La Légende des sexes, poëmes hystériques/Brune


BRUNE

À toi, Louise.



T on corps nu, plus doré qu’un blond matin d’avril,
Dormait dans les parfums lascifs que tu distilles.
Battant l’aile et vibrant, tout mon désir viril
Frôlait, comme un essaim tournoyant de myrtilles,
Ton corps nu, plus doré qu’un blond matin d’avril.

Et tes pores brûlaient, vivantes cassolettes,
L’encens vénérien qui fleurit sur ta chair :
Dans l’air tiède, imprégné d’ambre et de violette,
Je humais le vertige énervant qui m’est cher,
Et tes pores brûlaient, vivantes cassolettes.


Brune, sur la blancheur provocante des draps,
Parmi les serpents lourds de ta crinière noire,
Tu dormais, et l’extase avait ouvert tes bras
Comme un vieux Christ en croix ciselé dans l’ivoire :
Brune, sur la blancheur provocante des draps !

Tes seins fiers, dressant haut leur couronne cuivrée,
Se soulevaient au rhythme égal de ton sommeil.
Une ondulation, calme et lourde marée,
Descendait lentement vers ton ventre vermeil,
Des seins fiers, dressant haut leur couronne cuivrée !

Et ta tête roulait des coussins écrasés ;
Tes cils mal clos luisaient des larmes d’Aphrodite ;
Ta lèvre souriante et lasse de baisers
Sur l’émail de tes dents saignait, rouge et maudite :
Et ta tête roulait des coussins écrasés.

Oh, depuis ce soir-là, la vision me hante
De ton corps nu, plus pur qu’un rêve de Paros !
Et quand l’obsession d’être un dieu me tourmente,
Quand tu crispes ma chair, Eros, Hymen Eros,
Oh, depuis ce soir-là la vision me hante !