La Paix d’Amiens/02
Bonaparte, naturellement, confia la négociation à son frère Joseph, le grand signataire du Consulat. Joseph daigna l’accepter, s’estimant néanmoins supérieur à la tâche, comme il s’estimait supérieur à son frère, par le mérite autant que par la naissance. Nulle dignité, le Consulat même, ne pouvait atteindre à la hauteur de sa modestie ni déconcerter son désintéressement. Sa fortune, d’ailleurs, se mesurait à l’étendue de sa philosophie : il possédait à Mortefontaine un domaine superbe qu’il arrondissait tous les jours[2] ; à Paris, dans le faubourg Saint-Honoré, un hôtel somptueux : au fond, la vanité sournoise et cauteleuse d’un petit esprit de parvenu, qui ne se trouve jamais en sa place, se met au-dessus de tous les emplois et s’accommode de ce feint détachement pour accepter tous les postes, décliner toutes les obligations et se débarrasser de toutes les responsabilités. Déjà il proposait ou faisait proposer par ses affidés, en contraste à l’autocratie envahissante de son frère, un libéralisme bénin et équivoque, donnant à entendre que, si quelque aventure, la mort du Consul par la guerre, par l’assassinat ou tout simplement par l’abus et usure de la vie, l’amenait à assumer le pouvoir suprême, il laisserait flotter les rênes ; un Benjamin Constant avait droit d’espérer une tribune et des cabales parlementaires comme à Londres ; une Mme de Staël un salon qui deviendrait une cour de politique ; les généraux, une surveillance moins clairvoyante ; les idéologues, la direction du Sénat : tel Gaston d’Orléans, à la veille de la Fronde, entre Retz, Mme de Longueville, les Princes et Messieurs du Parlement.
Au dehors, tout à la paix, la paix facile et coulante ; insinuant que l’ambition de son frère décourageait seule la bienveillance de l’Europe ; flattant les diplomates étrangers, en réalité leurré par eux, mais caressé, enguirlandé, et pour les propos qui lui échappaient et pour le précieux instrument qu’il leur fournissait en sa personne. Qui plus est, entêté de l’Angleterre, par penchant naturel et aussi par attitude de candidat. Il croyait, ingénument, que si la France se montrait modeste, l’Angleterre, aussitôt, se montrerait désintéressée. Il ne doutait point, — c’était chez lui un article de foi, ou plutôt une superstition fondamentale, — que l’Angleterre consentît sincèrement aux « limites. » Ses amis, et, avec eux, les libéraux gardèrent cette illusion jusqu’en 1814. « Quand le général Bonaparte revint d’Egypte, écrit Mme de Staël, la Suisse, la Hollande et le Piémont étaient encore sous l’influence française ; la barrière du Rhin, conquise par la République, ne lui était point disputée… » Il ne fallut, en effet, pour seconder la bonne volonté des Autrichiens et les amener à Lunéville, que deux campagnes, Marengo et Hohenlinden ! Quant aux Anglais, il suffisait de ne les point contrarier en mer et aux colonies pour les réconcilier à jamais avec l’extension de la République ! Joseph se jugeait destiné à sceller cette belle réconciliation. « Les vagues, disait-il, en 1799, à un de ses amis, ont jeté notre famille sur le sol de la France ; nous ferons de grands sacrifices pour conserver notre fortune : l’alliance anglaise est notre premier désir ; unies, l’Angleterre et la France imposeraient la paix au monde. »
Le Premier Consul ne se payait point de ces chimères. Il prenait les choses au naturel. Ses instructions à Joseph sont parfaitement positives. Joseph poserait la griffe et tiendrait le protocole. Bonaparte mènerait tout, par Talleyrand, et Talleyrand rédigea, sous sa dictée, le plan de la négociation. — Les Anglais chercheraient vraisemblablement les moyens de réoccuper Malte sans coup férir, le jour où la guerre recommencerait. Ce fut une des principales préoccupations de Bonaparte de les en empêcher. Les préliminaires portaient que l’île serait évacuée par les troupes anglaises et restituée à l’Ordre, sous la garantie d’une grande puissance. Bonaparte trouvait la Russie trop éloignée, l’Autriche dangereuse, il proposa l’Espagne, et, de préférence, encore Naples, mieux placée et plus facilement sous ses prises. Il aurait désiré « quelques clauses relatives à l’Inde et qui pussent y assurer toute la jouissance des établissemens rendus, la faculté de les fortifier et une liberté raisonnable de navigation et de commerce, » c’est-à-dire, au lieu des comptoirs indigens et précaires que restituait l’Angleterre, une banlieue assez étendue pour y former des villes, s’y retrancher et ouvrir des avenues. Quelques arrangemens aussi pour Terre-Neuve, meilleurs que ceux de 1783. Pour l’ensemble, un trait de plume devait suffire : reprendre les préliminaires, et « mettre au présent ce qui est au futur. » « Quant à la prétention qu’on peut supposer au gouvernement britannique, de vouloir ramener dans la discussion ce qui concerne le roi de Sardaigne, l’établissement des Français à Flessingue, la navigation de l’Escaut, l’entretien d’un certain nombre de troupes françaises dans les républiques batave, cisalpine, etc, enfin de chercher à y renouer quelque liaison avec les affaires d’Allemagne, ce sont encore des points sur lesquels il faut attendre, en se préparant cependant à repousser, à cet égard, toute discussion et toute insertion au traité. »
Ces instructions furent adressées à Joseph le 15 novembre 1801. Le 20, Talleyrand lui répéta : « Vous regarderez comme positif que le gouvernement ne veut entendre parler ni du roi de Sardaigne, ni du Stathouder, ni de ce qui concerne les affaires intérieures de la Batavie, celles de l’Allemagne, de l’Helvétie et des républiques d’Italie. Tous ces objets sont absolument étrangers à nos discussions avec l’Angleterre. »
Ni les Anglais, ni personne, parmi les diplomates, ne conservait sur ces chapitres la moindre illusion. « Vous me parlez du roi de Sardaigne, écrivait Kotchoubey à Woronzof, à Londres ; mais que pouvons-nous faire pour lui ?… Si le gouvernement français ne nous écoute point, il faudra en passer par là. » C’est la note que donna le plénipotentiaire anglais, lord Cornwallis, dès son arrivée à Paris.
Philippe Cobenzl, l’ambassadeur d’Autriche, s’étonnait des singulières prétentions des préliminaires : l’Italie, la Hollande, la Suisse, le Piémont ! il existait, sans doute des articles secrets ? « Malheureusement, lui répondit Cornwallis, la situation de l’Angleterre se trouvait telle, à ne pouvoir s’occuper des affaires du continent, quoiqu’elle y eût sans doute un très grand intérêt ; on ne pouvait plus différer de faire la paix, l’Angleterre se trouvant seule en guerre avec la France ; il était inutile de plaider la cause du roi de Sardaigne, la France ayant résolu irrévocablement de conserver le Piémont. » Mais, objecta Cobenzl, les Français, maîtres du Piémont et maintenant une armée dans la Cisalpine, demeureront maîtres du royaume de Naples et de toute l’Italie. « Je le sens fort bien, répondit Cornwallis ; mais comment l’empêcher ? Nous ne pouvons rien sur le continent[3]. « Je demandais à lord Cornwallis, écrivait Markof, s’il avait des ordres pour agir en faveur du roi de Sardaigne. Il m’a dit qu’il en avait, mais qui lui prescrivaient une très grande circonspection[4]. » Il en fut parlé dans un entretien que le Premier Consul eut avec Cornwallis ; il fut parlé aussi de l’Inde. Bonaparte montra son intention de traiter avec quelque nabab pour la cession d’un territoire autour de Pondichéry. Il n’y a point, répondit Cornwallis, de nabab avec lequel la France puisse traiter, et l’affaire n’aurait d’autre effet qui ; de brouiller les deux nations. « Vous êtes bien dur, » répliqua Bonaparte. Quant au Piémont, il ne laissa aucune espérance : ce pays servirait à l’agrandissement de la République française. Cet entretien eut lieu le 28 novembre. Les plénipotentiaires avaient tenu une conférence préliminaire le 24. La négociation fut transportée à Amiens.
