Félix Alcan (p. 81-100).


CHAPITRE III

NIETZSCHE PHILOSOPHE (1878-1888)


I


Pendant les neuf années qui suivirent son départ de l’Université de Bâle, la vie de Nietzsche ne fut qu’une longue lutte contre la maladie qui minait sa santé et qui finit par triompher de son opiniâtre résistance : dans les premiers jours de 1889 Nietzsche fut atteint de folie ; son agonie dura onze années pendant lesquelles il végéta, sans espoir de guérison, à Iéna, à Naumburg, à Weimar, incapable de poursuivre son œuvre, inconscient de sa gloire qui grandissait d’année en année ; il mourut enfin à Weimar le samedi 25 août 1900. Comme on a cherché parfois à discréditer toute sa philosophie en essayant de la faire passer pour l’œuvre d’un fou, force nous est d’exposer brièvement, d’après les documents publiés par Mme Förster-Nietzsche[1], les principaux faits qui semblent de nature à nous éclairer sur l’état mental de Nietzsche pendant cette période de répit que lui laissa son mal.

Nietzsche appartient à une famille où la longévité semble avoir été exceptionnellement fréquente. La plupart des frères, sœurs et ascendants de son père ont dépassé soixante-dix, quatre-vingts ou même quatre-vingt-dix ans ; la même longévité se constate aussi dans la famille de sa mère ; on ne signale, d’autre part, aucun cas d’aliénation mentale parmi ses ascendants. Son père, par contre, est mort, à trente-six ans, d’un ramollissement du cerveau, à ce que relate un journal d’enfance de Nietzsche ; cette maladie, raconte Mme Förster-Nietzsche se serait déclarée à la suite d’une chute accidentelle faite, onze mois auparavant, dans un escalier.

Nietzsche paraît avoir eu une constitution extrêmement robuste, comme tous ceux de sa race ; sa seule infirmité était une myopie très prononcée qui fut une gêne sérieuse pour lui pendant ses études comme pendant son service militaire. Sa santé ne paraît s’être altérée qu’à la suite de cette maladie grave qu’il rapporta de la campagne de France, en 1870. À partir de ce moment se déclarent chez lui, périodiquement, des migraines de plus en plus violentes accompagnées de nausées, de maux d’estomac et de maux d’yeux. En 1875 déjà, ces crises prennent un caractère grave ; elles se montrent particulièrement violentes pendant l’hiver, surtout vers les mois de décembre et janvier. L’hiver de 1876 à 1877 passé par Nietzsche dans le midi n’apporte à sa santé aucune amélioration durable. En 1879 les crises reviennent plus rapprochées et plus violentes que jamais ; de janvier 1879 à janvier 1880, Nietzsche compte cent dix-huit jours d’accès violents. Il passe ainsi trois ans entre la vie et la mort, luttant sans se décourager contre le mal qui le torturait, résolu à vivre pour achever sa tâche de philosophe, travaillant, au plus fort de sa maladie, à un volume d’aphorismes, Aurore (1880-1881) qui fut composé, écrivait-il plus tard, « avec un minimum de force et de santé ». — Et à force d’énergie il finit par triompher de son mal. À partir de 1882 son état s’améliore lentement. Il passe ses hivers dans le midi près de Gênes ou de Nice, ses étés dans la haute Engadine où il affectionne le petit village de Sils-Maria. Grâce à ces précautions, il peut mener une existence à peu près supportable. Il la consacre à une production littéraire intense. Il compose et publie coup sur coup La gaie science (1881-1882), les quatre parties de Ainsi parla Zarathustra (1881-1885), Par delà le Bien et le Mal (1885-1886), La Généalogie de la Morale (1887). En 1888 son activité intellectuelle redouble encore. Tout en travaillant au grand ouvrage dans lequel il voulait condenser l’expression définitive de ses idées, la Volonté de puissance, il compose au printemps le Cas Wagner (mai et juin), en été les Dithyrambes à Dionysos (août) et le Crépuscule des Idoles (fin août, début de septembre) ; du 3 au 30 septembre il écrit la première partie de la Volonté de puissance : l’Anti-chrétien ; vers la mi-décembre encore il rédige Nietzsche contre Wagner… Peu de temps après, dans les premiers jours de janvier, la folie se déclarait.

