La Perruque grise
Nouvelles Pages anthologiquesEugène Figuière et CieTome premier (p. 381-382).

La Perruque grise

J’aime à chercher parmi les choses d’autrefois,
Parmi celles, surtout, qui n’ont pas été miennes ;
Souvent je laisse errer mes rêves et mes doigts
Sur ces pauvres débris d’existences anciennes.

Mais les Morts, dans la tombe, emportent leurs secrets !
Bracelets de cheveux, ou faits de grains d’ivoire,
C’est en vain que je sors du fond de leurs coffrets
Ces reliques du cœur… Nul n’en sait plus l’histoire !

Je souffre de n’avoir rien connu, rien aimé
De mon logis légué par ma très vieille tante ;
La curiosité de ce qui m’est fermé,
Malgré moi, me poursuit, m’inquiète, me hante !

Et du grenier poudreux j’ai fait un paradis,
Où va ma flânerie, en quête de surprise.
Or, j’y trouvai, parmi les choses de jadis,
Un jour, dans une boîte, une perruque grise !


Qui donc s’était paré des soyeux fils d’argent ?
Quel visage encadrait leur fine dentelure ?
Quelque chose de bon, de calme, d’indulgent,
Restait dans les bandeaux de cette chevelure.

Ondulée et légère, elle embaumait l’iris.
Quelle coquetterie étrange me prit l’âme,
Que sur mes cheveux blonds je mis les cheveux gris,
Heureuse de me croire un instant vieille femme ?

Mes yeux d’aveugle, un jour, seront devenus vieux ;
La pitié n’aura plus pour eux de larme amère ;
L’âge, en ridant mon front, le fera plus joyeux ;
Je serai douce à voir, quand je serai grand’mère.


Dangu, septembre 1897.