La Hongrie, son histoire, sa langue et sa littérature



La Hongrie
Son histoire, sa langue et sa littérature
1872
AVANT-PROPOS


M. de Montesquieu partit de Vienne pourvoir la Hongrie, contrée opulente et fertile, habitée par une nation fière et généreuse, le fléau de ses tyrans et l’appui de ses souverains.
D’ALEMBERT (Éloge de Montesquieu.)



Le travail que nous donnons au public traite d’une langue et d’une littérature encore fort peu connues en France, et qui offrent toutefois quelque intérêt. Plusieurs savants français éminents se sont occupés à différentes reprises du peuple magyare, de son pays, de sa langue et de sa littérature ; mais nous croyons être le premier hongrois qui parle de son pays au public français. Qu’il nous soit permis, tout d’abord, de rendre hommage aux bienveillants efforts qui ont été faits pour porter la vie du peuple magyare à la connaissance de la France.

M. Saint-René Taillandier, lié intimement avec notre infortuné et illustre compatriote, le comte Teleki, a publié plusieurs travaux approfondis sur la Hongrie. Il dirigea l’attention des littérateurs français sur notre regretté poète Alexandre Petœfi, et fit une étude remarquable sur notre plus grand patriote et bienfaiteur national, le comte Étienne Széchényi. Les œuvres incomparables de Petoefi avaient déjà frappé Béranger, et le célèbre chantre français encouragea MM. Thalès-Bemard et H. Desbordes-Valmore à traduire ces chefs-d’œuvre. Mme Valmore, la femme poète par excellence, avait deviné le puissant génie du jeune barde magyare ; c’est elle qui, avec le tact exquis qui caractérise toutes les œuvres de cette noble femme, attira l’attention de son fils sur ces beautés voilées et sur cette sublime mélancolie. M. Desbordes-Valmore fils prépare une publication de deux cents poésies de Petœfi, à laquelle nous avons apporté notre modeste obole[1]. Mme A.-D. Hommaire de Hell adresse aussi quelques paroles éloquentes à la Hongrie et à son cher poète dans son intéressant livre intitulé : À travers le monde. À notre esquisse historique, philologique et littéraire, nous avons ajouté des morceaux choisis, tirés des meilleurs poètes hongrois, dans l’espoir que ces compositions, souvent si naïvement émues, toujours inspirées par un ardent patriotisme, pourraient intéresser le peuple français, si bien pénétré lui-même de l’amour de la patrie. On ne peut être plus éloquent que Vorosmarty dans sa poésie touchante : Sans patrie; on ne peut être plus passionné que Petœfi dans son Idole.

Enfin, nous implorons l’indulgence du public pour l’étranger qui n’a voulu que faire connaître son pays, sa langue et la littérature de sa nation, à ce noble peuple français, qu’une si ancienne sympathie unit aux Magyares.

Notre peuple, d’ailleurs, n’a jamais marchandé l’admiration et la reconnaissance aux vaillants alliés de Szapolya et de Bathory.

Versailles, le 19 juillet 1871.

L’AUTEUR.
LA HONGRIE


SON HISTOIRE


SA LANGUE ET SA LITTÉRATURE



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APERÇU HISTORIQUE

Au commencement de ce siècle, un des plus grands écrivains d’outre-Rhin a dit, en parlant de ma langue natale : « Dans cinquante ans, la langue magyare ne sera plus qu’un souvenir, qu’une légende. » Il est arrivé exactement le contraire de ce qu’il avait prédit. L’idiome de la langue magyare est définitivement devenu la langue officielle de six millions d’hommes, et les œuvres d’un grand nombre de poètes et de prosateurs témoignent de sa vitalité. Herder s’est donc trompé aussi bien que l’empereur Napoléon Ier lorsqu’il prétendait que dans cinquante ans l’Europe serait cosaque ou républicaine.

Il n’est ni indifférent ni inutile pour la France de connaître l’esprit de cette langue mâle et sonore, et de lire, ne fût-ce que dans une traduction, quelques pages de cette poésie, tantôt si mélancolique, tantôt si franchement gaie, et de cette prose à la fois précise et rêveuse.

Je me propose donc de signaler les particularités de la langue magyare en faisant ressortir les caractères originaux qui la séparent des langues indo-européennes et ceux qui la rattachent aux idiomes tchoudes ou finnois. Qu’il me soit permis de donner ici, comme dans une esquisse rapide, un aperçu historique de ce peuple qui, jaloux de ses traditions, a su garder intactes sa nationalité, sa constitution et sa langue.

Il y a neuf siècles qu’un peuple nomade et guerrier qui passait ses journées à cheval à poursuivre les hordes voisines dans la plaine et dormait la nuit sous des tentes, descendait des monts Ourals, entraîné par cet instinct voyageur qui est propre à tous les peuples de la haute Asie. L’histoire nous dit qu’ils étaient un million d’hommes, Magyares, Koumans, Bachekires et autres peuplades tartares et slaves. Arrivés aux monts Karpathes, les Slaves restèrent en deçà de ces montagnes, et les Magyares, suivis de quelques Koumans, entrèrent dans les plaines fertiles qui s’étendent entre la Theiss et le Danube, pourchassant devant eux les populations de ces riches contrées. Ils se composaient de sept tribus confédérées dont la principale était celle des Magyares ; elles avaient un chef commun : c’était le lien qui les unissait. Le chef se nommait Arpád, fils d’Almus, chef d’une illustre famille royale qui pendant quatre siècles régna sur le peuple magyare et lui donna de grands capitaines et de sages législateurs.

Rien ne put arrêter l’ardeur guerrière des premiers Magyares. Ces barbares envahissent les pays limitrophes, dévastant toute l’Allemagne, tandis que leurs éclaireurs poussent jusqu’aux environs de Lyon. L’arrière-petit-fils d’Arpád fut le duc Geyza, époux de Sarolta, princesse chrétienne. C’est lui qui jeta les premiers germes de civilisation chez ce peuple indomptable, mais ce fut son fils Étienne qui, en adoptant la foi du Christ, assura les bases de la grandeur et de la puissance de la Hongrie. Comme saint Louis en France, saint Étienne, premier roi de Hongrie, fut un prince juste et magnanime, un vrai père pour son peuple. Son regard seul, d’après la chronique, suffisait pour arrêter une main prête à le frapper. Par lui la liberté fut rendue à tous les esclaves chrétiens, et les Magyares qui refusaient le baptême étaient l’objet constant de ses persécutions, parfois cruelles. Pour soumettre les grands qui s’opposaient à l’établissement du christianisme, il eut recours à la force. Des écoles furent fondées par lui dans sa propre résidence ; il emprunta aux peuples étrangers des instituteurs et des moines savants ; d’ailleurs, il prêchait d’exemple et payait de sa personne. On vit une multitude d’églises et de chapelles s’élever sous ses auspices, et de nombreux évêchés furent érigés et richement dotés par lui. Le roi introduisit en plus la dime, et fit du clergé le premier ordre de l’État. Le pape Sylvestre II, reconnaissant de ces importants services rendus à l’Église romaine, envoya au roi une couronne qui constitue depuis cette époque la partie supérieure de la sainte couronne du royaume de Hongrie, tandis que la partie inférieure est formée par celle dont l’empereur Manuel Ducas fit présent au roi Geysa Ier ; en même temps le pape lui conféra le titre de roi apostolique et de légat[2]. La Hongrie fut donc élevée par Étienne au rang de royaume avec le clergé et la noblesse comme principaux soutiens. Le pays même fut subdivisé en 72 comitats gouvernés par des fonctionnaires qui ne relevaient que du roi et concentraient dans leurs mains la puissance civile et militaire. Ces gouverneurs, les hauts dignitaires de la cour et les prélats secondèrent le prince dans la réorganisation de ses états et constituèrent le sénat. Ses premiers successeurs ne lui ressemblèrent pas : c’étaient d’odieux tyrans et des hommes d’une médiocre intelligence. Ladislas Ier, que l’Église a mis également au nombre des saints (1074-1077) brilla d’un vif éclat dans les ténèbres de ce siècle. Il fut ainsi que Koloman un vaillant capitaine et un grand législateur. Ces deux rois réunirent la Croatie, l’Esclavonie et la Dalmatie à la Hongrie.

