La Mère (1907)
Traduction par Serge Persky.
Éditions Hier et aujourd'hui (p. 224-232).
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VI


À la tombée de la nuit, les quatre ouvriers rentrèrent, heureux que la journée fût finie. Réveillée par le bruit des voix, la mère, toute souriante, sortit de la hutte, en bâillant.

— Vous avez travaillé et moi j’ai dormi comme une grande dame ! dit-elle en fixant ses yeux affectueux sur chacun d’eux.

— Cela ne fait rien, on te pardonne ! dit Rybine.

Il était plus tranquille qu’au dîner ; la fatigue avait dissipé l’excès de son agitation.

— Ignati ! fit-il, occupe-toi du souper… Nous faisons le ménage à tour de rôle… aujourd’hui, c’est Ignati qui doit nous donner à manger et à boire… Voilà !

— J’aurais volontiers cédé mon tour à quelqu’un d’autre, aujourd’hui, observa Ignati, et, tout en prêtant l’oreille à la conversation, il se mit à ramasser des copeaux de bois mort pour allumer le feu.

— Les visites intéressent tout le monde ! fit Jéfim en s’asseyant à côté de Sophie.

— Je vais t’aider, Ignati ! dit Jacob.

Il pénétra dans la hutte, d’où il rapporta un pain rond, qu’il coupa en tranches.

— Chut ! murmura Jéfim, on entend tousser…

Rybine prêta l’oreille et dit :

— Oui ! il vient !…

Et il expliqua en se tournant vers Sophie :

— Vous allez voir un témoin… J’aimerais pouvoir le mener dans les villes, l’exposer sur les places, pour que le peuple l’entende… Il dit toujours la même chose, mais il faut que tous l’entendent !…

L’obscurité et le silence devenaient plus profonds ; les voix résonnaient avec plus de douceur. Sophie et la mère suivaient des yeux les paysans, qui se mouvaient lourdement, lentement, avec une bizarre prudence.

Un homme voûté, de haute taille, sortit du bois ; il marchait en s’appuyant de toute sa force sur une canne ; on entendait le bruit de sa respiration rauque.

— Voilà Saveli ! s’écria Jacob.

— Me voici ! dit l’homme en s’arrêtant, secoué par la toux.

Il était vêtu d’un pardessus usé qui lui tombait sur les talons ; de son chapeau rond et fripé s’échappaient en mèches maigres des cheveux jaunâtres et raides. Son visage osseux et blême était recouvert d’une barbe blonde, sa bouche ouverte ; dans ses orbites profondément creusées, les yeux brillaient fiévreusement comme au fond de cavernes sombres.

Lorsque Rybine l’eut présenté à Sophie, le nouveau venu dit :

— Vous avez apporté des livres pour le peuple, à ce qu’il paraît ?

— Oui !

— Merci… pour le peuple… Il ne peut pas encore comprendre le livre de la vérité… il ne peut pas encore vous remercier… alors, moi, qui ai compris… je vous remercie en son nom…

Il respirait avec rapidité, avalant l’air par petites gorgées avides. La voix était saccadée. Les doigts décharnés de ses mains faibles glissaient sur sa poitrine, essayant de boutonner son pardessus.

— C’est malsain pour vous de venir si tard dans la forêt… La forêt est humide et suffocante, observa Sophie.

— Il n’y a plus rien de sain ou de malsain pour moi ! répondit-il en haletant. Seule, la mort me sera la bienvenue.

Il était pénible de l’entendre ; d’ailleurs, toute sa personne excitait la compassion, une compassion qui était impuissante. Il s’accroupit sur un tonneau en ployant les genoux avec précaution, comme s’il eût craint de les voir se casser ; puis il essuya son front couvert de sueur. Ses cheveux étaient secs et morts.

