La Mingrélie et les Romans caucasiens de M. le baron de Suttner

La Mingrélie et les Romans caucasiens de M. le baron de Suttner
Revue des Deux Mondes3e période, tome 101 (p. 201-213).
LA MINGRELIE
ET LES
ROMANS CAUCASIENS
DE M. LE BARON DE SUTTNER

C’est un fort beau pays que celui qui s’étend de la Mer-Noire à la mer Caspienne et que borne au nord le Caucase, au sud la chaîne arménienne où trône le Grand-Ararat. Arrosée à l’ouest par le Rion, à l’est par la Koura, qui reçoit les eaux rapides de l’Araxe, cette contrée, où l’on trouve des sites enchanteurs et, selon l’altitude, tous les climats, celui de Rome et celui de Chamonix, est aussi curieuse que belle. Sur une étendue de près de 22 millions d’hectares elle ne compte guère que 5 millions d’habitans, et ces habitans offrent les types les plus divers. Il semble que tous les peuples se soient donné rendez-vous au pied du Caucase ; nulle part la faune humaine n’est plus variée. La Transcaucasie est un grand couloir et le chemin le plus direct pour passer du plateau de l’Iran en Europe. Elle n’a joui de son indépendance qu’à de rares intervalles ; elle a obéi jadis à Alexandre, à Mithridate, aux Bagratides d’Arménie, puis aux Arabes, aux Turcs Seljoucides, aux fils de Gengis-Khan, aux Tartares de Tamerlan. Les Sophis de Perse et les Turcs ottomans se la partagèrent ; depuis le commencement de ce siècle elle appartient au Russe. Presque tous les envahisseurs y ont laissé quelque souvenir de leur passage, quelque échantillon de leur race, et, sans se confondre, tous ces dépôts, toutes ces couches superposées ont formé d’étranges combinaisons. Pline, qu’il ne faut pas toujours croire, racontait qu’à Dioscurias, ville de la Géorgie actuelle, il fallait cent trente interprètes pour se tirer d’affaire. Il y a moins d’exagération à prétendre qu’on parle aujourd’hui soixante-dix langues ou patois à Tiflis, ville peuplée de Géorgiens, de Tatares, d’Arméniens, de Turcs, de Persans, de Juifs, de Russes, de Français et d’Allemands.

Depuis que la Transcaucasie est devenue russe, l’influence européenne s’y est fait sentir davantage d’année en année. Certaines races la subissent ou l’acceptent de bon cœur ; d’autres lui demeurent plus réfractaires, et c’est la source de nouveaux contrastes. Si vous voulez savoir comment s’y prend un Oriental pour adopter nos modes tout en gardant ses mœurs, allez à Tiflis étudier sur place ces grands négocians arméniens qui s’appelaient naguère MM. Kalikianz et Beburianz, et qui, pour se concilier la faveur de leurs nouveaux maîtres, ont soin de s’appeler aujourd’hui MM. Beburow et Kalikow. Quoiqu’on les accuse de savoir trop bien compter, ils ne ménagent pas l’argent pour faire voyager leurs fils en Europe ou pour procurer à leurs filles une gouvernante bavaroise ou saxonne. Six jours durant, ils restent enfermés dans leurs magasins de soieries, de chaussures ou de bijouterie, servant la pratique avec un empressement obséquieux et employant leurs courts loisirs à discuter le tarif des douanes, le prix du sucre, la hausse ou la baisse du rouble.

Le septième jour, ils se redressent, font peau neuve, prennent la diligence, s’en vont respirer un air plus vif à 12 verstes de Tiflis, dans leurs villas de Kodjori. La montée en lacets est raide, la vue est superbe. A l’un des détours du chemin, ils aperçoivent la ville s’allongeant en terrasse à leurs pieds, et leur regard embrasse les courbes serpentantes de la Koura, qui se perd à l’horizon. Devant eux se dresse la sombre muraille du Caucase, au-dessus de laquelle resplendissent les neiges éternelles du Kasbek. A vrai dire, le paysage les intéresse médiocrement, ils ont hâte d’arriver. Jusqu’au soir ils ne quitteront les cartes que pour jouer au trictrac, ils fumeront des cigares exquis, ils boiront du vin de Champagne, et on entendra de loin les éclats de leur voix, leur tonnerre ! A leur façon de rire comme à la grosseur de leurs chaînes d’or et à l’énormité du diamant qui orne leur index, vous reconnaîtrez l’Oriental ; mais Kodjori vous rappellera nos villes d’eaux. On y trouve un casino où l’on danse et où l’on joue gros jeu. Il a, paraît-il, la forme d’un pâté de gibier ; les nôtres, le plus souvent, n’ont point de forme du tout.

