Amyot (p. 422-435).

XXXVIII.

Une fumée dans la montagne.

Les trois aventuriers étaient sortis rapidement du camp du Blood’s Son et avaient pris la direction des montagnes.

Ils galopaient silencieusement aux côtés l’un de l’autre.

Ils pressentaient que le dénoûment de ce drame terrible approchait, et malgré eux leurs pensées étaient tristes.

L’homme est ainsi fait que le sentiment qui le domine le plus est celui de la tristesse ; l’organisation humaine est faite en vue de la lutte, la joie n’est qu’une anomalie ; taillé pour résister aux épreuves les plus dures, l’homme le plus fort est souvent celui qui succombe le plus facilement à une grande joie ; aussi, chose étrange, rien ne ressemble plus au bonheur que la tristesse : les symptômes sont si complètement les mêmes qu’une grande joie annihile autant les facultés qu’une grande douleur.

En ce moment, les trois personnages que nous suivons étaient sous le poids d’une émotion semblable à celle que nous venons de décrire. Au moment où ils espéraient voir accomplir les espérances que depuis si longtemps ils caressaient, ils éprouvaient une émotion qui les dominait complètement et dont ils ne pouvaient se rendre compte.

C’était un coup décisif qu’ils allaient jouer. Depuis si longtemps qu’ils luttaient contre ce rude jouteur, toujours ils l’avaient trouvé planté droit sur la brèche, leur rendant ruse pour ruse, finesse pour finesse, et, en résumé, bien que blessé cruellement, demeurant toujours vainqueur.

Cette fois enfin la chance avait tourné ; Dieu semblait s’être mis de la partie pour faire triompher le bon droit ; et le bandit, acculé dans son dernier repaire, s’attendait d’heure en heure à être forcé.

Cependant ils ne se dissimulaient nullement les difficultés de cette partie suprême où le squatter, poussé dans ses derniers retranchements, échapperait par la mort au sort qu’on lui réservait, si à force d’audace et de ruse on ne parvenait pas à le tromper.

Dans une disposition d’esprit comme celle où se trouvaient nos trois personnages, on comprend qu’entre eux toute conversation devait être nulle.

Ils atteignirent les premiers contre-forts des montagnes sans avoir échangé une parole.

Là ils s’arrêtèrent.

— Caballeros, dit le gambucino, avant que d’aller plus loin, nous ne ferions pas mal, il me semble, de prendre quelques dispositions indispensables.

— De quelles dispositions parlez-vous, mon ami ? répondit don Pablo.

— Nous allons entrer, reprit Andrès, dans des régions où nos chevaux nous deviendront plus nuisibles qu’utiles ; dans la montagne un piéton passe partout, un cavalier nulle part.

— C’est juste ; laissons donc nos chevaux ici ; les nobles bêtes ne s’écarteront que l’espace nécessaire pour trouver leur nourriture. Lorsque nous en aurons besoin, après quelques instants de recherches, nous serons toujours sûrs de les retrouver.

— Est-ce aussi l’avis de la señorita ? demanda le gambucino avec déférence.

— Parfaitement, répondit-elle.

— Alors mettons pied à terre ; ôtons-leur la selle et le bossal, et abandonnons-les à leur instinct.

Tous trois descendirent, enlevèrent à leurs chevaux les harnais qui pouvaient les gêner et les chassèrent en les frappant sur la croupe.

Les nobles bêtes, habituées à cette façon d’agir, s’éloignèrent de quelques pas à peine, et commencèrent à paître tranquillement l’herbe drue de la prairie.

— Voilà qui est fait, dit le gambucino ; maintenant songeons à nous.

— Mais les harnais, observa la Gazelle blanche, un moment viendra où nous ne serons pas fâchés de les avoir sous la main.

— Parfaitement raisonné, reprit Andrès ; aussi allons-nous les mettre en lieu sûr ; tenez, le creux de cet arbre nous fera un magasin des plus commodes.

— Caramba ! l’idée est originale, dit don Pablo, elle mérite qu’on en profite.

