La Marquise de Gange/Chapitre VII

Jean-Jacques Pauvert (Œuvres complètes, t. XIIIp. 151-177).



CHAPITRE VII


Il est plus facile de peindre que d’exprimer la confusion de Théodore, en se voyant ainsi traité par une femme qu’il croyait que le malheur allait précipiter dans ses bras. — Quelle fierté ! dit-il à Laurent, en se plaignant à lui de la scène qu’il venait d’avoir. Que faut-il donc faire, mon ami, pour réduire cette orgueilleuse créature ? — Tout le contraire de ce que vous faites, monsieur, répondit le confident ; dès qu’elle vous reçoit ainsi, soyez bien sûr que vous ne la vaincrez plus qu’en l’imitant : elle est cruelle, soyez de même à son égard ; retirez-lui tous les agréments que vous lui avez procurés, et que chaque jour elle éprouve de vous une nouvelle privation ; qu’elle sache que ce n’est que de vous seul qu’elle doit tout attendre, que vous seul pouvez la rendre heureuse, que vous seul pouvez la réconcilier avec son mari, que vous seul enfin pouvez faire éclater son innocence. De ce moment vous verrez la soumission remplacer la fierté dans son âme de bronze, et le besoin la jeter inévitablement dans les bras qu’elle sentira bien être les seuls qui puissent encore s’ouvrir pour elle. — Ton conseil est bon, mais il est dur, mon cher Laurent. — Eh ! doit-on balancer dans le cas où vous êtes ? Quelle proportion y a-t-il entre vos désirs et ses malheurs ? Ne doit-on pas toujours préférer ce qui nous flatte à ce qui n’intéresse que les autres ? En un mot, est-ce à moi de vous donner des leçons, et ne suis-je pas votre digne élève ? — Tu as raison, mon ami, je bannis toute pitié désormais, pour ne plus écouter que mon amour ; mais il faut aller par gradation : un chagrin aujourd’hui, demain une tentative, ainsi de suite, jusqu’à ce qu’elle se rende. — Oui, voilà qui va le mieux du monde, dit Laurent ; mais si elle ne se rend pas ? — Impossible, mon ami, c’est une place forte que nous battons en brèche : les assiégés capituleront ; le pis-aller sera l’assaut. — Il vaut mieux… oui, monsieur, il vaut mieux, toutes réflexions faites, que l’on capitule ; elle le fera, soyez-en certain. — J’y compte… Envoie-moi la femme qui la sert, afin que je lui donne mes ordres.

— Rose, dit l’abbé, en voyant entrer la gardienne, fille d’environ trente ans, et attachée à la maison depuis son enfance, allez dire à votre maîtresse qu’en vertu des nouveaux ordres que je reçois à l’instant de son époux, il faut qu’elle soit remise dans le même état où elle était lorsque mes bontés vinrent à son secours ; vous enlèverez tout absolument de chez elle : le portrait, les livres, les meubles, et vous ne laisserez qu’un seul matelas sur le lit. — Mais, monsieur, dit la compatissante Rose, voilà des ordres bien rigoureux ; madame en tombera malade… À peine remise de sa dernière fièvre… Je vous assure, monsieur, que c’est la faire mourir. — Je le sais, Rose, répondit l’abbé ; mais d’impérieuses circonstances nous obligent à agir ainsi : le duel fait du bruit ; ce n’est qu’en constatant les torts de sa femme que mon frère peut excuser ce malheureux combat ; et si l’on venait ici, il faudrait bien prouver, par la rigueur où la coupable est tenue, l’influence qu’elle eut dans ce malheur : tu sens bien cela, Rose, tu as trop d’esprit pour ne pas le comprendre. — Oh ! oui, monsieur ; mais ce que les circonstances exigent ne désespère pas moins ceux que leur suite peut atteindre ; et madame est si bonne, si douce, si résignée ! — Si elle t’attendrit, je te renvoie : il ne faut considérer en elle que son crime ; et il est si grand qu’il doit éteindre dans toutes les âmes les sentiments de commisération qui pourraient en diminuer l’horreur. Ignores-tu donc, Rose, qu’elle était la maîtresse publique de ce Villefranche ? Que ce mauvais sujet ne gardait plus aucune mesure ? Qu’il la déshonorait publiquement ? Qu’en un mot, mon frère les a surpris tous deux ? Voilà ce qu’elle ne t’a pas dit, Rose, et ce que sans doute elle te cache. — Oh ! oui, monsieur, je ne savais pas tout cela… Trahir un aussi bon maître que monsieur le marquis ! cela est affreux. Mon opinion va changer pour elle, vous en êtes bien sûr. — Va donc mettre sans aucune pitié mes ordres à exécution, et tu viendras me rendre compte de l’effet qu’ils auront produit sur elle.