Si vous avez peu de goût pour le faux Orient ou pour la fausse Europe, si les mœurs primitives et la sauvagerie vous attirent davantage, ce n’est pas en Géorgie et à Tiflis qu’il faut aller, mais à l’ouest, dans le gouvernement de Kutaïs, en Imérétie, ou plutôt en Mingrélie. Ce district montagneux, plus rapproché du gigantesque Elbrouz que du Kasbek, est sillonné de toutes parts d’eaux courantes. Au-dessus des champs de maïs et des vignes s’étalent des forêts magnifiques de chênes, de hêtres, de cèdres et de pins. Là, parmi les bois de lauriers, les bosquets de buis, les fourrés de houx et de fougères, fleurissent en abondance les rhododendrons et les azalées. La plante humaine y est toute particulière ; on n’y boit guère de vin de Champagne et on y chercherait vainement un casino. Tout le monde y sort armé ; c’est le pays où l’on chasse au faucon, c’est aussi le pays des voleurs de buffles et de chevaux. Ces montagnards, fiers d’eux-mêmes, font peu de cas de leurs voisins de l’est. « Qui es-tu ? demandait l’un d’eux d’un ton de mépris. — Mon grand-père était Géorgien, et je le suis moi-même. Vos princes n’épousent-ils pas nos filles pour se donner plus de considération ? — Dis plutôt que vos filles se servent de leurs deux mains pour les happer au passage, parce qu’elles soupirent après une bonne nourriture et de beaux habits, deux choses que vous ne connaissez que de nom. » De son côté, le Géorgien affirme que l’Évangile se trompe lorsqu’il nous donne pour un Hébreu l’homme qui trahit Notre-Seigneur : Judas Iscariote n’a pu naître qu’en Mingrélie.

À quoi pensaient les Grecs quand on leur parlait de la Mingrélie, qui s’appelait alors la Colchide ? Ils croyaient voir Prométhée cloué à son rocher, la toison d’or, Médée et ses dragons. Qu’était-elle pour l’excellent voyageur Chardin, qui la visita en 1671 ? Un pays fort curieux, mais fort désagréable à traverser quand on a été nommé par lettres patentes marchand du shah de Perse et qu’on voyage avec des bijoux qu’il faut défendre contre les mains crochues « de peuples d’un fort méchant naturel, sans religion et sans police. » Qu’est-ce que la Mingrélie pour le Mingrélien d’aujourd’hui ? Un vrai paradis, où tout est plus beau, plus aimable, plus charmant, plus distingué que dans les autres parties de ce misérable monde. Il faut en rabattre un peu, nous dira M. le baron de Suttner, écrivain autrichien, qui a fait de longs séjours sur les bords du Rion et de la Koura. Il n’y a pas perdu son temps ; il en a rapporté une riche provision de souvenirs.

M. de Suttner vient de publier un volume de nouvelles qui sont, pour la plupart, des tableaux de mœurs mingréliennes. Il a de bons yeux, il sait raconter et décrire. Agréables ou déplaisans, on sent que ses personnages ont été presque tous dessinés d’après nature, et ces portraits sont si vivans que, pour en garantir la ressemblance, il n’est pas besoin d’avoir connu les originaux[1]. Il y a six ou sept ans, il avait publié, sous le titre de Daredjan, l’histoire d’une déclassée du Caucase, d’une fille de paysans qui, élevée dans un pensionnat russe et gâtée par de mauvaises lectures, tourne fort mal et tombe très bas. En 1886, il a raconté, dans un autre roman caucasien, la fâcheuse aventure d’un gentilhomme d’Imérétie, d’un aznaour² qui se fait aimer d’une grande dame, fille d’un Turcoman et d’une Polonaise et mariée à un prince russe. Cette princesse, très amoureuse et qui se croit adorée, a hâte de reconquérir sa liberté pour épouser Kurdel Zuchadzé. Elle se rend à Saint-Pétersbourg, obtient à grand’peine que son mari consente au divorce ; il lui en coûte plus d’un million de roubles. Dès qu’elle a gagné son procès, elle se remet en route, repasse le Caucase, court en Imérétie annoncer à son amant qu’enfin elle est libre. Il ne l’attendait pas. Elle le surprend dans les bras d’une écuyère de cirque qui faisait les délices de Kutaïs, et elle le tue raide d’un coup de pistolet. Cet événement mit l’écuyère en renom. Elle fut aussitôt demandée en mariage par un employé de chemins de fer, par un pharmacien, par un capitaine d’état-major, par un médecin militaire, par un prince et par l’avocat Xandro Lionadzé. Elle appartenait à la classe des Françaises sérieuses. Au prince, qui n’était plus jeune et avait plus de dettes que de cheveux, elle a préféré l’avocat. Son mariage lui a donné accès dans les meilleures familles de la ville ; elle fait des visites, en reçoit, organise des pique-nique et se déclare la plus heureuse des femmes. Si jamais vous allez à Kutaïs, munissez-vous d’une lettre d’introduction pour Mme Françoise Lionadzé[2].

