La Jeunesse blanche (1913)/La Maison paternelle

Pour les autres éditions de ce texte, voir La Maison paternelle.

La Jeunesse blancheEugène Fasquelle - Bibliothèque Charpentier (p. 11-13).


LA MAISON PATERNELLE


 
Inoubliable est la demeure
Qui vit fleurir nos premiers jours !
Maison des mères ! C’est toujours
La plus aimée et la meilleure.

Ici c’est le papier fleuri
Dont, les jours de fièvre moroses,
Nous comptions les guirlandes roses
D’un long regard endolori.


Là, vers Noël, à la nuit proche
Nous déposions nos souliers…
Combien de détails familiers
S’éveillent au bruit d’une cloche !

C’est là que la plus jeune sœur
Apprit à marcher en décembre ;
Le moindre coin de chaque chambre
À des souvenirs de douceur.

Rien n’a changé ; les glaces seules
Sont tristes d’avoir recueilli
Le visage un peu plus vieilli
Des mélancoliques aïeules.

Tout est pareillement rangé
Et, dans la lumière amortie,
S’éternise la sympathie
Du logis qu’on n’a pas changé :

Fauteuils des anciennes années
Où l’on nous couchait endormis,
Fauteuils démodés, vieux amis,
Avec leurs étoffes fanées,


Meubles familiarisés
Par une immuable attitude,
Mettant des charmes d’habitude
Dans les salons tranquillisés.

Jardin en fleur, vigne, tonnelle,
Empreinte vague de nos pieds
Sur les tapis et les sentiers,
O sainte maison paternelle

Qui donc pourrait vous oublier,
Logis où dort notre âme en cendre,
Surtout quand on a vu descendre
Des cercueils chers dans l’escalier !…