La Jeunesse d’Eugène Fromentin

La Jeunesse d’Eugène Fromentin
Revue des Deux Mondes5e période, tome 50 (p. 599-614).
LA JEUNESSE
D'EUGÈNE FROMENTIN

M. Pierre Blanchon, qui a déjà tant fait, pieusement, pour ajouter quelque chose à la pure gloire d’Eugène Fromentin, publie aujourd’hui, avec préface et commentaire perpétuel, les Lettres de jeunesse d’Eugène Fromentin[1], et cette publication est une des plus attachantes que je sache. Elle complète très heureusement les Lettres de voyage en Belgique et en Hollande que la Revue publiait en juillet dernier.

La formation de l’esprit et de l’âme de Fromentin, voilà ce que nous voyons presque sans ombre, voilà ce que nous pouvons presque toucher du doigt, dans ces lettres qui vont de 1840 à 1848, c’est-à-dire de la vingtième année de Fromentin à sa vingt-huitième.

Je dis de son esprit et de son âme ; car l’un et l’autre se développèrent, non point parallèlement, mais bien conjointement, intimement unis l’un à l’autre. Il ne se trompe pas quand il dit dans une de ses lettres : « Quelqu’un, — Chateaubriand, je crois, — dit en des termes éloquens et concis, que j’oublie, qu’il n’y a pas d’équilibre possible entre le cœur et l’esprit et qu’ils se développent communément en raison inverse l’un de l’autre. Il y a dans cette opinion, que j’avais jadis acceptée sans examen, sinon une erreur complète, du moins une méprise singulière, qui vient de ce qu’on sépare à tort le domaine du cœur de celui de l’esprit : les mouvemens de l’un et de l’autre se confondent. Vauvenargues l’a dit, les grandes pensées viennent du cœur. » — Pour lui du moins, c’était vrai ; ce qui veut dire qu’il était poète et que ses idées n’étaient jamais que des formes de ses sentimens.

C’était une âme extrêmement sensible, très facilement bouleversée et déchirée, prompte à s’abattre, non seulement encline à la désespérance, mais comme avide de désespoir et qui y trouvait des charmes, ce qui est la disposition la plus terrible parmi toutes les dispositions du monde ; une âme enfin, et je prie qu’on se souvienne de ceci pour la clarté de tout ce qui va suivre, qui aurait fléchi et se serait renoncée, si elle n’avait pas eu l’amour de l’art et de la gloire.

Il se peint lui-même à vingt-deux ans avec une précision suffisante et, du reste, avec une sourde amertume, dans le fragment suivant d’une de ses lettres intimes : « Ne connaissez-vous pas, autour de vous, des esprits heureusement doués, rêveurs, enthousiastes, aussi prompts dans leur entraînement qu’ingénieux à se désabuser, passant d’un extrême à l’autre avec sincérité, parce qu’ils sont à la merci d’un tempérament très inégal, plein de paradoxes involontaires, trop réfléchis pour ne pas le reconnaître, trop démonstratifs pour le dissimuler, toujours séduits par le mirage éblouissant des souvenirs et des espérances et se faisant de la sorte un monde impossible en dehors de la réalité… capables de tout entreprendre, incapables de rien poursuivre ; aussi faibles contre eux-mêmes que contre les autres, peuplant ainsi leur vie de projets sans sagesse et de regrets sans fruits ; ne vivant pas, comme dit Pascal, mais se préparant à vivre ; jusqu’à ce que leur imagination, mal alimentée, s’épuise de consomption et que le hasard des circonstances les fasse échouer quelque part, à trente ans, dans un coin médiocre, imprévu, de la vie sociale. Je suis de ces esprits-là, mon ami… »

Il fut de ces esprits-là jusqu’au moment où l’amour de l’art et la conviction enfin acquise que l’art pourrait lui donner un nom vinrent mettre un lest dans cet esquif léger, vagabond et vulnérable, qui, sans cela, eût été vite à la dérive ou à l’écueil.

Mais remontons de quelques années. En 1836, à seize ans, Fromentin était en rhétorique, au lycée de La Rochelle, et faisait des discours français pour son professeur et des vers français pour lui. On a des vers de lui de ce temps-là. Ils ne sont pas tous bons, comme on peut croire, mais il y en a déjà qui ont du mérite et qui trahissent le peintre dormant encore, s’éveillant déjà, dans le versificateur :


Souvent, par un beau jour, quelque nue incertaine,
Pâle et triste, égarée au fond du ciel serein,
Passe sur votre tête et son aile qui traîne
Vous jette une grande ombre et tache le chemin.
Et sur le sol ombré, tandis qu’il tombe à peine
Un rayon à travers le nuage d’airain,
Un chaud soleil jaunit autour de vous la plaine ;
Et les villages blancs vous rient dans le lointain.