C’est surtout sous Bella III (1173-1204), qui avait été élevé à Byzance, que la civilisation en Hongrie prit de grands développements. Ce prince avait épousé Marguerite, sœur du roi Philippe de France. La cour adopta les usages français ; de jeunes magyares furent envoyés dans les universités de Paris et de Padoue. On forma même une académie à Veszprim sur le modèle de l’université de Paris. Ce changement de mœurs avait déjà attiré sous son prédécesseur Geysa II de nombreux colons qui accoururent de Flandre, d’Alsace et de plusieurs contrées d’Allemagne. Ils s’établirent en Transylvanie et au nord de la Hongrie (La Zips) et favorisèrent le développement de l’agriculture et du commerce.

Le successeur de Belas III, André II (1220-1245) fut un prince faible qui se laissa arracher par la noblesse la fameuse bulle d’or (1222) et par le clergé un concordat très avantageux (1233). Bela IV (1235-1270) montra les meilleures dispositions et était en train d’opérer des réformes salutaires, lorsque les Mongols envahirent la Hongrie. Le roi fut battu à la bataille de Sajo, et les hordes barbares pillèrent et ravagèrent le malheureux pays. Après leur retraite, la population se trouva décimée et le pays fut dans la plus misérable situation. Le roi fit tout ce qu’il put pour rétablir l’ordre et la sécurité publique ; il favorisa la bourgeoisie, augmenta le nombre des villes libres, appela des Allemands et des Italiens pour repeupler son royaume et introduisit la culture de la vigne à Tokay, en un mot il eut recours à tous les moyens pour cicatriser les plaies faites à la Hongrie par les Mongols. André III, mort le 13 janvier (1301), fut le dernier des Arpádes. La mort de ce roi jeta le trouble en Hongrie ; il y eut un interrègne, et les deux rois qui furent élus successivement durant cet interrègne (1304-1308) parurent à peine dans le pays.

C’est sous des rois de sang français que commença le grand rôle que la Hongrie devait jouer à l’est de l’Europe. Charles Robert, roi de Naples, prince d’Anjou, fut élu roi de Hongrie et régna trente-sept ans. Son fils Louis le Grand, en même temps roi de Pologne, fut un des plus illustres princes de son siècle. Le pape le nomma capitaine général de la chrétienté ; et sa sagesse et son courage furent également admirés par ses amis et ses adversaires. Ce prince fonda en 1367 une école supérieure à Fünfkirchen, délivra de ses entraves le commerce avec l’Orient, déjà très actif, favorisa l’industrie des villes ; mais il expulsa les juifs et chargea les paysans de nouveaux impôts. Son règne de quarante ans constitue une des plus belles pages de notre histoire.

Bientôt la Hongrie devint par héritage la propriété de l’empereur Sigismond de Luxembourg, et ensuite du prince autrichien Albert (1438). Mais après la mort de Ladislas Posthume, roi sans génie et sans énergie, la couronne échut de nouveau à un Magyare, à Mathias Corvin, fils du célèbre capitaine Jean de Hunyady (la terreur des Turcs sous le roi précédent). Mathias Corvin fut le plus grand roi que la Hongrie ait possédé. Il commença par relever le prestige de sa patrie qui avait baissé sous ses prédécesseurs ; il fut aussi grand capitaine qu’habile diplomate. Ses ennemis tant intérieurs qu’extérieurs furent humiliés ou domptés ; il rétablit la tranquillité publique en réorganisant les comitats. Ce roi, bien que très sévère, sut conquérir l’amour et la confiance de la nation entière, d’où ce proverbe qui est encore dans toutes les bouches : « Le roi Mathias est mort ; dame Justice est morte avec lui. » Ce prince aimait les lettres et les sciences, il créa l’université de Pressbourg (en 1467), fit venir principalement d’Italie des professeurs et des savants. Il fonda dans le château d’Ofen une précieuse bibliothèque qui fut dispersée après sa mort. La fin de son règne est marquée par la prise de Vienne qu’il enleva à l’empereur Frédéric III. C’est là qu’il succomba à une mort prématurée après un glorieux règne de trente-deux ans. Certains historiens attribuent cette mort à un empoisonnement. Un de ses successeurs, Louis II, perdit dans la bataille de Mohács (de funeste mémoire) contre les Turcs le trône avec la vie (1526). Ce fut vingt-six ans après la mort du grand roi Mathias que la Hongrie devint définitivement la possession de la maison de Habsbourg, et on serait porté à croire que l’histoire de la Hongrie, reléguée au second plan, présente moins d’intérêt. C’est une grande erreur, car c’est à cette époque que commencent les luttes constitutionnelles entre ce peuple et ses rois qui donnèrent naissance à un parlementarisme très libéral. Là, dans ce coin reculé de l’est de l’Europe, on vit l’étrange spectacle d’un peuple libre se développant et prospérant sous la sauvegarde de son antique constitution. Cette constitution différait radicalement de celle de la Pologne, en ce qu’elle faisait du paysan l’ami du noble. Aussi de tout temps la noblesse hongroise a-t-elle eu à cœur de marcher à la tête du peuple ; non-seulement comme étant la partie aristocratique, mais aussi comme étant la partie intelligente, instruite et libérale. C’est grâce à cet esprit conciliant et éclairé, que la noblesse joue encore aujourd’hui un rôle si important en Hongrie. On connaît l’influence que la Hongrie a exercé pendant le règne de Marie-Thérèse sur les destinées de l’Autriche entière. Elle n’a reculé devant aucun sacrifice pour exécuter sa noble promesse : moriamur por rege nostro ; Marie-Thérèse conserva dans tout son règne un sincère attachement pour le peuple hongrois et le lui témoigna en toute occasion. Elle régularisa en 1765 par l’urbarium les rapports des vassaux, supprima l’ordre des jésuites en 1773, et réforma l’instruction publique dans le pays. Cette noble femme brilla non-seulement par ses grandes qualités de reine, mais aussi par ses vertus domestiques et par sa foi ardente et éclairée. Son fils Joseph II, prince animé des meilleures intentions, précipita les réformes qu’il croyait nécessaires et finit par succomber malgré ses efforts. En ne se faisant pas couronner en Hongrie selon l’antique usage, et en ne convoquant pas la diète pour conserver une plus grande liberté d’action, il s’aliéna une partie considérable du peuple hongrois.