Il est des moments dans la vie où les plus grands scélérats réfléchissent, où le remords tonne encore dans leur cœur, et où ils reviendraient peut-être en arrière, si leurs passions ne les entraînaient : il semble en ces moments que la nature rentre dans les droits que le crime voulait lui enlever ; il ne faudrait que les déchirements de ce combat pour effrayer un homme sage ; car il n’existerait plus, ce combat, si celui qui veut être coupable n’opposait ainsi le crime à la vertu. Si la raison triomphe, l’homme est heureux ; il devient le plus à plaindre des hommes, si les passions l’emportent : le repentir vient une seconde fois se faire entendre à son cœur affligé ; il n’est plus temps, les hommes méprisent, les lois sévissent, le Dieu vengeur est là, et ce n’est plus qu’à lui-même que le méchant peut attribuer ce qu’il souffre. Mais Théodore endurci ne flotte plus ; son âme ouverte à l’infamie n’y laisse pas même entrer un rayon de vertu.

— Eh bien ! Rose, dit-il, quand cette fille descendit de la tour, mes ordres sont-ils remplis ?… Tu pleures, Rose ! J’avais cru te convaincre que cette faiblesse était déplacée. — À la bonne heure, monsieur, mais comment voulez-vous que je m’empêche de pleurer, quand je vois pleurer ma maîtresse ? — Enfin, comment a-t-elle pris ce que tu viens de faire chez elle ? — Avec une résignation angélique, monsieur ; elle voulait me faire enlever beaucoup plus de choses que vous ne m’aviez ordonné d’en prendre ; elle ne voulait pas même que je laissasse un matelas sur son lit. Ce bois me suffit, disait-elle, je n’ai besoin de rien dans le monde, dès que j’ai perdu le cœur de mon époux : c’est un cercueil qu’il me faut, ma fille, un cercueil… Et des ruisseaux de larmes ont inondé ses yeux… — A-t-elle parlé de moi ? — Non, monsieur ; je lui ai peint le regret que vous éprouviez à l’exécution de ces rigueurs ; elle m’a répondu qu’elle le croyait bien. — Et pas un mot de plainte contre moi ? — Pas un seul, monsieur. — Bon ! demain, au lieu des mets que tu lui portes, tu ne lui donneras que du pain et de l’eau. — Oh ! monsieur, je n’exécuterai jamais une telle chose. — Eh bien ! je le ferai moi, si tu t’y refuses. Il faut que tu sois toi-même un mauvais sujet, pour t’apitoyer sur le sort d’un monstre qui vient d’occasionner la fuite de son mari, la mort de son amant, le déshonneur de sa famille, et tous les malheurs qui vont peut-être résulter de ces indignes forfaits. Lui as-tu reproché ces exécrations ? — Oh ! non, monsieur, où la vertu se peint aussi bien, peut-on supposer le mal ! Hélas ! je croirais l’insulter en lui prêtant de telles horreurs ; et quand je lui parlerais d’un crime, la vertu dans ses yeux viendrait, en réclamant ses droits, la défendre et la faire triompher. — Rose ! vous n’êtes pas la femme qu’il me faut, je le vois. L’abbé Perret remplira mieux ce poste, et je vais l’en charger. Mais la bonne Rose, qui sentit tout ce que pourrait perdre la marquise à ce changement, aima mieux feindre, pour être utile à sa maîtresse ; et, se faisant répéter une seconde fois les torts dont on lui parlait, elle eut l’air de se rendre aux détails que lui peignait si méchamment Théodore, et promit en conséquence d’exécuter mot à mot tout ce qu’il lui prescrirait.

Au bout de quelques jours de ce régime, l’abbé voulut essayer une nouvelle attaque.