On a, par ailleurs, des vers de sa vingtième année qui le peignent tel qu’il était en sa quinzième :


Je suis par habitude un peu triste et sauvage.
Mon cœur a si longtemps vécu dans le veuvage ;
………
J’avais si peu connu dans mes temps de collège
………
Ce bonheur de penser, d’aimer, de vivre à deux,
De s’en aller courir ensemble à l’aventure
N’importe où, page à page épelant la nature,
Par les bois, par les prés en fleurs, par les sentiers
Semés d’épine blanche ou bordés d’églantiers.
Oui, j’ai connu si tard, écolier taciturne,
Ce bonheur, que, réduit à fermer comme une urne
La coupe où ma jeunesse écumait, j’amassai
L’amertume et l’ennui comme un sable glacé…
Jusqu’auprès de ma mère on m’a vu bien souvent
Dans un coin du foyer, l’oreille au bruit du vent,
Suivre je ne sais quel aparté solitaire,
Ecouter tout un soir, impassible ; et me taire.
……..


Détail très caractéristique, il aime tout particulièrement, presque exclusivement l’automne. Oh sait que chaque homme, comme aussi chaque femme, a sa saison. « Quelle était sa saison ? » est une des questions que l’on doit se poser à propos de chaque artiste, et je m’étonne presque que Sainte-Beuve ne l’ait pas mise au nombre des cinq ou six enquêtes qu’il dit qu’il faut faire préliminairement sur tout personnage qu’on étudie. La saison de Hugo est l’été ; la saison de Musset est l’hiver ; la saison de Lamartine est l’automne. Elle est aussi celle de Fromentin, du moins de Fromentin jeune. Il la chante en vers et en prose. Voyez ces vers de la vingt-et-unième année, intitulés : Le temps s’écoute :


Si, par un de ces jours de septembre où l’on doute
Que l’air ait une haleine et les champs des échos,
La barque un aviron pour secouer les flots,
Le ciel un astre en feu pour éclairer sa voûte ;

Jour morne et qui succède à de beaux jours sans doute ;
Si vous parlez au pâtre : en gardant ses troupeaux,
Le naïf astrologue, alors, vous dit ces mots
« Que la brise est au calme et que le temps s’écoute. »

Mot profond, qui veut dire apparemment qu’après
Avoir, pendant l’été, du rivage aux forêts
En mille et mille ardeurs éparpillé sa sève,

Prise enfin de regret, de fatigue et d’ennui,
Comme un cœur amoureux que l’espérance a fui,
La nature un moment se tait, médite et rêve.


Et ailleurs, il écrit, dans une lettre à un ami : «… La saison est absurde. Je n’ai jamais eu de goût pour le printemps. Je compte un ou deux printemps à peine qui sont marqués par des souvenirs très doux et me seront éternellement chers. Mais il faut avoir seize ans pour trouver du charme à cette saison douteuse de vert tendre et de bleu pâle, toujours indécise entre le soleil et la pluie, comme l’inconstante humeur d’une jeune fille entre le sourire et les larmes… L’automne a je ne sais quoi de grave et de magnifique qui prête aux lieux les plus ingrats un charme extraordinaire, le charme du regret, la réverbération sereine du soleil qui s’en va ; le printemps laisse à toute chose sa plate, son indigente réalité. »

A une autre date et à la même saison : « Je touche au soir de ma jeunesse, mon ami ; je m’en aperçois, comme je vous le disais tout à l’heure, à la longueur des ombres, croissante. C’est la saison, vous le savez, où il se fait en moi un grand calme, où j’ai l’âme sonore comme l’air d’un soir humide, les sens reposés, le cœur paisible, un peu couvert ; les éclairs qui le traversent de temps en temps sont des éclairs d’automne qui n’amènent point d’orage. En ce moment, je ne sais pourquoi, j’ai les larmes aux yeux et je sens monter doucement un soupir de mon cœur à mes lèvres, comme ces globules d’air qu’on voit sortir doucement et sans bruit du fond des sources transparentes et s’échapper à travers l’eau sans en agiter la surface. »

Et par parenthèse cette demi-page est admirable. Pourquoi faut-il qu’elle soit un peu gâtée à mon gré par ce dernier mot : « Ces sensations, si puissantes, seront-elles stériles ? Cette faculté si vive de s’émouvoir ne doit-elle être bonne à rien ? » Ce qui veut dire : « N’y aura-t-il donc pas moyen de mettre cette émotion en beaux vers ou de la jeter sur la toile ? Ces artistes, les plus modestes même, et c’est le cas de prononcer ce mot, ressemblent toujours un peu à Talma malade, regardant au miroir son visage creusé et disant : « Ce serait un peu beau, ces joues-là, pour jouer Tibère ! » Passons, sans y insister autrement, sur ces petites misères humaines ; mais remarquons que dans Dominique on trouve la même note : « La première fois que je le rencontrai, c’était en automne. Le hasard me le faisait rencontrer à cette époque de l’année qu’il aime le plus, dont il parle le plus souvent, peut-être parce qu’elle résume assez bien toute existence modérée qui s’accomplit ou qui s’achève dans un cadre naturel de sérénité, de silence et de regrets : « Je suis un exemple, m’a-t-il dit maintes fois depuis lors, de certaines affinités malheureuses qu’on ne parvient jamais à conjurer tout à fait. J’ai fait l’impossible pour n’être point un mélancolique ; car rien n’est plus ridicule à tout âge et surtout au mien ; mais il y a dans l’esprit de certains hommes je ne sais quelle brume élégiaque toujours prête à se répandre en plein sur leurs idées. Tant pis pour ceux qui sont nés dans les brouillards d’octobre ! »

