La Jeunesse blanche (1913)/Promenade « Douceur d’aller le soir, lorsque les chaumes blonds »

La Jeunesse blancheEugène Fasquelle - Bibliothèque Charpentier (p. 51-52).


PROMENADE


 
Douceur d’aller le soir, lorsque les chaumes blonds
Flambent sur les toitures,
Et qu’au milieu des blés les perches de houblons
Ont des airs de mâtures.

Douceur d’aller ainsi voir les bateaux glissant
Sur le fleuve aux eaux lisses,
Et de laisser parler son amour commençant
Par les berges complices.


Car les talus piqués de bleus myosotis
Au pied de chaque saule,
Les talus sont parfois si petits, si petits
Qu’en marchant on se frôle.

Quel trouble de sentir le frisson, contre soi,
Le frisson d’une robe
Et de voir un pied fin qui, comme avec émoi,
Se montre et se dérobe.

Oh ! l’heure inoubliable où le long des chemins
Sans presque rien nous dire,
Rien qu’à nous regarder, qu’à nous chercher les mains
Et rien qu’à nous sourire,

Nous avons tous les deux, sans aveu ni serment,
Subi la même envie
Et, dans le soir qui meurt, rêvé naïvement
Que c’était pour la vie !