La Muse gaillardeAux éditions Rieder (p. 45-47).



PATINAGE


Il patinait merveilleusement…
(Verlaine.)


Allez, petites femmes,
Tournez, petites âmes
Légères comme l’air,
Délicates sylphides
Sur vos patins rapides
Passez comme l’éclair ;

Passez, souples Lianes,
Les Vénus, les Dianes,
Les Mômes Ducrocket

Auprès de qui les Grâces
Semblent lourdes et grasses,
Ont l’air de vrais paquets.

Passez comme des leurres,
Tournez comme les heures
Et les jours et les ans ;
Ô visions trop brèves !
Passez comme les rêves
Sitôt fuis que présents !

Passez, petites fées
Bellement attifées,
Oiseaux effarouchés
En ces molles écumes
De dentelles, de plumes
Où vos corps sont nichés ;

Cependant que la glace,
Monotone surface,
Sous votre flot mouvant
Quitte sa teinte grise,
Et rayonne et s’irise
Comme un jardin vivant,

Jardin de chrysanthèmes
Ébouriffés, suprêmes,
Qui tantôt querelleurs,
Tantôt pleins de sagesse,
Iraient changeant sans cesse
De forme et de couleur.


Passez, petites fées
Bellement attifées,
Oiseaux effarouchés
En ces molles écumes
De dentelles, de plumes
Où vos corps sont nichés.

Passez comme des leurres,
Tournez comme les heures
Et les jours et les ans ;
Ô visions trop brèves,
Passez comme les rêves
Sitôt fuis que présents.

Si par hasard, mes belles,
Vous ramassez des pelles,
Vous faites pas bobo,
Mais tombez avec grâce :
Faut tomber sur la glace
Comme sur le dodo.

Tournez, petites âmes,
Tombez, petites femmes…
. . . . . . . . . . . . . . . . . . .