La Partie d’échecs
BOISRAMÉ, MM. LHÉRITIER.
COURTANSOUX, R. LUGUET.
PERDRIGEOT, CALVIN.
MARCADIEU, RAYMOND.
EMMA, Mmes J. de CLÉRY.
NATHALIE, Eug. LEMERCIER.
_________________
Nota. — Les changements de position sont indiqués par des renvois au bas des pages. — Toutes les indications sont prises de la gauche du public.
S'adresser, pour la mise en scène détaillée, à M. Rodriguez, régisseur général au théâtre du Palais-Royal
LA
PARTIE D’ÉCHECS
Scène première
Voilà le café.
Bon ! ça ne va pas traîner !
Oh ! qu’est-ce que vous faites là, monsieur ?
Eh bien, et toi ?
Moi, je regarde. Votre reine est fichue !
Laisse-moi tranquille ! Je sais ce que je fais.
Heureusement qu’il n’a pas vu le coup !
Malheureusement ; le café refroidit !… (Il joue.) Allons donc, ganache !
Fais attention, mon ami !
À rien. Quand il joue aux échecs, qu’il réfléchit et qu’il se tient le nez, la terre tremblerait, la foudre tomberait, la maison croulerait…
Oh ! je comprends ça !
Exemple ! — Tu n’as rien cassé, maladroit ?
Rien. — Mais, dites donc, monsieur, vous êtes bien un peu comme ça, vous… quand vous êtes absorbé !
C’est vrai que quand je suis absorbé…
La terre tremblerait… la foudre…
C’est peut-être beaucoup dire !… mais je me souviendrai toujours, qu’une fois, le feu ayant pris dans cette cheminée, je ne m’en suis aperçu que quand les pompiers ont été partis ! — Tu te rappelles, toi ?…
Parfaitement ! — nous jouions ensemble… Monsieur Courtansoux se tient le nez : c’est sa manière. — Vous avez la vôtre ; vous vous grattez les mollets — moi, je n’ai pas remarqué ce que je fais…
Ce que tu fais ?… Je vais te le dire : tu te dévisses les oreilles, et puis tu fais encore autre chose…
Quoi donc, monsieur ?
Tu poses ton plateau là, et tu t’en vas… tu vas au verger !
Encore ?
Dame ! tant que tu n’auras pas pincé le maraudeur !
Je le pincerai ! (À part.) Mais je ne pincerai pas que lui ! J’ai des trucs pour pincer tout le monde !
Échec et mat !… Ah ! ah ! vous n’êtes pas de taille, cher ami !
Non ! (À part.) Ouf !
Votre revanche, allons !
Le café est servi, monsieur le directeur général.
Ah ! prendrai-je du café ?…
Certainement ! Du pur Zanzibar, acheté pour vous !
Merci.
Il est froid ! que le diable l’emporte !
Mon ami !
C’est juste ! Il ne joue plus aux échecs.
Un peu de curaçao, monsieur le directeur général ?
Du vrai curaçao de Hollande ! acheté pour vous !
Merci, cher ami ! vous me gâtez, cher ami !
C’est tant d’honneur que vous nous avez fait d’accepter notre modeste hospitalité !
Oh ! modeste ! Vous m’avez donné un dîner !… un dîner !…
Le dîner d’un humble agent d’assurances contre l’incendie. Je ne suis qu’un humble agent d’assurances…
Je croyais votre position lucrative ?
Elle peut s’améliorer beaucoup. — Monsieur Bridache, le chef du contentieux, n’est pas remplacé, et mon mari a des dispositions étonnantes pour le contentieux !
Des vues très-nettes et une grande pratique ! mais laissons ! nous ne sommes pas ici pour causer administration.
Vous pourriez croire que notre hospitalité est intéressée…
Et Dieu sait !…
Il ne veut pas se prononcer !
Redoublons de séductions !
Vous fumez, monsieur Courtansoux ?
Rarement ! — Ce n’est pas une habitude !
Vous ne me refuserez pas un cigare ! de vrais havanes, achetés pour vous !
Je vous dis que vous me gâtez ! vous me rendrez malade !
Le ciel nous en préserve !
J’aimerais mieux être malade moi-même ! mais un petit extra… Il repose la boite à cigares.
Un petit extra ? Merci ! trois services !… des vins capiteux !… du curaçao !… des cigares !… Le diable m’emporte ! je n’ai plus la visière bien nette…
Bravo ! c’était une petite trahison !
Une trahison ?
On pourra peut-être enfin vous battre aux échecs.
Vous nous avez battus si souvent !
C’est un jeu que j’aime assez.
Et que vous jouez comme feu Philidor !
Je ne vous ai peut-être jamais raconté la partie que j’eus l’honneur de soutenir contre sir Staunton ?
Jamais !
Jamais ! racontez, monsieur le directeur général !
Pendant que je prépare l’échiquier.
Un rude adversaire, sir Staunton !… — Vous n’êtes pas pressé de prendre votre revanche ?