Le bois commençait à flamber dans la clairière ; tout frémit et se balança ; les ombres, léchées par les flammes, s’enfuirent effrayées dans la forêt ; au-dessus du brasier apparut un instant le visage rond d’Ignati qui gonflait ses joues. Le feu s’éteignit. On sentit l’odeur de la fumée ; le silence et les ténèbres tombèrent de nouveau sur la clairière, comme prêtant l’oreille aux paroles rauques du malade.

— Mais je puis encore être utile au peuple… comme témoin d’un grand crime… Regardez-moi, j’ai vingt-huit ans, et je meurs… Il y a dix ans je soulevais sur mes épaules, sans effort, jusqu’à deux cents kilos… Je me disais alors qu’avec une santé pareille, je mettrais soixante-dix ans pour arriver à la tombe, sans trébucher… Et j’en ai vécu dix… et je ne puis aller plus loin…

— La voilà, sa chanson ! dit Rybine d’une voix sourde.

Le feu se ralluma avec plus de force ; les ombres s’enfuirent de nouveau pour rejaillir sur les flammes, tremblèrent autour du brasier en une danse muette et hostile. Le bois mort craquait et gémissait sous la morsure de la flamme. Le feuillage bruissait et chuchotait, agité par une onde d’air chaud. Gaies et vives, les langues de feu pourpres et or jouaient, s’étreignaient, s’élevaient en lançant des étincelles ; une feuille brûlante s’envola ; au ciel, les étoiles souriaient aux étincelles et les attiraient à elles.

— Ce n’est pas ma chanson… il y a des milliers de gens qui la chantent en eux-mêmes… ils la chantent en eux-mêmes, parce qu’ils ne comprennent pas que leur vie malheureuse est une salutaire leçon pour le peuple… Combien d’êtres épuisés ou estropiés par le travail et la prison meurent de faim sans se plaindre !… Il faut crier, frères, il faut crier !

Saveli se mit à tousser et se pencha en avant, tout tremblant.

Jacob posa sur la table un broc de kvass, et jetant un paquet d’oignons à côté, il dit au malade :

— Viens, Saveli, je t’ai apporté du lait.

Le malade hocha négativement la tête ; mais Jacob le prit sous le bras et le conduisit jusqu’à la table.

— Écoutez ! dit Sophie à Rybine d’un ton de reproche et à voix basse, pourquoi l’avez-vous fait venir ici ? Il peut mourir d’un instant à l’autre.

— C’est vrai ! répliqua Rybine. Qu’il meure entouré d’amis… ce sera plus facile que dans la solitude… Il a beaucoup souffert dans sa vie, qu’il souffre encore un peu pour servir d’avertissement aux hommes… cela ne fait rien. Voilà !

— On dirait que vous vous détachez de lui à la vue de son malheur ! s’écria Sophie.

Rybine lui jeta un coup d’œil, et répondit d’un air sombre :

— Ce sont les seigneurs qui se délectent à la vue du Christ gémissant sur la croix ; mais nous, nous étudions l’homme sur le vif, et nous aimerions que, vous aussi, vous appreniez à le connaître.

Le malade reprit la parole :

— On détruit l’homme par le travail… on l’achève par la prison… et pourquoi ? Notre patron – c’est à la fabrique Nefédov que j’ai travaillé comme un forcené – notre patron a donné à une chanteuse une grande cuvette et un vase de nuit en or… Et c’est dans ce vase que sont notre force et notre vie… les miennes… et des milliers d’autres. Voilà à quoi elles ont servi…

— L’homme a été créé à l’image et à la ressemblance de Dieu ! dit Jéfim en souriant – et voilà à quoi on l’emploie… ce n’est pas mal !

— Il faut le crier ! s’écria Rybine frappant de la paume de sa main sur la table.

— Il ne faut pas le supporter ! ajouta Jacob à voix basse.

Ignati se contenta de sourire.