Nous ne savons pas avec précision la nature du mal dont souffrait Nietzsche. Son cas paraît avoir embarrassé les médecins qui l’ont traité. Sa sœur qui l’a soigné à diverses reprises avec un admirable dévouement incline à croire que son mal a été accidentel et non pas congénital : il aurait eu pour cause première la maladie contractée par lui en 1870 dans les ambulances : au lieu de s’imposer un repos prolongé pour se remettre de la secousse physique et morale qu’il avait ressentie, Nietzsche, à peine guéri, avait repris immédiatement ses travaux. Le surmenage, aggravé par une mauvaise hygiène et par l’abus des médicaments, aurait, d’après Mme Förster-Nietzsche, ruiné peu à peu la santé de son frère. — Il est difficile, d’autre part, étant donnée la nature du mal de Nietzsche, d’écarter absolument l’hypothèse d’une influence héréditaire. Nietzsche lui-même ne se faisait pas d’illusions sur ce point : il était persuadé que le germe de sa maladie lui venait de son père et pendant sa grande crise de 1880 il attendait d’un moment à l’autre « la congestion cérébrale qui le délivrerait de ses souffrances[2] ». — Il ne faudrait pas, cependant, se hâter de conclure de là que la folie a existé chez Nietzsche à l’état latent pendant toute sa vie et qu’elle a influé sur son œuvre entière. Le bruit a couru, il est vrai, que Nietzsche aurait été interné à diverses reprises dans des maisons de santé et « qu’il avait écrit ses œuvres essentielles entre deux séjours dans un établissement d’aliénés[3]». Mais ces « on-dit » ont été catégoriquement démentis tant par Nietzsche, dans la dernière année de sa vie consciente[4], que par les personnes de son entourage, dont il serait difficile de récuser le témoignage sans preuves absolument positives. — Il paraîtrait même, au contraire, que la maladie n’a jamais provoqué chez lui, même pendant les accès les plus violents, aucun trouble intellectuel ; — le fait est affirmé à diverses reprises par Nietzsche et confirmé par sa sœur. Il écrivait en 1888 : « Pendant les tortures provoquées par des maux de tête accompagnés de nausées et se prolongeant sans interruption pendant trois jours, je conservais une extraordinaire lucidité de raisonnement, et pouvais avec un très grand sang-froid résoudre des problèmes pour lesquels je n’ai, dans mon état normal, pas assez d’agilité, ni de subtilité, ni la tête assez froide... Tous les troubles morbides de l’intelligence, même cette demi-torpeur qu’amène la fièvre, me sont restés jusqu’à ce jour choses absolument inconnues[5]. » « Mon pouls, écrivait-il encore, était aussi lent que celui de Napoléon Ier. (= 60)[6] » Il convient de remarquer, d’ailleurs, que la plupart des ouvrages essentiels de Nietzsche datent de cette période comprise entre 1882 et 1887 pendant laquelle son état s’améliora notablement. Enfin il faut noter que la folie paraît s’être déclarée chez lui tout à fait brusquement. Ni dans ses écrits, ni dans les lettres qu’il adresse vers la fin de 1888 au célèbre critique danois Brandes, on ne peut trouver le moindre signe d’aliénation mentale ; à peine peut-on relever dans les toutes dernières quelques symptômes d’exaltation morbide. Au contraire un billet écrit à Brandes à la date du 4 janvier 1889 ne laisse plus de doute sur l’état d’esprit de Nietzsche[7] : il est bien l’œuvre d’un fou.

Ces faits me paraissent ne laisser place à aucun doute : les écrits de Nietzsche ont été composés à un moment où leur auteur jouissait encore de la plénitude de ses facultés. Refusera-t-on néanmoins de prendre ses doctrines au sérieux sous prétexte que, même avant que son intelligence ait définitivement sombré dans les ténèbres de la folie, elle pouvait avoir été influencée par la maladie qui a fini par prendre le dessus ? Mais c’est là une simple possibilité que ne confirme aucun fait positif. Tout au plus devrait-on conclure de là qu’il faut examiner avec une circonspection toute particulière les théories de Nietzsche avant de les admettre. Mais la plus élémentaire probité intellectuelle ne nous oblige-t-elle pas à en user de même à l’égard de n’importe quelle théorie philosophique ? — Ou bien enfin cherchera-t-on à infirmer par avance les théories de Nietzsche sous prétexte qu’elles sont l’œuvre d’un malade, d’un « dégénéré » et que, par suite elles doivent être nécessairement « malsaines » ? Mais rien n’est plus stérile, à ce qu’il me semble, que de prétendre distinguer deux classes de génies, les génies « sains » et les génies « morbides », et cela parce que la démarcation entre les deux catégories me paraît absolument impossible à établir. « Il n’y a pas de santé en soi, dit Nietzsche, et toutes les tentatives faites pour définir quelque chose de semblable ont piteusement échoué. Il faut tenir compte de ton but, de ton horizon, de tes forces, de tes instincts, de tes erreurs, et surtout des croyances et des illusions de ton âme, pour pouvoir décider ce que signifie, même pour ton corps, le mot de santé. Il y a donc un nombre infini de santés du corps, et plus l’on permettra à l’individu, unique et incomparable, de relever la tête, plus on désapprendra le dogme de « l’égalité de tous les hommes », plus aussi la notion d’une « santé normale » ainsi que celle d’une « hygiène normale » ou d’un « cours normal d’une maladie » s’évanouira chez les médecins. Alors seulement il sera temps de réfléchir sur la santé et la maladie de l’âme et de poser en principe que la vertu propre de chacun est la santé de son âme : auquel cas il pourra fort bien arriver que cette santé ressemble chez l’un à ce qui, chez l’autre, est le contraire de la santé. Enfin se poserait toujours la grande question de savoir si nous pourrions nous passer de la maladie, même en vue du développement de notre vertu, et si, en particulier pour notre soif de savoir et de conscience de nous-mêmes, l’âme malade n’est pas aussi indispensable que rame saine : bref si la volonté exclusive de santé ne serait pas un préjugé et une lâcheté, peut-être un vestige de barbarie très atténuée, un instinct réactionnaire[8]. » — Dans ces conditions nous aborderons l’étude des théories de Nietzsche sans parti pris d’aucune sorte, ni pour ni contre elles, avertis seulement qu’elles sont l’œuvre d’une nature d’exception, mais résolus à les examiner avec autant d’indépendance d’esprit que si leur auteur, au lieu de végéter pendant des années dans la démence, était mort en 1889 foudroyé par cette congestion cérébrale qu’il attendait neuf ans auparavant ; auquel cas personne, vraisemblablement, n’eût songé à voir dans son œuvre les fantaisies d’un aliéné.