Nous sommes à vos ordres.
Vous préféreriez faire un tour de jardin ?
Je le préférerais !… (Bas à Boisramé qu’il prend à l’écart.) Êtes-vous bien sûr de la maturité des abricots que vous m’avez servis ?
J’en réponds sur ma tête ! des abricots de mon verger !
Joli verger ! Je l’ai traversé en venant ici…
Vous n’êtes pas indisposé ?
Non… mais je prendrai l’air avec plaisir !…
Allons !… vous verrez ma tonnelle, mes cloches à melons, et vous me raconterez votre partie contre sir Staunton…
Un rude adversaire, sir Staunton ! c’était à Londres… en 1841…
Scène II
Enfin !… me voilà seule !… Sept heures !… monsieur Frédéric devrait être là ! huit jours qu’il n’est venu…
Emma !
Ah ! monsieur Frédéric !
Vous ne m’attendiez pas ?
Huit jours sans venir !
Plaignez-moi ! ne m’accusez pas ! — Les affaires… une liquidation énorme !…
Il n’y avait pas de liquidation, autrefois !… Vous ne m’aimez plus, monsieur Frédéric.
Je ne vous aime plus ?… — Je le devrais, pour tant de froideur !
Qu’exigez-vous davantage ? Je vous ai donné mon cœur !
Possible ! mais à quel prix, Emma ?
Prenez garde !… mon mari peut rentrer !…
Oui, je sais ! il peut rentrer, et il rentrera ! et je sais ce qui m’attend : il me fera arroser ses pétunias !… — Car j’arrose ses pétunias… je sarcle son jardin… je bêche ses massifs !… il a un jardinier, mais c’est moi qui jardine ! — Ah ! tenez ! vous m’avez donné votre cœur, mais votre mari me le fait bien payer !
Je sais bien qu’ils ont soif, les pétunias…
Eloignez-vous ! c’est lui !
Ils crèvent de soif !…
Dame, depuis huit jours !…
Si Perdrigeot venait… pardi !… (Il l’aperçoit.) Il est venu, ce cher ami !…
Cet excellent Boisramé !…
Tu ne me prévenais pas ?
Je ne fais que d’arriver.
Vous avez abandonné monsieur Courtansoux ?
Oui, il était décidément un peu indisposé.
Ton directeur général ?
Oui, cher ami, mon directeur général que j’ai reçu ce soir… que j’ai traité ! bourré ! gavé ! trop peut-être !
Est-ce qu’il serait rentré chez lui ?
Non ! il se promène ! et ma revanche donc ? Il ne nous en ferait pas grâce de sa revanche !
Aux échecs.
Il joue bien ?
Ah ! oucihe ! une mazette !
Qui n’a que des prétentions !
Des prétentions stupides !
Et une histoire de partie d’échecs !
Contre sir Staunton !… il vient de me la raconter encore !
Il nous l’a racontée vingt fois !
Ah ! s’il n’était pas mon directeur général !… Courtansoux traverse au fond.
Le voici qui revient !
Va le rejoindre ! et s’il te raconte l’histoire de sir Staunton…
… Je penserai au contentieux !
Scène III
Elle pensera au contentieux !… Elle est charmante, ma femme !
À qui le dis-tu ?
Mais tu arrives bien ! J’ai une confidence à te faire…
Je la connais : tes pétunias ont soif !
Et un service à te demander…
Connu aussi : de les arroser !
D’abord !…
Mais tu as un jardinier ?
Marcadieu ?… il ne peut pas !
Il est malade ?
Non, mais, le soir, je l’éloigne… J’ai des raisons pour l’éloigner le soir…
Des mystères ?
Une églogue… une ébauche d’églogue !
Débauche !
Débauche si tu veux ? quoique jusqu’ici la friponne…
Une friponne, Boisramé ? Et ta femme ?
Oh ! ma femme ne se doute de rien ! — Et comme c’est le mari qui me gêne…
Ah ! c’est aussi un mari qui te gêne !… (À part.) Il y a un Dieu vengeur ! (Haut.) Et qu’en fais-tu, du mari ?
Je l’envoie au verger !
Il est bon d’aller au verger comme ça !… tu n’y irais pas, toi !…
Il faut bien qu’il y aille ! c’est mon domestique !
Marcadieu ?
Tu n’as pas vu sa femme ?
Ici ?
Oui ! elle est venue passer quatre jours, et repart ce soir pour Paris, où elle est demoiselle première… chez une blanchisseuse de fin.
C’est une blanchisseuse de fin ?
Pourquoi souris-tu ?
Parce que c’est une coïncidence singulière ! J’ai aussi mon idylle dans le blanchissage de fin… une petite collègue de madame Marcadieu, qui m’apporte mon linge le samedi matin… jeune et jolie… mais revenons à la tienne… ou à celle de Marcadieu !
Celle de Marcadieu, car jusqu’à cette heure…
Farouche ?
Heuh !… mais elle a été rosière, ici, il y a deux ans… c’est même moi qui la couronnai.