Replié, concentré, « taciturne, » mélancolique, hésitant devant la vie, fatigué de vivre avant d’avoir vécu, peu communicatif, rêveur et donnant son âme à dévorer aux rêves, tel était Fromentin de seize à vingt-cinq ans (au moins), de quoi, du reste, et j’en suis témoin et il est tout naturel, il lui est toujours resté plus qu’un peu.

Cependant il se sentait artiste, dès dix-huit ans ; et particulièrement il se sentait peintre. Sans maître, il dessinait, il peignait un peu et, quoique toujours prompt à se décourager, il se sentait doué.

Or, l’histoire de sa jeunesse, c’est l’histoire d’une vocation qui est arrêtée par plusieurs obstacles, qui lutte contre eux, qui est retardée par cette lutte, qui finit par triompher et qui, satisfaite, donne un peu de sérénité et de joie à cette âme si longtemps troublée et timide devant elle-même.

Les obstacles dont je parle, Fromentin les trouva — en lui-même ; — et puis dans sa famille ; — et enfin dans un amour malheureux qui, plus tard, fut pour lui une admirable matière d’art ; mais qui d’abord le détourna de la vie active et l’ensevelit à moitié dans les brouillards léthargiques de Werther et de Saint-Preux.


I

Personne n’eut plus de défiance de lui-même que Fromentin. Cela se voyait encore quand il avait cinquante ans, à une certaine inquiétude de ses grands yeux sombres et de son vaste front songeur. Tout le long de sa jeunesse, on le voit se convaincre de sa vocation et en douter, se dire : « J’aurai du talent » et : « Aurai-je du talent ? » craindre que sa vocation d’artiste ne soit une suggestion de son amour-propre, et enfin se défier de sa confiance en lui : « Je ne suis pas en état, mon ami, d’apprécier la valeur de vos conseils relativement au choix d’une carrière. Je serais absolument libre que je voudrais beaucoup réfléchir avant de me décider. Je crains que vous ne vous laissiez aveugler par l’amitié que vous me portez et que votre avis ne soit pas exempt de présomption. Je me sens, voyez-vous ; je sais qu’avec du travail, je développerais sans doute une certaine facilité native qui me rend à peu près apte à tout entreprendre. Mais cette facilité n’est pas du talent ; elle est plus dans la main que dans l’imagination et d’ailleurs soumise, elle aussi, aux fluctuations de toutes mes facultés. La preuve, c’est que, depuis mon arrivée, je n’ai rien fait, on à peu près, en dessin et que, si j’avais le temps de m’en occuper, je serais fort embarrassé de crayonner quoi que ce fût. Ce sont des accès. Or le malheur veut que je prenne toujours ces accès passagers pour une vocation. Plus ils sont violens, plus ils ont de durée, plus je me fais illusion ; alors j’abandonne avec dégoût tout ce qui n’est pas l’objet privilégié de mes affections du moment ; et vous, qui êtes témoin de ces crises, de leur violence, de leur opiniâtreté, vous êtes dupe, avec moi-même, de cette illusion d’une imagination malade et d’un esprit irrésolu. »

Et le voilà (1842 ; vingt-deux ans) qui se demande s’il ne ferait pas bien de prendre un de ces états, barreau, magistrature, qui, tout en l’occupant et lui faisant une vie régulière, lui laisserait le temps de s’occuper d’art. « L’art comme loisir, non comme métier. » — Seulement, « le droit l’ennuie à crever, » ce qui fait bien une difficulté.