Chardin, qui était un admirable observateur, mais qui en voulait peut-être aux Mingréliens des dangers que ses bijoux avaient courus chez eux, a tracé de ces Tartares convertis à l’église grecque un portrait assez repoussant. Il déclare « qu’il n’y a point de malignité à quoi leur esprit ne se porte, » qu’ils sont tous voleurs, tous larrons, tous brigands et qu’ils en font gloire. Il affirme encore « qu’ils sont plus ivrognes que les Allemands et n’ont de plaisir que pour les entretiens malhonnêtes, » que leurs enfans savent tout à dix ans, que le père les exerce au larcin, que la mère les forme à la turpitude. Il ajoute que le concubinage, l’adultère, la bigamie, l’inceste, sont des vertus en Mingrélie, que ces soi-disant chrétiens sont à la fois les plus superstitieux et les plus débauchés des hommes, « que, quand un mari prend sa femme sur le fait avec son galant, il a le droit de le contraindre à lui payer un cochon, que le cochon se mange entre eux trois. » — « Ce peuple barbare, dit-il par forme de conclusion, n’a ni pudeur ni humanité. Je crains qu’en cet endroit les vérités que je raconte ne passent pour des exagérations ; je proteste qu’elles sont très certaines. « Il avait beau dire, il poussait les choses au noir ; il était en colère, il pensait à ses bijoux.

Il y avait en Mingrélie, au temps de Chardin comme aujourd’hui, des princes, des nobles et des vilains. C’est surtout aux nobles, aux aznaours qu’il en voulait, et il a parlé avec quelque commisération des malheureux manans grugés et mangés par leur seigneur. Les paysans mingréliens qui figurent dans les nouvelles de M. de Suttner ressemblent beaucoup, par leur genre de vie, par leurs usages, à ceux qu’a rencontrés Chardin, à cela près qu’ils ne sont plus serfs et que, quand ils sont misérables, c’est à eux-mêmes qu’ils doivent s’en prendre. Comme leurs pères, ils se nourrissent d’une pâtée de millet dont Chardin avait fini par s’accommoder et qu’il comparait au plum-pudding. Comme leurs pères, ils habitent des huttes en planches et en torchis, fort sales, où de grands bancs courant le long des murailles servent de lits et dans lesquelles leur bétail s’enferme avec eux. Comme leurs ancêtres, ils enterrent les grandes cruches où ils conservent leur vin. Ils leur ressemblent aussi par leur goût prononcé pour les paroles inutiles, pour les longs propos, pour ce qu’ils appellent les laparaki, et par l’habitude qu’ils ont de s’exciter au travail en chantant et hurlant comme s’ils éprouvaient le besoin de consoler ou d’étourdir leur incurable paresse.

Ils ont gardé et les usages et les superstitions des Mingréliens d’autrefois. Ils croient à la vertu des amulettes et qu’une araignée vivante enfermée dans une noisette vide préserve du mauvais œil. Ils croient à la magie amoureuse et que, pour se faire aimer d’une femme, il suffit de la toucher avec un sac contenant l’aile gauche d’une chauve-souris. Ils ont une grande considération pour leurs sorcières, dont la bienveillance leur paraît si précieuse qu’ils ne pensent pas la payer trop cher en leur donnant une vache et 100 roubles. Ont-ils perdu leur buffle ou leur bufflonne, ils recourent aux vingt-quatre fèves et au crible tournant pour découvrir le nom du voleur. Ils sont persuadés que, lorsqu’on éternue en parlant de la mort, une grande catastrophe s’ensuivra, à moins que votre voisin ne s’empresse de vous frapper sur l’épaule, en criant : « Tu es encore des nôtres ! » Ces descendans de nomades qui adoraient les astres tiennent en grande estime le soleil de leurs pères, et c’est sans doute en son honneur que dans leurs fêtes ils allument des feux par-dessus lesquels jeunes et vieux, garçons et filles sautent comme des possédés : c’est le plus sûr moyen d’épouvanter les mauvais esprits et de tenir à distance l’artificieux Satan, embusqué dans la montagne de Tabachel. Malheur à vous si vous tombez en sautant ! Avant la fin de l’année, Satan vous prendra. Les Mingréliens attachent quelque importance à la bénédiction de leurs popes ; mais leur christianisme ne leur a guère enseigné que la peur du diable et de son horrible femme Rokapi, la reine des sorcières, qui enlève les jeunes filles pour qu’elles l’accompagnent au sabbat.

