La Maquerelle de Londres/Le Débauché converti

La Maquerelle de Londres bandeau de début de chapitre
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LE DÉBAUCHÉ CONVERTI,

Par Mr. Robbé de Beauveſet.

Puissant Médiateur entre nous & la femme,
Qui du plaiſir ſecret nous ourdiſſez la trame,
Des feux de Prométhée ardent diſpenſateur,
Et de la gent humaine éternel Créateur ;
Portaſſiez-vous encore un plus ſuperbe tître
Du bonheur de mes jours vous n’êtes plus l’arbître :
Ce plaiſir violent, dont je fus enchanté,
D’un tourment de ſix mois eſt trop cher acheté.
Qu’un autre que moi coure après ce vain fantôme,
J’en connois le néant, grace à Monſieur ſaint Côme ;
Et ſes ſacrés rechaux ſont l’utile creuſet
Où l’or faux du plaiſir m’a paru tel qu’il eſt.
J’ai ruminé ces maux que ſur ſon lit endure
Un pauvre putacier tout frotté de mercure ;
Des conduits ſaliviers, quand les pores ouverts

Du virus repouſſé filtrent les globes verts ;
Quand ſa langue nageant dans le flots de ſalive,
Semble un canal impur qui coule une leſcive.
Ah ! que ſur ſon grabat ſe voyant enchaîné,
Un Ribaud voudroit bien n’avoir pas dégaîné ;
Qu’il déteſte l’inſtant où ſa pompe aſpirante
Tira le ſuc mortel de ſa cruelle amante.
L’œil cave, le front ceint du fatal chapelet,
Le teint pâle & plombé, le viſage défait,
Les membres décharnés, une jouë allongée,
Sa planette atteignant ſon plus bas périgée ;
Alors avec David il prononce ces mots :
La vérole, mon Dieu, m’a criblé juſqu’aux os.
Car par malum, David entend l’humeur impure
Qu’il prit d’Abigaïl, comme je conjecture,
D’autant que cette femme, épouſe de Nabal,
De ſon mari pouvoit avoir gagné ce mal.
Ce Nabal, en effet, eſt peint au ſaint Volume
Tel qu’un compagnon propre au poil comme à la plume ;
Et qui, quand il trouvoit fille de bonne humeur,
De ſes bubons enflés mépriſant la tumeur,
Lui faiſoit ſur le dos faire la caracole,

Eût-il été certain de gagner la vérole.
Auſſi je ſuis ſurpris que David ce grand clerc,
Au ſait d’Abigaïl, ait pû voir ſi peu clair ;
Certes beſoin n’étoit d’être ſi grand Prophéte
Ni d’avoir ſur ſon nez la divine lunette,
pour voir que de Nabal tout le ſang corrompu,
Ayant poivré le flanc qui s’en étoit repu,
C’étoit néceſſité que ſon hardi Priape
Eût la dent agacée en mordant à la grape.
Mais, quoi ! vit-on jamais raiſonner un paillard ?
Il prit, les yeux fermés, ce petit mal gaillard,
Dont quelque-tems après ſa flamberge en furie
Enticha le vagin de la femme d’Urie.
De mes ébats auſſi j’ai tiré l’uſufruit ;
Mais grace au vif argent, mon virus eſt détruit ;
Mon ſang purifié coule libre en mes veines,
Et deux globes malins ne gonflent plus mes aînes ;
Du trône du plaiſir les parois reſſerrés,
Ne laiſſent plus couler mille ſucs égarés ;
Et ce moine vélu que le prépuce en froque,
De trois rubis rongeurs voit dérougir ſa toque.