Il entre, et, frappé de l’abattement dans lequel il voit la marquise, un instant la pitié s’éveille ; mais un cœur corrompu comme celui-là ne lui laisse pas prendre un bien long empire. — Madame, dit-il à sa belle-sœur, je viens vous témoigner tout le chagrin que j’éprouve à l’exécution des ordres de mon frère ; mais il me paraît que le duel ne s’arrange pas, et que la nouvelle sévérité qu’il emploie a pour motif de convaincre de la très grande part que vous avez à cette affaire. — Ainsi donc, monsieur, dit froidement la marquise, vous taxez mon époux de commettre une seconde injustice pour en pallier une première. — C’est porter l’oubli de vos fautes bien loin, madame, que de les excuser par un tel propos : on est capable de tout, quand on porte aussi loin l’effronterie. — Ah ! monsieur, consentiriez-vous que la foudre écrasât celui de nous deux qui est le plus coupable ? — Non, madame ; car je serais fâché de vous voir périr sous mes yeux. — Ce subterfuge adroit vous démasque, Théodore ; il met votre âme à découvert, et certes vous n’y gagnez pas. — Pourquoi donc cette effervescence, quand d’un mot, vous pouvez tout adoucir ? — Je le dirai donc, ce mot, si vous trouvez bon que je ne le prononce qu’avec le consentement de mon mari. — À quoi servent ces astucieux détours ? dit Théodore. La demande de ce consentement s’allierait mal avec les sentiments que je vous ai peints, Euphrasie ; ces sentiments sont au-dessus de tout ce qu’il est possible de vous dire : vous adorer est ma loi la plus chère ; vous l’exprimer, mon bonheur le plus doux ; je ne respire que pour vous seule au monde ; dites un mot, et vos malheurs cessent. Renoncez à la vaine espérance de regagner le cœur de mon frère : il est trop ulcéré, vous ne le ramènerez jamais. Ne puis-je donc remplir auprès de vous tous les soins que vous pouvez attendre de lui ? Si les lois nous interdisent le bonheur en France, il est d’autres pays où nous pouvons vivre, et ma patrie sera toujours aux lieux que vous me permettrez d’habiter avec vous. Suivez-moi, Euphrasie, suivez-moi, et mon bonheur est assuré, s’il est possible que vous me croyiez capable de contribuer au vôtre. — Ainsi tout ce que vous venez d’exécuter n’est donc point par l’ordre de mon mari ? En ce cas, c’est un raffinement bien maladroit pour me faire tomber dans vos pièges. — Non, madame, non, tout le mal que j’ai fait est par ordre, le bonheur seul viendra de moi. — Eh bien ! je ne l’achèterai jamais à ce prix ; vos trames sont découvertes, monsieur : peut-être possédé-je autant de talent pour les démêler que vous mettez de finesse à les ourdir. Cet art est la ressource du faible ; il lui est accordé par la nature, pour se garantir de tout ce que le plus fort peut employer contre lui je vous ai donc deviné, monsieur ; faites d’après tout cela tout ce que vous voudrez ; mais soyez sûr que j’opposerai toujours à vos ruses et à vos efforts toute l’énergie que le ciel m’a donnée pour me défendre. — Je vous conjure, madame, reprit l’abbé, de revenir à des sentiments plus doux pour moi. Vous aimez votre mari ; eh bien ! moi seul je puis vous rétablir dans son esprit, moi seul je puis vous rendre son cœur ; et je vous perds à jamais près de lui, si vous ne payez mes soins par du retour. — Vous voulez donc, homme cruel et inconséquent, que je regagne le cœur de mon mari en faisant tout ce qu’il faut pour m’en rendre indigne ? — Ces sacrifices seront nuls pour lui, il ne les saura point, et vous me faites infiniment perdre, quand vous n’avez rien à gagner. — Si je suis assez malheureuse pour ne pas recouvrer l’estime de mon mari, j’aurai la mienne ; j’aurai cette tranquillité de conscience qui console de tout ce qui nous a fait mourir en paix ; j’aurai la vôtre, monsieur. On hait, je le sais bien, celui qui refuse la complicité d’un crime ; mais il est impossible qu’on ne l’estime pas.

Et l’abbé, furieux, sort en enfermant lui-même sa malheureuse victime.

À l’instant, Théodore changea de batterie : il fit rendre à la marquise tous les agréments qu’il lui avait fait ôter, et multiplia dans sa prison tout ce qu’il crut pouvoir lui être agréable : livres, papiers, encre, fleurs, oiseaux, tout ce qu’elle aime lui est prodigué ; on ne lui sert avec affectation que ce que l’on sait être de son goût ; et Rose, chaque matin, lui demande l’état de ce qu’elle peut désirer.

— Eh bien ! que pense-t-elle à présent de moi ? dit-il à Rose ; son aversion diminue-t-elle ? — Je ne puis vous dissimuler, monsieur, que madame paraît aussi insensible à ce que vous faites de bien pour elle qu’elle l’était quand vous ne vous plaisiez qu’à lui faire du mal. Rose, me dit-elle avec le plus grand sang-froid, les motifs qui font agir mon frère me sont si connus que je ne puis pas plus lui tenir compte de ses bons procédés que lui en vouloir pour ses mauvais traitements. Je n’attends plus d’ailleurs d’autre félicité dans le monde que celle de voir mon époux, et ce n’est point par lui que cette faveur me sera accordée… Il faut se résigner, ma bonne, et tu vois que je le suis à tout. Tu n’imagines pas, chère fille, ce que l’estime de soi-même et la religion peuvent apporter de consolation dans une âme sensible. Les injustices des autres deviennent souvent des jouissances pour nous. Avoir raison est un si grand plaisir pour l’amour-propre qu’on serait presque tenté de préférer le rôle de la victime à celui de persécuteur. Sous la livrée la plus humiliante de l’infortune, je suis beaucoup plus heureuse que l’on ne pense : rendue un jour à mon mari, comme je l’espère, il me saura gré de ne point m’être laissé abattre par le malheur.