Les pouvoirs furent échangés les 3 et 4 décembre. Les conférences commencèrent le 5. Schimmelpenninck, qui devait négocier la paix de la Hollande, s’y était rendu, mais il soulevait des difficultés préjudicielles. Azara, qui devait négocier pour l’Espagne, se faisait attendre, et Cornwallis s’en plaignit. Bonaparte n’entendait point s’arrêter aux réclamations de ces alliés de la République. Il fit inviter Schimmelpenninck à « déclarer par un acte formel que son gouvernement accède aux préliminaires ; » quant à l’Espagne, « la paix y a été publiée ; » la présence d’Azara n’est qu’une formalité, le gouvernement français se déclarant prêt « à faire agréer et exécuter par l’Espagne tant les articles préliminaires que le traité définitif[5]. »
C’était l’intérêt de Bonaparte de dégager le terrain et de couper court à toutes les interventions qui motiveraient de nouveaux délais, des supplémens de procédure. C’était, au contraire, le jeu des Anglais de compliquer les affaires, d’attendre l’Espagnol, et de récriminer sur ses lenteurs, d’écouter le Batave et d’encourager, sous main, ses réclamations ; de faire ressortir l’opposition des intérêts entre la France et la Hollande, de faire sentir durement aux Hollandais les sacrifices que l’alliance française leur imposait. Cornwallis prétendait même appeler un Portugais, Bonaparte refusa ; c’eût été transformer une négociation, très simple et toute de forme, en un congrès de puissances maritimes[6]. Puis on discuta sur la langue diplomatique, question toujours posée, toujours réservée dans tous les congrès, admirable matière à digressions. Cornwallis écrivait et parlait le français ; il maintint, toutefois, son droit d’employer, selon ses convenances, la langue anglaise, et il réclama un instrument du traité en anglais. A tout propos, il en référait à Londres. Joseph se voyait contraint, à son grand déplaisir, de faire de même à Paris ; il ne laissait point de s’en plaindre et de se répandre en doléances contre ses souffleurs. On le laissait dans l’ignorance ! On ne lui avait même point confié le traité de Badajoz ! Jugeant d’ailleurs Cornwallis à son image, il le peignait à Talleyrand « dans une position forcée entre son caractère personnel et les dispositions de son gouvernement. »
Ces retardemens n’étaient point pour surprendre Bonaparte. Talleyrand lui pouvait rappeler les manèges de Malmesbury à Lille, en 1797. « Quand on rapproche cet étalage de difficultés de la simplicité même de la question qui est à résoudre, il est impossible de ne pas supposer que quelque cause secrète vient traverser la conclusion des arrangemens définitifs[7]. » La cause secrète, Talleyrand ne l’avait que trop connue au temps du Directoire, c’était l’espoir d’une crise, d’un attentat, d’une maladie opportune, maintenant que tout reposait sur la vie d’un seul homme. Philippe Cobenzl mandait[8] : « La fermentation augmente de jour en jour. » Les généraux cabalent, les démocrates s’agitent. « La cherté du pain, qui indispose la populace, vient à leur appui pour exciter le mécontentement qui se manifeste hautement. En différens endroits on a mis le feu à des moulins de grains pour renchérir la farine. Les mouches de la police ne peuvent suffire à arracher des murs les pamphlets qu’on y colle, et force bustes de Bonaparte sont jetés à la rivière… On a multiplié les patrouilles qui croisent la nuit dans les rues de Paris ; et Bonaparte, qui devait partir le 12 décembre pour Lyon, n’ira pas de sitôt, et probablement point du tout. »
Talleyrand avait des raisons, — des raisons de Cabinet noir, — de soupçonner que les informateurs de Cobenzl nourrissaient aussi la correspondance des agens de M. Hammond, le sous-secrétaire d’Etat, qui avait, à Londres, dans son département, les « intelligences » à Paris. Il l’écrivit à Otto, le 22 décembre : « On est informé qu’on répand à Londres les bruits les plus ridicules sur l’état intérieur de la France ; qu’on y parle de troubles prêts à éclore, de mécontentemens parmi les généraux, d’inquiétudes à leur sujet, d’autres anxiétés par rapport aux grains ; qu’on annonce le voyage de Lyon comme étant manqué. La vérité est que jamais la France n’a présenté plus d’union, plus de calme intérieur ; que le Premier Consul, partira, — du 27 au 28, — laissant Paris livré aux dispositions qui résultent de la plus entière confiance dans le Gouvernement. »
Otto, de son côté, signalait le mécontentement croissant en Angleterre et les difficultés du Cabinet : « Il ne saurait faire un pas sans consulter une dizaine de comités de négocians et d’armateurs, jaloux de leurs droits, fondés ou usurpés, et prêts à attaquer le gouvernement qui se permettrait de les blesser : sous ce rapport, on dirait que la foi publique de ce pays n’a pas son centre à Saint-James, mais à la Bourse de Londres. »
Bonaparte avait fait préparer un « projet de traité de paix définitif » dont l’article 5, relatif aux restitutions des comptoirs et factoreries de l’Inde, portait : la libre navigation « dans les mers de l’Inde, dans le Gange et ses différentes embouchures ; » le « commerce direct et immédiat des Français pour tous objets ; » le trafic « sur le même pied » que les Anglais pour les vivres et denrées. Otto, chargé de suivre cette affaire, se heurtait à une résistance invincible. Les Anglais ne refusaient point de restituer et même d’étendre quelque peu les possessions françaises dans l’Inde, mais c’était à condition que ces possessions formeraient des débouchés au commerce anglais et non au commerce français[9]. Ils accordaient à la France des colonies administratives qui dispersent les forces, coûtent cher, ne produisent rien et demandent tout à l’importation étrangère. « Si la France n’avait pas ces possessions dans l’Inde, disait à Otto un Anglais « très instruit, » nous devrions lui en donner… Surtout parce que nous avons besoin d’acheteurs et que les Français nous sont fort utiles pour faire fleurir notre commerce et nos manufactures. » Mais point de commerce ni de manufactures florissantes en France, et se déversant sur les colonies ! « Ce ne sont plus les possessions françaises que l’on craint, mandait Otto, c’est le commerce de la France. » Addington ne voulait rien entendre sur cet article, non plus que sur celui de Terre-Neuve. « Il s’est appliqué à captiver la confiance du public, et surtout du commerce, et c’est sur cette confiance que repose son autorité… ; » il se croirait déshonoré, s’il encourait le blâme de la Cité, et « ce dévouement s’étend jusqu’à certains préjugés commerciaux, avoués comme tels par lui-même, mais respectés parce qu’ils appartiennent à une grande masse d’habitans qu’il s’est fait la loi de ménager. »
Le contre-projet sur l’Inde, dit-il à Otto, a causé à Londres « la sensation la plus vive. » Il n’en parlait qu’avec « une sorte d’anxiété dans le regard. » « Tous les articles qui concernent la pêche, la cession d’une partie de Terre-Neuve et la libre navigation de l’Inde lui paraissent également inadmissibles, et tellement contraires à l’opinion et aux prétentions du public anglais, que le Cabinet ne pourrait les accueillir sans se perdre… En supposant même que le refus du Cabinet devînt la cause d’une nouvelle guerre, il m’a déclaré qu’elle serait généralement approuvée par le Parlement et par le peuple. Ces sortes d’arrangemens, poursuit-il, pourront devenir, dans des temps plus calmes des objets de négociation entre les deux gouvernemens[10]. » Le renvoi des prisonniers devint un objet de trafic. Otto désirait qu’il s’opérât avant le traité ; le ministère anglais y mit son prix : la cession de Tabago en paiement des frais d’entretien de ces malheureux. « Il est impossible, mandait Otto, le 4 janvier 1802, de jeter les yeux sur les dépôts de nos prisonniers, sans frémir d’horreur ; mais, quand j’ai vu que Tabago devait être le prix de ce sacrifice apparent, j’ai dû considérer les prisonniers comme les soldats d’une place assiégée, dont les privations et les souffrances sont sans doute extrêmes, mais qui se dévouent pour la gloire et l’honneur de leur pays. »
A Amiens, l’Espagne discute la cession de la Trinité ; la Hollande demande avec instance une compensation pour Ceylan. Les Anglais répliquent par la demande d’une indemnité pour le roi de Sardaigne, « moyennant quoi, écrit Joseph, ils adhéreraient par un article patenta tous les arrangemens que la République française jugerait à propos de faire en Italie. » Joseph interroge Talleyrand : « La reconnaissance de la Cisalpine et du roi d’Etrurie est-elle une condition sine qua non du traité définitif ? » Enfin, Malte, sur quoi l’on dispute toujours, depuis la conférence préliminaire de Paris, et sur quoi l’on se sépare aussitôt que l’on croit s’être mis d’accord[11].