Les trois harnais furent déposés dans le creux de l’arbre découvert par le gambucino, et si bien recouverts de feuilles mortes qu’il était impossible de les y soupçonner.

— Maintenant, dit la Gazelle blanche, occupons-nous de nous trouver un gîte ; les nuits sont froides en cette saison, surtout dans la montagne ; voici le jour qui baisse rapidement, bientôt nous serons enveloppés dans les ténèbres.

Nos trois batteurs d’estrade avaient quitté le camp assez tard ; aussi pendant qu’ils s’occupaient à desseller leurs chevaux et à cacher les harnais, le soleil, de plus en plus bas à l’horizon, avait fini par se coucher ; ils se trouvaient à ce moment de crépuscule si court dans la prairie pendant lequel le jour s’achève et la nuit commence, et où les ténèbres, luttant désespérément ensemble, répandent sur le paysage une espèce de lumière mixte qui laisse entrevoir les objets comme à travers un prisme.

Il fallait profiter de cet instant pour s’orienter de façon à pouvoir marcher sans risquer de se perdre aussitôt que les ténèbres auraient enfin triomphé de la clarté de plus en plus faible.

C’est ce qu’ils firent. Après avoir d’un coup d’œil relevé la position des différents pics de montagnes, ils se mirent résolument en route.

Ils marchèrent pendant environ une heure sur une pente qui devenait de plus en plus roide, puis ils atteignirent une espèce d’étroite plate-forme où ils firent halte un moment, d’abord pour reprendre haleine, ensuite afin de se consulter sur ce qu’ils devaient faire ultérieurement.

— Si nous couchions ici, dit la Gazelle blanche ? Ce rocher qui s’élève à pic derrière nous nous offre un excellent abri contre le vent, et enveloppés avec soin dans nos zarapès et nos manteaux de bison, je suis convaincue que nous dormirons on ne peut mieux.

— Patience, niña, dit sentencieusement le gambucino ; il ne s’agit pas de dormir en ce moment.

— De quoi s’agit-il donc ? répondit-elle vivement ; je vous assure que pour ma part je dormirai parfaitement.

— C’est possible, niña, reprit Andrès, mais nous avons autre chose à faire quant à présent.

— Quoi donc ?

— Nous orienter.

— Nous orienter ! Vous êtes fou, mon ami. Il fait noir comme dans un four. Le diable lui-même, si habitué aux ténèbres, marcherait sur sa queue.

— C’est justement pour cela ; profitons de ce que la lune n’est pas levée encore pour explorer les environs.

— Je ne vous comprends pas.

— Voyez comme l’atmosphère est transparente ; la lueur vacillante et incertaine des étoiles suffit pour laisser distinguer les objets à une énorme distance. Si les hommes à la poursuite desquels nous sommes mangent, ce qui est probable, c’est incontestablement cette heure qu’ils ont choisie pour faire cuire leurs aliments.

— Eh bien ? dit don Pablo avec curiosité.

— Suivez bien mon raisonnement : le Cèdre-Rouge n’attend d’ennemis que du côté de la plaine, n’est-ce pas ?

— C’est vrai.

— Donc ses précautions sont prises de ce côté-là et non de celui-ci ; il ne nous soupçonne pas aussi près de lui, et, persuadé que personne ne l’espionne, il laisse à l’ombre de la nuit monter paisiblement la fumée de son foyer vers le ciel, convaincu que, grâce à l’obscurité, nul ne peut l’apercevoir, ce qui serait rigoureusement vrai si, pour son malheur, nous ne nous trouvions ici ; voilà pour quelle raison, malgré l’heure avancée, j’ai insisté pour que nous nous engagions dans la montagne.

La Gazelle blanche et don Pablo furent frappés de la justesse de ce raisonnement. Ils commencèrent alors, devant cette expérience pratique du désert que possédait leur guide, à prendre une meilleure opinion de lui et à lui reconnaître intérieurement cette supériorité que tout homme sachant bien une chose acquiert toujours à un moment donné.

