La Patrie en danger (Danton)/Salaire des prêtres

L. Boulanger (p. 12-14).


SUR LE SALAIRE DES PRÊTRES


CONVENTION. — Séance du 7 novembre 1792.


Je viens ajouter quelques idées à celles qu’a développées le préopinant. Sans doute il est douloureux pour les représentants du peuple, de voir que leur caractère est plus indignement, plus insolemment outragé par le peuple lui-même que par ce Lafayette, complice des attentats du despotisme. On ne peut se dissimuler que les partisans du royalisme, les fanatiques et les scélérats qui, malheureusement pour l’espèce humaine, se trouvent disséminés sur tous les points de la République, ne rendent la liberté déplorable. Il y a eu une violation infâme, il faut la réprimer ; il faut sévir contre ceux qui, prétextant la souveraineté nationale, attaquent cette souveraineté et se souillent de tous les crimes. (On applaudit.) Il y a des individus bien coupables, car, qui peut excuser celui qui veut agiter la France ? N’avez-vous pas déclaré que la Constitution serait présentée à l’acceptation du peuple ? Mais il faut se défier d’une idée jetée dans cette assemblée. On a dit qu’il ne fallait pas que les prêtres fussent salariés par le trésor public. On s’est appuyé sur des idées philosophiques qui me sont chères ; car je ne connais d’autre bien que celui de l’univers, d’autre culte que celui de la justice et de la liberté. Mais l’homme maltraité de la fortune cherche des jouissances éventuelles ; quand il voit un homme riche se livrer à tous ses goûts, caresser tous ses désirs, tandis que ses besoins à lui sont restreints au plus étroit nécessaire, alors il croit, et cette idée est consolante pour lui, il croit que dans une autre vie ses jouissances se multiplieront en proportion de ses privations dans celle-ci. Quand vous aurez eu pendant quelque temps des officiers de morale qui auront fait pénétrer la lumière auprès des chaumières, alors il sera bon de parler au peuple morale et philosophie. Mais jusque-là il est barbare, c’est un crime de lèse-nation que d’ôter au peuple des hommes dans lesquels il peut trouver encore quelques consolations. Je penserais donc qu’il serait utile que la Convention fît une adresse pour persuader au peuple qu’elle ne veut rien détruire, mais tout perfectionner ; que si elle poursuit le fanatisme, c’est parce qu’elle veut la liberté des opinions religieuses. Il est encore un objet qui mérite l’attention et qui exige la prompte décision de l’Assemblée. Le jugement du ci-devant roi est attendu avec impatience ; d’une part, le républicain est indigné de ce que ce procès semble interminable ; de l’autre, le royaliste s’agite en tous sens, et comme il a encore des moyens de finances et qu’il conserve son orgueil accoutumé, vous verrez, au grand scandale et au grand malheur de la France, ces deux partis s’entrechoquer encore. S’il faut des sacrifices d’argent, si les millions mis à la disposition du ministre ne suffisent pas, il faut lui en donner de nouveaux ; mais plus vous prendrez des précautions sages, plus aussi doit éclater votre justice contre les agitateurs. Ainsi, d’une part, assurance au peuple qu’il lui sera fourni de blés, accélération du jugement du ci-devant roi, et déploiement des forces nationales contre les scélérats qui voudraient amener la famine au milieu de l’abondance : telles sont les conclusions que je vous propose, et que je crois les seules utiles. (On applaudit.)