La Petite aux grelots


La Petite aux grelots
10me Série



PELLERIN à ÉPINAL.
Il était une fois un gentilhomme nommé Gentil-Aymar qui était resté veuf et faisait son bonheur d’élever une petite fille qu’il chérissait.

Cette petite fille s’appelait Belle-Orange parce qu’elle avait la beauté et la douceur de ce fruit.

Gentil-Aymar avait encore sa vieille mère, excellente femme qui l’aidait à élever Belle-Orange.

Aussi, grâce aux bons soins de son père et de sa grand’mère, Belle-Orange, qui était très gentille, grandissait-elle en attraits, en talents et en bons sentiments.

Or il arriva qu’un jour une dame très laide et richement parée vint demander à parler en particulier à Gentil-Aymar. — Cette dame n’était autre que la fée Rousse. Elle était très éprise de Gentil-Aymar et voulait à toute force l’épouser. Mais sur le refus de celui-ci elle l’enleva pour l’enfermer dans la tour de cristal qui dépendait du château du sommeil.

Belle-Orange et sa grand’mère ne voyant pas reparaitre Gentil-Aymar, et remplies d’inquiétudes, pénétrèrent dans son cabinet au moyen d’une double clef. Trouvant le cabinet vide, elles coururent au balcon : mais quelle ne fut pas leur cruelle surprise en apercevant le malheureux gentilhomme qui, entrainé par la fée, leur faisait ses adieux.

Au bout de quelques jours comme Belle-Orange et sa grand’mère gémissaient au bord d’un étang, elles virent un brochet qui s’approcha d’elles et leur dit : « Belle-Orange, la fée Rousse a enfermé ton père dans le palais du sommeil, tous ceux qui en approchent sont endormis : à toi seule appartient le pouvoir de faire tomber l’enchantement, prends courage et va délivrer ton père. »

Fière de savoir qu’elle seule peut sauver son père, Belle-Orange prit son bâton et son chapeau et partit après s’être fait indiquer la vallée des Brouillards où était le château du sommeil. Mais à peine était elle arrivée qu'elle vit tous les gens endormis au pied des murailles. — Craignant de succomber aussi, elle se retira, se promettant bien de revenir.

De retour à la maison elle raconta à sa grand’mère ce qu’elle avait vu, puis prenant ses vêtements elle y attacha une grande quantité de grelots, et s’étant munie de deux petits bâtons garnis de sonnettes, ainsi équipée, elle reprit le chemin du château en agitant ces bâtons : Tique, tique tac…. tique, tique tac….

Arrivée au pied de la tour Belle-Orange aperçut à travers le mur de cristal, son père que tourmentait la fée Rousse. — Cette méchante femme cherchait par toutes sortes de moyens à se faire aimer. Mais Gentil-Aymar restait insensible à ses séductions. Belle-Orange envoya mille baisers à son père, et craignant le sommeil, elle agita ses bâtons et se retira.

Le lendemain comme elle retournait à la tour de cristal, elle vit un charmant petit garçon qui en jouant était tombé au fond d’un puits. Elle poussa un cri de frayeur, mais n’écoutant que son courage, elle saisit la corde et le retira sain et sauf. Le pauvre petit la regarda avec ses grands yeux bleus et lui sauta au cou pour lui témoigner sa joie.

Belle-Orange le prit par la main et le reconduisit à sa maman. Par le plus heureux hasard, celle-ci qui était fée lui demanda ce qu’elle pouvait pour elle pour lui prouver sa reconnaissance. Belle-Orange lui raconta son aventure : Alors la fée pour lui faciliter le moyen de voir plus facilement son père, la changea en une jolie petite hirondelle.

Ravie d’être hirondelle, Belle-Orange s’envola bien vite vers la tour ; agitant ses ailes auprès du créneau de la chambre où gémissait son père, elle se fit reconnaître et lui fit mille caresses : Mais tout-à-coup la fée Rousse parut et elle allait s’emparer d’elle sans Gentil-Aymar qui l’en empêcha.

La fée furieuse contre l’hirondelle, lança après elle un énorme dragon ailé. — Ce monstre allait atteindre la pauvre mignonne, lorsque dans sa détresse elle s’écria, mon père ! mon père ! Aussitôt l’enchantement disparut, et le dragon tomba raide mort.

Le lendemain Belle-Orange revint voir son père ; mais cette fois la fée Rousse qui la guettait la surprit encore et envoya à sa poursuite une grande couleuvre ailée qui vomissait des flammes. — La pauvre hirondelle allait être brûlée lorsqu’elle appela encore trois fois son père ! la couleuvre foudroyée à l’instant mourut comme le dragon.

Alors la méchante fée voyant que ses artifices et ses moyens de vengeance étaient inutiles s’embusqua elle-même avec une carabine qui portait à cinquante lieues. La cruelle apercevant l’hirondelle allait tirer, lorsque Belle-Orange, qui avait cette fois pris une pierre dans ses pattes, la laissa tomber du haut des airs sur la tour de cristal.

A l’instant l’enchantement fut détruit et la tour du palais de cristal brisée en mille morceaux. La bonne fée qui avait vu de loin la lutte des monstres avec Belle-Orange accourut dans un char de diamants, et y reçut Gentil-Aymar qui, sans ce secours, fut resté enseveli sous les débris de la tour.

Belle Orange suivit le char qui emportait son père, laissant la fée Rousse furieuse et occupée à rebâtir son palais. Dès qu’elle fut rentrée elle reprit sa première forme et courut se jeter dans les bras de son père qui l’attendait. Depuis elle a conservé ses grelots et les petits bâtons qui lui rappelaient la peine que lui avait coûté sa tendresse filiale dont elle resta le modèle.

LES CONTES DES FÉES.



PELLERIN à ÉPINAL.