Voilà ce que madame me dit, monsieur ; et ici Rose chercha à démêler quel pouvait être le but de l’abbé dans la conduite extraordinaire qu’il tenait avec Euphrasie. Elle en avait fait de même avec sa maîtresse ; mais tous les deux prudents, quoique par des motifs bien contraires, ne lui donnèrent aucune satisfaction ; et Rose, n’osant plus rien dire, s’en tint à l’obéissance.

— Eh bien ! madame, dit enfin Théodore, en reparaissant chez sa belle-sœur, êtes-vous un peu plus contente de moi ? — Non, mon cher frère, répondit cette intéressante femme, en souriant, non, je ne suis pas plus contente de vous, et cela, parce qu’il n’est aucun de vos procédés qui n’est le même motif, et que ce motif est trop criminel pour que je puisse être contente de ceux dont il règle la conduite.

— Quelle fausse idée vous vous faites de la vertu des femmes, ô ma chère sœur ! dit Théodore : le mariage étant un pacte qui réunit deux époux, ne peut avoir de force qu’autant qu’il plaît à l’autre des conjoints de s’y soumettre. Du moment que l’on rompt le pacte, la force divisée de ce pacte ne peut plus être la même ; dès lors, voilà un des époux fort à plaindre. Or je vous demande s’il est naturel de penser que les lois civiles et religieuses aient jamais pu avoir pour objet de cimenter un lien dont la chaîne, dans le cas supposé, rend un des deux contractants malheureux. Un pacte ne peut être que conditionnel : il n’est qu’abus et que tyrannie, s’il cesse de l’être ; et certains législateurs l’on si bien senti qu’ils ont établi le divorce. Or, si l’admission du divorce est le chef-d’œuvre de la sagesse et de la prudence dans un gouvernement, pourquoi tous ne l’admettraient-ils pas ? Et pourquoi les sujets d’un gouvernement où il n’est pas admis ne s’affranchiraient-ils pas d’un joug qui ne devient tel que par la négligence du législateur ? L’homme sage prévient la loi quand elle n’existe pas ; il la devance, et lui rend hommage comme si elle existait. Croyez, ma chère sœur, que tout ce qui s’écarte de là est absurde, nuisible à la population, puisqu’il prive l’homme et la femme de remplir ailleurs le but que leur impose la nature, et qu’il noie dans des flots de larmes une génération toujours précieuse. L’obligation, en un mot, de rester sous le joug du mariage, quand il ne nous offre plus que des épines, me paraît aussi criminelle que tous les vices qui éteignent la population, et je ne balance pas à croire digne des peines de l’enfer l’être qui a volontairement consenti à détourner des plans de la nature ce qu’elle ne nous accorde que pour la servir.

— Tout ce que vous venez de dire là, monsieur, répondit la marquise, n’est autre chose que ce qu’on appelle la logique des sens. Tant qu’une femme est unie à son époux, dès qu’elle a volontairement consenti à ces nœuds, elle doit les respecter tout le temps de l’existence de cet époux, et tout ce qu’elle peut faire d’opposé à cela la plonge inévitablement dans l’adultère. Quelques motifs de politique respectables et puissants ont pu faire rompre ces nœuds tissés par des souverains : le bonheur des sujets a nécessairement légitimé leur divorce. Le crime est nul chez le souverain, toutes les fois que le bonheur de son peuple l’exige ou le lui prescrit ; mais entre nous autres particuliers, rien n’atténue la force du mal, rien n’en impose’la loi ; de ce moment, le divorce reprend toute la physionomie du crime, que la politique lui faisait perdre. Que voulez-vous que deviennent des enfants qui n’ont plus de mère, dès que cette mère s’éloigne d’eux par son inconstance ; dès qu’en donnant le jour à d’autres, elle va nécessairement négliger les premiers ? En un mot, l’inconstance seule, et par conséquent le libertinage, motive le divorce chez l’époux qui le désire : de ce moment, voilà les effets aussi criminels que leur cause. Dès qu’une femme rompt avec son premier époux, parce que, n’étant pas contente de lui, elle veut en connaître un second, il n’y a plus de raison pour qu’elle n’en connaisse pas un troisième, un quatrième, etc., etc. Or, de ce moment, quel cas pouvez-vous faire de cette femme immorale ? La mépriser est ce qu’on lui doit ; et s’il existe un second devoir envers elle, assurément, c’est de ne point l’épouser. Le climat, l’inconstance naturelle aux hommes, ont pu faire adopter le divorce chez certaines nations, je l’accorde ; mais, toutes les fois qu’un peuple n’a pas ces mêmes motifs, il ne doit jamais se le permettre.