Oh ! bien, ce n’est pas la mienne !… alors elle est prude ?
Elle est bébête !… à part ça, je ne me plains pas, et le soir, au jardin, sous de frivoles prétextes… Bref, c’est mon dernier soir ! ou ce soir… ou jamais !
Eh bien, et ta partie d’échecs ?
Tu la feras pour moi, avec Emma, que tu conseilleras… et que tu retiendras ici, tandis que Marcadieu sera au verger, à guetter mon voleur.
Ton voleur ?
C’est mon truc ! Je me suis dérobé des abricots… verts ! et comme Marcadieu, qui est la probité même, les compte tous les jours…
Il s’est aperçu qu’il en manquait ?
Les voici !… Je n’ai pas osé les manger.
Les noyaux t’auraient trahi !
Oui, d’abord ; et puis ils sont verts, et, l’été, le fruit vert… mange-les, toi !…
Merci !
Oh ! bien, je les offrirai à Courtansoux — il n’est pas si difficile que toi !
Alors, Marcadieu va faire le guet ?…
Avec mon fusil !… derrière ma haie !… au verger !… ça m’assure une heure, tu comprends !…
Parfaitement !… l’heure du verger.
L’heure du verger ! (Apercevant la valise de Perdrigeot.) Qu’est-ce que c’est que ça ?
C’est mon sac.
Tu couches ici ?
Ça dépend !… J’attends une dépêche de Paris.
Tu devrais !… Tu recommencerais d’arroser demain… Je te ferais éveiller de grand matin. (Prenant le sac.) Je monte ton sac dans la chambre bleue, et je te rapporte l’arrosoir. Il sort par le premier plan à droite.
Scène IV
… Et il me rapporte l’arrosoir !.. Ah ! non, merci !… Les pétunias, passe ! — mais les échecs maintenant !… Oh ! oh !… Et pour ce que j’y gagne ?… Des lombagos, pour arroser !… et des coryzas, pour aller rêver à la brune, au jardin, avec Emma, sous la tonnelle… Elle assise sur le banc, moi agenouillé à ses pieds… dans le gravier… le petit gravier qui me meurtrit les genoux… écoutant les rossignols et comptant les étoiles !… Non ! non !… c’est le dernier soir !… ou ce soir ou jamais, comme dit Boisramé… et si elle me résiste ?… si elle me résiste.je ne l’assassinerai pas, non, mais je reviendrai à Nathalie, qui ne m’a pas résisté, et qui n’a pas de mari, que je sache, pour me faire arroser !… Je reviendrai à Nathalie !…
Nathalie !
Nathalie ! il y a de l’écho !
Portez l’arrosoir au petit salon !
Oui, monsieur.
Cette voix ?
Monsieur Perdrigeot !
Nathalie !… (À part). Oh ! la rosière à Boisramé ! (Haut.) Comme on se retrouve !
Chut !
Oui, je sais, maintenant ! tu as un mari ! un mari que tu m’avais caché !
Je l’avais oublié !
Heureusement pour moi ! — ça n’est pas ce que je te reproche, d’avoir oublié ton mari…
Qu’est-ce que vous me reprochez alors ?…
Perdrigeot ! Perdrigeot !
Voilà !… (À Nathalie). Je te le dirai samedi, friponne !… Il va pour sortir.
Vous oubliez l’arrosoir !
Ah ! oui !… l’arrosoir !… (À part.) C’était un sort que j’arrose pour les maris !…
Scène V
Qu’est-ce qu’il peut avoir à me reprocher, monsieur Perdrigeot ?… — Je ne sais pas, moi… sans doute pour ses cols… Il bougonne toujours pour ses cols ! — N’empêche qu’il est très-gentil dans le fond !… Sept heures, et demie, l’omnibus américain ne passe qu’à neuf heures et mon petit paquet est prêt ! Un peu de linge, et une robe de rechange ; la pareille !… les deux robes de monsieur Perdrigeot !… — Je vais toujours emporter le café ; ça sera ça de moins pour Marcadieu.
Nathalie !… qu’est-ce que vous faites là ?
Je prends le plateau.
Chère petite ! elle prend le plateau !… Pauvres serviteurs, ils prennent le plateau, et ils ne prennent pas le café !… Est-ce que vous trouvez que c’est bien, vous ?
Oh ! vous, vous n’êtes pas fier !
Non, je ne suis pas fier ! Je trinquerais avec mon jardinier ! Je joue bien aux échecs avec lui, l’hiver, quand je n’ai personne, et que ça ennuie ma femme ! Je lui ai appris… il est même plus fort que moi !… Je ne suis pas fier ! Prenez donc une tasse de café, Nathalie.
Je n’oserai jamais !
Osez, chère petite ! (Il verse une tasse.) Vous partez ce soir ?
Par l’omnibus américain.
Je ne veux pas que vous n’emportiez que nos regrets.
Cent francs ! Oh ! vous me gâtez !