Si fâcheuses que soient les déraisons des Mingréliens, M. de Suttner a pour eux beaucoup plus d’indulgence que Chardin ; je soupçonne même qu’ils lui inspirent un peu de cette tendresse secrète qu’éprouve un romancier pour les pécheurs dont les vices ont de la couleur et de la ligne. Faut-il croire que depuis que la Russie les gouverne, la police devenue plus sérieuse, tient leurs appétits en bride ou que dans le cours des âges leur humeur s’est adoucie ? On rencontre dans les nouvelles de M. de Suttner des figures presque sympathiques, et ses coquins eux-mêmes sont intéressans. Ce qui me paraît certain, c’est que les grands bandits ont presque disparu de la Mingrélie ; ils ont été remplacés par les petits larrons : — « Jadis, disait en hochant la tête une vieille sorcière des environs de Zugdidi, les grands du pays tenaient leur place parmi les voleurs. Cela se voit encore, mais ce n’est pas comparable au bon vieux temps. Tout se faisait alors grandement. Un prince qui avait une fille à doter ou un fils à baptiser partait un beau soir avec une bande de vigoureux compagnons ; il en emmenait jusqu’à cinquante, et on entrait en campagne. C’étaient de vraies guerres ; une douzaine d’hommes restaient souvent sur le carreau. Il y avait alors dans les fermes seigneuriales beaucoup plus à prendre qu’aujourd’hui ; dans l’enclos paissaient jusqu’à cent chevaux de la plus belle race, des buffles, de nombreuses vaches, et les maisons regorgeaient d’argenterie, de tapis, de riches armes et d’objets de prix. Personne ne revenait sans un opulent butin. Aujourd’hui, il y a des gens qui hasardent leur vie pour une misérable poule. » Ainsi parlait la vieille sorcière Sada, et elle déplorait la décadence des vieilles mœurs. Il en reste pourtant quelque chose ; il est peu de Mingréliens qui ne ressentent une vive admiration pour un vol hardiment et adroitement exécuté et quelque sympathie pour le voleur. Il n’y a que le volé qui souhaite de le voir pendre.

Ce qui caractérise surtout un peuple, c’est l’idée qu’il se fait et de l’honneur et de l’amour. Les nobles mingréliens, les aznaours comprennent l’honneur à peu près à la façon d’un chef arabe. Si vous leur demandiez de le définir, ils vous diraient que c’est la juste fierté que ressent un homme qui possède de magnifiques chevaux, de grands troupeaux, des chiens, des faucons, des armes, une provision d’argent comptant enfermée dans un bahut garni de ferrures, et avec tout cela une clientèle dont il reçoit les hommages et à laquelle il ne marchande pas ses services. Plus cette clientèle est nombreuse, plus l’homme est grand, plus il a le droit de s’admirer.

-Dans la plus charmante de ses nouvelles, M. de Suttner nous fait connaître un aznaour de ses amis, nommé Gudja, qui a passé six ans en Europe. À peine le sait-on de retour, on arrive de toutes parts pour le saluer, pour se prosterner devant cette merveille du monde. On ne se lasse pas de le contempler, on le dévore des yeux, on boit ses paroles, on le regarde écrire, manger et dormir. Nourrices et pères nourriciers, frères et sœurs de lait, filleuls et filleules, cousins et cousines jusqu’au quatorzième degré, personne ne s’est dérobé à son devoir. Il tient sa porte toute grande ouverte, on entre chez lui comme dans un moulin ; on va, on vient, on s’agite, on s’écrie, on tracasse, et on se fait nourrir et coucher, après quoi on cède la place à d’autres. Ils ont tous apporté leurs présens, des gâteaux de maïs, du vin, des poules, des chapons, des fromages, des porcelets qu’ils serrent tendrement dans leurs bras. Il reçoit les présens, il reçoit aussi les requêtes. Celui-ci lui demande une lettre de recommandation pour son fils qui cherche un emploi à Tiflis ; un autre, engagé dans une mauvaise affaire, le supplie de laisser tomber sur lui la manne de ses conseils. Deux plaideurs sollicitent son arbitrage, une veuve réclame son intervention auprès du gouvernement, un voisin qui a un bois à vendre le conjure de s’intéresser à son marché. Debout au milieu du cercle et drapé dans son plaid, il distribue ses réponses à droite et à gauche ; il a le ton solennel, il rend des oracles ; il est au fait de tout, il a la science universelle. Un enfant a été piqué par un scorpion, un jeune homme a les fièvres, une vieille femme a la goutte. Il ne connaît qu’un remède : c’est le sulfate de magnésie, et il soumet le district tout entier à une cure énergique de sel de Sedlitz.

Le seigneur féodal du moyen âge pensait comme l’aznaour que son honneur était représenté par le nombre des hommages qu’il recevait, mais il pensait aussi qu’un chevalier se déshonore quand il manque à sa parole. Si j’en juge par les romans de M. de Suttner, certains scrupules sont inconnus aux aznaours mingréliens. Presque tous ceux qu’il met en scène se distinguent par une subtilité rusée. Pour eux, la fraude n’est qu’un péché véniel, l’impudeur dans le mensonge est la marque d’un esprit libre. À la fois dissipateurs et grippe-sous, ils ont au plus haut degré le goût des affaires, la passion des procès véreux, qui se terminent le plus souvent par des accommodemens iniques. Leur parole ne pèse pas une once, leurs sermens ne sont que vent et fumée ; ils ne méprisent que le fripon qui se laisse prendre. « Kurdel Zuchadzé se considérait comme une forte tête, comme un homme d’une vaste intelligence, comme un corbeau blanc, comme un maître diplomate, comme le plus retors des avocats. Il avait acquis la conviction que, si jusqu’alors il n’avait pas voulu fatiguer, tourmenter son esprit, il ne laissait pas de posséder les aptitudes les plus diverses, qu’il était capable de devenir tout ce qu’il voulait, qu’il était un génie. C’est une illusion très répandue parmi ses compatriotes. »Un ingénieur français, qu’il avait dupé, disait de lui : « C’est un misérable escroc, mais un tricheur génial. » Soyez génial ! Cela fait tout passer en Mingrélie, et quelquefois aussi en Europe.

