La Maîtresse du prince Jean (Willy)/04
IV
PRÉPARATIFS GALANTS
— Vous êtes couché, monsieur Maurice ?
— Mon Dieu, oui, madame Péruwels. Quelle heure est-il ?
Au nom de Mme Péruwels répond une petite femme ridée, jaune, à corsage vert et à lunettes. Belge — comme presque tous les écrivains français — et, partant, littéraire, elle lit Richebourg, parce que dans Richebourg il y a du sentiment. Elle lit Zola, parce que dans Zola elle trouve des cochonneries. Tenancière, en outre, de l’hôtel de Fontenoy, c’est elle qui, le matin, monte les lettres — par hygiène, son médecin lui ayant recommandé de prendre de l’exercice.
— Il est dix minutes avant huit heures. Il y a quelque chose pour vous : je vais vous le passer sous la porte.
— Vous êtes bien bonne, madame Péruwels, merci.
Après avoir mâchouillé ces mots avec une courtoisie somnolente, Lauban colle ses poings sur ses yeux gonflés, puis s’étire, puis envoie, d’une ruade, son édredon faire le gros dos au milieu de la vaste chambre. Enfin, il se décide à sauter à bas de son lit.
— Qu’est-ce que la Péruwels a bien pu passer sous la porte ?
Vite, le regard baissé, le poète a aperçu une enveloppe lilas. Il la cueille, la palpe, puis, d’un geste mystique et falot, l’élève jusqu’à son nez. Avec une sensualité curieuse, il aspire, il renifle. Oh ! l’odeur suave ! En un pressentiment il balbutie :
— C’est de Mlle Gir…
Instinctivement, il cherche, d’une main hâtive, à rétablir la correcte harmonie de sa coiffure.
C’est de Mlle Gi… Écriture inclinée, base des lettres en courbes mitigées d’angles, barre des t vives et longues, terminées par un harpon.
Oh ! l’odeur suave.
« Harpon : pêche à la morue ! » eût gouaillé Maugis. Mais cette irrespectueuse association d’idées n’effleure même pas l’esprit de Lauban ; vous comprenez… « C’est de Mlle Gi… Il est épatant, son hôtel ! Le prince Jean fait royalement les choses : il a ça dans le sang, cet homme ! Et moi, je le ferai cocu, peut-être !… »
Il sent son cœur tictacquer, et il lit, avec une voix d’horloge, ces douze lignes tracées d’une encre couleur violet-jolie-veuve-élégante-et-consolable :
« Venez, bel amoureux, me prendre À l’Odéon, un de ces soirs, vers onze heures. Nous irons où vous voudrez.
« Déjà votre
Oui, douze lignes. Pas davantage (si la reproduction typographique les a réduites à neuf, je n’y puis rien.) Une douzaine comme des petits pâtés ou des ostendes. Ça suffit. Le précité bel amoureux tire la langue, se pourlèche de convoitise et d’orgueilleuse joie.
Sur ces entrefaites (lesquelles, bon Dieu ?), un léger bruit flou de pieds chaussonnés dénonce Mme Péruwels, qui redescend, sa distribution de lettres terminée. Elle n’a fichtre pas été longue… Elle a donc trouvé partout porte close ? Soudain, elle s’arrête, souffle un peu et gratte érotiquement la serrure.
— Vous êtes levé, monsieur Lauban ?
— Oui… c’est-à-dire non. Pas encore.
— Et, pour une fois, vous n’avez besoin de rien ?
— De rien ! proclame le poète avec un austère froncement de sourcils.
Il sait que la petite logeuse ridée et jaune grille d’entrer dans sa chambre, de poser ses lunettes sur la table de nuit (c’est d’abord ses yeux qu’elle dénude) et de dévoiler comme par hasard, le truculent pantalon de flanelle rouge qu’elle porte du 15 octobre au 20 mars, jour du marronnier. Chaleureuse Belge ! Elle a besoin de cet exercice-là, le matin ; selon son expression cyniquement ingénue, ça la débarbouille. Et elle a beau dire : « Pour une fois », voilà plusieurs fois déjà que Lauban a vu… (disons « vu ») le coup des lunettes et du pantalon coquelicot. Vision à la fois ridicule et… militaire… en quelque sorte. Mais c’est fini ces visions-là.
