La Négresse blonde (recueil)/Jardins d’automne

La Négresse blonde, Texte établi par Willy Voir et modifier les données sur WikidataA. Messein (p. 67-68).


JARDINS D’AUTOMNE


Une rose d’automne est plus qu’une autre exquise.
Agrippa D’Aubigné.


L’ombre et l’abîme ont un mystère.
Que nul mortel ne pénétra ;
C’est Dieu qui leur dit de se taire.
Jusqu’au jour où tout parlera.

V. Hugo.


Les jardins ont perdu leurs robes éburnales,
Éden trois fois béni d’où nous fûmes chassés,
Pourpre sainte attestant la blancheur des annales,
Ces roses de la Nuit chantent les trépassés ;

Les trépassés là-bas qui dorment dans leur bière
Sous l’obscène pâleur du seul magnolia ;
Reviendras-tu sécher les pleurs de nos paupières,
Toi l’immortel Amour que la Mort oublia !


De l’immortel Amour à la Mort immortelle,
Supplice qu’Il rêva sous la Nuit du recueil
À quitter le séjour au jour nous dira-t-elle,
Ce beau lac d’hydrargyre où vogue le cercueil ?

Car le ciel est livide au Lac-des-Libellules
Et dans les noirs couvents où dorment les vieux ifs,
Les Vierges à genoux dans le froid des cellules
Mouillent les Crucifix de longs baisers lascifs…

Les Jardins ont perdu leurs Robes éburnales
Éden trois fois béni d’où nous fûmes chassés !
Pourpre sainte attestant la blancheur des annales,
Les Roses de la Nuit chantent les trépassés.