II


« Ma formule pour la grandeur d’un homme, écrivait Nietzsche dans son journal de 1888, est amor fati : ne vouloir changer aucun fait, dans le passé, dans l’avenir, éternellement ; non pas seulement supporter la nécessité, encore moins la dissimuler — tout idéalisme est un mensonge en face de la nécessité —, mais l’aimer[9]. » De même Zarathustra enseigne à ses disciples : « La volonté est créatrice. Tout « cela est » n’est que fragment, énigme, hasard inquiétant — jusqu’au jour où la volonté créatrice dit : « Mais je le voulais ainsi ! » — jusqu’au jour où la volonté créatrice dit : « Mais je le veux ainsi ! je le voudrai toujours ainsi[10] ! » — Conformément à cette morale Nietzsche sut « vouloir » sa maladie ; il souffrit sans faiblesse et sans forfanterie, sans faire parade de ses douleurs, sans altitudes tragiques comme sans désespoir, soucieux uniquement de faire tourner à son profit les maux qu’il endurait, d’exploiter de son mieux la vie qui lui était faite. Nous n’avons pas à le plaindre — car rien ne nous autorise à lui infliger notre pitié ; mais il a droit au respect.

Le premier bienfait qu’il vit dans sa maladie, c’est qu’elle le délivrait de son « métier » de professeur et de philologue. Depuis longtemps, en effet, l’existence qu’il menait à Bâle lui était à charge. Il sentait de plus en plus distinctement que le but de sa vie n’était pas la philologie, mais la philosophie : « C’est chose certaine pour moi, écrivait-il en 1875, que le fait d’avoir écrit une seule ligne digne d’être commentée par les savants à venir, pèse plus lourd dans la balance que le mérite du plus grand critique[11]. » Et à mesure qu’il voyait plus clairement où était sa vraie mission, Nietzsche sentait aussi que ses fonctions à l’université devenaient un fardeau pesant pour lui, car pour s’acquitter en conscience de son métier, il sacrifiait le meilleur de son temps à des études qui n’avançaient que peu ou point la grande tâche qu’il s’était donnée. La maladie lui épargna l’effort toujours douloureux de rompre avec son passé. Elle lui imposa un changement de vie complet ; elle fit autour de lui la solitude, lui rendit toute lecture impossible pendant des années, le condamna au repos, à l’oisiveté, le fit rentrer en lui-même, le mit seul à seul en face de son moi. Et ce moi, étourdi jadis par le bruit extérieur, enseveli sous un amas d’érudition, entravé par des influences étrangères se remit à parler, timidement d’abord puis de plus en plus distinctement : « Jamais, dit Nietzsche dans son journal de 1888, je ne me suis donné à moi-même autant de bonheur que pendant mes années de maladie les plus douloureuses… Ce « retour à moi-même » fut pour moi une sorte de guérison supérieure ! — La guérison physique ne fut qu’une conséquence de celle-là[12]. »