Le paysan et le bourgeois ne comprenaient pas encore ce qu’il y avait de salutaire dans ses réformes, et la noblesse et le clergé ne voulaient pas le comprendre au détriment de leurs intérêts. L’abolition du servage et la modification dans un sens plus libéral des statuts des corps de métiers ; la suppression des droits féodaux, la soumission des nobles aux charges publiques, l’abolition des états, l’introduction d’un code national, la réduction du nombre des couvents, l’édit de tolérance et un autre sur la liberté de la presse soulevèrent le paysan, le bourgeois, le noble et le prêtre contre lui. Mais en rendant la langue allemande obligatoire pour tout enseignement, il porta l’irritation à son comble ; le peuple, excité par le clergé et la noblesse, se révolta, et l’empereur fut forcé, le 28 janvier 1790, de revenir sur plusieurs de ses innovations. Phénomène remarquable, un prince voulant donner des libertés à un peuple qui n’en voulait pas. Son frère, Léopold II, sut rendre le calme à la Hongrie, et sous ses successeurs, le grand Palatin (l’archiduc Joseph), administra la Hongrie avec un esprit de conciliation et d’impartialité auquel tous les partis durent rendre hommage. Ces luttes perpétuelles, pour la conservation d'une constitution que beaucoup de Hongrois ne crurent pas même perfectible, donnèrent naissance à la Révolution de 1848, dans laquelle un petit peuple vaillant et généreux, fort de son bon droit, lutta contre les hordes moscovites d'une manière héroïque et succomba avec gloire. Le roi actuel, prince intelligent et éclairé, a seul entre tant de rois compris le parti qu'il pouvait tirer d'une satisfaction donnée à la Hongrie, et, en restituant au pays son ancienne constitution dans toute son intégrité, il inaugura la base fondamentale d'une nouvelle ère qui s'annonce comme devant être heureuse et féconde.

LA LANGUE MAGYARE


I


Origines de la langue magyare.


Nous savons aujourd’hui que les peuplades des quatre migrations successives, les Thraco-Pélasges, les Celtes, les Germains et les Slaves, parlaient toutes des langues issues de la même souche. L’antique Aryah est la mère de tous ces idiomes, et nous comprenons ces différents peuples sous le nom collectif d’Indo-Germains. La langue sanscrite proprement dite n'est que la sœur aînée, qui se rapproche le plus de la langue mère. Quant aux langues autochtones de l'Europe, nous ne savons pas encore au juste si le basque et le finnois en font partie. Un grand savant a trouvé des points de contact entre le basque et le finnois, conséquemment entre le basque et le magyare. L'hypothèse que ces trois peuples auraient une origine commune s'affermit de jour en jour davantage. Les Basques et les Finnois peuvent être considérés comme les autochthones de l'Europe ou du moins comme descendants d'une migration de beaucoup antérieure à celle des Thraco-Pélasges.

Il est avéré aujourd'hui que les peuples finnois qui occupent maintenant le nord de l'Europe habitaient autrefois comme population puissante et laborieuse le centre de notre continent, et ce sont probablement les peuples venant de l'Asie qui les ont refoulés vers le Nord, où le climat a exercé une si grande influence sur leur constitution physique. Quelle difference n'y a-t-il pas encore aujourd'hui entre les Lapons et les Esthoniens? Ce qui n'empêche pas que leurs langues ne soient des idiomes nés de la même souche. Les Basques ont, d'après toute probabilité, encore précédé les Finnois ou du moins se sont séparés d'eux de très bonne heure. Leur langue ressemble probablement encore plus à la langue mère, car le parler basque est un type tout à fait isolé, et les langues finnoises ou tchoudes ne s'en rapprochent que médiocrement. Il n'est pas dans notre intention de discuter les ressemblances qui peuvent exister entre le magyare et le basque : un écrivain d'une grande érudition et d'une compétence incontestable en pareille matière, le prince Lucien Bonaparte, a traité victorieusement ce sujet et a fait valoir des raisons qui ont dû attirer la juste attention de tous les linguistes. Mais quant aux analogies qui existent entre le magyare et le finnois, elles sont si évidentes que nous nous proposons d'en faire ressortir plus tard les points capitaux.

Un savant philologue a jadis émis l'opinion suivante sur le magyare : « La langue magyare est une agglomération d'un grand nombre de débris d'autres langues, et il faudrait la dépouiller entièrement de ses éléments étrangers pour prouver le contraire. L'homme qui se vouerait à cet immense travail ne s'est pas encore trouvé, il se trouvera peut-être ! etc. » Toujours est-il que nous ne pouvons admettre cette singulière supposition. Il est facile de reconnaître de prime abord les mots d'origine étrangère, et encore plus aisé de constater les tournures de phrases venues par le contact avec les peuples limitrophes (comme les Turcs, les Allemands, etc.). Mais quant à la grammaire, elle est typique et ne se rapproche d'aucune autre langue, le finnois excepté. Etant prouvé que les Magyares n'ont pas eu de rapports avec les peuples tchoudes depuis plus de mille ans, cette ressemblance, si elle n'est pas accidentelle, doit trouver son explication dans une origine commune des deux langues. Toutes les recherches faites jusqu'à présent par de célèbres linguistes ont prouvé que cette ressemblance n'était pas et ne pouvait pas être l'effet d'un simple hasard. C'est pourquoi nous soutenons que le magyare, langue natale des descendants des Magyares qui habitent depuis le XIe siècle la Hongrie et la Transylvanie, est un rameau complètement isolé de la grande race des langues tchoudes, finnoises, tartares, touraniennes, ouraliennes ou altaïques.

Les Hongrois s’appellent eux-mêmes Magyar, dénomination qui a été confondue à tort dans leurs anciennes œuvres avec Mager, Moger, Meger, tandis que les plus antiques sources orientales, celles de l’empire byzantin ([3]), les appellent Turcs (Türken), et les sources occidentales Hungari. À plusieurs reprises déjà on a essayé de trouver la signification de cette dénomination sans arriver à un résultat certain.

