La Maison dans l’œil du chat (Crès, 1917)/Le petit escalier de Saint-Cloud

Georges Crès (p. 165-172).




XXIV

LE PETIT ESCALIER DE SAINT-CLOUD


LE PETIT ESCALIER DE SAINT-CLOUD



C’était un petit escalier, tout petit.

Il n’avait que trois ou quatre marches, mais ces trois ou quatre marches en valaient bien des quarantaines d’autres par leur beauté…

Elles étaient recouvertes de mousse, mais surtout de monceaux de feuilles mortes tout en or.

Il était bien content, le petit escalier et il n’en demandait pas plus pour être heureux et de bonne humeur… Et depuis des années, il savourait cette joie si simple et si pure d’être recouvert de feuilles mortes et d’admirer la nature.

Car il l’admirait : il trouvait splendide le trou fait dans le feuillage par lequel il pouvait contempler un morceau de ciel bleu.

Il adorait sa grande sœur, la statue, qui se reflétait dans l’eau glauque du bassin, et les beaux troncs des arbres entourés de lierre rouge.


Quand les gens venaient visiter ce coin isolé du parc de Saint-Cloud et que, par hasard, ils disaient : « Ah ! le joli petit escalier, montons ces vieilles marches de pierre », il ressentait une joie énorme, mais pas d’orgueil ; aussi sa joie était-elle très pure et lui était-il très heureux.


C’est une toute petite histoire que celle de ce petit escalier.

Mais c’est celle de tous les gens modestes, qui savent être heureux par eux-mêmes et la beauté du ciel qu’ils voient.