Examinons, si vous voulez, cette bizarrerie sous le rapport du sentiment. De quel prix peuvent être aux yeux du second mari les serments d’une femme qui n’a pas pu tenir ceux qu’elle avait faits au premier ? Et croyez-vous qu’il puisse être heureux, cet époux toujours dans la crainte ? À cette crainte succède de bien près le refroidissement : et où est le bonheur du mariage entre deux époux, dont l’un ne peut absolument ni estimer ni aimer l’autre ? Quelle différence faites-vous, en un mot, d’une épouse divorcée à une épouse infidèle ? Et si le mépris peut accompagner celle-ci, pourquoi ne sera-t-il pas la juste punition de l’autre ? Si le manque de foi d’une femme envers l’homme auquel elle jure fidélité est un crime, il l’est de même avec la frivole autorisation de la loi ; car, que le crime soit dans la loi ou dans la simple volonté de la femme, il est également crime dans l’un ou dans l’autre cas : il l’est ici, parce que la femme le veut ; dans l’autre hypothèse, il l’est de même puisqu’elle s’était autorisée d’une tolérance véritablement criminelle. Des peuples ont permis le vol : cette action, en raison de cela, cessera-t-elle d’être criminelle à vos yeux ? Non, sans doute ; c’est l’action seule qu’il faut considérer, et non pas les motifs du législateur qui la permet ou qui la défend. Mille raisons ont pu autoriser cette singularité dans lui ; aucune ne peut l’excuser dans vous. Celui qui étouffe l’organe sacré de sa conscience seulement parce que quelques raisons auront contraint le législateur à pallier ce que cette conscience lui reproche est aussi coupable que celui qui en étouffe la voix seulement parce que ses passions l’y contraignent. On ne compose point avec sa conscience ; descendez au fond de la vôtre, Théodore, et voyez si elle vous conseille l’infamie où vous voulez m’entraîner. Dans quelque situation enfin que puisse être un homme, croyez qu’il cesse d’être vertueux, dès qu’il légitime ses travers, ou par ses sophismes, ou par ses passions.

Et cette intéressante créature, en devenant ainsi l’apologiste de la vertu, semblait parée de tous ses attraits.

Mais, comme elle s’adressait à un homme dissolu, elle l’embrasait au lieu de le calmer.

— Ô créature dangereuse ! s’écria l’abbé, cesse donc d’avoir raison, quand tu veux me persuader, puisque tu ne deviens adorable alors qu’en me rendant mille fois plus malheureux.

Ici, la bonne et tendre marquise prit la main de Théodore avec affection : — Voilà comme je vous aime, mon frère, lui dit-elle : devenez maître de vos passions ; croyez que nous n’avons pas de plus grands ennemis qu’elles, quand nous ne savons pas leur imposer un frein. Comment ne rougissez-vous pas d’aimer la femme de votre frère ? et quelle opinion auriez-vous d’elle, si elle se rendait à cette coupable effervescence ? Si vous pouviez vous faire une idée des plaisirs célestes que l’on goûte à remporter un triomphe sur soi ! Peut-être est-il bien doux d’être content des autres ; mais croyez qu’il l’est cent fois davantage de l’être de soi-même : cette jouissance-là est à nous, elle nous appartient en entier ; l’autre ne tient qu’aux caprices des hommes, et vous savez le cas qu’il en faut faire. Raccommodez-moi avec mon mari, je vous en conjure, mon cher frère. Si vous saviez combien je souffre de l’idée d’être soupçonnée par lui ! Soyez donc franc vous-même une minute : vous savez bien que je suis innocente ; prouvez-lui donc cette innocence, dont j’aspire si bien à le convaincre. Croyez-vous qu’il n’y aura pas à ce grand procédé autant de délices que vous pouviez en supposer à me corrompre ? Ah ! mon ami, ne me parlez pas des jouissances du vice, quand elles donnent autant de remords.

Mais quand on aura lu le dénouement de cette déplorable histoire, quand on se sera convaincu de toute la perversité du monstre que nous sommes obligés de mettre en action, on ne sera pas surpris de le voir insensible à l’énergique candeur, à la touchante naïveté avec laquelle cette admirable femme venait de s’exprimer.

