La Petite Vierge (Verhaeren)

Pour les Amis du Poète (p. 32-34).


la petite Vierge


 
La petite vierge Marie
Passe, les soirs de mai, par la prairie,
Ses pieds légers frôlant les brumes,
Ses deux pieds blancs comme deux plumes ;

S’en va comme une infante,
Corsage droit, jupes bouffantes,
Avec un bruit bougeant
Et clair de chapelet d’argent.


Aux deux côtés de la rivière
Poussent par tas des fleurs trémières,
Et la vierge, de berge en berge,
Cherche les lys royaux
Et les iris debout sur l’eau
Comme flamberges.

Puis cueille, avec ses doigts
Un peu roides de séculaire empois,
Un insecte qui dort, ailes émeraudées,
Au cœur des plantes fécondées.

Et de sa douce main, enfin,
Détache une chèvre qui broute
À son piquet, au coin des routes,
Et doucement la baise et la caresse,
Et doucement la mène en laisse.

Et puis, la petite vierge Marie
Sen vient trouver le vieux tilleul de la prairie
Dont les rameaux, pareils à des trophées,
Récèlent les mille légendes ;


Et humble, adresse alors ces trois offrandes,
Sous le grand arbre, aux bonnes fées,
Qui autrefois, au temps des merveilleuses seigneuries,
Furent, comme elle aussi, la bénévole allégorie.

(ALMANACH).