Bonaparte jugea imprudent d’insister sur le commerce de l’Inde. « Il faut tout faire, écrivait d’Hauterive à Joseph, pour obtenir de pouvoir améliorer et étendre notre position dans cette partie du monde, telle qu’elle avait été déterminée en 1783 ; mais il n’en faut pas faire un motif d’empêcher ni de retarder la paix[12]. »
Le Premier Consul en avait d’autres raisons, les articles de commerce, le renouvellement du traité de 1786 dont il ne voulait pas entendre parler. Les Anglais lui donnaient d’ailleurs une leçon d’économie politique, et lui fournissaient le meilleur prétexte pour décliner toute convention sur ce sujet ; très résolu, d’ailleurs, à ne pas transformer la France agrandie en une de ces colonies de commerce britannique, que l’Angleterre entendait se réserver aux Indes.
Le 18 janvier, les négociateurs purent se croire à point. Joseph proposa que Malte fût remise à l’Ordre « sous la protection et la garantie de la France, de la Grande-Bretagne, de l’Autriche, de la Russie, de l’Espagne et de la Prusse. » Cornwallis « ne cacha point que ce projet lui semblait convenable. » Joseph ajouta que les troupes françaises n’évacueraient le royaume de Naples qu’à l’époque de l’évacuation de Malte par les Anglais. Cornwallis référa du tout à Londres, et, le 30, il reçut la réponse : Addington « se plaignait beaucoup de l’assentiment que Cornwallis semblait avoir donné au projet relatif à Malte[13]. »
La négociation se remit à couler en digressions et périphrases. C’est que Bonaparte avait cessé d’y tenir la main. Il s’était flatté d’abord de finir, d’un trait de plume, en changeant le temps d’un verbe, et il avait ajourné son voyage à Lyon : la paix signée, il eût paru, devant les Italiens, en souverain maître des affaires. Les Anglais se retirant, il changea de tactique, leur tourna le dos, les laissa délayer leurs objections, et se mit en posture de leur montrer, par un nouvel exemple, le danger de traîner en longueur avec un homme qui savait, comme lui, tirer parti du temps.
Le 26 janvier, la « République italienne » était constituée et Bonaparte en était acclamé le Président. Alors, il se retourna vers Amiens. Mais il éprouva des résistances auxquelles il ne s’attendait point. Tandis qu’il chargeait Joseph de notifier à Cornwallis la constitution de la République italienne, qu’il la notifiait lui-même à Alexandre, qu’il annonçait à cet empereur l’évacuation prochaine de la Suisse, la remise de Malte à l’Ordre, la signature imminente de la paix[14], Joseph, malgré son optimisme, était contraint d’écrire, le 12 février : « Mes dépêches précédentes doivent vous avoir mis à portée d’apprécier les difficultés qui retardent la conclusion. L’article de Malte n’est pas réglé. Lord Cornwallis m’a proposé de déclarer le traité de paix commun à la Turquie. » Ces difficultés provenaient de l’effet produit en Angleterre par la Consulte de Lyon, la présidence de la République italienne, l’occupation de l’ile d’Elbe, l’expédition de Saint-Domingue, surtout le bruit des préparatifs maritimes en France, en Hollande, et le retentissement des entreprises coloniales dont l’acquisition de la Louisiane annonçait le dessein.
Les Anglais démêlaient les desseins de Bonaparte sur la paix, et ils les jugeaient infiniment plus redoutables que la guerre même. Quoi ! il n’obtiendrait ce domaine magnifique des Pays-Bas et de la rive gauche du Rhin, cette suprématie de la Hollande et de l’Italie, que pour développer aux deux Indes la puissance française ! Il ne faisait la paix que pour centupler les bénéfices de la guerre ! Après les conquêtes, le commerce ; après la terre ferme, des îles, des comptoirs ; après l’Escaut et le Rhin, le Mississipi ! On chassait les Français d’Egypte, ils s’installaient à Livourne, à Gênes ; on rendrait Malle, ils prenaient l’île d’Elbe ! La faiblesse du Cabinet de Londres leur avait permis d’envoyer à Saint-Domingue une armée, un de leurs meilleurs généraux, le propre beau-frère du Consul, celui qui avait forcé le Portugal à se fermer aux Anglais ; un tel choix trahissait des projets étendus : un futur Clive français, un futur Wellesley, destiné à conquérir un autre empire, celui des Indes Occidentales. Après Saint-Domingue et la Louisiane, la Guyane, la Floride, le Mexique ; le golfe immense entamé sur toutes les côtes, entrepris par toutes les îles ! Pour leur interdire les Pays-Bas et les expulser de l’Inde, l’Angleterre a soutenu deux grandes guerres, elle leur a pris le Canada : c’est pour les voir maintenant établis à Anvers, à la Nouvelle-Orléans ! Que reste-t-il du traité de 1763, le seul, le vrai traité de la paix britannique ? Si encore, et pour compensation, ils se prêtaient à renouveler le traité de commerce de 1786, qui vaudrait, aux yeux des Anglais, un autre empire des Indes et un autre Canada ; si cette vaste étendue de côtes, qu’il leur faut reconnaître à la France, s’offrait comme un filtre absorbant ; si ces embouchures de fleuves s’ouvraient comme autant d’entonnoirs énormes aux produits anglais ? Mais Bonaparte s’y refuse.