Beaucoup plus tard, et je passe les textes intermédiaires, à vingt-huit ans, il se trouve, sauf qu’il ne songe plus à la jurisprudence, exactement dans le même état d’esprit : « Cher ami, je t’écris la mort dans l’âme, et je ferais mieux de ne pas t’écrire. Je n’ai pas même la conscience distincte du déplorable état où je suis ; je sens seulement que ma tête et mon cœur ne sont qu’une douleur ; je n’exagère rien… Depuis ma dernière lettre, ma force est à bout, et je n’y tiens plus. Ce que je fais est détestable ; ce n’est pas de la démence ; ce n’est pas une erreur ; c’est l’indigence et la nullité même ; je le sens ; je le vois clairement, d’une manière impitoyable. Et cependant, même à présent, je sens en moi une intelligence si vive de toutes les beautés ! Ai-je mal dirigé mes études ? Serait-il temps de refaire mon éducation de peintre ? Est-ce faiblesse, inertie ? Est-ce le mal du pays qui me prend loin de vous ? Est-ce la tristesse et l’isolement profond de ma vie qui enfin m’accablent ? Et le temps passe, et je touche à mes vingt-huit ans. Il me reste assez de force pour écarter de ridicules et sinistres idées qui sont de vieilles connaissances et reviennent aux plus mauvais jours… »

On voit assez, sans que j’insiste et sans que je cite maint texte qui serait dans le même sens et dans le même ton, que Fromentin avait en lui un ennemi intime, avec qui il se réconciliait rarement, une sorte de censeur amer qui lui étalait ses faiblesses et une sorte de prophète de malheur qui ne lui présentait l’avenir que sous des couleurs sombres. On sait combien il y a d’artistes qui sont dans ces conditions. Même, la plupart sont ainsi, surtout ceux qui sont destinés à n’être pas « déclamateurs, » pour employer une expression dont Fromentin s’est souvent servi à l’égard de certains peintres. Le futur orateur est plein de confiance en soi et de satisfaction de lui-même et l’on n’a jamais su si c’est sa facilité d’élocution qui lui donne ce contentement ou ce contentement même qui lui donne la faculté oratoire ; et je crois qu’il y a dès deux. L’artiste, attentif, soumis à l’objet, minutieux, curieux du détail, qui a devant la nature l’attitude du moraliste devant les âmes, doute plus de lui-même, parce qu’il est l’homme qui, renfermé, discret, scrupuleux et par suite timide, mesure toutes les difficultés et par suite les exagère.


Ces angoisses qui venaient à Fromentin de sa nature même n’ont pas été tempérées par ses rapports avec sa famille.


II

Il était fils d’un médecin distingué, savant, philanthrope aussi, qui organisa le premier le service des aliénés à La Rochelle ; mais qu’on ne s’étonnera pas qui fût très bourgeois, très défiant à l’égard de la vie d’artiste et qui, de plus, semble avoir été susceptible et de caractère difficile. Il s’opposait très énergiquement à la « vocation » de son fils, voulait faire de lui un médecin ou un avocat, ou un avocat général, voulait au moins qu’avant de se jeter dans la carrière de peintre, il se fût constitué un état, auquel il pût revenir plus tard comme au port. Il y eut, pour ces raisons, dix ans de conflits domestiques.

En 1845, Fromentin fréquente depuis trois ans, à Paris, où il est venu pour faire son droit, les ateliers des maîtres de ce temps-là. Il revient à La Rochelle passer les vacances ; il montre ses dessins à son père, qui n’en dit rien et qui évidemment n’a rien à en dire… « J’insiste là-dessus, mon ami, pour que vous compreniez bien qu’il n’y a rien à tirer de mon père, ni par les raisonnemens, ni par les preuves. Egalement incapable de comprendre la passion naissante qui m’en traîne et les promesses de talent qu’il peut y avoir dans mes essais, il ne me donnera jamais d’adhésion formelle et ne cédera, s’il cède, qu’à des succès devenus notoires. Seulement, comme il est faible, distrait, et qu’il a peur des luttes ouvertes, il me laissera faire, si je persiste… Je lui imposerai peut-être un certain respect pour mes œuvres en marquant que j’ai quelque estime pour elles. Si je lui avouais le dégoût que me cause ma peinture, je serais à tout jamais perdu dans son esprit ; car mon père n’admet pas qu’on soit jamais mécontent de ce qu’on fait… Au milieu de tout cela, ma mère ne dit absolument rien. Il semble dans la maison que je ne fasse rien et que je sois absolument désœuvré, bien que je ne perde plus un moment de mes journées. Moi qui serais si heureux qu’on s’associât à mes efforts, à mes espérances, qu’on comptât pour quelque chose les débuts difficiles et douloureux d’une carrière qui pourra peut-être me distinguer et qu’on aplanît d’autant les difficultés, en m’épargnant mille petites contrariétés journalières et en me procurant les moyens matériels de travailler avec suite, avec fruit !… »

Quand, une première fois, il s’échappe, quinze jours, pour se donner une vue de l’Algérie, il doit cacher son voyage et ne le déclarer qu’après qu’il a été fait. Quand il revient au foyer, il retrouve son père « sérieux et froid. » Entretiens divers, assez cordiaux ; « mais pas un mot de peinture, du Salon, etc. Seulement ma mère m’a dit à la dérobée que mon père avait été blessé que je vinsse ici sans lui rien apporter, que je songeasse à vendre ma peinture avant de lui en avoir offert le moindre échantillon… » Il arrange les choses, ou à peu près ; mais enfin « c’est lui qui met de l’ombre dans toute la maison. »