Avec préméditation. (Haut.) Deux morceaux de sucre ?
Trois ? si vous voulez bien ?
J’en mets quatre ! (À part.) Cinq louis et beaucoup de sucre, je rapproche les distances !
Merci, monsieur !
Je comble l’abîme ! (Haut.) car je n’oublie pas la douce cérémonie où je couronnai votre front… virginal… alors !
C’est-il fondu ?
Oui ! Buvez ! (Nathalie prend la tasse et boit.) Vous étiez bien jolie !
Je n’ai pas changé ?
Un peu, mais à mon gré !… Je vous aime mieux comme vous êtes maintenant !
Monsieur Boisramé !…
Je t’aime mieux ! et si tu veux revenir ce soir… au jardin… sous la tonnelle… à huit heures ?…
Vous me chatouillez !
Avec préméditation !
Arrosez aussi les géraniums !
Marcadieu !
Mon mari !… j’emporte le plateau !…
Elle prend le plateau et sort par le pan coupé de gauche après avoir échangé un regard avec Boisramé.
Quelque chose me dit que sera ce soir !
Scène VI
Arrosez les géraniums pendant que vous y êtes !
C’est encore toi, tu n’es pas parti ?
Pour le guet ? Il y a temps pour tout !
Temps pour tout ?… Et mes abricots ! mes pauvres abricots !…
J’y vais… mais il n’y a pas que les abricots… il y a autre chose !
Au verger ?
À la maison !
Ici ?
Depuis quelques jours !… ça sent le louche !
Le louche !… aurait-il un soupçon ?
J’ai le flair.
Bigre !
Mais j’ouvre l’œil…
Il me fait frémir !
Et si je la pince ?…
Sa femme !
Je vous le dirai.
À moi ?… (À part.) Au moins n’est-ce pas moi qu’il soupçonne !
C’est que je suis un bon domestique !
Oui.
Franc du collier !
Sans doute !
Fidèle !
Assurément !… Mais en fait de fidélité…
Nous verrons bien.
Car tu n’as pas de preuves ?
Je n’en ai pas, et j’en ai !
Ah !
Le gravier piétiné… ce bout de fil que j’ai trouvé… cette aiguille à bas… cette épingle à cheveux…
La plus honnête femme peut égarer une épingle à cheveux dans les allées…
Pas dans les allées !… au pied du banc… du banc vert… sous la tonnelle !
Sous la tonnelle !
Et tous les jours quelque chose ! Je le sais bien, c’est le seul endroit que je ratisse !
La jalousie a des instincts infernaux !… (Haut.) Ah ! tu ratisses ?
Pour la pincer !
Pour la pincer !… et sur des indices aussi vagues, tu ne crains pas de soupçonner une blanche colombe…
Puisque je ratissais.
Assez ! — Tiens, tu es plus bête qu’autre chose ! garde tes soupçons, si tu veux, mais ne m’en dis rien ! ne m’en dis rien, et va au verger !
J’y vais.
Et pas de grâce au maraudeur !
Une charge de gros sel… où vous m’avez dit !
Va ! j’ai idée que tu le pinceras ! (Sortant.) Moi, j’ai mon plan, et puisqu’il ratisse !…
Scène VII
Moi aussi, j’ai idée que je le pincerai !… je les pincerai tous les deux : le maraudeur… et l’autre… le séducteur !… Le maraudeur, avec son flingot, et le séducteur… J’ai mon truc, et ce qu’il est simple !… (Prenant le pot de couleur.) Vous avez un banc, sous une tonnelle, dans votre jardin, un banc vert, où vous soupçonnez que les tourtereaux vont roucouler… Vous prenez une brosse, et un pot de couleur verte… et v’lan, v’lan, tout du long, sur le banc !… (Il fait le geste de peindre le banc.) Voilà le trébuchet pour pincer les femmes !… Oh ! la société qui revient !…
Scène VIII
Tout de suite !… tout de suite !… Je vais demander du thé !
Elle sonne à la cheminée, Boisramé entre par le fond, donnant le bras à Courtansoux.
J’aurais dû me méfier des abricots…
Madame a sonné ?
Apportez la lampe… et servez le thé… vite !
Vous ne voudriez pas qu’on fît du feu ?
Il est tout préparé.
Non… merci… je vous donne beaucoup de peine… Je ferais peut-être mieux de rentrer chez moi.
Plus tard ! l’air vous a saisi ! Remettez-vous d’abord ! (Courtansoux s’assied à gauche de la table. — Bas à sa femme.) Nous n’avons pas de chance !
J’ai pourtant écouté toute l’histoire de sir Staunton !
La lumière ne vous gêne pas ?
Non !
Nous ne nous pardonnerions pas de vous avoir…
… Indisposé ! (À Emma.) Indisposé est le mot !
Je crois que ce ne sera rien.
Je l’espère.
Je suis mieux déjà.
Alors, bataille !
Oui ! le jeu me distraira.