— Faites à votre guise, lui dit don Pablo.

— Nous nous rangeons complètement de votre avis, ajouta la jeune fille.

Le gambucino ne montra ni orgueil ni fatuité de cet acquiescement à ses raisonnements, il se contenta de recommander à ses deux compagnons de ne pas quitter le lieu où ils se trouvaient jusqu’à son retour, et il s’éloigna.

Dès qu’il fut seul, au lieu de marcher ainsi qu’il l’avait fait jusqu’à ce moment, le gambucino s’allongea sur le sol et commença à ramper lentement le long des rochers, s’arrêtant de temps en temps pour soulever la tête, regarder autour de lui et prêter l’oreille aux mille bruits du désert.

Son absence fut longue. Don Pablo et la jeune fille se promenaient de long en large sur la plate-forme, afin d’entretenir la chaleur dans leur corps en l’attendant.

Enfin, au bout de deux heures à peu près il revint.

— Eh bien ? lui demanda don Pablo.

— Venez, répondit laconiquement le gambucino.

Ils le suivirent.

Il les conduisit par un sentier des plus abrupts où ils étaient forcés de ramper sur les mains et sur les genoux afin de ne pas rouler dans les précipices.

Après une ascension assez longue faite avec des difficultés inouïes, le gambucino se redressa en faisant signe à ses compagnons de l’imiter.

Ceux-ci ne se firent pas répéter l’invitation : ils étaient rompus.

Ils se trouvaient alors sur une plate-forme semblable à celle qu’ils avaient quittée précédemment ; cette plate-forme, de même que l’autre, était dominée par un immense rocher, seulement ce rocher avait une énorme ouverture en gueule de four, et, chose étrange, à une distance énorme, au fond de cette ouverture, scintillait une lueur grande comme une étoile.

— Voyez ! dit le gambucino.

— Oh ! oh ! qu’est cela ? murmura don Pablo avec étonnement.

— Aurions-nous trouvé ce que nous cherchons ? s’écria la Gazelle blanche en joignant les mains.

— Silence ! fit Andrès Garote en lui mettant la main sur la bouche ; et d’une voix faible comme un souffle : Nous sommes à l’entrée d’une caverne, ces conduits souterrains sont d’excellents conducteurs du son ; le Cèdre-Rouge a l’ouïe fine ; quelque éloigné qu’il soit de nous en ce moment, craignez qu’il nous entende.

Ils regardèrent pendant assez longtemps cette lueur tremblotante, point infime dans l’obscurité qui semblait l’œil de la caverne ; parfois une ombre passait devant cette étoile et sa clarté s’éclipsait pendant quelques minutes.

Le gambucino, lorsqu’il jugea que leur curiosité devait être satisfaite, leur toucha légèrement le bras et les ramena doucement en arrière.

— Venez, leur dit-il.

Ils recommencèrent à monter. Au bout d’une demi-heure environ, il les fit arrêter une seconde fois, et, étendant le bras dans une certaine direction :

— Regardez attentivement, leur dit-il.

— Oh ! fit don Pablo au bout d’un instant, de la fumée !

En effet, un léger filet de fumée blanchâtre semblait sortir de terre et s’élevait en mince et diaphane spirale vers le ciel.

— Il n’y a pas de fumée sans feu, dit en ricanant le gambucino ; je vous ai montré le feu d’abord, maintenant voici la fumée. Êtes-vous convaincus ? avons-nous trouvé la tanière du tigre ?

— Oui, dirent-ils ensemble.

— Cela vaut mieux que de dormir, hein ? reprit-il avec un léger accent de triomphe.

— Maintenant, que devons-nous faire ? interrompit vivement la Gazelle blanche.

— Oh ! mon Dieu ! une chose bien simple, répondit Andrès ; un de vous deux va immédiatement regagner le camp, annoncer notre découverte, et le maître agira comme il le jugera convenable.

— Bien, dit la jeune fille, je pars.

— Et vous ? demanda le gambucino en s’adressant à don Pablo.

— Moi, je reste.

