendroit, s’ils s’étoient mis d’accord[54] !
Il faut qu’à le savoir je fasse mon effort.
Ce soir, je sonderai les secrets de son âme ;
Et si son entretien ne me trahit sa flamme,

875J’aurai l’œil de si près dessus ses actions,
Que je m’éclaircirai de ses intentions.



Scène VIII.

PHYLIS, LYSIS.
PHYLIS.

Quoi ! Lysis, ta retraite est de peu de durée !

LYSIS.

L’heure de mon congé n’est qu’à peine expirée ;
Mais vous voyant ici sans frère et sans amant…

PHYLIS.

880N’en présume pas mieux pour ton contentement.

LYSIS.

Et d’où vient à Phylis une humeur si nouvelle ?

PHYLIS.

Vois-tu, je ne sais quoi me brouille la cervelle.
Va, ne me conte rien de ton affection :
Elle en auroit fort peu de satisfaction.

LYSIS.

885Cependant sans parler il faut que je soupire[55] ?

PHYLIS.

Réserve pour le bal ce que tu me veux dire.

LYSIS.

Le bal, où le tient-on ?

PHYLIS.
LYSIS.

Le bal, où le tient-on ? Là-dedans.Il suffit ;
De votre bon avis je ferai mon profit.


FIN DU TROISIÈME ACTE.



  1. Var. Qui reçoit tout le monde avec même visage. (1648)
  2. Var. Vu qu’il ne me dit mot et ne suit point mes pas. (1637-57)
  3. L’édition de 1682 donne seule fidélité, pour civilité : c’est une faute évidente, que Thomas Corneille s’est gardé de reproduire en 1692.
  4. Var. DORASTE, sortant de chez Angélique. (1637-60)
  5. Var. Demain un sacré nœud me joint à cette belle ;
    Dis-lui qu’il se console. Adieu : je vais pourvoir
    À tout ce qu’il faudra préparer pour ce soir.
    PHYL. Nous voilà donc de bal ! Dieu nous fera la grâce. (1637-57)
  6. On lit ici dans l’édition de 1692 : PHYLIS, à Cléandre, indication qui n’est point inutile.
  7. Var. D’en trouver là cinquante à qui donner la place. (1637)
  8. Affiné, trompé, dupé. Voyez tome I, p. 190, note 3.
  9. Var. [Avec si peu de cœur aimer si puissamment !]
    Que faisiez-vous, mes bras ? que faisiez-vous, ma lame ?
    N’osiez-vous mettre au jour les secrets de mon âme ?
    N’osiez-vous leur montrer ce qu’ils m’ont fait de mal ?
    N’osiez-vous découvrir à Doraste un rival ?
    [Cléandre, est-ce un forfait que l’ardeur qui te presse ?]
    Craignois-tu de rougir d’une telle maîtresse ? (1637-57)
  10. Var. Par honte, par respect, ou par discrétion ? (1637)
  11. Var. Avec quelque raison ou quelque violence,
    Que l’un de ces motifs t’obligeât au silence,
    Pour faire à ce rival sentir quel est ton bras,
    L’intérêt d’un ami ne suffisoit-il pas ?
    Pouvois-tu desirer d’occasion plus belle. (1637-57)
  12. Ce vers se retrouve, à un mot près, dans le Cid, acte III, scène iii :
    Ne diffère donc plus ce que l’honneur t’ordonne.
  13. Var. [Et lui gagne Angélique, afin qu’il te la rende.]
    Veux-tu pour le défendre une plus douce loi ?
    Si tu combats pour lui, les fruits en sont pour toi.
    J’y suis tout résolu, Doraste, il la faut rendre ;
    Tu sauras ce que c’est de supplanter Cléandre :
    Tout l’univers armé pour te la conserver
    De mes jaloux efforts ne te pourroit sauver.
    Qu’est-ce-ci, ma fureur ? est-il temps de paroître ?
    Quand tu manques d’objets, tu commences à naître :
    C’étoit, c’étoit tantôt qu’il falloit t’exciter,
    C’étoit, c’étoit tantôt qu’il falloit m’emporter.
    Puisque, un rival présent, trop foible, tu recules,
    Tes mouvements tardifs deviennent ridicules,
    Et quoi qu’à ces transports promette ma valeur,
    À peine les effets préviendront mon malheur.
    Pour rompre en honnête homme un hymen si funeste,
    Je n’ai plus désormais qu’un peu de jour qui reste ;
    Autrement il me faut affronter ce rival,
    Au péril de cent morts, au milieu de son bal :
    Aucune occasion ailleurs ne m’est offerte ;
    Il lui faut tout quitter, ou me perdre en sa perte.
    [Il faut…] (1637-57)
  14. Var.  Après cela veux-tu que je m’explique ? (1637-57)
  15. Var. Si bien qu’après le bal qu’il lui donne ce soir,
    Leur hymen accompli rend mon malheur extrême. (1637-57)
  16. Var. Cet hymen auroit mis mon bonheur à son point (a). (1637-57)