Bonaparte, héritier de l’esprit de domination du Comité de Salut public et du Directoire, l’est aussi de leurs systèmes économiques. En même temps qu’il fait des « limites naturelles » une loi de l’Europe, il maintient la loi draconienne du 10 brumaire an V, reproduction aggravée, si c’est possible, de la loi terroriste du 19 vendémiaire an II, cette loi des suspects économique, qui assimile les négocians anglais aux émigrés, déclare leurs marchandises ennemies et en prohibe l’importation et la vente « dans toute l’étendue de la République française[15]. »
Addinglon et ses collègues se persuadent qu’ils n’obtiendront pas du Parlement la ratification du traité, s’ils n’obligent pas les Français à abandonner quelques-uns des articles essentiels des préliminaires, et ils croient pouvoir les y contraindre par le péril où une brusque reprise de la guerre placerait, sans secours possible, la flotte française en route pour les Antilles.
Bonaparte voit le péril ; mais il préfère la guerre immédiate à une transaction chimérique qui remettra aussitôt tout le traité en question ; car, à la moindre coupure sur les bords, la trame se déchire, et les Anglais tireront toujours plus fort, jusqu’à rompre l’étoffe[16]. Il mande à Joseph de rédiger un projet ne varietur et de s’y tenir aussi près que possible des préliminaires. Il écrit ou dicte des notes sur Malte, sur la Porte, sur les Barbaresques, pour servir d’instructions dernières à Joseph et à Otto[17]. Dans l’une, il pose le principe, qui est, qui sera un des principes directeurs de sa politique, et qu’il tient de Colbert et du Comité de Salut public : « La Méditerranée est à la France et à l’Espagne par leur position topographique. » Mais il se montre accommodant pour les arrangemens de Malte ; il cherche un mezzo termine pour la remise de l’île à l’Ordre, sous la protection du roi de Naples. « L’Angleterre pourrait garder cette île encore six mois après la signature du traité ; bien entendu que, de notre côté, nous garderons Tarente. » Il ne parle plus des comptoirs des Indes, du Gange ni de Terre-Neuve. Quant aux États nouveaux de l’Italie, la République italienne, la Ligurie, l’Etrurie, il n’insiste plus ; mais il avertit : l’Angleterre peut les exclure du traité, soit, ils seront exclus de la paix[18].
Si l’Angleterre refuse de reconnaître trois puissances qui tiennent une place aussi distinguée, elle renonce donc à prendre aucun intérêt aux peuples qui composent ces trois États. Cependant, comment admettre que le commerce anglais soit indifférent au commerce de Gênes, de Livourne, des bouches du Pô et de la République italienne ? Et si son commerce souffre des entraves dans ces trois États, à qui S. M. Britannique aura-t-elle à s’en prendre ?
Et si ces trois puissances, frappées de voir qu’elles ne sont pas reconnues par les grandes puissances, font des changemens dans leur organisation et cherchent un refuge dans une incorporation avec une grande puissance continentale, Sa Majesté Britannique se refuse donc aussi le droit de s’en plaindre.
Il terminait par ces mots, gros d’avenir et qui rappellent ses déclarations à Cobenzl, lorsque, à Lunéville, l’Autriche se dérobait encore : « Ne considérerait-on la paix que comme une trêve ? Perspective affligeante, décourageante pour l’homme de bien, mais qui aurait pour effet infaillible de produire des résultats que l’on ne saurait calculer. » Talleyrand ajoutait ce commentaire significatif : « Nous sommes faciles sur tous les points, mais ce n’est point par crainte. Je vous envoie le Moniteur, qui vous portera des nouvelles de l’arrivée de la flotte à Saint-Domingue… Finissez, finissez donc[19] ! »
Mais on ne finissait pas, bien que l’arrivée de Leclerc à Saint-Domingue enlevât aux Anglais un appoint redoutable. On disputa sur les notes présentées par Joseph, et une semaine s’écoula encore en protocoles dilatoires, allées et venues de courriers entre Amiens et Paris. Le 6 mars, un projet approuvé par Bonaparte fut communiqué à Cornwallis : il se composait des articles des préliminaires auxquels s’ajoutaient ceux que l’on avait formellement convenus à Amiens. Cornwallis produisit un contre-projet sur Malte. La conférence dura près de sept heures. Cornwallis ne cacha point que « ses instructions étaient beaucoup plus précises depuis quelques jours, et qu’on lui laissait beaucoup moins de latitude. » Les ministres, ajouta-t-il, lui avaient adressé un projet d’article sur l’indemnité du prince d’Orange, qu’il ne remettait même pas, par esprit de concilia-lion : ou y faisait le procès à la Révolution française.
Bonaparte perdit patience. Il se flattait d’avoir la paix le 10 mars et de la publier en même temps que le Concordat : cette convention était enfin pourvue de son passeport près des grands corps de l’Etat, les articles organiques, mais il ne voulait la présenter aux républicains que dans ce cadre magnifique : la paix européenne dans les limites de César. « Si lord Cornwallis est de bonne foi, la paix doit être signée avant le 19 ventôse (10 mars), » écrit-il, le 8, à Joseph. Les Anglais sont donc pris de l’esprit de vertige ! « Si la paix n’a pas lieu sur-le-champ, je ne redoute pas la guerre. Expliquez-vous-en fortement, et que, le 19, à midi (10 mars), je sache à quoi m’en tenir, car, comme il paraît que les Anglais ont donné des ordres d’armer à Plymouth, il est convenable que je puisse prendre des précautions pour nos flottes. » Ce jour-là, il refusait encore de comprendre la Turquie dans le traité, tout en y insérant la garantie de l’intégrité de cet empire. Le lendemain, il consentit à écrire : « La Sublime Porte est invitée à accéder au présent traité, » et il ajouta : « Je vous donne toute la latitude convenable pour signer dans la nuit. Faites donc tout ce qu’il est possible pour terminer, et signez… ». « Si le courrier qui apportera la nouvelle, arrive à Paris le 10, avant neuf heures, il aura six cents francs. »
Mais la journée du 10 s’écoula sans nouvelles. Le 11 mars, à cinq heures du soir, rien n’est encore arrivé d’Amiens. Il est venu, au contraire, des rapports d’Otto, de Londres, datés du 6 et du 8 mars : l’opposition a incriminé les ministres au Parlement ; des ordres d’armement ont été envoyés dans les ports ; les journaux sont violens ; ils publient une lettre d’un des négociateurs d’Amiens, Merry, qui accuse Bonaparte de ne pas vouloir la paix, Hawkesbury, interrogé, a répondu que les négociations ne pouvaient se traîner plus longtemps, que le gouvernement était obligé de prendre des précautions. « Il est de mon devoir d’ajouter, écrit Otto, que l’opinion des hommes les plus influens et les mieux instruits est qu’il est impossible que la guerre ne recommence dans dix jours, à moins que le traité définitif ne soit signé dans cet intervalle. »
Bonaparte sent tous les fils se tendre dans ses mains. Il en est aux tiraillemens, aux soupçons, même graves, avec Markof. La Russie se dérobe, tourne à l’aigreur, aux remontrances : les menaces s’annoncent. On parle de complots dans l’armée. Le Premier Consul, engagé dans une affaire compliquée d’épuration du Tribunat et du Corps législatif, de transformation de ses pouvoirs, ne peut y réussir que sur un coup de prestige.