— Comment ! Moi, moi, l’amant de cœur de la maîtresse du prince Jean, j’irais… Ah ! bien ! elle ne possède aucune trouille, cette Mme Péruwels ! Et, s’approchant de la porte derrière laquelle la concupiscente logeuse ose attendre, espérer encore :
— Enfin, sacrebleu ! fait le poète, vous devriez comprendre que j’ai des raisons pour ne pas ouvrir !
En vain, Mme Péruwels courbant les épaules, se demande pendant trois fois trois secondes quelles peuvent être ces raisons. Son cœur, — risquons cet euphémisme, — son cœur ne les comprend pas. Son cœur ne les comprendra jamais. Pourtant, sans s’obstiner davantage, elle consolide ses lunettes, un instant défaillantes, et achève de redescendre l’escalier. La seule chose qu’elle comprenne, c’est qu’elle ne se « débarbouillera » pas ce matin, et, conséquemment, elle pense qu’il y a de sales jours dans la vie.
De son côté, Lauban roule en son encéphale de poète des pensées
Et ! pour une fois vous n’avez besoin de rien.
noirâtres.
Sombrement, il songe que si Mme Péruwels vêt un pantalon rouge et Maugis un caleçon de soie bleu pâle, il se doit contenter, lui, de dessous troués.
Naguère il n’attachait pas beaucoup d’intérêt à ces contingences.
Les dames, les demoiselles, jusqu’à cette heure favorisées de ses transports, ne nécessitaient sans doute pas une ostentation de beau linge ; et, d’ailleurs, pour leur concéder les suprêmes extases, il se contentait, la plupart du temps, d’ôter son chapeau.
Maintenant…
— Faut changer ça.
Très résolu, un peu inquiet, il vide l’armoire à glace, la commode, et, dans une attitude grave de commissaire-priseur, il examine, il inventorie, il évalue ses insuffisantes nippes.
— Faut changer ça ! Faut changer tout !
Il s’assied devant sa table, superpose des chiffres, les additionne et s’épouvante du total. Cependant, après un instant de méditation, il se rassure. Il se rappelle que Gabrielle-aux-lourds-cheveux-d’acajou-sombre lui révéla que Smiley avait reçu de l’argent. Il songe :
— Jimmy a de l’humanité. Il ne me refrisera pas cette somme.
Plein d’espoir et de promptitude, il s’habille. Prudent, il s’arme de sa canne, et en avant ! Vers dix heures, il sonne crâment chez Jim Smiley.
Bien entendu, c’est la grosse maman Grenier qui lui ouvre la porte. Or, se rappelant que Smiley l’ « agonisa », l’autre matin, de sottises pour ce qu’elle avait toléré que Lauban le réveillât, elle refuse de laisser entrer l’espoir de la Poésie française. L’espoir insiste. Ensuite, il se fâche. La forte femme se fâche aussi. L’un menace de sa canne, l’autre de son balai. Ils font un tel vacarme que Smiley accourt, uniquement voilé de sa chemise : costume convenable pour un parricide, mais insuffisant pour qui veut rendre la justice. C’est pourquoi, avec une touchante iniquité, cet homme aux jambes nues désapprouve hautement le zèle de Mme Grenier et, prenant Lauban par la main, l’introduit dans la chambre à coucher.
— Tu permets ?
Ce disant, Smiley se recouche auprès de Gabrielle qui, les mains maternellement posées sur ses jeunes seins, mignards et introuvables, ronflotte, toute gentille. Le poète, resté debout, tortille sa moustache, met sa canne sous son bras, puis la jette
Refuse de laisser entrer l’espoir de la poésie française.
sur l’édredon.
L’édredon rose et la canne noire s’harmonisent assez heureusement dans les pâles rais de lumière que laissent filtrer les rideaux.
Smiley baille :
— Quelle heure ?
— Dix heures dix… dix heures et quart.
Et s’installe sur le jupon, les bas, les jarretelles.
Petit silence.
— Tu ne t’assieds pas ?