    (a) L’édition de 1682 porte, par erreur sans doute : « à ce point. »

  17. Var. Les restes d’un rival eussent fait mon servage,
    Elle eût perdu mon cœur avec son pucelage. (1637 et 44)
    Var. Les restes d’un rival captivassent mon âme,
    Elle eût perdu mon cœur en devenant sa femme. (1648)
  18. Var. Me feindre tout de glace, et n’être que de flamme,
    La mépriser de bouche et l’adorer dans l’âme. (1637-57)
  19. Var. J’aurai trop de moyens à te garder ma foi. (1637,44 et 52-57)
  20. Var. Ne trouble point, ami, ton repos pour mon aise :
    Crois-tu qu’à tes dépens aucun bonheur me plaise ? (1637-57)
  21. Allusion à ces vers de la Suivante (649-652, p. 160) :
    Le duel est fâcheux, et quoi qu’il en arrive,
    De sa possession l’un et l’autre il nous prive,
    Puisque de deux rivaux, l’un mort, l’autre s’enfuit,
    Tandis que de sa peine un troisième a le fruit.

    Les poètes dramatiques du dix-septième siècle aimaient à placer ainsi dans la bouche de leurs personnages des allusions à leurs ouvrages antérieurs. Molière dit dans le Misanthrope (acte I, sc. i) :

    Je ris des noirs accès où je vous envisage,
    Et crois voir en nous deux, sous même soin nourris,
    Les deux frères que peint l’École des maris.
  22. Var. Il faut prendre un chemin et plus court et plus seur (a) :
    Je veux sans coup férir t’en rendre possesseur. (1637)
    Var. Je veux prendre un chemin et plus court et plus seur. (1644-60)

    (a) Peut-être cette prononciation était-elle en usage lorsque la pièce fut représentée pour la première fois, mais elle était certainement abandonnée lorsque Corneille publiait les dernières éditions de son théâtre.

  23. Var. Va-t’en donc, et me laisse auprès de cette belle
    Employer le pouvoir qui me reste sur elle. (1637-57)
  24. Var. Je te vais donc laisser ma fortune à conduire. (1635-57)
  25. Var. Mais reprendre un amour dont je me veux défaire. (1637-57)
  26. Var. Toute peine est fort douce à qui sert ses amis (b). (1637-57)

    (b) Voyez la fin de l’Examen, p. 223.