La mère remarqua que les trois jeunes ouvriers parlaient peu, mais écoutaient avec l’attention insatiable d’âmes affamées. Chaque fois que Rybine ouvrait la bouche, ils le fixaient, l’épiaient des yeux… Les paroles de Saveli leur faisaient faire des grimaces bizarres. Ils ne semblaient pas avoir pitié du malade…

La mère se pencha vers Sophie et dit à voix basse :

— C’est vrai, ce qu’il raconte ?

Sophie répondit tout haut :

— Oui, c’est vrai ! On en a parlé dans les journaux… c’est à Moscou que c’est arrivé…

— Et l’homme n’a pas été puni ; dit Rybine sourdement. Il aurait fallu le châtier, on aurait dû le mener sur une place publique, le couper en morceaux et jeter aux chiens sa chair infâme ! Il y aura de grands châtiments quand le peuple se lèvera.

— Qu’il fait froid ! dit le malade.

Jacob l’aida à se lever et à s’approcher du feu.

Le foyer brûlait, égal et vif. Des ombres informes l’entouraient et contemplaient avec étonnement le jeu joyeux des flammes. Saveli s’assit sur un billot et tendit vers la chaleur ses mains sèches et transparentes. Rybine le désigna d’un hochement de tête et dit à Sophie :

— C’est plus fort qu’un livre ! Ça, il faut le savoir… Quand une machine arrache un bras ou tue un homme, cela s’explique ; c’est toujours lui qui est fautif. Mais qu’on suce le sang d’un homme et qu’on le jette ensuite à l’écart comme une charogne, cela ne s’explique pas…

— Oui… prononça lentement Ignati, cela ne s’explique pas… J’ai connu, moi, un chef de district qui obligeait les paysans à saluer son cheval, quand on le promenait dans le village, et qui mettait aux arrêts ceux qui désobéissaient… Pourquoi avait-il besoin de cela ?… Cela ne s’explique pas, non plus !…

Lorsqu’ils eurent fini de manger, tous se placèrent autour du foyer ; devant eux, le feu brûlait en dévorant rapidement le bois ; derrière eux, les ténèbres enveloppaient le ciel et la forêt… Le malade regardait le feu, les yeux grands ouverts ; il toussait sans s’arrêter et frissonnait. On eût dit que des débris de vie s’arrachaient de sa poitrine, pressés d’abandonner le corps décharné. Les reflets de la flamme dansaient sur son visage sans animer la peau morte. Seuls, ses yeux brûlaient d’un reflet bleuâtre et mourant.

— Peut-être aimerais-tu mieux aller dans la cabane, hein, Saveli ? demanda Jacob en se penchant sur lui.

— Pourquoi ? répondit celui-ci avec effort. Je veux rester là… je n’ai plus beaucoup de temps à vivre avec les hommes… plus bien longtemps.

Il promena son regard autour de lui, garda un instant le silence et reprit, avec un pâle sourire :

— Je me sens bien parmi vous ; je vous regarde et me dis que peut-être c’est vous qui vengerez tous ceux qu’on a maltraités… le peuple tout entier !…

Personne ne lui répondit ; il se mit bientôt à sommeiller, laissant retomber sa tête sur sa poitrine. Rybine le regarda longuement, et dit à voix basse :

— Il vient nous voir, il s’assied et raconte toujours la même chose…

— C’est ennuyeux de l’entendre se répéter ! dit Ignati à voix basse. Quand on n’aurait entendu cette histoire qu’une fois, on ne l’oublierait pas… et lui, il la rabâche sans cesse !