À un autre point de vue encore, Nietzsche sut tirer parti des conditions d’existence que lui faisait la maladie : il eut l’énergie nécessaire pourvoir dans son état de santé précaire une expérience psychologique d’un intérêt exceptionnel, pour s’observer lui-même avec le sang-froid et l’objectivité du savant qui examine un « sujet » curieux. Habitué depuis longtemps à considérer une philosophie non comme un ensemble de vérités abstraites et impersonnelles mais comme l’expression d’un tempérament, d’une personnalité, il devait tout naturellement envisager avec un intérêt tout particulier le problème de l’influence de la santé ou de la maladie sur la pensée d’un philosophe. Si le corps, si notre « grande raison » souffre, il est hors de doute que notre « petite raison » doit éprouver le contre-coup de cette souffrance. On peut, dès lors, considérer les diverses doctrines philosophiques non plus du tout au point de vue de la somme de vérité objective qu’elles contiennent, mais simplement comme des symptômes pathologiques ; on peut se demander si telle ou telle théorie, si telle ou telle croyance est un indice de santé ou au contraire de dégénérescence chez celui qui la professe. Or un penseur se trouvera, pour résoudre ce problème, dans des conditions d’autant plus favorables qu’il aura connu par expérience des états de santé plus variables, et, par suite, « vécu » en quelque sorte un plus grand nombre de philosophies. Nietzsche observa donc avec une curiosité scientifique qui, dans son cas, ne manque pas d’une certaine grandeur, comment la maladie agissait sur ses idées, de quelle manière la souffrance physique se répercutait dans sa pensée.

Il remarqua d’abord que la douleur le rendait plus défiant à l’égard de la vie, plus réfractaire à toutes les illusions consolantes ou décoratives dont se contentent volontiers ceux pour qui l’existence est clémente. « Je doute, dit-il, que la souffrance rende a meilleur » ; — mais je sais qu’elle nous rend plus profonds[13]. » Pour résister à des tourments physiques prolongés, il faut que l’homme exerce sur lui une terrible contrainte, soit qu’il leur oppose sa force de volonté comme l’Indien qui, soumis aux pires tortures, brave jusqu’au bout ses ennemis victorieux, — soit qu’il se réfugie comme le saint ou le fakir dans le renoncement absolu, dans l’abdication totale de toute volonté. L’homme qui traverse sans faiblir une pareille épreuve apprend à considérer les problèmes de la vie avec une méfiance toujours plus clairvoyante ; il se refuse impitoyablement à voir la réalité en beau ; il repousse les hypothèses flatteuses et consolantes ; il éprouve comme un désir méchant de vengeance, de représailles contre la vie ; il veut se dédommager des souffrances qu’elle lui fait endurer en la regardant face à face, en lui arrachant tous ses voiles, tous les oripeaux trompeurs dont elle se pare pour séduire et décevoir les humains. S’il aime encore la vie, il l’aime en amant jaloux et défiant, comme on aime une femme qui vous a trompé, qui vous inspire des doutes.

Nietzsche observa ensuite que la souffrance — par une conséquence en apparence paradoxale — l’avait rendu optimiste. La maladie lui apprit en effet à connaître par expérience quels sont les effets de la dépression physiologique sur l’esprit du penseur. Il observa comment la douleur cherche à briser sournoisement l’orgueil de la raison philosophique, à l’incliner vers la faiblesse, la résignation, la tristesse. Il nota quels sont, dans le domaine de l’esprit, les réduits, les refuges, les « coins de soleil » où vient se tapir, pour trouver quelque adoucissement à sa misère, la pensée des malades, des dégénérés. Et il conclut de ses observations que toute philosophie qui met la paix au-dessus de la guerre, toute morale qui donne du bonheur une définition négative, toute métaphysique qui pose comme terme de l’évolution un état d’équilibre, de repos définitif, toute aspiration esthétique ou religieuse vers un monde meilleur, vers un «  au-delà » quelconque, n’est au fond, probablement, qu’un symptôme de dégénérescence ; il crut comprendre que toutes les théories pessimistes ou quiétistes sont simplement un indice que ceux qui les ont pensées souffraient de quelque malaise physiologique. — Et comme il voulait guérir, il voulut l’optimisme. Éclairé par ses expériences de malade sur les causes réelles du pessimisme, il rassembla tout ce qu’il y avait en lui de force vitale pour réagir contre la souffrance, pour livrer à la maladie un suprême combat — au physique comme au moral. À force d’énergie, il triompha : il fut optimiste et revint à la santé : « Je découvris en quelque sorte à nouveau la vie, écrit Nietzsche dans son journal de 1888, je me retrouvai moi-même, je savourai toutes les bonnes choses, même les petites, comme d’autres pourront difficilement les savourer, — je fis de ma volonté de guérir, de vivre, ma philosophie. — Qu’on y prenne garde, en effet : les années où ma vitalité descendit à son minimum furent celles où je cessai d’être pessimiste : l’instinct de conservation m’interdit une philosophie de l’indigence et du découragement[14]. »