Ne pouvant pas admettre la supposition sans fondement du point de vue historique et étymologique d’Ostrokocsi ([4]), Horváth ([5]) et Dankovszky ([6]), nous constaterons seulement que tous les anciens historiographes identifient les Hongrois avec les Huns et reportent l’origine du mot Hungarus au nom Hun. Ainsi, dit l'historien hongrois Géza : Menroth gigans duos filios generavit, ex quibus Hunni sive Hungari exorti sunt. Même les noms des deux fils de Menroth lui sont connus : Cum autem Hunoret Magor Menroth essent primogeniti . . . Un autre historien, Ipolyi ([7]), va plus loin encore : il soutient avec le plus grand sérieux que les noms des deux fils de Nemrod s'identifient avec les deux noms des races : Huns et Magyares, qu'ils sont les aïeux des deux peuples différents, et qu'il faut lire Hunni et Hungari à la place de Hunni sive Hungari. Qui est-ce qui ne trouvera pas une analogie surprenante entre cette tradition fantaisiste et la légende slave d'après laquelle les frères Tchèque, Lèque et Russe sont les aïeux des trois grandes races slaves : tchèque, polonaise et russe ([8]). Le célèbre connaisseur des langues finnoises, M. A. Castren, parle dans ses cours du premier domicile du peuple finnois ([9]) de la manière suivante : « Laissant de côté plusieurs autres preuves évidentes qui pourraient puissamment corroborer ce que je viens de dire sur l'origine des Finnois des contrées environnant l'Altaï, je veux seulement faire remarquer qu'on trouve encore aujourd'hui des branches de la race finnoise dans ce lieu antique. Ce sont les Ostiaks et les Vogoules, plus souvent connus sous le nom commun des Ouïgoures ou Yougoures. Ils habitent tout le long des bords de l'Obi et de l'Irtich, et on en rencontre aussi des traces certaines près de la source de ce dernier fleuve. Cette même contrée fut habitée jadis par une race turque, les Ogoures ou Yogoures qui, à cause de la proximité des Finnois, fut souvent confondue avec eux, d'où le nom d'Ouïgoures ou Yougoures. Le nom des Magyares est de la même origine, aussi le peuple hongrois compte-t-il les Vogoules et les Ostiaks parmi ses parents. » Hunfalvi ([10]) est du même avis, en prouvant, à l'aide des langues congénères, l'identité des racines : uj, jog, mog, mag, il constate que le mot ouïgour (ujgur)-moger signifie : l'allié ([11]).

Mais c'est sans contredit Schott ([12]) qui, le premier, emploie pour l'ensemble de ces langues la dénomination de fuinoises-tartares ou ouralienne- altaïques. Castrén ([13]) les appelle langues altaïques tout court, dénomination qui nous paraît assez heureuse, vu qu'elle n'appartient à aucun de ces peuples en particulier et qu'elle nous indique la première demeure de cette race puissante dont l'habitation primitive se trouvait près de l'Altaï, d'après les traditions finnoises, turques, mongoles et même magyares. Müller ([14]) enfin appelle ces langues des langues touraniennes, en opposition aux langues aryennes, sémitiques, etc., et nous sommes parfaitement de son avis ; le Touran ayant été de tout temps le centre de leur habitation première, d'où elles sont parties semblables à des rayons parcourant une grande partie du monde moderne.

De l'immense étendue qu'occupe cette race, Schleicher ([15]) nous trace un tableau vraiment grandiose :

« Cette race, dit-il, s'étend jusqu'aux confins les plus reculés de l'Asie du Nord-Est. Elle embrasse les Toungouses (Mandchous) et les Mongols. Ces deux peuples, à une petite exception près, qui se trouvent au nord des monts Caucases, n'habitent que l'Asie et donnent la main à la nombreuse famille des langues turques, célèbres par leur antiquité et leur pureté. Les Turcs commencent au bord du Lena avec les Jacoutes, se resserrent dans les parties orientales de la Haute-Tartarie sous le nom de Ogoures ou Yogoures, comprennent les Kirghizes, les Turcs de la Sibérie et les Turcomans, et s'étendent jusqu'au sein de la Russie européenne. Là, divisés en plusieurs peuplades et parlant différents dialectes, ils prennent le nom de race tartare. Des rameaux détachés de la masse entière s'étendent davantage vers l'Occident dans le Caucase, dans la Crimée et dans l'Asie-Mineure. De là, les Turcs ont pénétré en conquérants jusque dans l'Europe méridionale, dans le territoire des langues grecques, albanaises et slaves du midi, et ont fondé autant de petites colonies enclavées dans ce territoire.

« Le nord de la Russie européenne et asiatique est occupé par les Samoïèdes sur les bords de la mer Glaciale (de la mer Blanche jusqu'à l'embouchure du Lena) ; Schott ([16]) compte leur langue au nombre des langues tartares, plus particulièrement finnoises. Aux limites de l'Europe, des deux côtés des monts Ourals, se trouvent réunis dans un seul tronçon les différents dialectes congénères appelés: finnois de l'est. Le finnois de l'ouest (le lapon, le finnois proprement dit, l'esthonien et le livonien), séparé du samoïède par la mer Blanche, forme de nouveau une branche détachée de la langue mère. En fin, au milieu de langues d'origine indo-germaine, loin de toutes ses sœurs, nous voyons le magyare faisant partie du parler finnois de l'ouest ([17]).

« Cette langue s'étend donc de l'est à l'ouest, des bords de la mer du Japon jusque dans les environs de Vienne et Christiania, et du nord au midi, des bords de la mer Arctique jusqu'au sein du Thibet, jusqu'aux bords du lac Tenghrie (près de Lassa) en Afghanistan et jusqu'aux côtes méridionales de l'Asie-Mineure. »

Ce tableau nous indique les trois subdivisions de cette race de langues :

1° Les langues tartares; 2° les langues turcomanes ; 3° les langues finnoises ou tchoudes. Cette dernière encore subdivisée en langues finnoises de l'est et langues finnoises de l'ouest. II

Parenté indiscutable avec les langues finnoises on tchondes.