— C’est que, pour lui, elle contient tout, sa vie tout entière, comprends-le donc ! fit Rybine d’un air sombre… et aussi la vie d’une foule de gens. J’ai entendu son histoire des dizaines de fois et, pourtant, il arrive parfois que j’ai des doutes. Il y a des heures bonnes où on ne veut pas croire à la vilenie de l’homme, ni à sa folie, où on a pitié de tous, du riche comme du pauvre… car le riche aussi fait fausse route… L’un est aveuglé par la faim, l’autre par l’or… Et alors, on se dit : « Ah ! hommes, ah ! frères. Secouez-vous, réfléchissez loyalement, réfléchissez. »

Le malade se balança, ouvrit les yeux et se coucha sur le sol. Sans faire de bruit, Jacob se leva et alla chercher dans la cabane une petite pelisse qu’il jeta sur Saveli, puis il s’assit de nouveau à côté de Sophie.

Aux voix humaines se mêlaient le sourd crépitement du bois et le chuchotement des flammes ; et le feu, semblable à un visage rubicond, avait l’air de sourire avec malice aux sombres silhouettes qui l’entouraient.

Sophie se mit à parler de la lutte des peuples pour acquérir le droit à la vie et à la liberté, des anciens combats des paysans d’Allemagne, des malheurs des Irlandais, des exploits des ouvriers français.

Dans la forêt, revêtue de velours, dans la petite clairière bornée par les arbres muets, sous la voûte du ciel obscur, devant le riant foyer, au milieu d’un cercle d’ombres hostiles et étonnées, ressuscitaient des événements qui avaient bouleversé le monde des repus, des gens follement avides ; les peuples de la terre défilaient les uns après les autres, saignants, épuisés par la lutte ; on célébrait les noms des héros de la liberté et de la vérité…

La voix rauque de la femme résonnait avec douceur comme si elle fût sortie du passé. Elle éveillait des espoirs, inspirait confiance. Les auditeurs écoutaient sans mot dire cette musique, la grande histoire de leurs frères en esprit. Ils regardaient le visage pâle et maigre, ils souriaient pour répondre au sourire des yeux gris. Et une lumière toujours plus vive éclairait pour eux la cause sacrée de l’humanité ; en eux se développait de plus en plus le sentiment de la parenté morale avec leurs frères du monde entier ; un nouveau cœur naissait pour eux en la terre, et ils étaient pleins du désir de tout comprendre, de tout unir en lui…

— Le jour viendra où tous les peuples lèveront la tête et s’écrieront : C’est assez ! nous n’en voulons plus de cette vie ! disait Sophie d’une voix sonore, et alors s’écroulera la puissance factice de ceux qui ne sont forts que de leur avidité, la terre se dérobera sous leurs pas, ils ne sauront plus sur quoi s’appuyer…

— C’est ce qui arrivera ! ajouta Rybine, tête baissée. En ne ménageant pas ses forces, on peut tout vaincre !

La mère écoutait en relevant très haut les sourcils et avec un sourire d’étonnement nerveux. Elle voyait que tout ce qui lui paraissait choquant en Sophie, son audace, son extrême vivacité, avait disparu, comme fondu par le torrent égal et brûlant de ses paroles. Le silence de la nuit, le jeu du feu, le visage de la jeune femme la charmaient ; mais ce qui lui plaisait par-dessus tout, c’était l’attention parfaite des paysans. Ils restaient immobiles, s’efforçant de ne troubler en rien le développement calme du discours ; on eût dit qu’ils craignaient de rompre le fil lumineux qui les réunissait au monde. De temps à autre, l’un d’eux mettait avec précaution une bûche dans le foyer ; et les hommes dispersaient, en agitant la main, les étincelles et la fumée, pour les empêcher d’arriver jusqu’à Sophie.

À l’aurore, Sophie se tut, fatiguée, et regarda en souriant les visages pensifs et rassérénés qui l’entouraient.

— C’est le moment de partir ! dit la mère.

— Oui ! répondit Sophie avec lassitude.

Un des ouvriers soupira bruyamment.

— C’est dommage que vous partiez ! déclara Rybine avec une douceur inaccoutumée. Vous parlez bien ; c’est une grande chose que d’apparenter les gens entre eux ! Quand on comprend qu’il y a des millions d’êtres qui veulent la même chose que nous autres, le cœur devient meilleur… Et il y a une grande force dans la bonté.