Prépare l’échiquier ! (Emma va s’asseoir en face de Courtansoux. — Perdrigeot paraît au fond à droite avec un chapeau de paille, un tablier bleu, et deux arrosoirs[18].) Arrive donc, toi ! Monsieur Courtansoux est impatient !
Ah ! oui ! oui ! les échecs, maintenant !
Monsieur le directeur général, je vous présente Perdrigeot.
Monsieur…
Enchanté, mon garçon… mes compliments… votre jardin est bien tenu…
Mon jardin ?
Mais vous cueillez vos abricots trop verts !
C’est le tablier… débarrasse-toi ! Perdrigeot, marchand de soieries, rue d’Aboukir.
Mille pardons !… je vous avais pris pour le jardinier.
Monsieur Perdrigeot, notre meilleur ami.
Merci.
Et joueur d’échecs… émérite !
Quoique bien indigne de se mesurer avec vous !
Avec l’adversaire de sir Staunton ?
Un rude adversaire, sir Staunton !… — Vous n’avez peut-être jamais raconté à monsieur la partie que j’eus l’honneur de soutenir contre sir Staunton !
Jamais ! (Regardant la pendule. — À part.) Huit heures moins dix… nous avons le temps !…
Racontez, monsieur le directeur général.
C’était à Londres, en 1841… mais après ! après cette partie !
C’est un récit que j’entends toujours avec un plaisir nouveau !
Une bataille qui dura dix-sept heures !… mais l’échiquier est prêt ; qui commence ?
Monsieur Courtansoux et toi ; nous te conseillerons.
Non pas, Boisramé, c’est à vous que je dois votre revanche.
Oh ! je vous ferai bien crédit !
Du tout, du tout ! mettez-vous là ! madame Boisramé nous excusera !
Comment donc !
Avec reconnaissance !
Huit heures moins cinq !
À vous de commencer.
Vous ne voulez pas de Perdrigeot ?
Plus tard ! à la belle ! la belle à monsieur Perdrigeot !
Délicate allusion !
Commencez donc ! ça n’a pas l’air de vous amuser !
Moi ?… si on peut dire ?… (Il s’assied en rechignant. — À part.) Ganache !… et Nathalie qui va m’attendre ! (Haut.) Vous êtes bien, maintenant ?
Tout à fait bien.
Vous ne préféreriez pas prendre le thé, d’abord ?
Non.
Mais, qu’est-ce que vous faites de ce râteau, mon ami ?
Je m’appuie dessus… je me donne une contenance !
Laissez donc ! c’est un fétiche !
Oh ! j’ai fait une imprudence !
Chut !
Pas le cavalier !
Mais si, le cavalier ! (Bas.) Il faut se faire battre !
Ça le flatte !
Nous jouons à qui perd gagne !
Alors… le fou, là !… Ce sera encore plus mauvais !
Huit heures ! Nathalie m’attend ! (À Emma qui va sortir.) Où vas-tu, toi ?
Je vais au jardin…
Au jardin, merci ! et mon rendez-vous !
J’ai un peu de migraine…
J’en ai plus que toi, et je reste !… reste aussi !
Défendez votre tour, Boisramé.
Ma tour… ou mon tour ?… Attends ! Attends ! je vais t’embarrasser !
Heuh !…
J’ai la tête comme un boisseau ! et cette tension d’esprit… Prends un peu ma place, Perdrigeot !
Par exemple !
Prenez un peu sa place, monsieur Perdrigeot… puisque monsieur Boisramé a la migraine.
Mais Courtansoux s’apercevra…
De rien ! quand il joue aux échecs…
Qu’il réfléchit…
Et qu’il se tient le nez… la terre tremblerait…
La foudre tomberait…
La maison croulerait !…
Comme toi alors, quand tu te grattes les mollets…
Prends ma place ! (Il fait asseoir Perdrigeot. — À Emma.) Et toi, conseille-le ! (À part.) Je puis m’en aller !… huit heures dix !… pourvu que Nathalie m’ait attendu ? Ah ! Marcadieu ratisse ! Il sort par le pan coupé de droite en brandissant son râteau.
Scène IX
Et vous disiez que vous m’aviez donné votre cœur ?
Mon mari a l’amitié un peu égoïste.
Ça ne serait rien si vous aviez l’amour moins effarouché !
Prenez garde !
À qui ? Boisramé n’est plus là !
Mais monsieur Courtansoux ?
Sorti aussi ! il se tient le nez ! — il se tient le nez, et je puis vous dire…
Attention au cavalier, Boisramé !
Venez au moins me conseiller !
Oui, mais soyez prudent !
Je le serai ! je vais toujours l’embarrasser un peu.
Heuh !
Nous pouvons causer ! — car j’ai besoin de causer avec vous, Emma !
Plus bas, mon mari peut rentrer !
Oh, je sais ! il peut rentrer ! et il rentrera !… mais non, il ne rentrera pas de sitôt !… il ne rentrera pas, et cette heure est à nous !… nous sommes seuls…
Ah ! mon Dieu ! il a joué !