— Vous exigez de moi des choses impossibles, ma chère sœur, dit-il à la marquise, dont les beaux yeux, fixés sur lui, semblaient solliciter une meilleure réponse. — Impossibles ? dit Euphrasie. — Oui, ma sœur, impossibles. Vous êtes innocente, dites-vous, et c’est en raison de cela que naît en votre âme le désir de vous remettre bien avec mon frère. Ce raisonnement est spécieux sans doute ; mais si vous êtes coupable, ce que votre époux et moi sommes très fondés à croire, comment voulez-vous que je me charge de cette négociation ? — Et pourquoi détruisez-vous mon désir par une supposition gratuite ? — Tel est précisément le comble de fausseté que votre mari ne vous pardonnera jamais. Il aimerait mieux cent fois l’aveu de vos fautes, et la demande du pardon, que cette coupable impudence dans le crime. — On ne persuade la culpabilité que par des preuves : où sont les vôtres ? — Je les possède ; c’est à moi que Villefranche confia ses amours, sans se rendre à tout ce que je fis pour l’en détourner ; à moi qu’il prouva l’empire qu’il avait acquis sur vous. Ne revenons pas, si vous le voulez, sur l’acte passé chez Deschamps dans le cours de ce voyage, quoiqu’il ne fallût qu’une telle pièce pour vous perdre. Tenons-nous-en, je le veux bien, à l’aventure de Villefranche : que signifie son retour ici, cette promenade au labyrinthe, ce rendez-vous donné là, et dont la preuve existe dans un billet signé de vous, et trouvé dans la poche du mort ? — Pouvez-vous me faire voir ce billet ? dit Euphrasie avec fermeté. Tout ce que je vous demande à présent se borne à cela : montrez-moi ce billet. — Votre mari s’est emparé de cette pièce, comme de celle du souterrain : ce sont, dit-il, des preuves pour la séparation qu’il se propose ; elles ne paraîtront que devant vos juges. Je vous aurais caché cela toute ma vie ; j’en aurais même paralysé les effets, si vous eussiez voulu favoriser ma flamme. Vos rigueurs légitiment les miennes, et je n’écoute plus que les intérêts de mon frère.

— Bonté du ciel ! s’écria la marquise, en versant un torrent de larmes, quel besoin j’ai de t’implorer, quand on me précipite avec tant de sang-froid dans les derniers excès de l’infortune !

Ses pleurs s’arrêtent ; la violence de son état les tarit dans des yeux égarés par le plus effrayant délire ; les muscles de ce beau visage n’y laissent plus régner, au lieu des grâces, que les contorsions du désespoir ; ses membres s’allongent et se contournent en mille sens divers : ses cris aigus retentissent dans sa prison ; elle en frappe les murs de sa tête ; son sang coule ; il inonde le scélérat qui le fait répandre, et qui, bientôt irrité comme le tigre par la seule vue de ce sang précieux, le fera couler sans doute d’une bien plus exécrable manière.

— Voilà ce qu’il vous restait à faire, dit Perret à Théodore, quand il apprend cette scène affreuse, le succès dépend presque toujours de la force avec laquelle on frappe les derniers coups ; vous l’avez écrasée de calomnies, il faut qu’elle se rende, ou qu’elle en meure de chagrin. Laissez-la seule ainsi quelque temps, abandonnée de toute la terre, livrée à ses réflexions… Assurément vous devez retirer quelque chose de cette affluence de maux.

Cette odieuse conversation finissait à peine, qu’un grand bruit se fit entendre dans la cour du château. On vient avertir l’abbé que madame de Châteaublanc et son petit-fils arrivent.

Théodore se précipite au-devant d’eux. — Madame, dit-il à la mère d’Euphrasie, en lui présentant la main, je crois qu’il est extrêmement essentiel que vous ne laissiez séjourner au château, ni vos gens, ni votre voiture. — C’est mon intention, dit madame de Châteaublanc : mon gendre m’a prévenue de tout, et à l’instant l’ordre est donné à l’équipage de se rafraîchir seulement dans la ville, et de retourner de suite à Avignon. Vous allez me conduire à ma fille, n’est-ce pas, monsieur, dit ensuite madame de Châteaublanc ? je brûle de la voir. — Trouvez bon, madame, répond l’abbé de Gange, que je commence par vous établir dans l’appartement qui vous est destiné ; ce premier soin m’a été vivement recommandé par mon frère, et je vous en dévoilerai les motifs aussitôt que vous y serez rendue. — Ma fille viendra donc m’y trouver ? — Je l’imagine, madame. Et tout en parlant on avançait, précédé de Laurent, vers une pièce écartée de celles qui s’habitaient ordinairement au château, et préparée comme une prison, avec la différence néanmoins de la beauté des meubles, et de l’agréable distribution intérieure du local.

— Voilà une fort belle chambre, dit madame de Châteaublanc ; mais que signifient ces barreaux, ces verrous ? — Ils sont ordonnés par mon frère, madame, dit Théodore, et ce sont les motifs de ces ordres que je vais avoir l’honneur de vous expliquer, aussitôt que vous aurez eu la bonté de vous asseoir. Et pendant que Perret amusait l’enfant, en lui faisant observer les agréments du local, voici ce que l’abbé dit à la mère de sa belle-sœur :