Jusqu’en 1848, quand il a vingt-huit ans, on lit, dans des lignes un peu obscures, mais qui ne m’en paraissent que plus douloureuses, qu’il est encore un sujet de trouble et d’angoisse pour les siens. On l’a recueilli pendant la tourmente de 1848 ; il est à La Rochelle : « J’aurais accepté la position temporaire qui m’est faite à la condition d’employer profitablement ce temps d’exil, je dirais d’emprisonnement s’il ne s’agissait de la maison de mon père… Toutes les privations, tous les embarras, toutes les détresses de ma vie sont devant mes yeux comme un reproche et une menace. Je suis le propre artisan de tous ces tourmens. Je refuse à ma mère un repos, un bonheur dont elle aurait tant besoin. Les jouissances matérielles, la considération, l’honneur, la fortune plus large me sont bien indifférens ; mais j’ai tué mon repos et tué mon bonheur. » — On n’a peut-être jamais trouvé plus d’épines au nid.


III

Sa vocation fut entravée encore, comme j’ai dit, par un grand amour d’adolescence et de première jeunesse qui devait lui inspirer plus tard une œuvre admirable, mais qui l’absorba, l’assombrit ou contribua à l’assombrir, le confina dans la prison des « lourds et tristes rêves, » comme dit Heine, tant que vécut celle qui en fut l’objet et même plusieurs années après. Disons aussi, pour ne rien omettre d’essentiel et pour être juste, même envers l’amour, que cette passion le détourna des divertissemens vulgaires ou des distractions honteuses et lui fit cette jeunesse chaste et hautaine qui est si favorable à l’éclosion du génie. Ici, nous avons affaire à un obstacle qui ne laissa pas d’être en même temps un appui, comme il arrive.

Elle ne s’appelait pas Madeleine ; mais nous lui maintiendrons ce nom sous lequel Fromentin l’a rendue immortelle. Elle était créole ; elle était nonchalante et à demi indifférente ; elle n’avait pas du tout dans la réalité le caractère que Fromentin lui a donné dans le roman ; elle était très belle ; elle avait trois ans de plus que Fromentin ; elle était sa voisine de campagne ; dès l’âge de seize ans, Fromentin l’adora. Elle en fut très touchée, très émue ; mais elle se maria avec un autre. Fromentin, sans doute après quelque temps donné à la colère, resta son ami. Ils se voyaient, le mari étant très souvent absent, de longues heures, toujours, paraît-il, en compagnie d’une tierce personne, amie de Madeleine. Cette passion et, notez-le, le caractère tout particulier de cette passion, exaspéra la nervosité naturelle de Fromentin, excitée déjà, comme nous l’avons vu, par d’autres causes. Ceci n’est pas hypothèse de notre part. Les amis, les parens de Fromentin s’en aperçurent et le constatent encore pour nous. Beltremieux, son plus intime compagnon, lui écrivait le 13 juin 1841 : « Voilà quatre ans que tu es miné par cette si jolie, mais si triste passion. Charles (frère d’Eugène) me disait qu’auparavant ton caractère, tes habitudes, tout en toi était autre et que le changement avait été si complet qu’à son retour de Paris, aux premières vacances, il s’était tout de suite aperçu que tu étais sous l’empire de quelque amour dont il ne tarda pas à tout savoir. Tu ne t’appartiens plus. Sans parler de la tyrannie de cette passion [elle-même], tu es tiré en tous sens par tes regrets, tes remords, tes hésitations continuelles. Cet amour, si charmant d’abord, est devenu plein de trouble. Es-tu heureux ? Es-tu autre chose pour cette femme aimée qu’un enfant continuellement grondé, tyrannisé par mille exigences, aimé, j’ose le dire, moins pour lui peut-être que pour elle par elle-même ? Et cette femme a-t-elle tout le cœur qu’il faudrait pour te payer de tes ennuis ?… Etc. — Tiberge. »

Les amours de Fromentin n’en continuèrent pas moins, traversés de voyages, d’absences, mais non jamais, ce semble, de refroidissemens sensibles. Il l’aimait parce qu’il l’aimait ; elle l’aimait un peu de se sentir aimée de lui. Elle devint maladive. Ce ne lui fut, pour une âme comme celle de Fromentin, qu’un charme de plus. Brusquement, dans les derniers jours de juin 1844, Fromentin qui était à Paris, apprit que Madeleine était à Paris elle-même pour y subir une opération redoutable, puis, qu’elle l’a subie et qu’elle se meurt. Il court à elle. Une amie d’enfance consent à l’introduire jusqu’au seuil de la chambre où s’éteignait la malade. Il la contemple un instant dans la pénombre. Le mari est là. Ils se serrent la main en silence. Fromentin sort ; il entre dans une église voisine, se jette à genoux et prie longtemps. Quelques jours après, il suivait son convoi. Elle avait vingt-sept ans, lui vingt-quatre.