— Volontiers.
Naturellement, des trois ou quatre chaises dont s’honore la chambre à coucher de Smiley, Lauban choisit la plus encombrée et s’installe sur le jupon, les bas, les jarretelles, le corset rose de Gabrielle-aux-lourds-cheveux. (Un silence.) Tout à coup, il se passe l’index sous le nez et se décide à placer son affectueux boniment :
— Au moins, vieux, tu ne me gardes pas rancune ?
Smiley, candide :
— Et de quoi, cher ami ?
— L’autre matin, je t’ai peut-être semblé un peu drôle. J’étais nerveux, agacé, tu l’as deviné ?
— Tout seul, dit Smiley avec un geste indulgent. Mais…
— Ah ! mon Dieu ! Gabrielle est froissée ?
— Non. Son jupon seulement.
Navré, Lauban se dresse. Maladroit, il tapote le jupon. Brusque, il l’étire. Évidemment, il va le mettre en pièces. Smiley demande avec une fraternelle douceur :
— En as-tu encore pour longtemps à manipuler le linge intime de la petite ?
Lauban s’excuse des yeux, pirouette et vient se camper énergiquement devant Smiley, tout près de la table de nuit :
— Mon vieux Jimmy, c’est pas tout ça. Il va falloir que tu me rendes un service.
— Tu as un autre duel ?
— Blague pas !
Il baisse la tête, la relève, regarde Smiley droit dans le blanc des yeux et lance :
— C’est pour des pépettes.
Smiley, très chic, semble trouver cet aveu souverainement naturel :
— Combien veux-tu ?
— Ah ! brave cœur, se réjouit Lauban, les mains jointes. Tu as de l’humanité. J’étais sûr que tu ne refuserais pas…
— Certainement non. Je suis même très heureux que tu m’aies donné la préférence.
Et souriant, Smiley répète :
— Combien veux-tu ?
— Je pense que cinq ou six cents francs me suffiraient.
Il mentionne cette somme d’un ton si calme que Smiley croit devoir, lui aussi, parler avec tranquillité :
— Vingt-cinq ou trente louis, bon ami. Rien que ça ? Une misère. Je te serais seulement obligé si tu voulais bien me dire où je les prendrai.
— Allons ! Jimmy, tu as reçu de l’argent !
— C’est vrai. J’en ai reçu un peu. Mais j’en ai dépensé beaucoup. Il me reste quatre cents balles.
— Rien que quatre cents balles ?… Comme c’est contrariant !… Enfin, si tu n’as que ça, tu ne peux pas me donner davantage. Qu’est-ce que tu veux, mon pauvre Jim, je tâcherai de me débrouiller avec quatre cents balles.
Et, déjà, il tend la dextre en un geste résigné :
— Voyons, fait doucement Smiley, tu ne te figures pas que je couche avec mes quatre cents balles ?
— Non, c’est vrai…
— En outre, tu ne te figures pas que je vais, sans une préalable enquête, me plonger dans la misère, et du même coup y plonger cette tant douce Gabrielle qui ronfle si ingénument à mes côtés.
— Évidemment.
— Voyons, poursuit Smiley, voyons, mon bon ami, tu n’as pas le sens de l’argent. Vingt louis, c’est une somme. Tu dois
— Or, je te constate un veston neuf.
avoir mal fait ton compte : tu n’as pas besoin de vingt louis.
— Mais si, je n’ai plus rien à me mettre sur le poil.
— Alors, c’est pour te frusquer que tu veux me mettre dans l’indigence ? Or, je te constate un veston neuf, un pantalon délicieux, une cravate superbe, un chapeau éblouissant…
— Un chapeau !… Je me moque pas mal de mon chapeau, je me fiche pas mal de ma cravate, je me fous pas mal de mon pantalon ! Tout ça, c’est le dessus.
— Eh ! bien, ange ?
— Eh bien, et le dessous ?… Ah ! le dessous, mon dessous, mes dessous !… Je n’ai plus de caleçon, plus de chaussettes, plus de flanelles. Ça me dégoûte !
