La Muse gaillarde/Idylle royale

La Muse gaillardeAux éditions Rieder (p. 130-132).



IDYLLE ROYALE


Elle était gironde
Allemande et blonde.
Il était giron,
Natif de Belgique,
Châtain, énergique,
En somme, un luron.

Elle était princesse
Et royale altesse
Au pays saxon.
On pouvait la croire,

Avant cette histoire,
Heureuse à foison.

Ah ! qu’on ne s’y fie !
Si déjà la vie
Des cours est rasoir,
À la cour de Saxe,
L’ennui vous malaxe
Du matin au soir.

Lui, professeur blême
De sa langue même
Était sans emploi
Lorsque la personne
Ci-dessus saxonne
Lui dit : « Viens chez moi.

« J’ai depuis mes noces
Trois ou quatre gosses ;
Tu leur montreras
La tienne de langue ;
Encore qu’exsangue,
Ça les distraira. »

Comme eût fait quiconque,
Il accepta. Donque
Dès le lendemain,
Entré dans la place,
Il faisait la classe
Aux royaux gamins.

Bientôt la princesse
À côté sans cesse

Du beau professeur,
Le prit pour son maître,
Croyant reconnaître
En lui l’âme sœur.

La petite fête
N’eût été parfaite,
Rapport à l’époux :
« Oh ! partons, dit-elle
Mon giron fidèle,
Partons, voulez-vous ? »

« Mais, dit la sœur âme,
Vos enfants, Madame …? »
Elle répondit :
« Ils ne sont point vôtres,
Nous en aurons d’autres
Faisons-nous crédit. »

Là-dessus ils firent
Leur malle et partirent
Sans longtemps moisir,
Gagnèrent la Suisse,
Seul coin où l’on puisse
S’aimer à loisir.

Quant à sa couronne
Future et saxonne,
Madame s’en fout.
Lui, s’en fout de même.
Et moi, Dieu suprême !
Je m’en fous itou.