Imprimerie de Lange Lévy et Cie (p. 1-4).


LA JEUNE ITALIE.

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A AUGUSTE BARBIER.
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L’antico valore
Negl’ Italici cor non é ancor morto.

PÉTRARQUE.



Ma divine Italie, aussi belle que brave,
Je t’ai vue opprimée et je te vois esclave,
Et n’osant pas lever tes beaux et tristes yeux
Vers ton brillant soleil et ton ciel radieux.
Ils passeront, les jours de honte et de souffrance !
Salut, trois fois salut, jour de la délivrance…
Car pour briser enfin tes ignobles liens
La valeur vit encore aux cœurs italiens.

Oui, tu les briseras un jour, tes vieilles chaînes,
Car le sang des Romains coule encor dans tes veines.
Vois la Grèce, ta sœur : au grand jour du besoin,
Elle te tend les bras et t’applaudit de loin.

La France, votre fille, à la voix maternelle,
Sent revivre en son sein une flamme nouvelle ;
Elle se lève enfin, et pour combattre encor
Prend son casque d’airain et son bouclier d’or.
Les rois sont contre toi, pour toi sont les poëtes,
Et les peuples, du ciel ces sacrés interprètes ;
Peut-être quelque jour leur grande et sainte voix
Etouffera le bruit que fait celle des rois.

Italie et Pologne, et toi ma pauvre Irlande,
Les dieux libérateurs ont accepté l’offrande.
Courbés sous le destin et sous sa main de fer,
Pauvres peuples en peine, oui, c’est assez souffert.
Ils passeront, les jours de la plainte et des larmes ;
Bientôt viendra celui de la lutte et des armes.

Italie, Italie, ô mon premier amour !
À tout ce qui fut grand ton sein donna le jour.
À ton nom merveilleux je sens battre ma fibre ;
Moi qui t’ai vue esclave, oui, je te verrai libre…
Puissé-je conserver la force et la santé
Pour voir étinceler ce jour tant souhaité !
Il surgira, ce jour, comme une douce aurore
Et te rendra plus belle et plus brillante encore !
Car le suprême bien, la suprême beauté,
Ma divine Italie, ah ! c’est la liberté.

Frères, soyez unis, et qu’un seul soleil brille
Sur l’Italie entière et sa grande famille ;
Soyez humains surtout et soyez généreux
Envers vos oppresseurs ! Point de haine contre eux.
Que le passé sommeille en un profond silence…
Vous avez la justice, à quoi bon la vengeance ?


Ah ! qu’il fut beau le jour, Naple, où le parlement
Sous le dais somptueux de ton bleu firmament,
Au milieu des transports de la garde civile
Accompagna jadis aux portes de la ville
Ton roi couvert de fleurs… Oui, de vos bouches d’or
Les paroles d’amour semblent couler encor,
Tant dans le souvenir vos discours de génie
Ont laissé de parfum, de grâce et d’harmonie !
Tout était allégresse, et lorsque vint le soir,
Parthénope dormit, le cœur rempli d’espoir…
Elle se réveilla, le front dans la tempête…
Ah ! que le sang versé retombe sur leur tête !
Peuple napolitain, dès les jours d’autrefois,
Le sang ne fut versé chez toi que par les rois !
Que ce soit Ferdinand ou Tibère à Caprée,
Toujours ils ont trahi, chez toi, la foi jurée.
Ne vous repentez pas d’avoir été clémens,
Enfans de Parthenope ; oubliez vos tourmens
Et les fers et l’exil, car un jour dans l’histoire,
La clémence et l’amour, ce sera votre gloire !

Toi qui chantas ses pleurs, poëte citoyen,
De tout beau sentiment, toi le ferme soutien.
Dans le bel avenir que le ciel lui déploie,
De l’Italie, un jour, tu chanteras la joie.
Ah ! grand consolateur des nations en deuil,
Poursuis ton saint labeur jusqu’au jour du cercueil ;
Vois de Missolunghi, sur sa tombe immortelle,
L’ombre du grand Byron te fait signe et t’appelle.
La Grèce et l’Italie auront donc tour à tour
Chacune un chevalier, chez les enfans du jour.
Car les poëtes saints dans un pli de leur âme,
Pour tout ce qui soupire ont toujours une flamme.

ÉPILOGUE.


Mais le ciel est si pur, et le jour si vermeil !
C’est toujours l’Italie et son brillant soleil.
Or, à quoi bon parler de combats et de guerre,
Encore un jour de paix sur cette noble terre.
Le pâtre est là qui souffle en ses joyeux pipeaux ;
A ses pieds sont couchés les mugissans troupeaux.
Parthénope, vois-tu la chèvre au pied agile,
Qui grimpe tout là haut au tombeau de Virgile,
Le poëte divin qui fit verser des pleurs
A l’empereur Auguste, au temps des dieux menteurs.
Encore un jour de paix, à demain les alarmes,
Peut-être que demain sera le jour des armes.


ANTONI DESCHAMPS.




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16, rue du Croissant.