Subitement, Smiley se souvient :
— Bon ! je n’y pensais plus ; ton caleçon est troué !… C’est pour te déshabiller devant Gaëtane Girard que tu as besoin de quatre cents balles.
Lauban se tait. Son silence avoue. Smiley reprend :
— Admire-moi : je vais être magnifique. Tu entends, mon ami : magnifique ! Je vais te remettre cinquante francs… Avec cinquante francs, un galant homme, fût-il prince, peut se déculotter partout.
— Fût-il prince ? Alors, tu t’imagines que le prince Jean…
— Mais, parfaitement, il porte des bretelles à trente-huit sous, le prince Jean, comme toi-z-et moi. Tout au plus s’il pousse jusqu’à un franc quatre-vingt-quinze… D’ailleurs, attends un peu. On va arranger ça.
Smiley se tourne vers Gabrielle. Elle continue à ronfler.
Toutefois, elle n’ouvre plus sur ses seins jumeaux qu’une main : la droite… comme la Vénus de Médicis. Et, comme la Vénus de Médicis, elle a maintenant la main gauche située de telle façon que, comme la Vénus de Médicis, elle exprime la plus délicate et la plus classique pudeur.
— Chaste et ronflante enfant ! fait Smiley attendri.
Et pan ! il la réveille.
— Bonjour, chérie.
Elle ne ronfle plus. Elle parle :
— Bonjour, méchant.
Elle se frotte les yeux, puis elle épanouit les lèvres :
— Ah ! tiens, M. Lauban est la ?… Bonjour, vous.
Serrement de pattes.
Smiley interroge, d’un air sérieux.
— Dis donc, Gaby, que fais-tu, cet après-midi ?… Maurice a du linge à acheter. C’est une petite corvée qui l’embête. Voudrais-tu pas t’en charger ?
— Certes, acquiesce la chaste enfant. Justement… je comptais t’en parler, hier… justement, moi aussi, j’ai à en acheter, du linge.
— Voilà bien ce que je craignais, profère Smiley d’une voix lamentable.
Mais s’inclinant vers lui comme pour l’embrasser, Gabrielle suggère :
— Oh ! rassure-toi, Jimmy ! ce ne sera pas grand’chose : une trentaine de francs.
— Connu, pense Smiley. Une trentaine, c’est cinquante. Et cinquante pour Lauban : cent. Comme mon argent file !
On entend la grosse voix de la grosse maman Grenier qui meugle dans la cuisine :
Nous la plumerons, l’alouette, l’alouette,
Nous la plumerons, l’alouette, tout du long.
Et Smiley songe, mélancolique :
— C’est moi : l’alouette.
Une minute, Lauban, Gabrielle et lui demeurent silencieux, diversement pensifs.
Comment « assorties » ?
— Alors, puisque Gaby veut bien… c’est entendu, prononce tout à coup le poète… Seulement, vous savez, ma petite Gaby, je vous recommande… Je désire du linge chic. Vous demanderez le plus chic, s’pas ? ce qu’on fait de mieux dans ce genre, avec des broderies.
— De la flanelle brodée, je ne vois pas ça, reprend l’ironique Gaby à la crinière luxuriante.
— Après tout, brodées ou non, ça m’indiffère. L’essentiel est qu’elles soient très belles. Vous en prendrez…
— Deux, interrompit Smiley avec une vivacité prudente.
— Tu penses que ça suffira ?
Le menton de Jimmy s’abaisse, tout à fait affirmatif et péremptoire.
— Soit, deux, se résigne Lauban… Vous les choisirez assorties.
— Comment « assorties » ? fait Gaby.
— Hé ! oui, goguenarde Smiley, une verte et une rouge, par exemple… ou bien une noire et une bleue.
Le poète pince le nez : il n’est pas loin de se fâcher. Mais, s’il se fâche, pas de linge chic ! Et, comme le désir de se déshabiller devant Gaëtane Girard le lancine plus ardemment que l’envie de cracher des sottises au nez de son ami Smiley, il se contient. D’un ton menteusement tranquille, il reprend :
— Deuxièmement, il me faut des chaussettes.