Déjà dans le dernier siècle des savants suédois et autres, comme Olaus Rudbequius ([18]), Strahlenberg ([19]), Jean Everard Fischer ([20]), Hell ([21]), Jean Sainovits ([22]), Ihre-Oehrling ([23]), Hager ([24]), ont constaté la parenté qui existe entre la langue magyare et les idiomes tchoudes. Ihre prétend même dans l’avant-propos de son glossaire que le célèbre philosophe allemand Leibnitz avait soutenu la même thèse. Même en Hongrie, nous rencontrons, vers la fin du dernier siècle, deux linguistes distingués combattant bravement l’opinion de plusieurs savants compatriotes qui prétendaient avoir trouvé une affinité entre le magyare et les langues orientales plus particulièrement sémitiques. Les œuvres estimables de Sainovits et de Gyarmathy ([25]) auraient pu rendre d’excellents services aux philologues qui venaient après eux, et sont encore aujourd’hui d’une utilité incontestable pour celui qui travaille dans le même sens. En Hongrie c’était malheureusement peine perdue. Le peuple se souciait peu d’une parenté possible avec les Lapons aux cheveux roux ou les Finnois qu’on ne connaissait que de ouï-dire, et il savait gré à ceux qui s’efforçaient de combattre ces idées en cherchant une plus noble souche, une origine antique perdue dans la nuit des siècles. D’autres peuples ont eu la même faiblesse. Nous remarquons déjà chez les Grecs et les Romains une tendance prononcée à reculer leur origine plus loin que tous les documents, que toutes les traditions, et à chercher des contes fantaisistes pour satisfaire leur vanité nationale. Entre les peuples modernes nous voyons le même spectacle ; le peuple magyare n'est donc pas le seul qui soit tombé dans une si grosse erreur. Il est à regretter que ce préjugé national ait même aveuglé le plus grand philologue hongrois Révay qui ne voulait pas même admettre la possibilité d'une parenté entre les langues finnoises et son idiome natal. Mais bientôt on découvrit l'antique sanscrit et son affinité indiscutable avec presque toutes les langues modernes; la question sur l'origine du magyare intrigua de plus en plus tous les savants de l'Europe, et il fallait bien que la lumière se fit aussi dans ce petit coin obscur de la science philologique. Schott prouva le premier l'affinité entre les langues altaïques ; Boller ([26]), plus explicite encore, fit des cours remarquables sur le même sujet, et Hunfalvi ([27]) fut le premier en Hongrie qui montra le chemin à tous les linguistes à venir. Infatigable de sa nature, ce dernier rédigea pendant plusieurs années des publications mensuelles ([28]) qui, attirant petit à petit des collaborateurs zélés et inspirés, inaugurèrent une ère nouvelle pour l'histoire philologique de cette langue. C'est à lui et au savant grammairien Anselm Mansvet Rield ([29]) que sont dus pour la plus grande partie les beaux résultats acquis jusqu'à ce jour. III

La langue magyare comparée aux langues de même origine.

Nous avons dit, dans notre premier chapitre, que les langues touraniennes se subdivisaient en trois classes: tartares, turcomanes (turques) et finnoises, et nous avons ajouté que l'idiome magyare appartenait à cette dernière classe, finnoise ou tchoudc, autrement dit ouralienne. Schott ([30]) est du même avis, ainsi que Boller dans ses recherches approfondies, tandis que Hunfalvi donne au magyare une position intermédiaire entre les langues finnoises et les langues turcomanes (turques). Castrén, traitant des terminaisons qui tiennent lieu du pronom dans les langues toungouses, bourïœtes, mogoles, turques, samoïèdes et finnoises, joint le magyare à la dernière langue. Toutes ces suppositions ne sont pas encore arrivées à la certitude, mais nous ne croyons pas nous tromper en soutenant que le magyare, comme langue touranienne, compte parmi la subdivision des langues tchoudes ou finnoises. A l'appui de cela nous allons citer les observations faites par A.-M. Riedl, qui sont aussi approfondies qu'irréfutables. « La place de la racine dans les mots dérivés, son inflexibilité, l'harmonie des voyelles, les règles sur les terminaisons, etc., sont communes à toutes les langues altaïques; au contraire, l'accentuation des langues tartares, turques, tcheremisses, etc., diffère essentiellement de celle des langues finnoises et de l'idiome magyare en particulier. Le changement du son résultant de l'influence de l'accent tonique rapproche sensiblement le magyare du lapon, tandis que d'autres apparitions phonétiques, par exemple l'accentuation de la lettre l dans des cas précis, l'altération des racines dans plusieurs formes, et leur retour à la forme primitive devant d'autres suffixes se trouve identiquement dans le zirényen. La terminaison des racines par une voyelle se trouve encore dans le finnois, tandis qu'elle s'est perdue dans le magyare et dans les autres langues parentes. Les consonnes magyares se rapprochent de celles des Ostiaks ; ses consonnes adoucies se retrouvent dans les langues finnoises de l'est, et elles sont étrangères au finnois de l'ouest. La langue finnoise aime l'hiatus, le magyare unit aussi régulièrement les diphtongues en les réduisant à un seul son; la langue finnoise a un cachet caractéristique qui vient des voyelles ; le magyare, un cachet caractéristique provenant des consonnes; les préfixes enfin, étrangers à toutes ces langues, sont une propriété toute particulière du magyare ([31]). Quant aux suffixes, le magyare a autant de rapport avec le turc qu'avec le tchoude ou finnois et incline presque plus vers le turc, même vers le mongol. La division de la conjugaison en deux formes est aussi particulière au magyare, quoiqu'on trouve quelque chose d'analogue dans la langue des Morduins (Morduines, Morduans). De même qu'entre les langues indo-germaines le sanscrit ([32]) sert d'aimant, le finnois peut être considéré comme centre, comme point de départ pour les langues touraniennes. »

Le finnois et le magyare sont les seules langues de cette souche qui possèdent une riche littérature, empreinte de la civilisation ; nous faisons abstraction du turc trop anéanti par les influences limitrophes. Le finnois jouissait encore d'un grand avantage sur le magyare, grâce à sa position géographique vraiment exceptionnelle. Comme dit Kellgrén, cette langue, protégée par la position de son pays, au sein de ses forêts vierges et au bord de ses lacs solitaires, entretenue par les chants sacrés de ses pères, pouvait facilement garder son originalité et développer à son gré sa riche organisation. Ce qui prouve jusqu'à l'évidence quelle est l'importance du finnois comparativement aux langues touraniennes et par cela même vis-à-vis du magyare. Il y a là encore une particularité que nous voulons mentionner. Les racines dans la langue finnoise sont toutes à deux syllabes, tandis qu'elles sont monosyllabiques dans le magyare ([33]). Ne voyons-nous pas là une analogie rappelant celle qui existe entre le latin et le français. Une tendance prononcée, pour ainsi dire, que possède chaque langue moderne vers l'abréviation. Aussi, dans les dialectes magyares ([34]), on voit les vieilles formes et on peut observer, ainsi que dans les incunables ([35]) (une Oraison funèbre datant du XIIe siècle ; une traduction de la Bible du XVe siècle et la légende de sainte Marguerite du commencement du XVIe siècle), que les préfixes ne sont qu'une innovation moderne et que les racines sont bien plus longues, les conjugaisons des verbes bien plus ressemblantes aux langues finnoises que maintenant ([36]).

Qu'il nous soit permis d'énumérer quelques ressemblances saillantes entre le magyare et les langues finnoises de l'ouest.