A l’égard de l’amour, qu’est-ce pour les Mingréliens ? Une fièvre brûlante, une fureur de désir, à laquelle succèdent bientôt de mortelles indifférences. Ils savent cependant aimer en vers : « Tu m’as pris le cœur, mon trésor ! Ta peau est rosée, tu es toi-même une rose. Nos lèvres ont soupiré d’amoureux sermens, et j’ai pressé tes douces mains, j’ai baisé le velours de tes joues comme la soie de ta nuque, jusqu’à ce que des rêves chatoyans aient rempli tes yeux. Viens, partons, ma bien-aimée. Allons-nous-en loin d’ici, dans les riantes campagnes d’où l’on voit scintiller le rivage de la mer aux mille couleurs. Viens, jeune fille, nous planterons là notre tente. » Ils ont la passion des plaisirs-qui grisent, des fêtes qui font du bruit, et ne sont jamais plus heureux que quand le tambourin les invite à danser des rondes, des pechuris, à l’ombre des mimosas. Ils sont musiciens et ils sont poètes : en entrant chez son voisin ou sa voisine, un simple paysan, un bitcho, décroche de la muraille une guitare à trois cordes et improvise une chanson d’amour. Mais celle qu’il a chantée hier à Khetevan, il la chantera demain à Macrine.

Fût-elle très entendue à l’élève des vers à soie, au dévidage des cocons ou dans l’art de broder sur le cuir et le velours, fût-elle une joueuse de luth consommée, sût-elle à peu près écrire et parler le géorgien, la femme n’est aux yeux des Mingréliens qu’un être inférieur. Celle qui paraît la plus propre à leur donner le plaisir, ils la convoitent, ils en ont faim et soif ; plutôt mourir que de ne pas l’avoir ! Mais si belle qu’elle soit, ils souhaitent de vivre assez pour en avoir d’autres. Ils posent en principe qu’il faut beaucoup de femmes pour en faire une. Ils ont vécu jadis sous des maîtres qui avaient des harems et pour qui la polygamie était un droit ; elle est pour eux un délicieux péché ; elle en a la grâce et la saveur.

Chardin nous parle d’un aznaour qui, quoique marié, résolut d’épouser une jeune fille dont il était fou. Il obtint sa main moyennant une grosse somme qu’il promit au père et qu’il ne savait où trouver. Cet homme ingénieux invita douze prêtres à venir dire chez lui une messe solennelle, accompagnée d’un sacrifice. Après les avoir fait boire, il leur mit les fers aux pieds et les vendit à un corsaire turc. Le prix de vente ne suffisant pas, il s’avisa de parfaire la somme en vendant par-dessus le marché sa première femme. M. de Suttner ne nous raconte aucune histoire pareille ; mais ses Mingréliens ont pour la plupart deux amours en tête. Kurdel Zuchadzé aime à la fois une princesse russe et une écuyère de cirque, et il serait très embarrassé de dire s’il aime davantage l’écuyère en tricot rose ou la princesse parfumée de fleur d’oranger.

Sanartia, le voleur de chevaux, s’est épris de Khetevan, un jour qu’il l’a vue se baigner. Quelques heures plus tard, la retrouvant au bord du ruisseau, il la prend par la taille. Elle résiste, puis lui tend ses lèvres. Il faisait très chaud ce jour-là. « O soleil, méchant soleil, c’est toi qui dérobes aux fleurs humides de rosée les vapeurs qui troublent les sens, qui font bouillonner le sang et la tête ! Soleil perfide, Khetevan s’est donnée. » Son père Data, devenu veuf, s’était remarié avec une fille de seize ans ; la belle-fille considérait sa belle-mère comme une enfant, mais cette enfant s’appelait Macrine et elle avait des yeux de chat. Le lendemain du jour où Sanartia a possédé Khetevan, il fait la cour à Macrine. Khetevan revenait d’une fête où elle avait dansé avec ce don Juan caucasien. « Elle avait pris une traverse ; au milieu d’un fourré, elle demeura tout à coup comme clouée au sol et retint son souffle : elle venait d’entendre le murmure indistinct d’une voix, dont l’accent lui parut pressant. Deux minutes après, l’air retentit d’un claquement de fouet, puis Sanartia passa devant elle comme un éclair, emportant en croupe une femme. » Il emportait Macrine dans un désert de l’Abchasie.