Fromentin songea d’abord à se retirer dans un monastère ; puis il alla demander à la nature et à la solitude l’apaisement, ou plutôt la liberté de rêver d’elle, sans que rien l’en détournât : « Meudon, samedi soir. —… Puis le souvenir incessant de ma pauvre amie s’est emparé de moi pour ne plus me quitter. En quelques secondes, j’ai remonté le cours des sept années passées ensemble. Enfin je l’ai revue morte. En ce moment, l’horloge du château sonnait huit heures et demie ! J’ai tressailli. J’ai regardé Paris qui s’étendait à perte de vue dans la bruine et je me suis dit : Combien de gens sont maintenant à genoux auprès du lit mortuaire d’un être chéri… »

« Meudon, jeudi soir, 18 juillet. — Je pense à toi qui dors là-bas, sous l’herbe mouillée du cimetière, pauvre tête si belle, aux yeux si doux, au teint si blanc, aux cheveux si noirs. — Je pense à toi qui subsistes là-haut dans l’inconnu dévoilé, chère âme, âme heureuse, âme satisfaite, âme apaisée… Amie, ma divine et sainte amie, je veux, je vais écrire notre histoire commune, depuis le premier jour jusqu’au dernier. Et chaque fois qu’un souvenir effacé luira subitement dans ma mémoire, chaque fois qu’un mot plus tendre ou plus ému jaillira de mon cœur, ce seront autant de marques pour moi que tu m’entends et que tu m’assistes. »

Madeleine avait été enterrée au cimetière de Saint-Maurice (près La Rochelle), à quelque pus de la maison de campagne des parens de Fromentin, dans ce pays où il l’avait connue et où il l’avait tant aimée. Il fut privé de visiter sa tombe aussi souvent qu’il l’aurait désiré : « Mes pieuses visites ? mon ami, j’en fais peu ; on m’a prévenu que ma présence au cimetière était remarquée ; que cela pourrait donner matière à quelques rapprochemens fâcheux et réveiller les médisances. Je me suis contraint. Les amis ont fait comme moi apparemment, sans avoir les mêmes motifs ; car, l’avant-dernière fois, jeudi soir, j’ai trouvé, à l’exception d’un seul, celui de la pauvre mère sans doute, tous les bouquets fanés et les vases vides. J’y portais quatre roses, trois du Bengale, une blanche ; la pluie et le vent les auront sans doute déjà effeuillées. La couronne y est toujours ; mais dans quel état… C’est d’ailleurs, vous le devinez, mon idée fixe ; tous mes soupirs involontaires, toutes mes rêveries, tous mes vœux vont au même but :


O temps évanouis ! O splendeurs éclipsées !
O soleils descendus derrière l’horizon !


Ces vers, que je redis sans cesse, résument tout. Et je n’ai pas fait mes Mémoires. Il me revient pourtant de dessous l’horizon des anciens jours des rayonnemens magnifiques. »

Il ne se borne pas à sentir ; il réfléchit, le calme relatif étant venu, sur ce que c’est qu’une grande passion et sur ceci qu’elle fait centre, pour ainsi parler, dans notre être, esprit et cœur, et lui donne son unité. « Une passion vraie, quoique superficielle en apparence, quand elle date de loin, a, par cela même, des racines profondes et des liaisons insaisissables avec tous les faits survenus depuis son origine. Elle touche à tout, tient à tout, ne souffre aucune atteinte qui n’atteigne aussi tout le reste ; elle est le lien de nos souvenirs ; elle embrasse, résume et reproduit, dans ses proportions variables, toutes nos existences contemporaines. Elle en est la formule, la trame, imperceptible souvent, mais réelle. »

L’année suivante, en cette même saison d’octobre, sa saison, il se retrouve dans les mêmes lieux avec une douleur non calmée, mais descendue plus bas, si je puis ainsi dire, et dont les coups plus sourds se font sentir toujours, mais ne retentissent plus : « J’éprouve toujours, à reprendre ici mes habitudes dans les vieux sillons d’autrefois, un charme inexprimable. Plus j’avance en âge et plus je me sens pour les lieux où j’ai passé tant de jours heureux, quoique troublés, une tendresse filiale, une sympathie reconnaissante. Mes regrets, en s’émoussant, ont pris je ne sais quelle douceur nouvelle, et l’ombre des temps écoulés qui s’allonge dans mes souvenirs les embellit encore. Je ne puis dire encore ce qu’il y a de changé dans mes habitudes de rêverie ; avec un peu de réflexion, j’y trouverais sans doute quelque chose de moins et aussi quelque chose de plus. Mais je n’y veux point songer ; j’aime mieux garder le plus longtemps possible ce qui me reste au fond du cœur d’ignorance et de naïveté. »