— Il est inutile de vous dissimuler, madame, à quel degré votre fille est coupable dans cette cruelle aventure ; et malheureusement nous sommes munis de toutes les pièces qui constatent ses crimes. Ces premières raisons sont cause de la détention dans laquelle son époux la tient ici, et de l’impossibilité où vous serez de la voir, jusqu’à ce que tout soit pacifié : le moindre éclat pourrait nous perdre tous ; et connaissant votre tendre amitié pour Euphrasie, on vous a crainte, madame ; vous auriez publié qu’elle était innocente, et plus cet esclandre eût été violent de votre part, plus vous nous contraigniez à paralyser ses effets par l’authentique publicité de la culpabilité de votre fille. Il résulte de là mille inconvénients funestes pour votre gendre. Il a donc préféré de vous soustraire, et sentant bien qu’il ne le pouvait pas sans vous imposer des chaînes, il vous a préparé celles que vous voyez, adoucies néanmoins, comme vous pouvez en juger, par tout ce qu’il a cru décent et convenable. Voilà votre appartement, madame, vous y serez servie de la manière dont vous l’ordonnerez vous-même, mais constamment renfermée avec votre petit-fils, et totalement privée de voir votre fille, dont le sort est égal au vôtre. Du moment où vous êtes partie, le marquis, pour donner le change, a fait courir le bruit dans Avignon d’un voyage de vous à Paris, à dessein d’obtenir du cardinal de Mazarin la grâce du duel dont mon malheureux frère s’est rendu coupable, en raison des torts de votre fille. Le parti qu’il prend lui coûte sans doute, mais vous en concevez la nécessité. — Oui, monsieur, répondit madame de Châteaublanc, je puis la sentir ; mais l’importance d’une chose s’accorde quelquefois avec les procédés, avec la décence, et vous conviendrez qu’on néglige singulièrement aujourd’hui ces devoirs envers moi. Mon gendre, pour agir comme il le fait, a sans doute d’autres motifs que ceux dont vous me parlez ; car, sans cela, ce que vous m’alléguez serait bien faible. Je ne vous cache pas même que ces procédés sont capables de me faire croire beaucoup plus à l’innocence de ma fille qu’aux crimes qu’on lui suppose ; et ce refus de me la faire voir est assurément ce qui prête encore bien plus de force à mes soupçons. N’importe, je ne dois me plaindre que de ma faiblesse : elle seule est cause de ma chute dans un piège aussi grossier ; et d’après cela, faites tout ce que vous voudrez, monsieur, je ne me plaindrai de rien que quand il en sera temps. Et mes devoirs, monsieur, comment les remplirai-je ? — Voilà monsieur l’abbé Perret, vicaire de la paroisse, madame, répondit Théodore, qui, dans l’absence du père Eusèbe, aumônier du château, vient célébrer ici le saint sacrifice tous les jours où l’Église en prescrit l’obligation aux fidèles. — Y verrai-je ma fille ? — Non, madame. — Elle ne va donc point à la messe ? — Elle prie dans sa chambre ; et quelque pieuse qu’elle soit, elle ne s’est point encore plainte de la rigueur que nous nous trouvons forcés d’observer envers elle. — Ainsi donc, les fautes que vous lui supposez, faussement peut-être, lui font commettre très réellement celles de manquer aux devoirs que sa religion lui impose. — On prie Dieu partout, madame, et ce pays, vous le savez, est rempli d’honnêtes gens qui l’invoquent au milieu des déserts, sansse soumettre à nos usages. — Ce n’est pas, ce me semble, avec l’habit que vous portez qu’on devrait dire de telles choses. — Cet habit, purement d’usage aux cadets de nos maisons, ne m’engage à rien, madame ; aucun nœud ne m’attache à l’Église. — Soit, mais revenons, je vous prie, à l’objet essentiel que nous traitions auparavant. Mon gendre et vous, monsieur, êtes donc tous deux bien convaincus que ma fille est coupable ? — Personne assurément n’en peut mieux répondre que nous. Son intrigue avec Villefranche durait depuis le fatal voyage de Beaucaire : lorsque ce jeune étourdi l’en ramène, un chef de brigands les arrête ; Villefranche est séparé d’elle, et votre fille, conduite dans le repaire de ce voleur, devient aussi coupable avec lui qu’elle vient de l’être avec son amant. Cette complicité de désordres arrive enfin à la connaissance de notre parent, monseigneur l’évêque de Montpellier ; il fait arrêter votre fille, et ne la rend enfin qu’à la considération qu’il veut bien avoir pour mon frère. Euphrasie revient enfin au château ; son séducteur ne tarde pas à s’y remontrer ; leur liaison recommence… Vous savez le reste, madame. — Mais, pour oser sur ma fille une vengeance semblable à celle qu’exerce son mari, ne faudrait-il pas, monsieur, être aussi sûr du crime dont on l’accuse qu’on l’est de sa propre existence ? — J’en conviens, madame ; mais, quand à ce qu’on a vu se réunissent des preuves écrites, et de la force de celles que nous possédons, je crois, madame, que le doute devient impossible. — Mais ces preuves écrites, vous pouvez sûrement les montrer ? — Les copies seules sont en mon pouvoir, les originaux sont dans les mains de mon frère. — Veuillez du moins me montrer ces copies. Et à l’instant l’abbé sortit de sa poche un billet contenant ces mots :

« Demain, veille des Morts, j’irai, suivant mon usage, prier au mausolée du parc ; trouves-y-toi, mon cher comte, et tu deviendras le dieu que j’adorerai, n’en ayant aucun qui me soit plus sacré que toi. Évite les regards du marquis et de l’abbé ; ils ont des yeux de lynx. Je t’embrasse comme je t’aime : c’est, je crois, te donner une suffisante idée de l’ardeur de ce baiser brûlant de tous les feux du plus violent amour. »

Après la lecture de ce billet, l’abbé lut l’acte fait et signé dans le souterrain de Deschamps.