La terminaison es des adjectifs déterminatifs en lapon se trouve également en magyare, ainsi que la terminaison des substantifs wouot ressemble à la terminaison magyare at. Il est incontestable que ces deux terminaisons es et at appartiennent à plusieurs langues : leur ressemblance pourrait donc être fortuite. Mais la terminaison em est commune au lapon et au magyare ; le meng ou ming hongrois, chez les Esthoniens minne pour des substantifs dérivés ; enfin le diminutif ke, le même chez les Hongrois et chez les Esthoniens, paraissent témoigner en faveur d'une communauté d'origine. Le k de la formation du pluriel est le même pour le finnois et le magyare; chez les Basques, c, qui a toujours le son du k; dans l'une et l'autre langue on ajoute aux noms les adverbes interrogatifs et les pronoms possessifs. Cependant le son de ces suffixes n'est pas toujours le même, excepté celui des pronoms possessifs. Pour la première personne, on ajoute dans les deux langues am ou n; pour la seconde ad ou a (la troisième diffère). La seconde du pluriel ajoute tok et les autres un k. Le k, qui se trouve être en magyare la désinence de toutes les personnes du pluriel, se rencontre également dans le lapon-norwégien à la troisième personne du pluriel du présent de l'indicatif, et à la première et deuxième personne du pluriel de l'imparfait de l'indicatif.

Le verbe déterminatif magyare prend à sa première personne du singulier du présent de l'indicatif m, à sa 2e d comme en esthonien. Entre le verbe lapon devenir et le même verbe magyare qui s'emploie souvent aussi comme verbe défectif, on trouve cette ressemblance que la racine de tous les deux étant le, ils forment leur impératif en legy (d'après d'autres en lapon lage). Le verbe magyare forme de lui-même, outre le présent, encore deux prétérits et le plus-que-parfait avec l’auxiliaire être; il ne possède point d’habitude de futur et emploie pour ce temps, comme dans le finnois et dans l’esthonien, le présent de l’indicatif.

La construction de la phrase a beaucoup de rapports dans ces deux langues. Ainsi, par exemple, l’infinitif composé du verbe et du pronom suffixe : je dois, se dit : il faut à moi. La circonlocution pour rendre le verbe avoir, pour lequel il n’existe pas de mot propre, se rend par mihi est (nekem van : à moi est). Aussi, beaucoup de proverbes esthoniens et magyares sont les mêmes. Encore plus grande est la ressemblance entre les pronoms interrogatifs :


Magyare. Lapon. Finnois. Esthonien.
Qui : ki, ki, kuka, ke ou kes.
Quoi : mi, mi, mika, mis ou mes.

La formation du comparatif est identiquement la même dans les deux langues magyare et laponne. On ajoute deux b au positif. Le nombre lapon deux, kuahte, se dit en magyare, kettő. Le d lapon, à la fin des nombres ordinaux et fractionnaires, se trouve aussi en magyare, seulement dans cette dernière langue on forme les ordinaux des fractionnaires, tandis qu'en lapon c'est l'inverse qui a lieu.

Il est encore à remarquer que les radicaux des deux langues ne commencent jamais par deux consonnes.

Quant à l'objection que les radicaux magyares sont presque tous monosyllabiques, tandis que ceux des Finnois tendent tous à avoir deux ou plusieurs syllabes, nous l'avons prévu et déjà combattu au commencement de ce chapitre. Mais en consultant les premiers documents de la langue magyare, entre autres l'oraison funèbre, nous y trouvons une quantité de mots ayant des terminaisons en a, e et i qui ont disparu dans la langue d'aujourd'hui et qui faisaient à ce moment partie inhérente de la racine. Quelques exemples tirés de l'Oraison funèbre suffiront pour démontrer l'exactitude de ce que nous venons d'avancer.

Mige, aujourd'hui (ah.) meg; ise, père, ah., ős; aïeul ([37]), Zulta, ah., Zsolt; Obada, ah., Abád; Été, ah.,Ét; Zerenche, ah., Szerencs; Sápi, ah., Sáp; Sári, ah.,sár; Rabuca, ah.,Rabca; Zobolsu, ah., Szabolcs; Zerenchu, ah., Szerencs; Zuardu, ah., Szoárd; Pakoztu, ah., Pakozd; Surcusár, ah., Soroksár; Lelu, ah., Lél; Sátorhalmu, ah., Sátorhalom; Turu, ah., Tur; Saru, ah., Sár; Tasu, ah., Tas; Borsu, ah., Bors; aloma, le songe, ah., alm, álom; zerelmu, l'amour, ah., szerelem.

Nous rencontrons encore de pareilles terminaisons dans beaucoup de compositions de mots. Kellgrén, s'appuyant sur des démonstrations analogues faites par les célèbres grammairiens allemands Grimm et Heyse, a démontré jusqu'à l'évidence que la voyelle unissante dans beaucoup de mots composés n'est nullement une invention de l'euphonie, comme on l'a cru longtemps, mais tout simplement une terminaison de racine rejetée avec le temps dans le mot simple. Nous trouvons des phénomènes analogues dans les langues congénères, p. e. le sel, en finnois suola, en zirényen soo, en magyare so ([38]). Dans les différents cas, en finnois, tantôt solán, tantôt solá. Castrén est du même avis, et A.-M. Riedl va plus loin encore, et, érigeant ses précieuses expériences en règle, il dit : « Le nominatif ne se rapproche pas toujours le plus du radical, au contraire, souvent il faut chercher sous une autre forme, surtout sous les formes suivies des suffixes possessifs, cette plus grande ressemblance avec la racine. »

Ce qui rend la comparaison entre le magyare et les langues parentes encore plus difficiles, c'est que le finnois ainsi que le mongol n'ont pas les articulations b, g, d, et le finnois est même forcé de remplacer l'f que le mongol possède par v. Mais en suivant le système de la mutation successive des consonnes que A.-M. Riedl nous explique si parfaitement dans sa grammaire philologique en comparant le finnois et les langues congénères aux inculables magyares, et puis au magyare d'aujourd'hui, nous serons bien plus à même de trouver beaucoup de mots magyares d'origine finnoise. Ces mutations sont souvent les plus étranges, et elles sont trop nombreuses pour les énumérer toutes.

Les plus saillantes sont, par exemple : K = ch = h, finnois, kolme. Oraison funèbre (o.f.), charm, ah., három, trois; finn., kuolo, o. f., cholta, ah., holt, mort; finn., kurku, o. f., turch., ah., torok, la gorge., en slave, chyba; magyare, hiba, la faute ; slave, rucho, magyare, ruha, habit ; slave, cech, magyare, ceh, corporation; allemand, Blech, magyare,pléh, fer-blanc; allemand, Michael, magyare, Mihály, etc.

Le signe de l'impératif était, dans l'Oraison funèbre, ch., zoboducha., qu'il affranchit; dans la traduction de la Bible, ce ch devient h tout court, par exemple, sege-h. Tandis qu'aujourd'hui c'est un j. Ce qui prouve que h = j.

D'ailleurs, nous voyons dans beaucoup de mots des analogies : fehér ou fejér, blanc ; tehén ou tején, vache, etc.