Les retards de la paix le compromettent. Mais il comprend, ainsi qu’il l’a dit des Anglais, qu’il faudrait, pour se rejeter dans la guerre, « être pris d’un esprit de vertige. » Aussi fait-il grand état de ses arméniens ; en réalité, il n’est pas prêt et ne se prépare même pas. Il se contente d’éperonner, à Londres, Otto, à Amiens, Joseph. « Le moindre retard est préjudiciable et peut être d’une grande conséquence pour nos escadres et nos expéditions maritimes. » Il demande deux courriers par jour, par inquiétude, pour inquiéter aussi. Il fait envoyer à Londres, il fait insérer dans le Moniteur, le 13, le 14, le 17 mars, des notes destinées à remuer l’opinion en Angleterre : — Aucune puissance n’est disposée à soutenir les Anglais ; l’organisation de la République italienne est approuvée par le Pape, l’Autriche, la Russie, la Prusse ; Lucchesini a exprimé le plaisir qu’avait éprouvé son roi des opérations de la Consulte de Lyon ; Cobenzl déclare que son empereur approuve tout ce qui s’est fait en Cisalpine, en Helvétie, en Batavie ; les réponses de l’empereur de Russie sont « plus satisfaisantes encore, » et il s’y réunit des idées « de liaisons particulières. » « L’empereur Alexandre, écrit Bonaparte à Joseph, est plus disposé que jamais à marcher de concert avec la France pour toutes les grandes affaires de l’Europe. »
Rien de moins exact ; rien de moins conforme aux instructions données à Markof ; rien de positif non plus dans les correspondances de Cobenzl et de Lucchesini ; mais il n’existait pas alors de télégraphe électrique pour transmettre, le matin, des extraits de ces articles à Pétersbourg, Berlin, Vienne, et pour en rapporter à Paris, le soir, le démenti, par les feuilles officieuses de ces capitales. D’ailleurs, l’Autriche et la Prusse se trouvaient alors fort engagées dans l’affaire des indemnités d’Allemagne, et ce n’était point le cas, avant d’avoir touché leurs lots, de se brouiller avec le Consul.
Après quelques dernières escarmouches, sur les termes, à propos de Malte et de la Hollande, le traité fut signé, en minute, le 25, et en forme authentique, le 26 mars, tel, sauf de légères différences, que Joseph l’avait proposé le 6. Il se résume ainsi :
Il y a paix entre la République française, le roi d’Espagne, la République batave, d’une part, et, d’autre part, le roi de la Grande-Bretagne et d’Irlande. L’Angleterre garde Ceylan et la Trinité, restitue les autres colonies de la France et de ses alliés. L’intégrité de la Porte est garantie. Le prince d’Orange recevra une indemnité. Malte sera rendue à l’Ordre, neutre et indépendante, sous la garantie des grandes puissances, avec une garnison napolitaine pour un an ou plus, s’il est nécessaire. L’Angleterre évacuera l’île dans les trois mois qui suivront la ratification du traité. La France évacuera Tarente et les États romains. L’Angleterre évacuera tous les points qu’elle occupe sur l’Adriatique ; la Méditerranée, dans le mois qui suivra les ratifications ; les colonies, dans les six mois.
La paix générale est conclue. C’est la splendeur de la République ; mais ce n’est qu’un spectacle de théâtre et tout d’illusion. Parce que l’attention du lecteur d’histoire a ses limites et qu’elle aime à se fixer sur quelque belle image, parce que nombre d’historiens ont fermé leur livre à cette page et mis au bas le mot fin, on se figure que l’histoire s’arrête aussi et que quelque chose s’est achevé ce jour-là qui, couronnant l’édifice, pouvait et devait subsister. Illusion aussi vaine que celle du machiniste qui, pour tirer le cordon et baisser le rideau qui voile la scène, s’imaginerait avoir amené le dénouement de la pièce. La tradition part de haut. « A Amiens, disait plus tard Napoléon, je croyais, de très bonne foi, le sort de la France et le mien fixés… J’allais me dévouer uniquement à l’administration de la France, et je crois que j’eusse enfanté des prodiges. J’eusse fait la conquête morale de l’Europe, comme j’ai été sur le point de l’accomplir par les armes… » Il le disait à Sainte-Hélène, où il recommençait les batailles perdues, Leipzig et Waterloo, les regagnait et recréait sa vie dans ses rêves de proscrit. Ainsi le peuple, éternel rêveur et inventeur de sa propre légende, imagine, dans le passé, son histoire telle qu’il l’aurait voulue, pliant à un désir ses propres destinées, dépouillant ses propres passions qu’il ne comprend plus, et bordant ses chemins de décors en carton, comme on faisait pour la grande Catherine lorsqu’elle s’en allait à la découverte des pays conquis par Potemkine.
Certes, l’heure était belle et radieuse, mais, si c’était un motif pour désirer qu’elle durât, ce n’était pas de quoi suspendre la marche de la nature et renouveler le miracle de Josué. De ce que la guerre avait été extraordinaire, il ne s’ensuivait point que la paix le dût être aussi. Le traité d’Amiens a été, comme beaucoup d’autres, une œuvre précaire, édifice d’argile sur le sable mouvant. Pour le juger, il faut le replacer dans sa perspective, dans l’entre-deux de ses causes et de ses conséquences, qui ne furent que la continuation de ses causes. Ce n’est qu’un passage dans l’histoire de France, un degré île progrès des affaires qui ne fut atteint que pour un instant. Il suffit d’avoir suivi les négociations pour discerner comment cette paix se rompit.
A vrai dire, la guerre se continue dans les négociations. Telle, durant les quartiers d’hiver, une partie d’échecs où les chefs des deux armées poursuivraient leur lutte. Le printemps venu, ils rangent dans la boîte les cavaliers et les tours d’ivoire, ils ferment l’échiquier, et reprennent, à coups d’hommes et à coups de canon, la campagne suspendue. Toutes les avenues par où s’était acheminée la paix deviennent, en se prolongeant, autant d’issues par où elle s’échappe.
Pour que la paix d’Amiens durât, il aurait fallu que l’Europe y reconnût un caractère que n’avait présenté aucun des traités précédens, ni celui de Nimègue, ni celui de Ryswick, ni ceux d’Utrecht, d’Aix-la-Chapelle, de Paris, et le dernier venu, celui de Campo-Formio. Il eût fallu que cette Europe, trois fois liguée contre Louis XIV, parce que ce roi avait ambitionné une partie des conquêtes accomplies en 1802, liguée de nouveau, en 1792, pour refouler la France qu’elle jugeait trop puissante, et rompre, selon le mot d’un Autrichien, le ressort de cette formidable machine d’Etat, acceptât comme un établissement définitif ce qu’elle avait combattu, comme un monstre, le Léviathan, dans les desseins et dans les tentatives.