Chardin a rendu justice à la beauté des Mingréliennes. Il s’étonne qu’aucun autre Grec que Jason ne se soit avisé de venir chercher une femme dans cette partie du monde. « On y accourt à présent de tous les endroits de l’Orient, ajoute-t-il, et le prix qu’on en donne les peut faire passer pour de vraies toisons d’or. « Il en avait vu de merveilleusement bien faites, d’air majestueux, de visage et de taille admirables, dont le regard engageant caressait les hommes « et semblait leur demander de l’amour. » Il se plaignait seulement qu’elles fussent malpropres et ne lavassent leurs chemises que trois fois l’an. « J’approchais toujours d’elles fort épris de leur beauté ; mais la méchante odeur étouffait l’amour. » Au surplus, il les déclarait les plus méchantes femelles de la terre, fières, superbes, fourbes, cruelles, impudiques, « mettant toute perfidie en œuvre pour se faire des amans, pour les conserver et pour les perdre, » avec cela si lâches, si paresseuses que, lorsqu’elles n’avaient pas quelque noirceur à commettre, leur plus grand plaisir était de rester assises le jour entier, la tête penchée sur leurs genoux.

Encore une fois Chardin exagère, ou il faut croire que les Mingréliennes se sont amendées. M. de Suttner nous a appris que Khetevan se baignait dans les ruisseaux, et il nous la donne pour la plus dégourdie des ménagères. Il la montre sans cesse active, ayant l’œil et la main à tout. Sérieuse dans tous ses sentimens, le cœur chaud, l’âme énergique, l’humeur orageuse, l’œil farouche, cette Colchienne est de la race de Médée, mais c’est une Médée qui pardonne. Elle a juré de tuer le voleur de chevaux qui l’a trahie. Quand il se laissera prendre et que ses juges le condamneront à finir ses jours en Sibérie, elle exposera sa vie pour le sauver.

En revanche, sa jeune belle-mère, cette Macrine que tous les gens de la maison appellent la petite, ressemble beaucoup à ces paresseuses au cœur mou dont parle Chardin, et on voit l’Orient dans ses yeux de chat, dont le sommeil est trompeur. Sa plus grande joie est de ne rien faire, et quand ses yeux se réveillent, c’est qu’elle pense à mal ou à une écharpe bleue qu’elle a aperçue à la devanture d’une boutique de Zugdidi. Avoir une robe de soie rouge, brodée de fleurs jaunes et blanches, et durant des heures se balancer sur une escarpolette en grignotant des prunes vertes ou des bonbons persans, voilà, faute de mieux, le parfait bonheur. « Sanartia avait apporté des sucreries pour les enfans et une petite boîte d’alwa pour Macrine. Data était sorti, Khetevan aussi : elle avait à parler à la vieille sorcière. La petite boîte fut bien vite ouverte, et Macrine engagea le bon jeune homme à prendre place sur la balançoire. Il ne se fit pas prier, d’un bond il fut auprès d’elle, et pour qu’elle n’eût pas besoin de se tenir, il saisit les cordes de ses deux mains. Elle pouvait ainsi s’appuyer commodément sur ce bras d’homme et puiser à son gré dans la boîte. De temps à autre, elle lui mettait un peu de confiture sur les lèvres, et ils se berçaient, riant, folâtrant, le cœur en joie, pendant que la brise leur soufflait au visage les mille parfums d’un luxuriant gazon. « Ah ! si le morose et rébarbatif Data pouvait ressembler un peu à ce jeune homme ! se disait-elle. Mais quelle figure ferait Data sur une balançoire ! » Elle riait aux éclats à cette pensée. Tout à coup son rire lui resta à la gorge. Khetevan, la gênante Khetevan s’était dressée devant eux et les regardait d’un œil sombre. »

Jusqu’à la fin, Macrine ne sera qu’un enfant. Sur ce rocher d’Abchasie où Sanartia l’emmène, elle rit quelquefois et plus souvent elle pleure. Sanartia est un beau garçon ; mais adieu les bonbons persans ! adieu les écharpes bleues qu’on achète à Zugdidi ! La voilà mise comme une mendiante. Chaque soir, il part pour la maraude, elle lui reproche de la quitter, mais il faut vivre ; ses nuits de solitude lui semblent longues, la peur la tient éveillée. Elle croit voir le terrible génie Otschikotschi braquant sur elle ses yeux de braise ou accroupie derrière la porte, la reine des sorcières dont elle entend le ricanement aigu. La mauvaise saison est venue ; comme elle se promenait dans la montagne, la neige l’a surprise. Elle rentre glacée, frissonnante ; pour se réchauffer, elle entasse pêle-mêle dans l’âtre bois vert et bois mort, tout ce qui lui tombe sous la main et jusqu’aux tapis de son lit. La maison prend feu, elle meurt étouffée dans les flammes. « Un géant noir, le mauvais esprit de Tabachel avait emporté l’âme de Macrine. Telle fut la fin de ce très petit morceau du monde, dieses kleinen Stückchens Welt. »