Pas mal, ce coup-là !
Une inspiration.
Heuh !
Nous sommes seuls… Écoutez-moi, Emma !… car si votre cœur reste pour moi de roc…
Laissez ma main, je vous prie !
Si vous me refusez jusqu’à cette innocente faveur de presser votre main dans les miennes…
Vous m’effrayez !
Tant mieux ! car il faut en finir ! c’est trop, ou trop peu que vous m’accordez !…
Votre dame est en prise, Boisramé…
Trop ou trop peu ! — Je vous adore, Emma ! mon sort est dans vos mains, aimez-moi comme je veux être aimé !…
Ah ! monsieur Frédéric ! c’est un crime de chuchoter de pareilles choses à l’oreille d’une honnête femme !
Scène X
Elle m’échappe !… troublée ! profondément troublée !… Elle est allée au jardin… sous la tonnelle… Et la tonnelle… la poésie de l’heure… la nuit noire… les femmes sont si bizarres !…
À la dame !
Encore ! mais il joue sans réfléchir, cet animal-là !
Scène XI
J’arrive de la tonnelle !… ça y est !… Et je n’ai eu que le temps de sauter la haie, pour rentrer par le verger !… le sable criait déjà doucement, (Il cache son pot à couleur derrière le secrétaire.) Tiens, le joueur d’échecs ! on l’a lâché, tout le monde l’a lâché ! (Courtansoux avance un pion, il va regarder en se grattant les oreilles.) Ah ! mais voilà une partie compromise !
Diables d’abricots !…
Scène XII
J’arrive de la tonnelle !… Eh bien, je n’ai pas de chance ! J’étais arrivé le premier… Le temps de s’asseoir… cri… cri… le sable a crié !… un pas sur le gravier… nous nous sommes sauvés… et me voilà… c’est cinq louis fichus à la rivière !… (Marcadieu joue.) Il est seul ! on l’a lâché ! tous les deux l’ont lâché ! (Il vient s’asseoir en face de Marcadieu, et avance une pièce.) Mais c’est une partie qui peut se gagner !… Attention, Boisramé !
Oh ! le bourgeois ! je ne m’étais pas aperçu du changement !… faut pas qu’il me trouve ici, tout de même !… Il se gratte les mollets ; je puis me sauver…
Scène XIII
J’arrive de la tonnelle !… le temps de rentrer par l’office, pour rapporter le thé ! et quelle venette !…
Scène XIV
J’arrive de la tonnelle !… Eh bien, non ! ce n’était pas ce que je pensais !… Elle ne m’a seulement pas permis de m’asseoir à ses côtés !… aussi est-ce fini !… Je ne reviendrai pas de quelques jours… j’aime mieux ça !…
Scène XV
Vous encore, monsieur Perdrigeot ?
Rassurez-vous, madame ! je pars ce soir !… le temps de reprendre mon sac dans la chambre bleue…
Il a joué !
Il joue tout le temps ! c’est une borne !… (Il va jouer.) Oh ! c’était Boisramé !
Mon mari ! nous sommes perdus !
Non ! il se gratte les mollets !… Il n’a rien vu ! rien entendu ! Adieu, Emma ! adieu, cruelle !
Monsieur Frédéric ! de grâce…
Non !… ne revenons pas sur le passé ! je m’éloignerai, c’est juré !… Je vous oublierai, si je le puis !… je voyagerai… quand j’aurai mon sac…
Je vais dire qu’on vous le descende !…
Merci !… adieu !
Adieu !
Scène XVI
J’aime mieux ça !… (Regardant à gauche.) Tiens, tiens, mais cette ombre qui passe… serait-ce Nathalie qui se vers la tonnelle ? Marcadieu est au verger, et Boisramé se gratte les mollets ! (En sortant.) Serait-ce Nathalie ?
Scène XVII
Personne au verger !… ah ! par exemple !… encore tout seul, le bourgeois !… il n’a pas démarré, depuis une heure ! Qu’est-ce que vous vous faites là, monsieur ? vous dormez ?
Mais non, je ne dors pas !… Hein ?… quoi ?… plus personne !… ils sont partis ?
Il y a beau temps !… Vous dormiez comme une souche !… alors la société…
Où est-elle la société ?
On saura peut-être !
On saura ?… Et toi… qu’est-ce que tu fais, toi ? tu n’es pas allé au verger, animal ?
Au verger, j’en viens !
Allons donc !… c’était toi !… c’était bien toi, imbécile !
Moi, quoi ?
Toi… sur le sable… ton pas… cri… cri… dans le gravier.
Dans le gravier ? c’était pas moi.
C’était toi, crétin, toi qui rôdais, pour pincer le séducteur… le soi-disant séducteur !
Oh bien ! c’était pas la peine de rôder, et si je ne me trompe, ils s’auront bien pincés tout seuls.
Comment tout seuls ?
Un truc à moi !
Et ce truc, butor ?
Bien simple : j’ai repeint le banc à neuf.