III


Le premier acte de la vie philosophique de Nietzsche, sa Naissance de la tragédie est l’affirmation éclatante d’un idéal nouveau, l’idéal tragique, et l’apologie enthousiaste d’Eschyle, de Schopenhauer, et de Wagner en qui il reconnaît les plus illustres représentants de cet idéal. De même, dans les dernières années de sa vie consciente, Nietzsche conclut de nouveau par l’affirmation plus triomphante et plus dithyrambique encore de son idéal — de ce même idéal qu’il avait entrevu comme jeune homme, car la philosophie du « Surhomme » qu’enseigne Zarathustra est, au fond, à peu près identique à la philosophie tragique. Entre ces deux périodes de joyeuse et confiante affirmation s’étend, comme une sorte de dépression séparant deux sommets, une période de négation et de critique à outrance. Nietzsche s’était trop hâté de bâtir et avait dû reconnaître que les matériaux de son édifice n’étaient pas solides. Nous avons vu, comment, au terme de la première étape de sa vie, il avait constaté que le pessimisme de Schopenhauer et l’art décadent de Wagner n’avaient rien à voir avec ses convictions intimes et originales à lui, et compris qu’il lui fallait soumettre à une critique rigoureuse toute la masse de ses idées pour en éliminer impitoyablement les éléments étrangers et parasites qui s’y étaient glissés. Dans la seconde moitié de sa vie, Nietzsche refait, en sens inverse, le chemin qu’il avait parcouru dans la première : après avoir détruit sans merci toutes les fausses valeurs qu’il avait encore reconnues dans ses premières œuvres, il s’élève de nouveau de la négation à l’affirmation et échange la froide et farouche intrépidité du critique contre l’exaltation quasi mystique du prophète[15].

Les premières œuvres de la période proprement philosophique de Nietzsche Choses humaines, Sentences et opinions diverses, Le Voyageur et son Ombre et Aurore, qui ont été écrites, comme nous venons de le voir au moment où la santé de Nietzsche était le plus gravement menacée, respirent cette défiance profonde de l’existence qu’avait fait naître en lui la maladie. Elles ont, les unes comme les autres, une tendance nettement négative. L’air qu’on y respire est âpre et glacé. Nietzsche s’y révèle comme le destructeur impitoyable qui bat en brèche toutes les croyances religieuses, métaphysiques ou morales ; il se compare à un mineur qui sape par la base les dogmes les plus solides, qui pousse lentement, patiemment, sûrement, ses galeries souterraines loin de la lumière du jour, loin des yeux des hommes. Choses humaines est une attaque à fond contre le pessimisme romantique, en particulier contre Schopenhauer, dont Nietzsche, revenant sur ses opinions d’autrefois, répudie hautement les doctrines ; il repousse maintenant l’hypothèse de la volonté comme « chose en soi » qu’il admettait encore dans la Naissance de la tragédie et nie d’une manière générale la nécessité de croire à une « chose en soi » ; il combat la morale de la pitié, l’apologie du renoncement, la doctrine qui veut que l’homme abdique tout désir personnel et égoïste ; il ne veut même plus admettre que l’humanité ait pour fin la production du génie, comme il l’affirmait encore dans Schopenhauer éducateur, mais proclame que, prise en bloc, elle ne poursuit aucune espèce de but. — Dans le Voyageur et son Ombre Nietzsche entreprend d’explorer « cette ombre que montrent toutes les choses quand le soleil de la connaissance luit sur elles[16] » ; il sait en effet que l’on se représente mal les choses quand on se borne à les étudier à la lumière de la connaissance idéaliste, car on ne perçoit alors que les parties éclairées tandis que les parties d’ombre restent dissimulées au regard ; c’est pourquoi le penseur qui veut se faire une idée complète de la réalité doit apprendre aussi à la considérer sous sa face obscure. — Enfin, dans l’Aurore, Nietzsche soumet à la critique la valeur que les homme ? ont de tout temps regardée comme la plus haute de toutes : la croyance à la morale. Il démontre que la croyance du devoir n’a ni une origine surnaturelle ni une valeur impérative ou absolue, qu’il n’y a pas de règle éternelle et immuable fixant le bien et le mal, et que la loi morale, qui contraint l’homme à être sincère envers lui-même à tout prix, finit par s’anéantir elle-même : l’homme devient « immoraliste » par morale, comme il devient athée par religion ; sa sincérité intellectuelle l’oblige à tourner sa critique contre la morale elle-même et à révoquer en doute la légitimité de ses commandements.