  27. Var. Du forfait d’Alidor que de son châtiment. (1637-57)
  28. Var.  Et par quelques puissants efforts
    Que de tous sens je tourne et retourne mon âme. (1637-57)
    Var. Hélas ! par quelques pleins efforts. (1660-68)
  29. Var. ANGÉLIQUE, voyant Alidor entrer en son cabinet. (1637)
  30. Var. Ton plaisir dépend-il d’avoir vu mes douleurs ?
    Qui te fait si hardi de surprendre mes pleurs ?
    Est-il dit que tes yeux te mettront hors de doute,
    Et t’apprendront combien ta trahison me coûte ?
    Après qu’effrontément ton aveu m’a fait voir
    Qu’Angélique sur toi n’eut jamais de pouvoir,
    [Tu te mets à genoux, et tu veux, misérable.] (1637-57)
  31. Var. Va, va, n’espère rien de ces submissions. (1637-48)
    Var. Va, va, n’espère rien de ses submissions. (1652-57)
  32. Var. Sur notre amour passé c’est à trop te fier. (1637)
    Var. Sur notre amour passé c’est là trop te fier. (1644-57)
  33. Var. Comme vaincue il faut que je quitte la place. (1637-57)
  34. Var. Elle veut sortir du cabinet, mais Alidor la retient. (1637, en marge.) — Alidor, la retenant. (1644-60)
  35. Var. Ma chère âme, mon tout, quoi ! vous m’abandonnez ! (1637-57)
  36. Var. Ne vous montroit-il pas un esprit préparé ? (1652-57)
  37. Var. Aussi mon compliment flattoit mal ses appas :
    Il vous offensoit bien, mais ne l’obligeoit pas. (1637-57)
  38. Var. Cesse de m’éclaircir dessus un tel secret. (1637-57)
  39. Var. Que me sert de savoir si tes vœux sont constants ? (1637-57)
  40. Var. Aussi ne viens-je pas pour regagner votre âme. (1637-57)
  41. Var. Mais voici qui vous rend l’un et l’autre à la fois. (1652-60)
  42. Var. Dans ma prompte vengeance à jamais misérable,
    Que je déteste en vain ma faute irréparable ! (1637-57)
  43. Var. C’est demain qu’on nous doit pour jamais séparer :
    En ce piteux état que veux-tu que je fasse ?
    ALID. Ah ! ce discours ne part que d’un cœur tout de glace
    Non, non, résolvez-vous : il vous faut à ce soir
    Montrer votre courage, ou moi mon désespoir. (1637-57)
  44. Var. Non, mais que dira-t-on d’un tel enlèvement ? (1637-57)
  45. Var. Dessus mes volontés ta puissance absolue
    Peut disposer de moi, peut tout me commander.
    Mon honneur, en tes mains prêt à se hasarder,
    Par un trait si hardi quelque tort qu’il se fasse,
    Y consent toutefois, et ne veut qu’une grâce :
    [Accorde à ma pudeur que deux mots de ta main]
    Justifient aux miens ma fuite et ton dessein ;
    Qu’ils puissent, me cherchant, trouver ici ce gage,
    Qui les rende assurés de notre mariage ;
    Que la sincérité de ton intention
    Conserve, mise au jour, ma réputation. (1637-57)
  46. Var. Pour vaincre nos malheurs j’ose tout hasarder. (1660)
  47. Var. Ma faute en sera moindre, et hors de l’impudence. (1637-60)
  48. Var. Ma reine, enfin par là vous me ressuscitez. (1637-57)
  49. Var. Je manque ici de tout, et j’ai peur, mon souci,
    Que quelqu’un par malheur ne te surprenne ici. (1637-57)
  50. Var. Va, quitte-moi, ma vie, et te coule sans bruit.
    ALID. Adieu donc, ma chère âme. ANG. Adieu, jusqu’à minuit. (1637-57)
  51. Var. ANGÉLIQUE, seule en son cabinet. (1637, en marge.)
  52. Var. Sur la foi de celui qui n’en sauroit garder. (1637-57)
  53. Var. D’où provient qu’Alidor sort de chez Angélique ?
    Auroit-il avec elle encor quelque pratique ?
    Son visage n’a rien que d’un homme content. (1637-57)
  54. Var. Que mon frère en tiendroit, s’ils étoient mis d’accord ! (1657)
  55. Var. Puisque vous le voulez, adieu, je me retire. (1637-57)