Sapristi !… en ai-je ?… et Nathalie !…
Maintenant, regardez madame….
Ma femme ?
Ma femme ? misérable ! Tu osais soupçonner ma femme ?
Dame ! c’est toujours pas la mienne qui irait roucouler dans votre jardin.
Qu’en sais-tu, idiot ?
Nathalie, il n’y a pas de danger ! elle a été rosière !
Mais je vous prie de croire que madame Boisramé…
Pas certifiée toujours !… Nathalie a été certifiée !… vous avez certifié Nathalie !
Assez ! vous êtes un drôle ! un insolent ! sortez !
C’est bon !… je sors !… je retourne au verger !… avec votre fusil, pincer votre maraudeur !… (Sortant.) N’empêche que si elle avait du vert…
Scène XVIII
Si elle avait du vert ?… si ma femme avait du vert ?… Allons donc !… Emma !… un ange… une colombe sans tache ! L’animal… il m’a fait une émotion !… Parce que sa femme a été rosière !… mais c’est sa femme qui a du vert… Il faut l’avertir… (Appelant). Nathalie !… C’est elle qui serait perdue !… Nathalie !…
Qu’est-ce que tu lui veux, mon ami ?
Ma femme ! (Haut.) moi ?… rien !… Je ne sais pas… je voulais m’assurer…
De quoi ?… tu parais ému…
Le parais-je ?… (À part). Je le suis… cet imbécile avec ses soupçons !… (Haut.) Imagine-toi que Marcadieu… mais tu n’es pas allée t’asseoir au jardin ?
Au jardin ?
Sous la tonnelle ?… sur le banc ?…
Sur le banc ?
Elle se trouble ! (Haut, la faisant passer à gauche.) Tu n’es pas… Ah !
Quoi ?
Vous vous êtes assise !…
Mais…
Sous la tonnelle ! sur le banc ! ne niez pas ! il était peint de frais !
Ciel !
Son nom ?
Quel nom ?
Le nom de votre complice ?
Mais…
Vous refusez de le nommer ? soit ! je le chercherai !
Cherchez-le !
Et je le trouverai… les mêmes indices le trahiront !
Évidemment !
Je le reconnaîtrai… à son vert !
Vous le reconnaîtrez !
Ah ça ! mais vous n’allez pas me railler maintenant ?… Au déshonneur vous n’ajouterez, pas le sarcasme ?
Ah ! me voilà !
Prenez garde !… monsieur le directeur général !
Courtansoux ! Elle s’est troublée !
J’arrive de la tonnelle. Cette fois, le grand air m’a réussi…
C’est lui !
Ah !
Allons-nous reprendre notre petite partie ?
Ne vous asseyez pas !… Courtansoux tombe.
Quelle est cette mauvaise plaisanterie ?
Une plaisanterie ?
Mais mon ami !…
Laissez-moi, vous ?… une plaisanterie ! malédiction !
Ce n’est pas drôle ce que vous avez fait là ?…
Vous allez me rendre raison !
Qu’est-ce qu’il dit ?
Je dis que vous ne ferez pas de ma femme le marche-pied de ma fortune !
Il est fou !
Oui !… fou !… votre sang ou le mien !… j’ai des pistolets dans ce tiroir !
Des pistolets !
Calme-toi, mon ami !…
Silence ! Je pourrais vous tuer !… je m’en rapporte au jugement de la providence. Il va ouvrir son secrétaire.
Un duel !… il est enragé !… Oh ! ma foi !…. Il remonte.
Où courez-vous ?
Chez moi… m’enfermer… me barricader !
Non, demeurez ! pour vous justifier !… pour me justifier !
Avec ça qu’il veut rien entendre !… Il a été mordu, on ne raisonne pas un homme qui a été mordu !
Scène XIX
Quelle fatalité !… (Apercevant Boisramé qui lui tourne le dos.) Ah ! il a du vert aussi !
Sortons, monsieur !… il s’est échappé !… mais je le rattraperai !
Mon ami, de grâce, écoutez-moi !
Arrière ! laissez passer la justice du foyer !
Ne courez donc plus ! Vous allez vous casser la figure !
Courtansoux ?
Courtansoux qui se jette dans les cloches à melons !
Tant mieux, le misérable !
Ton directeur général ?
L’amant de ma femme !
Allons donc !
J’ai des preuves !… le banc était peint de frais !
Quel banc ?
Sous la tonnelle !
Sapristi !… et Nathalie ! On entend un coup de fusil.
Ce coup de fusil ?
C’est Marcadieu qui l’achève !…
Au verger ?…
Au verger !… pour rentrer chez lui, il aura pris au plus court !
Scène XX
Arrive donc, canaille !… gredin !… maraudeur !
Qu’avez-vous fait, malheureux ?
J’ai fait mouche !… (Reconnaissant Courtansoux.) Le joueur d’échecs !…
Dites-le donc tout de suite, que vous voulez m’assassiner !
Dans quel état !
Achevez-moi… et que ça finisse !