L’idéal que Nietzsche se fait de l’existence se rapproche un peu, à ce moment, de l’idéal positiviste. Il admet que chaque individu récapitule en quelque sorte dans les trente premières années de son existence une évolution bue l’humanité a peut-être mis trente mille ans à accomplir. L’homme moderne commence, tout enfant, par être religieux ; puis, perdant la foi en Dieu et en l’immortalité, il se laisse prendre quelque temps aux charmes plus austères de la métaphysique ; celle-ci à son tour cesse bientôt de lui suffire et se réduit peu à peu à n’être plus qu’une croyance esthétique, un culte enthousiaste de l’art. Enfin l’instinct scientifique parle de plus en plus impérieusement et conduit l’homme fait à l’étude exacte de l’histoire et de la nature. C’est dans l’homme de science, dans « l’esprit libre ». affranchi de toute illusion et de tout préjugé que Nietzsche voit pendant quelque temps le plus beau type d’humanité supérieure. L’esprit libre est un « pessimiste intellectuel », et il a besoin d’une santé morale robuste pour ne pas se laisser aller au désespoir et au nihilisme : ce n’est pas impunément, en effet, que l’homme peut déchirer les voiles de l’erreur qui l’enveloppent de toutes parts et contempler face à face la réalité. « Toute la vie humaine est profondément enlisée dans l’erreur ; l’individu ne peut la sortir de ce puits, sans devenir profondément hostile à tout son passé, sans trouver absurde tous ses motifs d’agir actuels, sans opposer l’ironie et le mépris aux passions qui nous poussent à espérer en l’avenir et en un bonheur futur[17]. » Il peut néanmoins, s’il est courageux et énergique de tempérament, trouver dans sa science même des motifs pour échapper à la désespérance. Le savoir pessimiste le délivre, en effet, des soucis qui rongent le vulgaire ; s’il se désintéresse de presque tout ce qui a du prix pour les autres hommes, il jouit par contre d’autant plus librement du spectacle des choses ; il se plaît à planer, affranchi de toute crainte, au-dessus de l’agitation humaine, au-dessus des coutumes, des préjugés et des lois ; il vit uniquement pour mieux connaître, et sa plus haute récompense, est de comprendre, en lui et hors de lui, les lois nécessaires de l’évolution universelle, de pressentir, peut-être, l’avenir du genre humain. « Crois-tu qu’une pareille vie, avec un pareil but, est trop pénible, trop dénuée de tout charme ? C’est qu’alors tu n’as pas encore appris qu’il n’est pas de miel plus doux que celui de la science et que les pesantes nuées de la tristesse sont les lourdes mamelles où tu puiseras un lait réconfortant. Vienne alors la vieillesse et tu comprendras bien comment tu as suivi la voix de la nature, de cette nature qui dirige le monde par le plaisir. Cette vie qui a pour cime la vieillesse a aussi pour cime la sagesse, ce doux rayonnement d’une joie intellectuelle constante ; l’une et l’autre, la sagesse et la vieillesse tu les rencontreras au sommet de la même montée : ainsi l’a voulu la nature. Alors sonne l’heure — ne t’en irrite point — où approche le brouillard de la mort. Que ton dernier mouvement soit un effort vers la lumière ; un chant de triomphe de la sagesse — ton dernier soupir[18]. »

À partir de 1882, cependant, le ton des œuvres de Nietzsche commence à changer insensiblement. Sans doute il continue jusqu’au bout la lutte qu’il a commencée contre les croyances de son époque : l’une de ses dernières œuvres, le Crépuscule des idoles, porte le sous-titre significatif : Comment on philosophe à coups de marteau ; de même la Généalogie de la morale et l’Anti-chrétien contiennent des attaques d’une violence parfois inouïe contre le christianisme et son idéal ascétique. Mais aux fanfares belliqueuses, aux cris de colère et de haine, aux âpres sarcasmes, se mêlent maintenant les accents lyriques et enthousiastes d’un hymne de triomphe. Nietzsche revient à la santé. Après des années de maladie et de souffrance pendant lesquelles il vivait au jour le jour, attendant la mort presque d’un instant à l’autre, il respire de nouveau plus librement, il se reprend à rêver des jours meilleurs. « Ce livre, dit-il, en parlant de la Gaie science, écrite en 1882, n’est autre chose qu’un cri de joie après de longs jours de misère et d’impuissance, c’est un hymne d’allégresse où chantent les forces qui reviennent, la croyance renaissante en un lendemain et surlendemain, le sentiment et le pressentiment soudain d’un avenir ouvert pour moi, d’aventures prochaines, de mers libres, de buts nouveaux vers qui je pouvais tendre, à qui je pouvais croire[19]. » Il a échappé à la double tyrannie de la maladie qui assombrissait l’horizon de sa vie, et de son intraitable orgueil qui refusait de plier devant la douleur et se contraignait à rester debout en vertu de ce fier principe « qu’un malade n’a pas le droit d’être pessimiste[20] ». Il sentait maintenant en lui la joyeuse griserie de la santé reconquise ; il avait L’impression d’un printemps radieux succédant à l’hiver glacial. Dans ces dispositions nouvelles, il ne pouvait plus se contenter de cet idéal du « libre esprit » tel qu’il l’avait défini dans Choses humaines. Il manque de joie, en effet, ce « libre esprit » ; la souffrance l’a rendu un peu morose ; il ne s’est pas encore délivré tout à fait de * l’esprit de la pesanteur », de « ce très haut et très puissant démon, dont on dit qu’il est le maître du monde[21] » ; il ne sait pas encore « danser », se jouer librement, gaiement, sans effort sur les flots de la vie. Et dans la pensée de Nietzsche s’élève alors une nouvelle vision d’avenir : son imagination d’artiste enfante la rayonnante figure du prophète Zarathustra qui après avoir passé dix ans au désert « à jouir de sa pensée et de sa solitude », descend parmi les hommes pour leur annoncer la religion du « Surhomme » et la doctrine du « Retour éternel », qui rassemble autour de lui, dans sa grotte solitaire, les exemplaires les plus affinés d’humanité supérieure mais souffrante, « les hommes du grand désir, du grand mépris, du grand dégoût », ceux qui doivent un jour faire place au « Surhomme », — qui les guérit de leur pessimisme en faisant luire à leurs yeux la vision de l’avenir, et qui meurt enfin au moment où il atteint le suprême degré de la sagesse, au moment où le soleil de son existence est au zénith, à l’heure du « grand midi », en consacrant par sa mort le triomphe de sa doctrine.