Madame de Châteaublanc n’eut pas plutôt acquis la connaissance de ces pièces qu’elle éprouva un moment de stupéfaction, dont elle eut peine à revenir.

Se remettant néanmoins peu après : — Ces écrits-là, monsieur, dit-elle avec fermeté, peuvent bien, je crois, passer, sous tous les rapports, pour de vrais monuments d’horreur et d’iniquité ; car, ou ils sont de ma fille, et, dans cette hypothèse, ils ne sauraient être plus affreux ; ou ils sont controuvés, et, dans cette seconde supposition, croyez-vous que la main de Lucifer puisse tracer rien de plus épouvantable ? — La vérité, ce me semble, répondit Théodore, paraît ici plus que le mensonge ; il est des choses si horribles qu’on ne saurait les inventer. — Oui, mais il en est de si effrayantes qu’il est bien difficile de les croire. Que de preuves en faveur de ma fille, monsieur, viennent atténuer les vôtres ! Son attachement sans bornes pour monsieur de Gange, qu’elle a préféré à toute la cour ; sa conduite irréprochable sous tous les points ; sa religion si ofl’ensée dans les phrases impies du prétendu billet écrit à Villefranche ; cette vérité, cette candeur, qui la caractérisent, tout, monsieur, tout la disculpe des horreurs qu’on lui prête, et j’aime mieux croire à la calomnie qu’à l’adultère.

« Quoi qu’il en soit, monsieur, ajouta madame de Châteaublanc, en interrompant une conversation dans laquelle il fallait absolument reconnaître un coupable, ou bien cher, ou bien dangereux ; oui, monsieur, quoi qu’il en puisse être, j’ai besoin d’un peu de repos, et je vous prie de vous retirer. Exécutez ce qui vous est prescrit, je m’y conforme, puisque je suis la plus faible ; mais le ciel, qui ne laisse rien d’impuni sur la terre, vengera la vertu tôt ou tard des outrages dont le crime cherche à l’écraser. L’abbé fait appeler Rose. — Voilà, lui dit-il, mon : enfant, une Iîouvelle pensionnaire que mon frère nous envoie, vous aurez pour elle les mêmes égards que vous avez pour votre maîtresse ; vous la servirez, elle et son petit-fils, dans cette chambre, où vous aurez soin de l’enfermer toutes les fois que vous quitterez l’appartement. Pour vous, monsieur l’abbé Perret, vous serez aux ordres de madame, tant qu’elle se croira vos soins nécessaires. Si madame vous juge propre à faire l’éducation de son fils, vous la ferez, et vous, madame, dit Théodore, en se retirant avec le vicaire, j’aurai l’honneur de vous faire ma cour, quand il vous plaira de vouloir bien m’en accorder la permission.

On sort, et Rose bien catéchisée, demeure avec la mère d’Euphrasie. — Encore deux ou trois pensionnaires semblables, dit l’abbé à son cher Perret, et notre maison ne ressemblera pas mal à un château fort. On dit que Mazarin en fait construire ; j’ai envie de lui offrir celui-ci. — Vous êtes heureux monsieur l’abbé, dit Perret, de plaisanter ainsi dans toutes les situations de la vie, et même les plus épineuses. — Épineuses ? en quoi donc ? — Mais il me semble que cette femme ne se rend pas très aisément aux pièces probantes que nous lui présentons. — Qu’importe P nous la tenons ; c’est tout ce qu’il faut. À Avignon, on la croit à Paris, et je te réponds qu’à Paris, on ne la supposera jamais à Gange. — Mais, dit Perret, Vous ne m’aviez jamais parlé de ce billet écrit à Villefranche : dans quel atelier de l’enfer fut-il donc forgé ? — Dans le mien, répondit Théodore ; le marquis même n’en a pas encore connaissance. Je l’ai composé, et j’ai trouvé à Nîmes un adroit faussaire à qui je n’ai eu besoin que de présenter une ligne de l’écriture de ma sœur, pour qu’il la contrefît en un instant. — Vous n’avez donc montré que la copie ? — L’original ne sortira de mon portefeuille qu’au besoin. Mais laissons cela. L’important, aujourd’hui, est de s’opposer à toute communication entre ces deux femmes : ne cesse d’en faire sentir la conséquence à Rose. Toi, veille spécialement sur la mère ; fais-lui de saintes lectures ; et moi, je me charge de tout ce qui concerne Euphrasie.