Triſte & funeſte coup ! pouvois-je le prévoir,
Qu’une fille ſi jeune eût pû me décevoir ?
Deux luſtres & demi, qu’un an à peine augmente,
Voyoient bondir les monts de ſa gorge naiſſante ;
Un cuir blanc & poli, mais élaſtique & dur,
Tapiſſoit le contour de ſon jeune fémur ;
A peine un noir duvet de ſa mouſſe légére,
Couvroit l’antre ſacré que tout mortel révére ;
Les couleurs de l’aurore éclatoient ſur ſon tein,
Elle auroit fait hennir le vieux Moufti Latin ;
Un front, dont la douceur à la fierté s’allie,
La firent à mes yeux plus vierge qu’Eulalie ;
Auſſi combien d’aſſauts fallut-il ſoûtenir,
Avant que d’en pouvoir à mon honneur venir ?
A mon honneur ! je faux, diſons mieux, à ma honte :
Après deux mois d’égards, de ſoupirs, je la monte.
Dieu ! quelle volupté, quand ſur elle étendu
Je preſſurois le jus de ce fruit défendu !

Sa gaîne aſſez profonde, en revenche peu large,
Entre elle & mon acier ne laiſſoit point de marge ;
Le piſton à la main, trois fois mon Jean choüard
Dans ſes canaux ouverts ſeringua ſon nectar,
Et trois fois la pucelle avec reconnoiſſance
Voitura dans mon ſang ſa vérolique eſſence.
Mais, quoi ! ma paſſion s’enflamme à ce récit ;
De mes tendons moteurs le tiſſu s’étrécit ;
Mes eſprits dans mes nerfs précipitent leur courſe,
Et de la volupté courent ouvrir la ſource.
Quoi donc ! irois-je en proie à de vils inteſtins
De mes os ébranlés empirer les deſtins ?
Irois-je ſur ces mers fameuſes en naufrages,
Nautonnier imprudent affronter les orages ?
Moi, qui, comme Jonas qu’un ſerpent engloutit,
Ai ſervi de pâture à l’avide Petit.
Non, de la chaſteté j’atteins enfin la cime,
Là je rirai de voir cette pâle victime,
Que la fourbe Vénus place ſur ſes autels,
Traîner les os rongés de ſes poiſons mortels.

Que le Ciel, ſi jamais je vogue ſur ce goufre,
Faſſe pleuvoir ſur moi le bitume & le ſoufre ;
Que l’infamant raſoir qui tondit Abaillard,
Me faſſe de l’Eunuque arborer l’étendart,
Si jamais enivré, fût-ce d’une pucelle,
Mon frocard étourdi ſaute dans ſa nacelle.
Tout viſage de femme à bon droit m’eſt ſuſpect ;
Quiconque a ſalivé, doit fuir à ſon aſpect.
Oui ! m’offrit-on le choix des onze mille Vierges,
Jamais leurs feux ſacrés n’allumeroient mes cierges :
Le jaloux Ottoman m’ouvrit-il ſon ſérail,
Quand j’y verrois à nud l’albâtre & le corail
Briller ſur ces beaux corps qu’embellit la nature,
Mon Priape ſeroit un Priape en peinture.
Je dis plus ; quand le Ciel exprès de mon côté
Tireroit la plus rare plus ſaine beauté,
Dieu ſait ſi la chaleur de cette nouvelle Eve
Dans mon muſcle alongé feroit monter la ſéve.
Beau ſexe, c’en eſt fait, vos ébats ſéducteurs
Ne me porteront plus vos eſprits deſtructeurs ;
Je fuirai déſormais votre eſpéce gentille,

Ainſi qu’au bord du Nil on fuit le Crocodile ;
Il eſt tems de penſer à faire mon ſalut ;
L’ame ſe porte mal quand le corps eſt en rut.
Lorſque l’affreuſe mort au ſec & froid ſquelette
M’aura devant le Juge aſſis ſur la ſélette,
Cent mille coups de cul ne me ſauveront pas
Du foudroyant arrêt de l’éternel trépas :
C’eſt vous qui le premier avez fait tomber l’homme,
Par l’attrait ſéducteur de la fatale pomme ;
Mais vos culs dans l’abîme en ont plus deſcendus
Que ne feroient jamais tous les fruits défendus.
Ç’eſt avec vos filets que Satan nous attrape,
C’eſt vous qui nous pouſſez ſur l’infernale trape ;
Vous ſéduiriez, morbleu, je crois, tous les Elüs.
Adieu, beau ſexe, adieu, vous ne me tenez plus.