L' ng, un son guttural-nasal, se rencontre aussi dans la langue laponne et dans l'ostiak, donc : n = ng = k, par exemple : en lapon, pane, en zirényen, pinj, en ostiak, penk, magyare, fog, la dent; lapon, manga, magyare, mögé, derrière; ostiak, sunk, magyare, zug, coin; ostiak, jeng, magyare, jég, glace; allemand, Quentchen, magyare, konting (un poids), Buchsbaum, magyare, puszpáng, etc., j = gy.

Finnois jalka, pied; magyare, gyalog, à pied; dans la langue meme, jön ou gyön; jer ou gyer, il vient, viens, etc.

Il sera facile de voir dans les mots suivants la mutation successive des consonnes qui devient souvent un véritable déplacement des consonnes, et en nous rappelant que le finnois ne possède ni b, ni g, ni d, ni f proprement dits, nous découvrirons sans doute l'identité de ces mots.

Ainsi le p, k et t magyares répondent souvent aux b, g et d finnois; par exemple, finnois (f.), porras, magyare (m.), bürü; f., papu, m., bab, haricot; f., pukki, m., bak, bouc; f., poki, m., bük, hêtre; f., hapain, m., savanyu, aigre; f., kupo, m., kéve, gerbe; f., tupa, m., szoba, chambre; f., pöksä,m., visko, chaumière; f., varpulainen, m., veréb, moineau; f., tynys, m., diszno, porc; f., täty, m., tüdo, poumon; f., autu, m., üdv, salut ; f., etelä, m., dél, midi; f., silta, m., hid, pont; f., taito, m., tudás, savoir; f., ikeen, m., iga,joug; f., jalka, m., gyalog, à pied; f., kaatio, m., gatya, caleçon; f., koju, m., gunyho, chaume ; f., myrkky, m., méreg, poison; f., mäki, colline, m., megye (subdivision administrative), etc. ([39]).

Souvent le k, g, d, t, b, p finnois répondent aux h, j, s, zs, sz, z, f, v magyares. Par exemple, f., paju, m., füz, saul; f., pakkainen, m., fagy, consolation; f., pala, m., falat, bouchée; f., peitet, m., födél, toit; f., pelko, m., félelem, peur; f., pesä, m., fészek, nid; f., pilvi, m., felhö, nuage ; f., poika, m., fin, fils ; f., pmi, m., fa, bois ; f.,pää, m., fö, tète; f., pääsky, m., fecske, hirondelle; f., veto, m., vezetés, mené; f., tipu, m., csöpp, goutte; f., kala, m., hal, poisson ; f., kallis, m., halom, colline; f., kosio, m., hös, héros; f., kota, m., ház, maison; f., kuu, m., ho, mois; f., kuullo, m., hallâs, l'ouïe, etc. ([40]). IV

Le magyare comparé aux langues Indo-germaines.

Toutes les langues de souche arienne sont des langues flexibles, tandis qu'il y a des savants qui discutent cette même particularité quand on parle des idiomes d'origine touranienne-altaïque.

Avant tout, nous allons citer l'opinion des plus célèbres linguistes sur ce sujet; nous nous réservons toutefois le droit dejuger en dernière instance cette question épineuse.

Le savant Kellgrén dit à ce sujet : « Un linguiste compétent, Schott ([41]), prétend que les langues de la Haute-Asie, entre lesquelles il compte à juste titre le finnois, le magyare, ne sont susceptibles d'aucune flexion (déclinaison), vu que la racine des mots dans ces langues ne supporte pas de particule formative servant d'augment, ni de terminaison grammaticale modifiant le radical même, qu'on y observe plutôt une adhésion au lieu d'une véritable cohésion. Il est sans doute avéré qu'un grand nombre de langues ouraliennes-altaïques ne sont pas arrivées à ce que nous appelons déclinaison, flexion ou cohésion. Car, où l'esprit n'a pas la force, l'essor nécessaire pour former et unir les pensées librement, avec audace, il manque aussi à la langue l'aptitude de fondre les racines des mots avec les suffixes relatifs. Mais pourrait-on en dire autant de toutes ces langues? Nous y répondrons par un démenti formel. Les langues magyares, finnoises, osmanli-turques, et même en partie la langue mongole, nous présentent un organisme pénétré de flexibilité, de manière qu'on ne peut pas leur contester la dénomination de langue flexible; la langue finnoise n'est surpassée sous ce rapport par aucune langue du mond«, et si on pouvait lui reprocher un défaut, ce ne serait que d'avoir trop prodigué le principe de la flexion. En supposant que le finnois et le magyare soient les plus parfaites entre ces langues, ce n'est nullement une preuve qu'ils se soient le plus assimilés avec les langues européennes, ce n'est qu'une preuve évidente que le principe sus-mentionné, appartenant à toute la famille, a pu le plus se développer chez eux. L'aisance, dans ce cas, est donc le fruit du développement avancé, et non pas le résultat d'une inconséquence. »

Nous ajouterons à ces paroles éloquentes et persuasives que l'objection que Kellgrén prévoit et réduit à sa juste valeur pourrait atteindre la langue magyare, entourée de tant d'autres langues plus ou moins parfaites, mais jamais le finnois qui, grâce à sa position géographique exceptionnelle, a pu se développer et se perfectionner sans l'influence d'aucune langue sur son organisation.

Un autre savant, Scleicher ([42]), suit au contraire l'exemple de W. Humboldt, et subdivise les langues en monosyllabique, agglutinantes et flexibles, et compte les langues altaïques dans la seconde catégorie. « Si Kellgrén prétend, vis-à-vis de Schott, que le finnois, le magyare, l'osmanli-turc, et même en partie le mongol sont des langues flexibles, il s'induit pour ainsi dire volontairement en erreur, car il s'imagine ou fait semblant de s'imaginer qu'une réunion intime du radical avec le suffixe suffirait pour donner à un idiome le caractère d'une langue flexible. On ne peut pas méconnaître qu'il ne se trouve dans cette union intime une tendance de flexion, mais tant que l'intérieur de la racine reste inaltérable, il ne peut être question d'une flexion proprement dite. Cette union intime n'est donc qu'une suite des lois phonétiques de l'assimilation, mais non pas un effet d'une tendance spontanée vers la flexion. Il est loin de nous de vouloir faire un reproche à ces idiomes en les appelant agglutinants, car une pareille langue agglutinante, développée, vitale et pénétrée d'une sève abondante, est certainement au-dessus de nos langues flexibles, si souvent stériles et peu portées à la perfection. D'ailleurs, la loi des harmonies phonétiques exige un organisme de langue non flexible se basant sur l'inaltération de la voyelle du radical, qui protège la racine de suffixes innombrables et lourds voulant l'écraser sous leur poids. Dans les langues agglutinantes, le radical exerce une influence sur la voyelle des suffixes, tandis que dans les langues flexibles, ce sont les suffixes qui influent sur la voyelle du radical. »

Ce n'est point l'opinion de Boller, qui prétend que les langues finnoises sont des langues déclinables; il s'exprime là-dessus de la manière suivante: « On ne veut pas admettre que les langues non flexibles possèdent une déclinaison et une conjugaison, et on veut remplacer la première par la dénomination générale, Théorie des signes casuels. D'après mon opinion, on a tort. Il faudrait donc exclure avant tout la langue copte, qui ne possède pas même l'apparence d'une flexion casuelle et qu'on a introduite quand même, toutefois par une arrière-porte, dans la noble société des langues flexibles. Si, au contraire, la déclinaison n'est pas le signe essentiel de la flexion, on peut bien parler de la première où tout porte à croire qu'on ne pourra pas trouver la seconde.

