Librairie Plon (p. 100-101).


LA VIOLENCE

La mort est ce qui a été donné de plus précieux à l’homme. C’est pourquoi l’impiété suprême est d’en mal user. Mal mourir. Mal tuer. (Mais comment échapper à la fois au suicide et au meurtre ?) Après la mort, l’amour. Problème analogue : ni mauvaise jouissance, ni mauvaise privation. La guerre et Éros sont les deux sources d’illusion et de mensonge parmi les hommes. Leur mélange est la plus grande impureté.

S’efforcer de substituer de plus en plus dans le monde la non-violence efficace à la violence.

La non-violence n’est bonne que si elle est efficace. Ainsi, question du jeune homme à Ghandi concernant sa sœur. La réponse devrait être : use de la force, à moins que tu ne sois tel que tu puisses la défendre, avec autant de probabilité de succès, sans violence. À moins que tu ne possèdes un rayonnement dont l’énergie (c’est-à-dire l’efficacité possible, au sens le plus matériel) soit égale à celle contenue dans tes muscles.

S’efforcer de devenir tel qu’on puisse être non-violent.

Cela dépend aussi de l’adversaire.

Cause des guerres : chaque homme, chaque groupe humain se sent à juste titre légitime maître et possesseur de l’univers. Mais cette possession est mal comprise, faute de savoir que l’accès — pour autant qu’il est possible à l’homme sur terre — en passe, pour chacun, par son propre corps.

Alexandre est à un paysan propriétaire ce qu’est don Juan à un mari heureux.

Guerre. Maintenir intact en soi l’amour de la vie ; ne jamais infliger la mort sans l’accepter pour soi.

Au cas où la vie de X… serait liée à la sienne propre au point que les deux morts doivent être simultanées, voudrait-on pourtant qu’il meure ? Si le corps et l’âme tout entière aspirent à la vie et si pourtant, sans mentir, on peut répondre oui, alors on a le droit de tuer.