Garote ne fit pas d’objection.

La Gazelle blanche se lança sur la pente de la montagne avec une ardeur fiévreuse.

Le gambucino étendit soigneusement son manteau de bison sur le sol, s’enveloppa de son zarapè et se coucha.

— Que faites-vous ? lui demanda don Pablo.

— Vous le voyez, répondit-il, je me prépare à dormir ; nous n’avons plus rien à faire à présent, il nous faut attendre à demain pour agir ; je vous conseille de suivre mon exemple.

— C’est vrai, dit le jeune homme, vous avez raison, et, se roulant dans son zarapè, il se laissa tomber sur le sol.

Une heure s’écoula ainsi, les deux hommes dormaient ou semblaient dormir.

Soudain don Pablo se releva doucement sur le coude et se pencha avec précaution sur son compagnon qu’il examina attentivement.

Andrès Garote dormait bien réellement du plus tranquille sommeil.

Le jeune homme rassuré, se leva, visita ses armes avec soin, et après avoir jeté un dernier regard au dormeur il descendit la montagne.

La lune était levée, ses rayons blafards répandaient sur le paysage une lueur à peine suffisante pour se diriger sans craindre de rouler dans un précipice.

Le jeune homme, arrivé à la plate-forme inférieure où s’ouvrait l’entrée de la caverne au fond de laquelle brillait toujours la lueur faible et tremblotante du feu, s’arrêta un instant, fit une prière mentale en levant les yeux au ciel resplendissant d’étoiles qui brillaient au-dessus de sa tête, et après avoir une dernière fois visité ses armes pour s’assurer qu’elles étaient en état, il fit le signe de la croix et s’enfonça résolument dans la caverne.

Certes, il fallait être doué d’une bonne dose de courage pour aller ainsi braver un danger d’autant plus terrible qu’il était inconnu.

L’œil fixé sur le feu qui lui servait d’étoile polaire, don Pablo avançait avec précaution les bras tendus en avant, le corps penché et l’oreille au guet, s’arrêtant par intervalles pour se rendre compte de ces bruits sans nom qui grondent constamment dans les souterrains, et prêt à se défendre contre les ennemis invisibles qu’il soupçonnait dans l’ombre.

Il marchait déjà depuis assez longtemps sans que le feu parût grandir sensiblement, lorsque la muraille de granit contre laquelle il appuyait sa main gauche pour se diriger manqua subitement, et au fond d’une excavation étroite faiblement éclairée par une torche de bois-chandelle qui achevait de se consumer lentement, il aperçut Ellen agenouillée sur le sol nu et priant avec ferveur.

Le jeune homme resta frappé d’admiration à ce spectacle inattendu.

La jeune fille, les cheveux dénoués et flottant en longues boucles sur ses épaules, le visage pâle et inondé de larmes, semblait en proie à la plus grande douleur.

Des sanglots entrecoupés de profonds soupirs s’échappaient de sa poitrine oppressée.

Don Pablo ne put résister à l’émotion qui s’empara de lui. À cette vue navrante, oubliant toute prudence, il s’élança vers la jeune fille, les bras ouverts, en s’écriant avec un accent d’amour suprême :

— Ellen ! Ellen ! qu’avez-vous ?

À cette voix qui frappait si inopinément ses oreilles, la jeune fille se releva, et avec un geste d’une majesté extrême :

— Fuyez, malheureux, lui dit-elle, fuyez, ou vous êtes perdu !

— Ellen, répéta-t-il en tombant à ses genoux et joignant les mains avec prière, de grâce, écoutez-moi !

— Que venez-vous faire ici ? répéta-t-elle.

— Je viens vous sauver ou périr.

— Me sauver ! dit-elle avec une tristesse navrante ; non, don Pablo, mon destin est fixé à jamais, laissez-moi ; fuyez, je vous en prie.

— Non ! vous dis-je, un danger terrible plane sur votre père, il est perdu sans ressource ; venez, fuyez, il en est temps encore. Oh ! Ellen ! je vous en prie, au nom de notre amour, si chaste et si pur, suivez-moi !

