La Pacification de l’Espagne

Pélicier, libraire (p. 3-8).

À Son alteſse royale


Madame,


Ducheſse d’Angoulême.



Tandis qu’effroi des factieux,
Un Bourbon allait les combattre,
Et briser les fers odieux
D’un autre fils de Henri quatre,
Sur des rives où tes bienfaits
Révélaient ta présence heureuse,
De ton noble époux orgueilleuse,
Tu priais Dieu pour ses succès.
Son bras, armé par la victoire,
A détruit l’espoir des méchants :
Je dois, en célébrant sa gloire,
Te faire hommage de mes chants.

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LA PACIFICATION


DE L’ESPAGNE.


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Veni, vidi, vici.


Tel que ce conquérant dont l’invincible épée
Arrête tout-à-coup du superbe Pompée
L’essor victorieux,
Brave sur un esquif le courroux de Neptune,
Vient, se montre, et commande à l’aveugle fortune
En maître impérieux :

Tel de Henri le Grand le rejeton illustre,
Fier de donner encore un héroïque lustre
Au plus beau sang des rois,
Après avoir porté son triomphe rapide
Du berceau de Pyrène aux colonnes d’Alcide,
Couronne ses exploits.


Mais la soif du pouvoir, cette flamme fatale
Qui dévorait le sein du vainqueur de Pharsale,
N’a point armé ses mains :
Des oppresseurs du monde il dédaigne la gloire,
Et son cœur généreux consacre la victoire
Au repos des humains.

Roi, jouet du destin, qui, paré d’un vain titre,
Vis le crime jouir en souverain arbitre
De ton sceptre usurpé,
Le héros t’a rendu ce sceptre héréditaire :
Les enfants de l’Espagne ont retrouvé leur père,
Au poignard échappé.

En vain l’affreux démon des discordes civiles
Dans le sein de tes champs, dans le sein de tes villes,
Agita son flambeau ;
En vain cet ennemi de tout ce qui respire
Menaça de changer ton florissant empire
En un vaste tombeau.

Le courage immortel des guerriers de la France
Lui ravit à jamais la coupable espérance
De troubler l’univers :
Sous le poids de la main qui brise son ouvrage,
Il exhale en ces mots son impuissante rage,
En rentrant aux enfers :

 
« Je ne verrai donc plus les moissons ravagées,
» Les temples sans autels, et les cités plongées
 « Dans des fleuves de sang !
» Le fils va respecter la cendre de son père ;
» Le frère, avec orgueil, désormais de son frère »
Épargnera le flanc !

» À la voix de leurs chefs les nations dociles
» Ne s’écarteront plus de ces routes faciles »
 » Que leur tracent les lois ;
» Et, juge sans pouvoirs, le sujet parricide
» N’osera plus lancer l’anathème homicide
 » Sur la tête des rois ! »

Toi, dont l’astre éclatant luit sur notre contrée,
À qui les souverains d’une guerre sacrée
Ont confié le faix,
Monarque fortuné, ton attente est remplie ;
Par le bras de ton fils tu vois l’œuvre accomplie :
Il a conquis la paix !

Toi, qu’à de longs malheurs le sort a mise en proie,
Héroïne des Francs, aux transports de la joie
Abandonne ton cœur :
Tel que ces anciens preux, appuis de la justice,
Ton époux vient t’offrir, en sortant de la lice,
Les lauriers du vainqueur.

 
Temple vaste et superbe, où flottent sur nos têtes
Ces drapeaux déchirés, monuments des conquêtes
De tous nos demi-dieux,
Ouvre tes saints parvis au moderne Vendôme :
Il vient, il vient suspendre aux marbres de ton dôme
L’étendard factieux.

Et vous qui des mortels chéris par la victoire
Avez transmis les noms et l’étonnante histoire
À la postérité,
Chastes sœurs d’Apollon, par les plus nobles veilles
Du protecteur des rois consacrez les merveilles
À l’immortalité.


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