Ça va finir ! choisissez votre arme !
Encore !… mais saperlipopette ! qu’est-ce que je vous ai fait, Boisramé ?
Il le demande !… Vous ne vous êtes pas assis sur mon banc, sous ma tonnelle ?
Oui, un moment… après ma promenade !
Avec qui ?
Avec qui ? mais tout seul ! naturellement.
Naturellement ?
Voilà l’omnibus !
Nathalie, maintenant ! quelle tuile !
Quelle cheminée !… n’entrez pas !
N’entrez pas !
N’entrez pas !
Pourquoi ?
Oui, pourquoi ?… Entre donc !… Je veux qu’elle entre !… On verra si c’est elle qui allait roucouler !…
Rien !
Rien ! (Bas.) C’est une chance ! mais c’est singulier !…
Oui, c’est singulier !… parce que je suis bien certain, moi… Marcadieu et Nathalie remontent.
Eh bien, et moi ?
J’étais arrivé le premier… sous la tonnelle… Nathalie s’assied…
Nathalie ?… (À part.) Oh ! Cet éclair ! (À Boisramé, et faisant derrière son épaule des signes à Emma qui s’est approchée pour écouter.) Nathalie… ou ta femme !
Ma femme ?…
Dans l’obscurité on peut s’y tromper !
Ma femme ?…
Que tu prenais pour Nathalie !
Veux-tu bien te taire !
À quoi bon ? Je savais tout !
C’était toi ?
C’était moi !… et que cette leçon vous apprenne…
À laisser les roses aux rosières !
Me pardonnes-tu, chérie ?…
Pourvu que monsieur Courtansoux soit aussi généreux que moi ?
Heuh !…
Chut ! il se tient le nez !… il ne s’est aperçu de rien ! Il va s’asseoir en face de Courtansoux.
L’omnibus !…
Adieu, madame, et pour quelque temps !
Ah ! maintenant, pour toujours !
Voici votre sac, monsieur !…
Mon sac !… Oh ! comme il est engraissé !… (Il l’ouvre, on voit la première robe de Nathalie toute rayée de vert.) Je comprends maintenant !…
Qu’est-ce que c’est que ça ?
C’est un store pour ma salle à manger !…
Échec et mat !… vous n’êtes pas de taille, cher ami !
C’est égal, monsieur le directeur général, c’est une partie qui a été bien disputée !
Et qui doit vous rappeler… sir Staunton !
Un rude adversaire, sir Staunton !… C’était à Londres en 1841…
- ↑ Courtansoux, Emma, Boisramé, Marcadieu.
- ↑ Courtansoux, Marcadieu, Boisramé, Emma.
- ↑ Courtansoux, Emma, Boisramé.
- ↑ Emma, Courtansoux, Boisramé.
- ↑ Emma, Boisramé, Courtansoux.
- ↑ Emma, Courtansoux, Boisramé.
- ↑ Perdrigeot, Emma.
- ↑ Perdrigeot, Boisramé, Emma.
- ↑ Perdrigeot, Boisramé.
- ↑ Nathalie, Perdrigeot.
- ↑ Nathalie, Boisramé.
- ↑ Boisramé, Nathalie.
- ↑ Nathalie, Boisramé.
- ↑ Marcadieu, Boisramé.
- ↑ Emma, Courtansoux, Boisramé.
- ↑ Courtansoux, Emma, Boisramé.
- ↑ Courtansoux, Boisramé.
- ↑ Courtansoux, Emma, Boisramé, Perdrigeot.
- ↑ Courtansoux, Boisramé, Emma, Perdrigeot.
- ↑ Courtansoux, Emma, Boisramé, Perdrigeot.
- ↑ Courtansoux, Perdrigeot, Boisramé, Emma.
- ↑ Courtansoux, Boisramé, Perdrigeot, Emma.
- ↑ Courtansoux, Perdrigeot, Emma.
- ↑ Courtansoux, Emma, Perdrigeot.
- ↑ Courtansoux, Perdrigeot, Emma.
- ↑ Courtansoux, Perdrigeot.
- ↑ Courtansoux, Marcadieu.
- ↑ Marcadieu, Boisramé.
- ↑ Boisramé, Perdrigeot, Emma.
- ↑ Boisramé, Marcadieu.
- ↑ Boisramé, Emma.
- ↑ Emma, Boisramé.
- ↑ Emma, Courtansoux, Boisramé.
- ↑ Emma, Boisramé.
- ↑ Emma, Perdrigeot, Boisramé.
- ↑ Emma, Marcadieu, Courtansoux, Perdrigeot, Boisramé.
- ↑ Emma, Courtansoux, Perdrigeot, Marcadieu est au fond.
- ↑ Courtansoux, Emma, Boisramé, Perdrigeot, Marcadieu et Nathalie au fond.
- ↑ Courtansoux, Boisramé, Emma, Perdrigeot, Nathalie, Marcadieu.
- ↑ Courtansoux, Emma, Boisramé, Perdrigeot, Nathalie.