Nous nous proposons de résumer, dans les deux chapitres qui vont suivre, la philosophie de Nietzsche, en exposant d’abord la partie négative de sa doctrine : la critique de l’homme actuel, de ses croyances et de ses instincts, — puis la partie positive : la religion du « Surhomme » et du « Retour éternel ». Je n’ignore pas les objections très sérieuses qu’on peut faire à cette façon de procéder. La plus grave, c’est qu’en exposant les idées de Nietzsche sous une forme systématique, on leur donne forcément une allure dogmatique qu’elles n’ont pas et ne veulent pas avoir. Il est en effet certain que de 1878 à 1888, la pensée de Nietzsche n’est pas restée invariable ; je viens d’indiquer moi-même que vers 1882 elle a pris une orientation assez différente de celle qu’elle avait auparavant ; et il serait aisé de noter entre la période de 1878 à 1882 et celle de 1882 à 1888 d’autres divergences plus ou moins importantes. Puis Nietzsche n’est pas et ne veut pas être un philosophe d’école. La vérité en soi lui est très indifférente ; il ne se soucie pas du tout de démontrer des propositions par des arguments logiques, et encore beaucoup moins d’échafauder un beau système bien cohérent et bien ordonné ; il ne se préoccupe jamais de réfuter par des raisonnements les opinions qu’il regarde comme erronées. Sa manière de procéder est toujours la même. Il dit : « Mon instinct me fait voir en tel homme ou tel groupe d’hommes des êtres dégénérés ou méprisables, en telle théorie ou telle croyance un principe morbide. Je les combats donc comme on combat un fléau naturel ou une maladie. S’il est vrai que je représente un principe de vie et mes adversaires un principe de mort, la victoire doit fatalement me revenir ; dans le cas contraire, c’est moi qui, non moins fatalement, succomberai. Et comme je ne veux qu’une seule chose, le triomphe de la vie, je pourrai me réjouir de mes victoires comme de mes défaites. Tout le reste est très indifférent. » — N’est-il pas imprudent, dans ces conditions, de construire un « système » de Nietzsche, comme on construirait un « système » de Kant ou de Schopenhauer, alors que la vérité logique tenait une si petite place dans les préoccupations de notre philosophe ?

Si je me suis décidé cependant, au lieu d’examiner une à une les œuvres de Nietzsche, à donner un aperçu général des principaux problèmes qu’il traite et des solutions qu’il leur donne, c’est, tout d’abord, parce que Nietzsche est revenu à diverses reprises sur les mêmes questions, indiquant d’abord sommairement un problème, puis le reprenant, le creusant, l’approfondissant jusqu’au moment où il lui a donné sa solution définitive. Analyser un à un ses ouvrages c’était donc s’exposer à recommencer indéfiniment l’exposition des mêmes sujets. — De plus, et c’est là la raison qui me parait la plus importante, — si Nietzsche prise peu la logique et s’il ne s’attache pas à chercher la vérité en soi, cela ne veut pas dire du tout que sa pensée ait été décousue et illogique — loin de là. Je suis persuadé au contraire que Nietzsche a très réellement conçu un système fort bien lié dans toutes ses parties et que, s’il ne l’a jamais exposé sous une forme systématique c’est surtout parce que son état de santé l’a obligé a rendre sa pensée sous forme d’aphorismes qu’il pouvait rédiger de tête, en se promenant, et sans écrire, tandis qu’il lui était impossible, pour des raisons toutes matérielles, d’entreprendre la composition d’œuvres de longue haleine. Il est à remarquer d’ailleurs que, dans la dernière partie de sa vie, Nietzsche a composé ses ouvrages d’une manière beaucoup plus rigoureuse que pendant la période de 1878 à 1882. La Généalogie de la morale, malgré sa division extérieure en aphorismes, est en réalité un véritable « traité » ; de même la Volonté de puissance eût été, à en juger par la première partie qui a été seule achevée, beaucoup plus systématique que les ouvrages antérieurs. Ce n’est donc pas, je crois, fausser la pensée de Nietzsche que de la présenter sous la forme, nécessairement un peu artificielle, d’une sorte de doctrine philosophique, encore qu’il ne l’ait jamais exposée lui-même de cette manière-là. Je m’efforcerai d’ailleurs, en multipliant les citations, de donner aux lecteurs une idée aussi vivante que possible de cette œuvre si colorée et si vibrante, si exempte de tout pédantisme scolastique, et où l’on sent, à chaque page, que l’auteur a mis toute son âme, tout son cœur, dans l’étude de problèmes qui, suivant son expression pittoresque, « ont une carapace hérissée de piquants et ne sont point faits pour être caressés et flattés ».


