NOTES


SUR LES


DONATIONS FAITES À L’OCCASION D’UN MARIAGE




§§ 137-140, 148-150, 155-156, 159-164, 170-172, 176-177 des lois d’Hammourabi[1].




Les lois d’Hammourabi distinguent quatre sortes de dations faites à l’occasion d’un mariage : tirhatou, biblou, cheriqtou, noudounnou.

I. La tirhatou est une dation faite par le fiancé au père de la femme.

Ce n’est donc pas une dot, c’est-à-dire un apport destiné à subvenir aux charges du mariage. Ce n’est pas non plus une dation analogue à la dos ex marito du droit germanique, car la dation est faite au profit du père et non au profit de la femme.

Ce n’est pas non plus le prix d’achat de la femme :

a) Rien dans les lois d’Hammourabi ne permet de croire que les Babyloniens aient pratiqué à cette époque le mariage par achat réel ou symbolique de la femme[2].

b) Le § 139 prouve que la tirhatou n’est pas une condition essentielle à la formation du mariage.

c) La femme n’est pas traitée comme une marchandise. Elle a dans la famille une situation supérieure à celle de la femme romaine : elle exerce la puissance paternelle après la mort du père (Meissner, 56, 57) ; elle dirige la maison ; ses enfants ne peuvent se soustraire à son autorité sans la permission du juge (§ 172).

Le don du fiancé est une garantie contre la rupture des fiançailles (§ 159). Il est définitivement acquis au père de la femme, sauf deux cas. Le père est tenu de le rendre : l° s*il s’oppose au mariage (160) ; 2° si la femme meurt sans enfants (163-164).

En cas de répudiation injustifiée, le mari doit payer à la femme une somme égale à la valeur du don de fiançailles, § 138.

II. Le biblou est un cadeau fait par le futur lors des fiançailles. Il est distinct de la tirhatou (§§ 158-161). Il se compose d’objets mobiliers que le fiancé dépose dans la maison du père de la femme, sans doute pour être distribués aux membres de la famille.

Si le futur beau-père s’oppose au mariage, il doit payer le double de la valeur des cadeaux reçus.

III. La cheriqtou est l’apport fait par la femme pour subvenir aux charges du mariage : c’est une dot.

Cette dot a une valeur supérieure à celle du don de fiançailles (164). Elle est constituée par le père de la femme (149, 172). C’est un avancement d’hoirie, car les fils seuls recueillent la succession paternelle (165, 166, 178).

Le mari n’a que la jouissance de la dot.

La dot passe aux enfants à la mort de leur mère (162) ; à défaut d’enfants, elle fait retour à la maison paternelle (163), sauf le droit du mari de retenir sur la valeur de la dot le montant du don de fiançailles (164).

La dot a le caractère d’une donation faite par le père à sa fille : en cas de prédécès du mari, si la mère ne s’entend pas avec ses enfants, elle peut quitter la maison en reprenant sa dot (172).

La dot doit être restituée à la femme :

1° En cas de prédécès du mari, si la femme n’a pas reçu de donation (172) ; ou, même si elle a reçu une donation, dans le cas du § 171 ;

2° En cas de prédécès de la femme sans enfants (163) ;

3° En cas de répudiation injustifiée (137) ;

4° En cas de répudiation pour stérilité (138) ;

5° Lorsque la femme, négligée par son mari, se retire chez son père (142) ;

6° Lorsque la femme, atteinte d’une maladie chronique, préfère quitter la maison conjugale au moment où son mari se dispose à prendre une autre femme.

La constitution d’une dot n’est pas une condition de la formation du mariage. Il y a des mariages sans dot (176).

IV. Le noudounnou est une donation faite, durant le mariage, par le mari à sa femme. Il a pour objet un champ, un verger, une maison ou tout autre bien (150).

La femme le conserve après la mort du mari ; elle ne peut en disposer au préjudice de ses fils (171) ; elle a seulement la faculté de l’attribuer à l’un d’eux (150). Elle ne peut notamment le donner à ses frères qui, régulièrement, lui succèdent.

Rien n’autorise à dire que ce soit une morgengabe, comme le suppose D. H. Müller.

a) Il n’est pas fait allusion à l’époque où cette donation est faite, le lendemain du mariage ou à tout autre moment.

b) Le § 155 suppose qu’à partir des fiançailles, l’homme peut cohabiter avec sa fiancée.

c) Le noudounnou n’a rien d’obligatoire (§ 172).



  1. Je dois cette note à l’obligeance de notre distingué collègue, M. Édouard Cuq, professeur à la Faculté de Droit de l’Université de Paris.
  2. Le texte du Western Asia Inscript., III, 49, 3, n’est pas babylonien, mais assyrien et de basse époque. Sa teneur ne prouve rien en l’occurrence.