La Nuit de Noël/Préface (Alfred Busquet)

La Nuit de Noël
La Nuit de Noël : poème (Christmas Carol)Librairie nouvelle (p. 7-12).


PRÉFACE


C’est l’usage chez nos voisins d’outre-Manche, que chaque poëte, au jour de Noël, publie quelque légende ou quelque chanson pour mieux célébrer la fête à la fois religieuse et nationale de la puritaine Angleterre.

Cet usage touchant, nous avons voulu l’introniser chez nous, et voilà pourquoi nous publions aujourd’hui ce petit poëme.

Quelle que soit notre insuffisance, chaque année, s’il plaît à Dieu, nous ferons paraître à la Noël de nouveaux vers, et nous espérons que le public nous tiendra compte de notre bonne volonté. L’exemple, de si bas qu’il parte, est toujours salutaire.

Ne serait-ce pas une chose charmante, en effet, de savoir que, chaque année, à la même époque solennelle, — au milieu des brouillards de l’hiver, dans les boues neigeuses de Paris, — la muse de quelque grand poëte viendrait sûrement nous visiter, comme un ami s’assied au foyer domestique ?

Vous figurez-vous cette joie certaine et pure d’attendre à heure fixe un plaisir qui ne saurait vous manquer ? Tout à coup, parmi les bruits discordants de la politique, la voix de Lamartine ou de Victor Hugo s’élèverait parmi nous comme un avertissement ou comme une consolation du ciel. Ce serait les étrennes du pauvre, — les plus magnifiques qu’il put recevoir. Les grands poëtes n’ont pas seulement la mission de charmer leurs contemporains, ils se doivent encore tout à tous. Ils sont les propagateurs de la bonne nouvelle, les distributeurs de l’aumône universelle et mystique.

Une dernière parole : que M. Victor Hugo nous permette de lui dédier ce petit poëme. C’est une lettre de change que nous tirons sur l’avenir. Si nous le conquérons à notre humble projet, nous aurons préparé une joie annuelle à nos contemporains. Nous le prierons personnellement de nous pardonner la liberté grande que nous prenons de lui dédier un si mince travail. Mais ce travail, nous le lui avons lu à Guernesey. Le maître de Ponto et de Chougna a daigné sourire à notre légende. Il a compris cette réhabilitation des bêtes, lui qui étend à toute la Nature un amour si profond et si mystérieusement intime. Le bonheur de l’homme n’est plus complet, s’il est isolé dans la création. Le ciel ne connaît pas d’exilé.


A. B.
Paris, décembre 1860.