Trois ans après la mort de Madeleine, le retour à Saint-Maurice ravive dans le cœur de Fromentin tous les sentimens qui y sont toujours restés inaltérés et leur donne cet accent particulier d’angoisse plus ou moins étouffée, plus ou moins déguisée, que l’on connaît bien, l’accent du Lac, de la Tristesse d’Olympio ou du Souvenir : « N’existons-nous donc plus ? Avons-nous eu notre heure ? »

« Ma première visite à Saint-Maurice a été, mon ami, un religieux pèlerinage à travers tout mon passé. Mes souvenirs ont encore une extrême vivacité ; je me suis retrouvé en présence des lieux témoins impassibles de tant de changemens, jeune et amoureux comme il y a huit ans. Amoureux de quoi ? je vous le demande. Amoureux d’une ombre, de l’ombre d’une ombre. J’ai reconstruit pièce à pièce l’histoire de ma vie. J’en ai retrouvé les débris épars au pied de chacun de nos arbres. Vous aviez bien raison, mon ami, il y a des choses tombées de mon cœur qui sont à jamais regrettables, des instincts, des naïvetés, des superstitions, toutes ces fleurs de l’extrême jeunesse… C’est donc fini, mon ami, la jeunesse et tout le reste. Nous ne nous reverrons donc plus ! C’est au tour des jeunes gens qui nous suivent à être amoureux, à le dire, à faire des vers, à jouir des délicieuses mélancolies de vingt ans. Un jour, peut-être bientôt, nous perdrons jusqu’au souvenir que nous avons été jeunes, jusqu’au regret de ne plus l’être : ce sera la fin de tout, la première mort. »

Ce n’est que quinze ans plus tard que toutes ces aventures et surtout toutes ces pensées devinrent l’incomparable Dominique. Du moins Dominique ne parut qu’en 1862, dans la Revue des Deux Mondes. Fut-il écrit plus tôt ? Je le crois. Beaucoup plus tôt ? Je ne crois pas. Un passage de Dominique, où « Dominique » lui-même, c’est-à-dire Fromentin, rappelle ses lointains souvenirs d’enfance, datant de l’âge de « dix ans, » présente ce chiffre : « Peut-être vous paraîtra-t-il assez puéril de vous rappeler qu’il y a trente-cinq ans tout à l’heure, un soir que je relevais mes pièges dans un guéret… » Dix et trente-cinq environ donnent près de quarante-cinq. En 1862, Fromentin n’a que quarante-deux ans. On me dira qu’il est possible qu’il ait, en 1864, date de la publication en volume, donné à « Dominique » l’âge qu’il avait lui-même alors à peu près, — non ; car, dans le texte publié par la Revue des Deux Mondes en avril et mai 1802, il y a les mêmes mots : « trente-cinq ans tout à l’heure. » Quoi qu’il en soit, à cause de la différence de ton entre certaines parties de Dominique et certaines autres, j’inclinerais à croire que certaines parties de Dominique ont été écrites avant 1862. En tout cas, il n’est pas douteux qu’il ne l’ait écrit en pleine maturité. La perfection merveilleuse du style l’indique assez. On a vu en passant, par les citations que j’ai faites, que Fromentin jeune écrit quelquefois très heureusement, souvent assez mal. Dominique a été rêvé dix ou douze ans, écrit de 1855 à 1860, risqué et lancé à la mer en 1862-1864.

Telle fut la part de « Madeleine » avant et après sa mort, surtout après, dans la jeunesse de Fromentin. Elle l’isola ; elle le confina dans un rêve tendre et mélancolique, puis douloureux, puis tragique. Rappelez-vous le mot de la lettre d’août 1848, quatre ans après la mort de Madeleine et Fromentin ayant vingt-huit ans : « Est-ce la tristesse et l’isolement profond de ma vie qui m’accablent ? »