Il aurait fallu une France, encore exaltée de sa Révolution, refrénant tout à coup et apaisant les passions qui la poussaient depuis dix ans à déborder sur l’Europe, et qui précisément l’avaient portée à ce triomphe ; tournant son enthousiasme en sagesse, sa superbe en modestie, son impétuosité en prudence ; ne songeant plus qu’à jouir dans son magnifique territoire des bienfaits de la liberté, des produits de son travail, du génie de ses peuples, qu’à s’enrichir, à créer des chefs-d’œuvre ; se désintéressant même de ses conquêtes, renonçant à l’Egypte, renonçant aux Indes, aux Antilles, à la Méditerranée, pour ne point offusquer les Anglais ; ouvrant, par un traité de commerce, son marché à leur industrie, sauf à ruiner la sienne, afin de les consoler de la conquête d’Anvers et de Cologne ; désertant ses arsenaux, rentrant ses Hottes, reculant devant l’Angleterre sur tous les océans ; reculant devant l’Autriche en Italie et lui restituant la Lombardie ; reculant devant la Prusse en Allemagne ; abandonnant à la Russie la suprématie du Saint-Empire et la tutelle de l’Empire ottoman. Et, ce qui est plus invraisemblable encore, une Europe, fascinée par tant de modération, renonçant à envahir à mesure que la France recule. La France gardant assez de prestige et l’Europe assez de réserve pour que Français républicains et rois coalisés contre la Révolution missent l’arme au pied, chacun sur leur rive du Rhin, respectant les indications de « la nature » telles que les avait prescrites la Convention.
Il aurait fallu une Autriche sans regrets de la Belgique, sans prétentions à la suprématie de l’Italie ; une Prusse sans avarice et sans prétentions à l’hégémonie de l’Allemagne ; une Russie se détournant de l’Europe pour ne s’occuper que de l’Asie ; et la plus paradoxale de toutes les métamorphoses, une Angleterre cessant d’être anglaise, exclusive et acharnée, pour se faire cosmopolite avec délices, ne disputant plus ni l’empire sur la Méditerranée, ni la souveraineté des mers ; il eût fallu engourdir cette Angleterre surabondante de force, d’activité, avec ses traditions, ses passions, son orgueil, ses métiers, ses mines, ses fourneaux, ses milliers d’émigrans, ses lettres, ses négocians, sa cité qui trafique, son mob qui hurle, son parlement qui réclame la guerre à outrance, son crédit inépuisable, sa contrebande aussi lucrative que son commerce patent, sa constance indomptable, son génie d’entreprise et de combinaisons, l’Angleterre de la guerre de Cent ans, de Guillaume III, de Chatham, de Pitt. C’est-à-dire qu’il aurait fallu une autre Europe, une autre France, d’autres peuples, d’autres gouvernemens ; l’histoire de cette Europe se déroutant de la voie où elle marchait depuis le XIVe siècle, et la Révolution française refluant sur son cours.
Ajoutons l’homme enfin, Bonaparte, dont la personne et le caractère comptent en ces conjonctures autant que ceux de Pitt en Angleterre et d’Alexandre en Russie, et que l’on ne peut pas plus supprimer des événemens qui suivirent que l’on ne peut le supprimer des événemens qui précédèrent : les deux campagnes d’Italie, l’expédition d’Egypte et le traité de Lunéville. Les amateurs de spéculation, qui disposent si aisément de son génie, exigent de ce génie même une œuvre plus prodigieuse que toutes celles qu’il a accomplies : non seulement se transformer lui-même, mais modifier la nature des choses, devenir un autre homme, dans une autre Europe : « Ce sont des miracles, disait-il au Directoire, et je ne sais pas en faire ! » Et plus tard, de très loin : « Je puis avoir eu bien des plans, je ne fus jamais en liberté d’en exécuter aucun. J’avais beau tenir le gouvernail, quelque forte que fût la main, les lames étaient bien plus fortes encore. Je n’ai jamais été véritablement mon maître ; j’ai toujours été gouverné par les circonstances. »
Les circonstances, il les jugeait pour ce qu’elles étaient, convaincu que, s’il reculait d’un pas il serait, du même coup, envahi par l’Europe et renié par la France. Sa suprématie en Europe et sa popularité en France lui semblaient indissolublement liées. Son génie n’était point d’attendre les événemens qu’il redoutait. Son art était de les prévenir. La politique de la France dans la Révolution qui l’avait suscité, qui avait fait sa gloire et qui demeurait sa raison d’être l’affrontait inexorablement à l’Angleterre. C’est ainsi que, pour conserver la paix formidable, il fut amené à pratiquer, comme Louis XIV, la paix envahissante. « Exagérer est la loi et le malheur de l’esprit de l’homme : il faut dépasser le but pour l’atteindre, » a dit un philosophe[20]. « Pour l’empereur, a dit un soldat, le maximum des conséquences suivait toujours les événemens[21]. »
La manière dont la paix fut accueillie à Londres ne laissa aucune illusion sur ce point fondamental : il fallait que la paix d’Amiens rapportât à l’Angleterre tous les profits de négoce qu’elle en attendait, sinon, à bref délai, ce serait la guerre. Tout est récriminations contre le ministère, réclamations contre le traité, contre les vides qu’il présente. C’est une grille par où s’échappera la suprématie maritime, industrielle, coloniale de l’Angleterre. Les ministres sont persuadés que Bonaparte recommencera la guerre dès que sa marine, celle de l’Espagne et celle de la Hollande seront en mesure. Bonaparte n’a traité que pour gagner du temps ; ils ne cherchent, à leur tour, qu’à gagner le temps de le prévenir, le temps de recommencer le manège des diversions continentales, le temps que l’Autriche se réveille, que la Russie revienne à ses vrais intérêts et à sa tradition : l’alliance commerciale et politique avec l’Angleterre. En attendant, pour apaiser l’opinion, Hawkesbury essaie d’amorcer une négociation de commerce. Il n’y croit plus guère. « Je vous ai parlé quelquefois, disait-il à Otto[22], non d’un traité de commerce, chose impossible, mais de quelques relations partielles de commerce à établir entre les deux nations. Ce n’est pas pour ouvrir un nouveau marché à nos manufactures, mais pour intéresser plusieurs classes nombreuses à la conservation de la paix. » Puis, espérant flatter l’imagination du Premier Consul, il insinue l’idée d’un immense condominium du monde : « Il nous est impossible de vous nuire essentiellement. Vous êtes destinés à être sur le continent la puissance prépondérante, comme nous le sommes sur mer. »
C’est que le traité va être mis en délibération au parlement. Il faut trouver des argumens à opposer aux critiques, d’une violence croissante, qui s’élèvent de toutes parts. « Le ministère, écrit Otto, se croit fort sur tous les points, à l’exception de ceux qui touchent le commerce… L’opinion générale en Angleterre est que la paix ne sera qu’une trêve, si le commerce de l’Inde n’est pas établi sur des bases équitables ; si les douaniers et la contrebande des deux nations continuent à se faire la guerre à mort ; si, dans ce siècle où tout est nouveau, le code politique et commercial ne subit pas une réforme totale ; si de nouvelles maximes ne sont pas mises à la place de celles qui ont constamment compromis le repos des nations… M. Addington voit, de même que nous, qu’il serait absurde de songer à un traité de commerce ; mais il désire ardemment se rapprocher graduellement de nous par des échanges partiels et limités, par de simples essais à terme fixe ou révocables à volonté. » Mais, sur ces « préliminaires » de commerce, on n’arrivait point à s’entendre. Hawkesbury demandait, « avec une sorte d’inquiétude, » à Otto s’il « n’avait aucune réponse aux ouvertures qu’il l’avait prié de faire à ce sujet[23]. »
