Librairie Plon (p. 132-133).


L’ATHÉISME PURIFICATEUR

Cas de contradictoires vrais. Dieu existe, Dieu n’existe pas. Où est le problème ? Je suis tout à fait sûre qu’il y a un Dieu, en ce sens que je suis tout à fait sûre que mon amour n’est pas illusoire. Je suis tout à fait sûre qu’il n’y a pas de Dieu, en ce sens que je suis tout à fait sûre que rien de réel ne ressemble à ce que je peux concevoir quand je prononce ce nom. Mais cela que je ne puis concevoir n’est pas une illusion.

Il y a deux athéismes dont l’un est une purification de la notion de Dieu.

Peut-être que tout ce qui est mal a un autre aspect qui est une purification au cours du progrès vers le bien et un troisième qui est le bien supérieur.

Trois aspects à bien distinguer, car les confondre est un grand danger pour la pensée et pour la conduite effective de la vie.

Entre deux hommes qui n’ont pas l’expérience de Dieu, celui qui le nie en est peut-être le plus près.

Le faux Dieu qui ressemble en tout au vrai, excepté qu’on ne le touche pas, empêche à jamais d’accéder au vrai.

Croire en un Dieu qui ressemble en tout au vrai, excepté qu’il n’existe pas, car on ne se trouve pas au point où Dieu existe.

Les erreurs de notre époque sont du christianisme sans surnaturel. Le laïcisme en est la cause — et d’abord l’humanisme.

La religion en tant que source de consolation est un obstacle à la véritable foi : en ce sens l’athéisme est une purification. Je dois être athée avec la partie de moi-même qui n’est pas faite pour Dieu. Parmi les hommes chez qui la partie surnaturelle d’eux-mêmes n’est pas éveillée, les athées ont raison et les croyants ont tort.

Un homme dont toute la famille aurait péri dans les tortures, qui lui-même aurait été longtemps torturé dans un camp de concentration. Ou un Indien du xvie siècle échappé seul à l’extermination complète de tout son peuple. De tels hommes, s’ils ont cru à la miséricorde de Dieu, ou bien n’y croient plus, ou bien la conçoivent tout autrement qu’auparavant. Je n’ai pas passé par de telles choses. Mais je sais qu’elles existent : dès lors, quelle différence ?

Je dois tendre à avoir de la miséricorde divine une conception qui ne s’efface pas, qui ne change pas, quelque événement que le destin envoie sur moi, et qui puisse être communiquée à n’importe quel être humain.