Quelle que soit mon admiration pour Chardin, j’en veux croire M. de Suttner, et j’incline à penser que partout, sauf dans les romans naturalistes, les monstres sont rares, que la plupart des hommes sont un amalgame singulier de bien et de mal, de vices qui tiennent à des qualités et de qualités qui tiennent à des défauts. Si après avoir lu les nouvelles du voyageur autrichien, j’avais à définir les Mingréliens, je dirais que le trait dominant de leur caractère est une prodigieuse légèreté d’humeur jointe au goût du théâtral. Ce sont de grands comédiens. Tantôt redressant leur taille, fronçant le sourcil, ils affectent un air de supériorité qui tient les gens à distance ; c’est ainsi qu’ils en usent avec les Européens quand ils veulent leur faire croire que la Mingrélie est un paradis. Plus souvent, ils se livrent à de grandes démonstrations, dont personne n’est dupe ; ainsi le veulent les bienséances et le code de l’étiquette. Voyez plutôt ce bon Gudja recevant à son retour les visites de ses proches et de ses voisins : « Redevenu subitement Mingrélien dans l’âme, à chaque personne qui l’abordait, il poussait un éclatant cri de joie, se précipitait sur l’arrivant, lui sautait au cou sans savoir au juste le plus souvent où il avait pu rencontrer cet inconnu. »

Ces comédiens sont peut-être plus sincères qu’on ne le dit ; ils croient, selon les cas, qu’ils sont tristes jusqu’à en perdre l’esprit, heureux comme on l’est au sixième ciel, amoureux jusqu’au délire, furieux jusqu’à la frénésie, et ils le sont pendant qu’ils le croient. Comme tous les hommes d’imagination, ils ont au moins la sincérité momentanée. Que seront-ils demain ? Cela dépend du temps qu’il fera ou du nombre de bouteilles qu’ils auront vidées. L’aznaour Kurdel Zuchadzé avait de grands soucis ; il s’agissait d’affaires de conséquence qui pouvaient compromettre et sa fortune et son honneur. On vient lui annoncer le passage d’un vol de cygnes qui se sont abattus dans une anse du Rion. Il quitte tout, prend son fusil, monte à cheval. Quoi qu’il advienne, il a tué quatre cygnes, et tout Kutaïs le saura. Les Mingréliens se connaissent ; ils savent combien leur humeur est mobile, que leur cœur est aussi léger que l’air qu’on boit sur une cime du Caucase. Aussi se défient-ils de leurs entraînemens passagers, ils prévoient de loin leurs repentirs. À la fois étourdis et temporiseurs, ils craignent de se lier, ils fuient les engagemens : « Je montrerai du caractère, disait Gudja à M. de Suttner. — Allons donc ! le moyen d’avoir du caractère en Mingrélie ! »

Ce Gudja était un charmant homme aux cheveux bouclés, à la barbe de Christ, aux dents éclatantes, au regard étincelant, et l’histoire de ses amours est vraiment mingrélienne. A vingt ans il adorait une belle princesse qui venait de perdre son prince. Tous les jours Gudja Fallait voir ; mais ils ne parlaient jamais que des mérites et des vertus du défunt. — « Quoi ! pas un mot d’amour ? lui demandait M. de Suttner. — A quoi bon ? Avions-nous besoin de parler ? Un soir je baisai sa petite main blanche, et la veille de mon départ pour l’Europe, je sentis ses lèvres sur mon front. « Il reçut en Europe plusieurs lettres de la princesse ; il répondit à la première, ne répondit pas aux suivantes, et la Gazette de Tiflis lui apporta la nouvelle que la princesse S… s’était remariée.

A quelque temps de là, il débarquait à Poti, prenait le train pour Tiflis. Dans le compartiment où il entra se trouvait une femme en grand deuil ; c’était la princesse, déjà veuve de son second mari. Quelle fête ! On recommença à se voir tous les jours. Elle quitta Tiflis pour Elisabethpol, où elle avait un frère. Gudja y passa auprès d’elle une demi-semaine d’abord, puis une semaine entière. « Quoi ! pas un mot d’amour ? — Pas un seul. Nous parlions toujours du défunt, non du second, mais du premier. » Gudja s’était mis en route pour retourner chez lui quand, à trois verstes d’Élisabethpol, ayant passé la tête à la portière, il vit arriver une amazone lancée au triple galop. Il mit aussitôt pied à terre, courut à sa rencontre. Elle lui rapportait une clé de montre qu’il avait oubliée sur une table. Elle ne prononça pas une parole, et cependant son regard humide semblait attendre une réponse. Gudja se confondit en remercîmens, prit la clé de montre et remonta en voiture. Il ne tarda pas à apprendre qu’elle s’était mariée pour la troisième fois. Il en fut navré et furieux. Elle lui avait donné son portrait. Il le pressait sur sa bouche en s’écriant : « Ah ! chère âme, si tu savais tout le mal que tu m’as fait ! Cher trésor, cher ange et cher démon… Ah ! ces femmes ! disait-il encore, elles ont été mises au monde pour notre malheur. Elles ne sont qu’artifice et mensonge et ne savent qu’inventer pour nous torturer l’âme. Elles ont commencé dans le paradis. » Peu après, la gazette de Tiflis lui apprenait que la princesse était veuve de son troisième mari. Transporté de joie, il courut à toutes jambes lui demander sa main. Elle lui représenta que la loi ne permet pas de se marier quatre fois. Peut-être le savait-il.