Notons cependant que, dans Dominique, « Dominique » fait mention, très inutilement du reste pour l’intérêt du récit, d’une courte aventure galante, d’une passade, comme on disait au XVIIIe siècle, qui se place entre les amours mélancoliques à la Werther et le coup de passion violente de Dominique pour Madeleine. — Notons encore, pour prendre date, ceci, qui serait plus à sa place dans une étude sur Dominique. Dans la réalité, Madeleine est morte ; dans le roman, elle ne meurt pas et c’est-à-dire, chose assez curieuse, que ce qu’un romancier aurait inventé pour être plus touchant, plus dramatique et pour que son roman eût un dénouement, Fromentin qui le trouve dans « l’histoire vraie, » ne le met pas dans son roman. Je crois que Fromentin a eu pour cela deux raisons. Du moins, j’en aperçois deux. D’abord, le héros est plus beau se sacrifiant, rompant avec Madeleine, s’éloignant d’elle, brisant ou enterrant dans son cœur un amour qui n’est plus pour son amie qu’une torture, qu’assistant à la mort de son amie comme tant d’autres dans tant de romans et pleurant indéfiniment sur sa perte. — Ensuite, Fromentin a bien senti que c’est la réalité qui, quelquefois, par rencontre, est plus conventionnellement romanesque que l’imagination. Il a bien compris que Madeleine mourant, quoique ce fût vrai, c’était du roman et ce serait pris par le lecteur comme du roman ; et que la véritable réalité, c’est-à-dire ce qui se passe le plus souvent quand les amis sont honnêtes gens et vertueux et quand ils sont séparés l’un de l’autre par leur vertu, c’est la rupture, qu’il s’agit seulement pour le romancier de présenter d’une manière dramatique ; et les longs tourmens, à travers toute une vie, dans « le silence et les regrets. » La transformation de « l’histoire vraie » en roman, dans Dominique est, très grande leçon, un effort, du reste couronné de succès, pour rapprocher la réalité particulière de la réalité générale. Et notez que… J’en aurais long à dire ; mais il suffit, s’il n’est pas trop, pour aujourd’hui.

Toujours est-il que ce qui a fait la jeunesse inquiète de Fromentin, c’est lui-même ; que ce qui a fait sa jeunesse refoulée et révoltée quelquefois, ce sont ses parens ; que ce qui a fait sa jeunesse chaste, triste et un peu farouche, c’est « Madeleine. »

De tout cela « Dominique » s’est tiré à peu près par la résignation, la vie rurale saine et régulière et le commerce des hautes pensées. De tout cela Fromentin s’est évadé, tout en conservant toujours la fidélité aux souvenirs, par le culte et la pratique de l’art. Il est à remarquer que, dès que Fromentin quitte la France et met le pied en Algérie, le ton change absolument de ses lettres, de ses notes, de toutes ses écritures. Il devient alerte et gai. Je parle du ton et de l’homme lui-même, à ce que l’on peut croire. « Dans l’Orient désert quel devint mon ennui ! » Pour Fromentin il s’y dissipe. Dans le même temps (quelques mois avant) où il écrivait la lettre désespérée d’août 1848, Fromentin écrivait de Biskra une lettre qui contient les passages suivans : « Je suis plus peintre que jamais [souligné par Fromentin]. La paix du désert est entrée dans mon esprit… À pareille distance, en pareils lieux, je crois que tu ne sentirais pas autrement, tu ne saurais imaginer cet effet des lieux sans les connaître… Je rêve une existence chimérique, sans doute, impossible, coupable à certains points de vue, en ce qu’elle est pleine d’égoïsme et peut-être de lâcheté. Mais que veux-tu rêver autre chose devant ce pacifique horizon du désert ?… Si jamais des événemens nous éloignent de France… c’est ici que nous viendrons. Il y a un mois que je caresse et que je nourris ce projet : une amitié, une famille unie, l’existence la plus simple du monde dans un des pays les plus démens pour l’homme. » — En un mot, Dominique dans le Sahel, peignant, de temps en temps, d’élégans chevaux arabes.

Ce n’est pas tout à fait à ce destin que Fromentin s’est rangé, mais à peu près. Il rentra en France ; il peignit ; il écrivit ; il devint célèbre comme peintre ; il devint célèbre comme écrivain. En 1849 (deuxième médaille au Salon), on peut considérer la longue crise qu’a été sa jeunesse comme terminée.

Elle avait été douloureuse ; mais « rien ne nous rend si grand qu’une grande douleur, » quand, du reste, on est grand de naissance. La jeunesse de Fromentin l’a éprouvé très fortement, mais aussi l’a fortement trempé. L’artiste a triomphé de tous les obstacles que sa vocation artistique avait rencontrés et a profité des richesses sentimentales que ces obstacles et ces traverses avaient accumulées en lui. Nous devons toujours respecter notre jeunesse comme l’âge, sauf exceptions, qui sont rares, où nous avons été le meilleur. Fromentin pouvait la respecter et, tout en frémissant au souvenir de ce qu’elle avait eu de rude, il devait lui être reconnaissant.

Mais est-ce que sa famille avait désarmé devant sa gloire ? Tout à fait non. Dernier trait de mœurs locales qui achève de bien faire entendre la lourdeur des poids que Fromentin eut à soulever. Quand il se maria, en 1853, comme on demandait à sa mère quelle était la profession de son fils, elle répondit : « Artiste peintre, » et éclata en sanglots ; — et le docteur Fromentin, dans son extrême vieillesse, écoutant parler son fils, qui parlait très bien, s’écriait : « Quel avocat il aurait fait ! »


EMILE FAGUET.

  1. Un vol. in-16 ; Plon. Voyez aussi la Revue du 1er octobre 1905.