Il lève la jambe, solennel, comme s’il prêtait serment, montre son soulier pour que Gabrielle puisse estimer grosso modo la capacité des chaussettes requises…
— Quant au tissu…
— En soie, gazouille Smiley, en soie, évidemment.
— É-vi-dem-ment, scande Lauban en pinçant de nouveau le nez. Et j’en veux six paires !
Il croise les bras dans l’attitude d’un héros qu’on va fusiller. Sans doute, il attend que Smiley proteste. Or, cette fois, c’est Smiley qui se résigne :
— Soit, six paires… toutes en soie. En soie assortie… Et un caleçon avec… Comment le souhaites-tu, ton caleçon ?
— Mais… en soie aussi. En soie mauve… ou vert d’eau… ou couleur chair.
— Couleur chair ? s’étonne Gabrielle.
Smiley feint d’approuver :
— Bien sûr ! couleur chair est une trouvaille : ça se porte beaucoup cette année.
Smiley explique à Gaby qui s’étonne :
— Voyons, je t’ai pourtant assez trimballée dans les music-halls célèbres.
De quelle couleur sont-ils, les maillots de ces artistes ?
Tu en as pourtant vu, des équilibristes. Et des danseuses, donc !
De quelle couleur sont-ils, je te le demande, ma petite enfant chaste et pure, de quelle couleur sont-ils les maillots de ces artistes admirés ?
Gabrielle, qui comprend enfin, lance un éclat de rire ; Lauban, qui comprend aussi, rougit. Enfin !… Enfin, il se sent ridicule, il en convient loyalement avec cette espèce de sourire figé qu’on voyait naguère, durant les séances fréquentées
Pour quoi qu’il est faire ?
par le Tout-Paris artistique et mondain, aux lèvres du Pétomane.
— C’est, ma foi, vrai que je suis ridicule… Tout de même, quelle idée saugrenue : couleur chair ! Ah ! il n’y a pas, je suis ridicule et je ne veux plus m’occuper de ces détails. Tu réfléchiras, tu feras comme pour toi, si tu te trouvais dans la circonstance particulière où je me trouve. Et je suis sûr qu’il ira bien, ce caleçon de malheur… Un peu moins étoffé que pour toi, par exemple. Vous voyez, Gaby, j’ai moins de formes que lui… Sur ce, merci, mon vieux. Merci, Gaby. Je me défile.
— Tu te défileras tantôt. Reste à déjeuner.
— Impossible. Une autre fois… Aujourd’hui, j’ai à faire des tas de choses. Tu ne te figures pas !
— Je les devine : tu as à passer chez le coiffeur… Taille, shampoing, friction… tout le grand jeu.
— Tu as aussi à prendre un bain. Un chic. Tu demanderas le plus chic ? s’pas ?… ce qu’on fait de mieux dans ce genre.
— Tu as également deviné.
Poignée de mains à Smiley. Baiser à la naissance des longs cheveux de Gabrielle, et il part.
Tout de suite, la rousse maîtresse de Smiley jette passionnément ses deux bras autour du cou de son seigneur :
— Dis : mon petit Jim chéri adoré,… dis… pourquoi Lauban se fait-il aussi chic ?
Mais voilà que l’autre revient :
— Tu as oublié ta canne ?
— Oui… et puis, j’ai oublié de… Vers quelle heure puis-je le faire prendre, le caleçon ?
— Vous dérangez pas, susurre Gaby. Je le laisserai chez votre logeuse.
— Avec les flanelles ?
— Naturellement.
— Et les chaussettes ?
— En soie.
Lauban s’en va de nouveau, cette fois pour de bon. On entend la maman Grenier fermer derrière lui la porte retentissante du palier. Et, tandis qu’elle recommence à meugler :
Nous la plumerons, l’alouette, l’alouette
Voici que Gabrielle passe son bras gauche autour du cou de Smiley, et frotte langoureusement ses lèvres roses contre la grosse joue de son homme :
— Et, dis, mon petit Jim chéri adoré… dis… son caleçon, pour quoi qu’il est faire ?
— Attends, dit Smiley, bénévole, attends, ma crotte, je vais te montrer…
Et il va donner un tour de clé à la porte de la chambre, afin que nul visiteur ne vienne interrompre la démonstration.