La jeune fille secoua la tête par un mouvement qui fit ondoyer ses longues tresses blondes.

— Je suis condamnée, vous dis-je, don Pablo ; rester plus longtemps ici, c’est vous perdre. Vous m’aimez, dites-vous ; eh bien, moi, à mon tour, c’est au nom de votre amour, du mien, puisque vous l’exigez, que je vous supplie de m’abandonner, de me fuir pour toujours ! Oh ! croyez-moi, don Pablo, mon contact donne la mort, je suis une créature maudite !

Le jeune homme croisa les bras sur la poitrine, et relevant fièrement la tête :

— Eh bien, non ! dit-il résolument, je ne partirai pas, je ne veux pas que le dévouement soit votre partage seul ; que m’importe la vie, puisque je ne dois plus vous revoir ? Ellen ! nous mourrons ensemble !

— Oh ! comme il m’aime, mon Dieu ! s’écria-t-elle avec désespoir : Seigneur ! Seigneur ! est-ce assez souffrir, la mesure est-elle comblée enfin ! Seigneur, donnez-moi la force d’accomplir mon sacrifice jusqu’au bout. Écoutez, don Pablo, lui dit-elle en lui prenant le bras qu’elle serra avec force ; mon père est proscrit, le monde entier le repousse ; il n’a qu’une joie, un bonheur dans son immense souffrance : sa fille ! Je ne puis pas, je ne veux pas l’abandonner. Quelque amour que j’éprouve pour vous au fond de mon cœur, don Pablo, jamais je ne quitterai mon père. Maintenant, tout est dit entre nous, mon ami ; rester plus longtemps ici serait inutilement braver un danger terrible et inévitable. Partez, don Pablo ; partez, il le faut.

— Songez, dit le jeune homme avec des larmes dans la voix, songez, Ellen, que cette entrevue sera la dernière.

— Je le sais.

— Vous voulez toujours que je parte ?

— Je l’exige.

— Oui, mais je ne le veux pas, moi, dit tout à coup une rude voix.

Ils se retournèrent avec épouvante et aperçurent le Cèdre-Rouge qui, appuyé sur son rifle, les regardait en ricanant.

Ellen lança à son père un regard dans lequel brillait un tel éclair que le vieux squatter baissa les yeux malgré lui.

Sans répondre, elle se tourna vers don Pablo, et lui prenant la main :

— Venez, lui dit-elle.

Elle s’avança résolûment vers son père toujours immobile.

— Place ! cria-t-elle résolûment.

— Non, répondit le squatter.

— Faites bien attention, mon père, reprit-elle : je vous ai fait le sacrifice de ma vie, de mon bonheur, de toutes mes joies sur cette terre, mais c’est à une condition : c’est que sa vie à lui sera sacrée ; laissez-le donc aller, je le veux.

— Non, fit-il encore, il faut qu’il meure !

Elle poussa un éclat de rire strident dont les notes aiguës firent frissonner les deux hommes ; par un geste prompt comme la pensée, elle arracha un pistolet de la ceinture du squatter, l’arma et en appuya le canon sur sa tempe.

— Place ! répéta-t-elle.

Le Cèdre-Rouge poussa un hurlement de terreur.

— Arrête ! s’écria-t-il en se précipitant vers elle.

— Pour la dernière fois, place, ou je me tue !

— Oh ! fit-il avec une expression de rage impossible à rendre, pars, démon ; mais je te retrouverai !

— Adieu, mon bien-aimé ! cria Ellen avec passion, adieu, pour la dernière fois !

— Ellen, répondit le jeune homme, au revoir ! je te sauverai malgré toi !

Et, s’élançant dans le souterrain, il disparut.

— Maintenant, mon père, dit la jeune fille en jetant son pistolet dès que le bruit des pas de son amant se fut éteint dans le lointain, faites de moi ce que vous voudrez.

— Toi, je te pardonne, enfant, répondit le Cèdre-Rouge en grinçant des dents ; mais lui, je le tuerai !