Il était écrit que Gudja n’épouserait jamais la femme qu’il aimait et qu’il en épouserait une autre pour laquelle il professait une parfaite indifférence. Il avait pour sœur de lait une jolie petite fille, nommée Tassia, dont M. de Suttner a fait un alléchant croquis. Elle avait de beaux cheveux noirs, des joues fraîches, des yeux très doux, le sourire engageant dont parle Chardin, ce sourire qui demande de l’amour, et elle rougissait de plaisir quand Gudja semblait s’apercevoir qu’elle existait. — « Gudja, oublie ta princesse, cette tueuse d’hommes ; épouse Tassia, c’est là qu’est le bonheur. » Gudja renvoyait bien loin l’impertinent conseiller. Un Mingrélien épouser sa sœur de lait ! un aznaour épouser une fille de rien ! Qu’en dirait la Transcaucasie ! Qu’en penseraient l’Elbrouz et le Kasbek ! Tassia se rongeait, Tassia dépérissait. Mais si on ne meurt pas souvent d’amour en Europe, on n’en meurt jamais en Mingrélie. Un aznaour qui avait trente ans de plus qu’elle lui proposa de l’épouser ; elle y consentit, et du moment qu’elle appartint à un autre, elle parut désirable à Gudja. Comme la princesse, elle fut bientôt veuve, et le mouton sauta le fossé. « Je les ai revus à Carlsbad, nous dit M. de Suttner. Je ne me lassais pas de contempler cette charmante créature et de jaser avec elle. Elle parlait très bien le français, un séjour de deux ans à Tiflis en avait fait une dame. Et lui, le mauvais drôle, il se chauffait à ce soleil, il bourdonnait comme une mouche autour de ce flambeau, s’approchant de la flamme jusqu’à se roussir les ailes… Qu’étaient devenus ses grands airs ? Il les avait noyés dans la Mer-Noire. « Ainsi vous êtes parfaitement heureuse, Tassia ? » lui demandai-je, comme il venait de sortir. Ses yeux étincelèrent, deux fossettes se dessinèrent sur ses joues, et je vis luire ses dents entre deux lèvres plus rouges que des fraises pendant que, résumant tout son bonheur dans un mot, elle s’écriait : Djendjermi ! Le lendemain, j’étais parti, et vive Dieu ! j’avais bien fait : une heure encore, et je tombais amoureux. »

Djendjermi ! Ce juron est le fond de la langue mingrélienne. Il veut dire proprement : « Que ta peste soit sur moi ! » Mais, selon l’accent avec lequel on le prononce, il prend vingt acceptions différentes, et souvent il a plus d’un sens à la fois. Que clignant l’œil, découvrant ses gencives et se grattant la gorge, le Mingrélien s’applique à fasciner la femme qu’il aime ou qu’il commande à son domestique de lui apporter un verre d’eau, qu’il apprenne une heureuse ou une funeste nouvelle, qu’il implore une faveur ou profère une malédiction, qu’il dise des injures au portrait d’une princesse ou qu’il s’avise subitement que Tassia a de beaux yeux, Djendjermi ! s’écriera-t-il, et souvent ce sera tout son discours. Plaintes et actions de grâces, prières et menaces, étonnemens plus ou moins sincères, noirs soucis que dissipe par enchantement la vue d’un cygne s’abattant sur les bords du Rion, joies d’or et de pourpre qui se flétrissent en une heure, tristesses bientôt consolées qui fondent au premier soleil comme une neige de printemps, cette parole magique signifie tout cela et beaucoup d’autres choses encore. Djendjermi ! les Mingréliens sont des gens heureux : si leurs caprices sont des passions, leurs passions ne sont que des caprices, ils ne pèsent sur rien, rien ne leur pèse, et ils disent en un mot tout ce qu’ils ont dans le cœur.


G. VALBERT.

  1. Kinder des Kaukasus, von A. -G. von Suttner. Dresde et Leipsick, 1890 ; E. Pierson’s Verlag.
  2. Ein Aznaour, Kaukasischer Roman, von A. -G. von Suttner, 1886. — Daredjan, mingrelisches Sittenbild, 1884.