  1. Voir la Biographie, passim et un article de la Zukunft du 6 janv. 1900 : Nietzsches Krankheit.
  2. Journal de 1888 (Ecce homo) et lettre du 11 janvier 1880 cités par Mme Förster-Nietzsche, II, 1 p. 327 et 336.
  3. M. Nordau. Dégénérescence, II, 370.
  4. Brandes. Menschen u. Werke, p. 140.
  5. Journal de 1888 (Mme Förster-Nielzsche, II, 1, p. 328) ; cf. lettre du 10 avril 1888 (Brandes. Menschen u. Werke, p. 140).
  6. Brandes. Menschen u. Werke, p. 140.
  7. Brandes a publié les lettres qu’il a reçues de Nietzsche dans Menschen u. Werke, p. 213 ss. — La lettre du 4 janvier 1889 est écrite en énormes caractères sur du papier réglé au crayon à la manière des enfants et contient ces mots : Dem Freunde Georg. — Nachdem du mich entdeckt hast, war es hein Kunststück mich zu finden : die Schwierigkeit ist jetzt die, mich zu verlieren… Der Gekreuzigte. On entrevoit encore à peu près ce que Nietzsche veut dire dans ces lignes étranges où il s’identifie en imagination avec Jésus dont il se considérait tout à la fois comme le continuateur et comme le « meilleur ennemi ». Mais il y a un abîme entre ce billet énigmatique et inquiétant et la lettre précédente datée du 23 nov. 1888 qui est claire et raisonnable d’un bout à l’autre.
  8. W. V, 159.
  9. Mme Förster-Nietzsche, II, 1, p. 196.
  10. W. VI, 208.
  11. W. X, 340 s.
  12. Mme Förster-Nietzsche, II, 1, p. 328.
  13. W. V, 8 s.
  14. Mme Förster-Nietzsche, II, 1, p. 338 s.
  15. On a souvent distingué dans la vie philosophique de Nietzsche deux périodes : une période positiviste (1876-82) et une période mystique (1882-88). L’opposition entre ces deux périodes ne me paraît pas très heureusement désignée par cette formule ; la première période est surtout une période de négation et de critique pessimiste, la seconde une période d’affirmation enthousiaste ; le contraste entre les deux ne me semble d’ailleurs pas assez absolu pour qu’il soit indispensable de les étudier chacune séparément. — On a parfois prétendu, d’autre part (voir en particulier Mme Lou Andréas-Salomé, F. Nietzsche in seinen Werken p. 98 ss.), que, pendant sa période positiviste, Nietzsche avait subi très fortement l’influence de Paul Rée, un psychologue de l’école anglaise, dont il avait fait la connaissance à Bâle en 1874, avec qui il avait passé l’hiver de 1877-78 à Sorrente et dont il admirait beaucoup les ouvrages (Psychologische Beobachtungen, 1875, et Der Ursprung der moralischen Empfindungen, 1877). Or cette influence est d’abord catégoriquement niée par Nietzsche lui-même, dans une lettre de 1878 à Erwin Rohde (voir W. XI, 422), dans la préface de la Généalogie de la Morale (W. VII, 291) et dans Ecce homo (cité par Mme Förster-Nietzsche, II, 1, p. 297). De plus cette assertion de Nietzsche se trouve confirmée par la publication récente des études préliminaires pour Choses humaines qui montrent que Nietzsche avait conçu et mis sur papier toutes ses idées nouvelles avant l’automne de 1876 où il se lia plus intimement avec Rée. — Enfin il résulte, je crois, de notre exposition que le développement intellectuel de Nietzsche a été parfaitement logique et que l’évolution de 1876 n’a pas été soudaine mais s’est lentement préparée pendant des années. Pour toutes ces raisons, il nous semble que les relations de Rée avec Nietzsche ont un intérêt plutôt biographique que philosophique ; c’est pourquoi aussi nous ne nous en occuperons pas davantage dans cette étude.
  16. W. III, 183.
  17. W. II, 52.
  18. W. II, 267.
  19. W. V. 4.
  20. W. III, 9.
  21. W. VI, 157.