Les Éditions Variétés Dussault et Péladeau (p. 123-124).


IV

La nouvelle Béatrice


La première fois que Simone l’embrassa, Boureil lui dit :

— Il ne faut pas brûler les étapes.

Un peu plus tard, comme elle le pressait, il loua une chambre dans un petit hôtel. Le lendemain, il murmura :

— Je n’en demandais pas tant.

Croyant avoir mal entendu :

— Tu m’aimes de toutes tes forces ? demanda Simone.

Boureil hocha la tête. Mais, après déjeuner, comme ils étaient allés s’asseoir sous un orme au jardin du Luxembourg :

— L’amour grandit comme un arbre, en s’attachant toujours plus solidement. Qu’est-ce que l’amour libre ? Une plante sans racine.

Il lui apprit qu’il était marié indissolublement.

— Qu’importe ?

— Nous aimerons-nous bien quand même ?

Simone sourit :

— Il me semble que nous nous le sommes prouvé pas mal.

Boureil était heureux. Il n’était plus libre.

De sa fenêtre, il consultait, par-dessus les toits, l’horloge du lycée Henri IV, avant l’arrivée de Simone et après son départ.

Le bonheur le ramenait à la religion. Maintenant il lui arrivait souvent de songer à la mort, à la destinée de l’homme, à l’éternité et à d’autres choses infinies au prix desquelles ses joies actuelles lui paraissaient éphémères comme la toilette fraîche d’une petite fille.

Infinie était pourtant elle-même la science de Simone, qui avait eu déjà mainte expérience amoureuse.