— Et quand on agit avec douceur, on vous répond par la violence ! dit Jéfim avec un petit sourire et en se levant prestement. Il faut qu’elles partent, oncle Mikhaïl, avant qu’on les voie… Quand les livres seront distribués dans le peuple, les autorités chercheront d’où ils sont venus… Et peut-être quelqu’un se souviendra des voyageuses et parlera…

— Merci de ta peine, mère ! dit Rybine en interrompant Jéfim. Je pense tout le temps à Pavel, en te voyant… Tu as pris un bon chemin…

Tout, apaisé, il souriait d’un large et amical sourire. Il faisait frais ; cependant il était là en blouse, le col ouvert, la poitrine découverte. La mère considéra sa massive personne et lui conseilla avec sollicitude :

— Tu devrais mettre quelque chose, il fait froid !

— Mais j’ai chaud en dedans ! répliqua-t-il.

Debout près du foyer, les trois jeunes gens conversaient à voix basse ; à leurs pieds, le malade dormait, enveloppé de pelisses. Le ciel pâlissait, les ombres fondaient. Toutes tremblantes, les feuilles attendaient le soleil.

— Eh bien, adieu ! dit Rybine en serrant la main de Sophie. Comment vous retrouver en ville ?

— C’est moi qu’il faut chercher ! répondit la mère.

Lentement, en un seul groupe, les ouvriers s’approchèrent de Sophie et lui serrèrent la main avec une maladresse affectueuse. On devinait que chacun d’eux était secrètement pénétré de gratitude et d’amitié, et ce sentiment les troublait par sa nouveauté. Avec un sourire dans leurs yeux desséchés par l’insomnie, ils regardaient Sophie en se tenant tantôt sur un pied, tantôt sur l’autre.

— Voulez-vous boire un peu de lait avant de partir ? proposa Jacob.

— Y en a-t-il encore ? demanda Jéfim.

— Oui, un peu…

Ignati dit avec confusion en se grattant la tête :

— Non, je l’ai renversé.

Et tous les trois se mirent à sourire.

Ils parlaient de lait, mais la mère sentait qu’ils pensaient à autre chose, qu’ils souhaitaient à Sophie et à elle tout le bien possible, sans pouvoir s’exprimer. Sophie était visiblement touchée et son trouble était tel qu’elle parvint seulement à dire, d’un ton modeste :

— Merci, camarades !

Ils s’entre-regardèrent, comme si ce mot les eût fait doucement chanceler.

Le malade eut un accès de toux rauque. Dans le foyer, les charbons s’éteignaient.

— Au revoir ! dirent à mi-voix les paysans ; et leurs salutations mélancoliques accompagnèrent longtemps les femmes. Sans se hâter, celles-ci s’engagèrent dans un sentier forestier, à la clarté de l’aurore…

Elles se mirent à parler de Rybine, du malade, des ouvriers qui gardaient un silence si attentif, qui avaient exprimé leurs sentiments d’amitié reconnaissante avec gaucherie, mais éloquemment, en prodiguant mille petits soins aux deux femmes. Elles arrivèrent dans les champs. Le soleil se levait au devant d’elles. Encore invisible, il avait déployé au ciel un transparent éventail de rayons pourpres ; dans l’herbe, les gouttes de rosée scintillaient en multicolores étincelles de joie alerte et printanière. Les oiseaux se réveillaient et animaient le matin de leurs cris joyeux. Avec des croassements affairés, de gros corbeaux s’envolaient en agitant lourdement leurs ailes ; dans les champs ensemencés dès l’automne sautillaient des freux noirs, qui jacassaient d’une voix saccadée ; on ne sait où, un loriot sifflait avec inquiétude. Les lointains se découvraient et accueillaient le soleil en effaçant les ombres nocturnes sur leurs cimes.