On ne parlait déjà plus de traité. L’acte d’Amiens était qualifié de trêve. « La paix honteuse perd ses adorateurs, écrivait l’ambassadeur de Russie, Simon Woronzof ; on s’aperçoit qu’elle est mauvaise. » On colportait ce propos de Nelson : « Peu importe comment on pose le tisonnier. Si Bonaparte disait : il faut qu’il soit placé dans ce sens, nous devrions aussitôt insister pour qu’il fût placé dans un autre. » Le 8 avril, Pitt rencontra Malmesbury : « Avec Bonaparte, lui dit-il, nul traité ne peut être sûr. Cependant on a bien fait de traiter avec lui. L’Angleterre avait besoin d’un repos, si court fût-il. Mais, bien que l’opinion soit à la paix, il faut que tout ait l’air d’être à la guerre, dans notre diplomatie, et, avant tout, dans nos mesures militaires et maritimes ; que Bonaparte sache bien que l’Angleterre ne souffrira ni outrage ni offense, c’est-à-dire rien qui puisse directement ni indirectement nuire à sa dignité, à son honneur, à sa sûreté, à sa véritable grandeur. » Comme Malmesbury lui demandait de définir ces expressions, il reprit : « L’inertie et l’infamie des grandes cours européennes ne nous permettent pas de nous opposer aux tentatives d’agrandissement de Bonaparte sur le continent, mais toute tentative de contestation, d’empiétement, toute entreprise contre nos intérêts commerciaux ou coloniaux, directs ou indirects, comme une usurpation de la Hollande, de la République cisalpine, comme une attaque contre l’Amérique espagnole, devrait provoquer de notre part une résistance immédiate, et être considérée comme une cause véritable de guerre. Quelques années de paix, ajouta-t-il, suffiraient à mettre l’Angleterre en état de poursuivre la guerre beaucoup d’années, et, durant ce temps, on peut espérer que plusieurs des grandes puissances continentales auront assez le sentiment de leur honneur et de leur intérêt pour nous prêter l’aide qui nous manque en ce moment. »
Que « l’opinion fût à la paix, » c’était l’euphémisme officiel d’un homme d’Etat qui parle toujours en homme au gouvernement, même éloigné du pouvoir. Le fait est que Pitt s’en rapprochait chaque jour. La réaction contre la paix le portait. Malgré le désordre de ses affaires, on parlait de l’imposer à la couronne, comme le seul homme en état de sauver le pays, disait, avec ironie, Sheridan. Les débats du parlement sur le traité tournèrent à la réhabilitation de la guerre et à l’apologie de Pitt[24]. Ses amis opposèrent son inflexible hauteur à la condescendance pusillanime de ses successeurs ; et quel prix obtenaient-ils de cette condescendance ? « Nous avons, s’écria Grenville, confirmé à la France la possession de l’Italie et la domination du continent ! » Il montre « les périls qui résultent du traité, les moyens de salut qui restent : les ministres n’ont rien fait pour affaiblir la France sur le continent ; ils lui fournissent les moyens de ruiner nos colonies. Cette paix est plus désavantageuse que la guerre. » Il réclame « l’établissement d’un pied de guerre proportionné au danger que court la patrie. » Nous avons, ajoute lord Carnavon, entassé honte sur honte : « une telle paix est contraire à la sécurité, à l’honneur du pays. »
Aux Communes, Windham se montre aussi agressif, aussi violent. Lord Grenville et lui, mande Otto, le 10 mai, « se sont efforcés d’établir que la guerre politique n’a été terminée que pour mieux commencer une guerre de commerce et de douane ; que l’intention du Premier Consul est d’exclure le commerce anglais de toutes les parties de l’Europe où peut s’étendre notre influence, et que la paix actuelle n’est qu’une trêve qui donne à la France le temps et les moyens de réorganiser ses colonies. »
Hawkesbury plaida non coupable, ménageant, en ses adversaires, des successeurs inévitables : « Fallait-il continuer la guerre pour la République italienne ? Mais cette république a été reconnue à Vienne, à Pétersbourg, à Berlin… D’ailleurs, même sous les Bourbons, la France aurait été notre ennemie. Quel que soit son gouvernement, son ambition est la même. » Castlereagh se rallia au traité. La guerre, dit-il, ne saurait être reprise dans des conditions favorables que si un changement survenait en Europe. Addington exprima le regret que lui causaient les agrandissemens de la France ; mais ce n’était pas à l’Angleterre de réparer ce mal. « Pour l’instant, notre devoir est de garder nos forces ; réservons-les pour des occasions futures, alors qu’on pourra reprendre l’offensive avec espoir de succès… Ne les gaspillons pas sans aucune chance d’avantages. » Le traité fut ratifié dans ces termes.
S’il est vrai que Bonaparte ne croyait point à la durée de la paix, personne n’avait plus d’intérêt que lui a la prolonger le plus longtemps possible, à tirer au moins la rupture en longueur. Il avait à prendre possession des colonies acquises ou restituées, à asseoir sa domination en Italie, à terminer les affaires d’Allemagne, complément du traité de Lunéville, à se pousser et se retrancher si fortement sur le continent qu’une nouvelle coalition devînt, sinon impossible, du moins très difficile. Il avait à établir son gouvernement en France ; il était en train, sous le titre de consul à vie, de s’élever au pouvoir suprême. La ratification nationale ne s’obtiendrait que par les bienfaits : la paix en était le premier. La France entière se remettait au travail avec autant d’ardeur qu’elle en avait apporté dans la guerre, aussi empressée de redevenir prospère qu’elle l’avait été de se rendre indépendante, aussi avide de « jouir de la Révolution, » que, naguère, de l’accomplir, de la défendre, et de la propager. Bonaparte la poussait aux métiers. Il entreprenait, partout à la fois, de renouveler l’outillage du labeur national : routes, canaux, ports. Les chantiers maritimes se couvraient d’échafaudages énormes ; on voyait s’élever des carcasses de vaisseaux. Il n’était bruit que d’expéditions maritimes, pour les « Iles, » pour la Louisiane, pour l’ile de France, Madagascar, les Indes ! Mais tout était à reconstruire, à réorganiser, les navires et les équipages. La guerre maritime eût tout rompu. Bonaparte croyait pouvoir gagner le temps de se mettre en mesure ; il tenait le continent par les affaires d’Allemagne, immense marché de terres et d’hommes qui allait s’ouvrir. « Prétendre que la France ait une marine égale à celle de l’Angleterre avant dix ans, c’est une chimère, » écrivait-il à Decrès[25]. La France y épuiserait ses ressources, et, pour gagner sur mer une prépondérance qu’elle n’obtiendrait point, elle négligerait son armée et compromettrait sa prépondérance sur le continent, car, si la guerre recommence avec l’Angleterre, c’est encore sur le continent que la France la devra terminer. Mais il faudra, ce faisant, distraire les Anglais par des diversions. Il ne prévoit pas que l’Angleterre rompe la paix avant l’an XIII — septembre 1801, — et il estime qu’alors elle sera trop occupée, dans les Indes, en Amérique, sur ses propres côtes, pour maintenir plus de trente-cinq vaisseaux dans la Méditerranée. « Ce que nous pouvons donc espérer, c’est, avant dix ans, de pouvoir lutter avec quelques chances de succès, la France, l’Espagne et la Hollande se trouvant réunies. » Les trois nations auraient en mer cent vaisseaux. Les Anglais seraient tenus en respect, et, « avec un peu de prépondérance sur terre, il serait facile, à la seconde campagne, de rendre inutile son intervention dans la Méditerranée. » Alors, « maîtres de Venise, » ce qui serait l’effet de la première campagne, « assurés de la neutralité de Naples ou maîtres de cette ville, l’Angleterre n’aurait point d’intérêt à sacrifier cent millions pour rester sans but maîtresse de la Méditerranée. »
La paix ainsi prolongée devait tourner à la suprématie de la France sur le continent, au relèvement de son industrie et de son commerce. D’où le refus persistant que Bonaparte opposait à tous les arrangemens qui ouvriraient aux produits anglais le marché français et celui des républiques alliées. Les Anglais réclamaient un traité de commerce parce qu’ils le jugeaient propre à enrichir l’Angleterre et que c’était pour eux l’objet même de la paix ; Bonaparte le refusait parce qu’il le jugeait de nature à appauvrir la France, à suspendre, arrêter sa renaissance industrielle. Le traité de 1786 demeurait un des ouvrages les plus impopulaires de l’ancien régime, dénoncé comme aussi néfaste que l’ « infâme. » En matière de crédit et de commerce, les vues de Bonaparte étaient tout empiriques. Pour le crédit, l’argent dans les caves, l’encaisse métallique, les contributions de guerre ; pour l’industrie et le commerce, le système protecteur, la prohibition. Il s’en tenait aux exemples des maîtres en prospérité d’État : Richelieu, Colbert, le grand Frédéric. Il ne faut point, même en notre siècle, le prendre de trop haut avec ces illustres praticiens : ni la démocratie, très réaliste, des États-Unis, ni l’empire, très intellectuel, d’Allemagne n’ont procédé autrement, de nos jours.
Ni le décret de vendémiaire an II (10 octobre 1793), œuvre de la Convention, ni la loi de brumaire an V (16 novembre 1796), ni celle de pluviôse an V (février 1797), véritable code de prohibition des marchandises anglaises, n’étaient abrogés, et il n’entra pas dans l’esprit de Bonaparte de les rapporter ; la seule politesse qu’il fit aux Anglais fut d’enlever à ces mesures leur apparence de mesures de guerre contre les seuls Anglais : une loi du 19 mai 1802 donna au gouvernement la faculté de hausser provisoirement ou baisser les tarifs des douanes, d’ouvrir ou de fermer les entrepôts, prohiber ou autoriser l’importation ou l’exportation de toute espèce de marchandises. Le 20 mai, le traité d’Amiens, ainsi enveloppé et muni de ses « articles organiques, » fut promulgué en France. Le 18 juin, le général Decaen fut nommé capitaine général des possessions françaises dans les Indes ; l’ancien conventionnel Cavaignac fut envoyé, le 20 juin, en mission près de l’iman de Mascate. La guerre est finie, avaient déclaré les Consuls, « mais d’autres succès doivent marquer l’existence des nations et surtout l’existence de la République. Partout l’industrie s’éveille, partout le commerce et les arts tendent à s’unir pour effacer les malheurs de la guerre… Le gouvernement remplira cette nouvelle tâche avec succès[26]. »
« La France, écrit un historien anglais, restait dangereusement forte, et ce n’était pas seulement l’ardeur de Bonaparte pour les conquêtes qui assombrissait alors l’aspect des affaires, c’était la rivalité de la France et de l’Angleterre, éclatant plus violemment que jamais[27]. » Comment attendre que, dans ces conditions, l’Angleterre évacuât Malte ? Quels ministres eussent osé abandonner cette position dominante de la Méditerranée et livrer aux Français cette mer dont ils tenaient la clef par Gibraltar ? La lutte pour l’exploitation de la paix s’engageait plus acharnée que la guerre même. La lutte pour ouvrir des débouchés aux produits anglais, pour refouler aussi le commerce français et écraser l’industrie française renaissante, s’annonçait plus âpre, plus populaire aussi que la lutte contre la Révolution. « L’Angleterre, mandait Otto, s’agitera moins, quand la diminution graduelle de ses bénéfices aura diminué ses moyens de recommencer la guerre. »
C’est la pensée directrice de Bonaparte. Comment attendre, dès lors, qu’il se dépouille des moyens qu’il s’est procurés de les réduire à ce point et de les contraindre à abdiquer la rivalité ? Il les tient par la Hollande, par l’Espagne, par le Portugal, par l’Allemagne, par l’Italie, par le Piémont et par la Suisse enfin qui occupent les passages de France et d’Allemagne en Italie. Il a promis à l’empereur de Russie, qu’il ménage, d’évacuer Rome et Naples ; il le fait. « Toutes les troupes françaises, lui écrit-il, le 23 mai, ont, dans ce moment, évacué le royaume de Naples et les États romains. » Raison de plus, pour lui, de réclamer l’évacuation de Malte par les Anglais, stipulée formellement au traité. Il s’y est conformé, que les Anglais s’y conforment. Pour le reste, rien n’a été promis, rien n’a été écrit. Ainsi tout le débat se ramène à cette île de Malte. La lutte pour ce petit rocher va devenir le symbole de la rivalité séculaire, exaltée par la Révolution, enflammée par la concurrence du travail national. Malte est la bicoque dont la prise, dans les grandes batailles, décide de la victoire.
ALBERT SOREL.
- ↑ Voyez la Revue du 1er août.
- ↑ Frédéric Masson : Napoléon et ses frères, t. I, ch. VII. — T. II, ch. VIII.
- ↑ Rapport de Cobenzl, 21 novembre 1801. Boulay de la Meurthe.
- ↑ Rapport de Markof, 13 novembre 1802.
- ↑ Talleyrand à Joseph, 7 décembre 1801.
- ↑ Cornwallis à Joseph, 13 décembre ; Talleyrand à Joseph, 14, 15, 16 décembre 1801.
- ↑ Bonaparte à Joseph, 2 février 1802.
- ↑ Au vice-chancelier, 15 décembre 1801.
- ↑ Rapport d’Otto, 4 janvier 1802.
- ↑ Ibid., 6 janvier 1802.
- ↑ Rapports de Joseph, 19 et 22 janvier 1802.
- ↑ 29 décembre 1801, sur les instructions du Premier Consul.
- ↑ Protocole de la conférence du 18 janvier 1802. Rapports de Joseph, 18, 19, 31 janvier 1812.
- ↑ Talleyrand à Joseph, 14 février ; Bonaparte à Alexandre, 16 février 1802.
- ↑ Voyez le commentaire de cette loi par M. Alberto Lumbroso, Napoleone I e l’Inghitterra, Rome, 1807, ch. IV.
- ↑ Journal de Malmesbury. Notes du 2 mai 1802, sur les propos tenus par Jackson, qui était à Paris au temps des négociations. — Boulay de la Meurthe, t. V, p. 220, note.
- ↑ Talleyrand à Joseph ; notes de Bonaparte pour Otto ; Bonaparte à Talleyrand, 19 février 1802.
- ↑ Projet de note pour Joseph, à insérer au protocole, 19 février 1802. Elle est au protocole du 21, en substance.
- ↑ A Joseph, 22 février 1802.
- ↑ Taine, Essai sur Tite-Live, Voyez Sainte-Beuve, Lundis, t. XII, article sur Taine.
- ↑ Castellane, Mémoires.
- ↑ Rapport d’Otto, 10 avril 1802.
- ↑ Rapport d’Otto, 2 mai 1802.
- ↑ 29 avril — 13 mai 1802.
- ↑ Note pour le ministre de la Marine, 1802. Correspondance, no 5968.
- ↑ Message au Corps législatif, le 6 mai 1802.
- ↑ Seeley, Napoléon Ier. Paris, 1888.