« Pour restreindre les déclinaisons sur les langues flexibles, il faudrait trouver un criterium qui traçât consciencieusement la ligne de démarcation entre ce que nous appelons les déclinaisons des langues flexibles et les signes casuels des langues soi-disant agglutinantes, ce qui n'a pas réussi jusqu'à ce jour. On essaie de se reporter à une antithèse fondamentale qui existe entre un développement intérieur et une accolation fortuite produite par des moyens mécaniques et extérieurs. Mais on ne parvient pas à altérer la théorie érigée en fait par Bopp, et plus récemment par Pott, que les signes des cas obliques ne sont pas autre chose que des prépositions ou plus correctement des postpositions qui se sont conservées dans le matériel organique des langues, tantôt indépendantes, tantôt unies à d'autres mots, ce qu'on peut prouver à chaque instant. Dès qu'il faut accorder aux éléments formatifs de la déclinaison une importance absolue, on ne peut plus se contenter comme pis-aller d'une union organique. Car si on entend par cette union organique une unité circonscrite et régie par l'accent, alors aucune personne compétente ne pourra contester cette particularité aux langues finnoises de l'ouest, qui s'exprime si visiblement chez elles dans l'harmonie des voyelles et le rhythme des syllabes ; Kellgrén a donc parfaitement raison de compter le finnois entre les langues flexibles. Si on voulait faire ressortir que les langues flexibles désignent, outre les cas objectifs et attributifs, les moteurs de mouvements (datif, ablatif, locatif et instrumental) s'exprimant par l'altération du nomen lui-même, tandis que les relations d'espace s'interprètent par des prépositions isolées (devant, derrière, dessus, dessous, dedans, dehors, près, à), alors non-seulement le grand nombre de cas dans différentes langues, mais aussi la circonstance que plusieurs prépositions s'unissent aux mots munis déjà de l'affixe casuel par l'acclise, donnent un démenti formel à cette étrange théorie.

« Même la position isolée que l'affixe occupe vis- à-vis des marques du pluriel et des distinctions personnelles trouve son pendant dans les formes indo-germaines: sanscrit bhi-am, bhi-âm, bhi-as; latin b-us, b-is. Les voix de tous ceux qui trouvent dans la déclinaison un signe caractéristique des langues flexibles se réunissent pour soutenir que les éléments des affixes casuels et des prépositions sont d'une nature abstraite et surtout pronominale.

« Une pareille supposition soutenue d'une manière absolue n'est guère plus justifiable que toutes les hypothèses antérieures, car Pott ne nous a pas seulement prouvé la capacité substantielle des pronoms vis-à-vis des parties constitutives dès prépositions, mais aussi peut-on établir un parallèle entre ces éléments formatifs des langues flexibles et les langues agglutinantes (finnoises). La circonstance que des formes concrètes tel que: pää, chef, tête, s'emploie pour indiquer les proportions d'espace est si peu restreinte dans les limites des langues agglutinantes (finnoises), qu'on trouvera à peine une seule langue qui n'eût des vestiges de cette compréhension subjective.

«En enlevant la ligne de démarcation, l'unité des principes sur laquelle repose l'expression grammaticale des proportions se découvre de suite, et le total des exposants employés ou signes casuels représente une chaîne qui, commençant par un rapprochement mécanique, se termine par l'absorption entière et l'assimilation dans le mot substantiel. Si toutefois cette dernière observation ne se rapporte qu'aux langues les mieux organisées, il est pourtant difficile de trouver une limite qui séparerait les anneaux de cette chaîne. On rencontre dans ces langues dont l'organisme est plus avancé, à côté de procédés de formations plus élevés, aussi des répétitions sortant de catégories inférieures, de même qu'on rencontre dans les langues indo-germaines des prépositions isolées, des postpositions enclitiques et des affixes casuels dans le sens plus restreint. »

A.-M. Riedl se berce de l'espoir que l'étude des langues agglutinantes fera disparaître à fur et à mesure de ses progrès la ligne de démarcation qui les sépare des langues flexibles. Nous sommes même convaincu que cette barrière sera inévitablement enlevée par le rapprochement sensible des deux écoles qui, poursuivant le même but, ne se laisseront pas arrêter par des difficultés aussi peu sérieuses. V

Dialectes du magyare, influence des langues limitrophes sur le magyare.

Il y a des linguistes qui ont prétendu que la langue magyare n'avait pas de dialectes. C'est une grave erreur. Non-seulement il existe de différents dialectes en hongrois, mais aussi ces dialectes sont appelés à jouer un rôle important dans toutes les appréciations sur la langue même par leur rapprochement plus ou moins prononcé avec la langue antique. Dans la Haute-Hongrie, le parler diffère bien sensiblement de celui de la Basse-Hongrie. Personne ne contestera les nuances qui existent entre le normand et le marseillais, entre le castillan et l'andalous, et l'érudit hongrois Toldy a même décomposé la langue de sa patrie en treize dialectes bien distincts. Entre ces subdivisions, nous n'en mentionnerons que deux. La langue des Székelys en Transylvanie, peu euphonique parce que ces Magyares de l'extrême Est ont une manière détestable de traîner les syllabes ([43]). Bien plus important pour l'histoire philologique de la langue même est le parler des Palocs ([44]) qui, par ses longueurs, se rapproche insensiblement de la langue primitive, preuve : les incunables. Dans cette langue, l'á (long) est souvent précédé d'un u (ou) ; par exemple vár, vuár, le château ; bátya, buátya, le frère aîné. La même habitude règne quant à l'ó (long) ; par exemple, só, suó, le sel ; tót, tuót, le slave ; szó, szuó, le mot.

Et ainsi de suite.

Grande a été l'influence exercée par les langues limitrophes sur le magyare. Abstraction faite de la tournure de phrases qui s'en est souvent ressentie, beaucoup de mots magyares sont d'une origine étrangère. Il serait bien difficile de préciser le moment où cette influence a commencé, mais Toldy a sans doute raison quand il soutient que les langues de l'Asie limitrophes de l'Europe, ainsi que celles des peuples qui habitaient le midi et le centre de la Russie vers la fin du dernier millésime, ont eu une influence notoire sur la langue magyare avant l'influence exercée par les idiomes latins, germains, turcs et slaves. Nous citerons ici un certain nombre de mots dérivés du germain et du slave, du latin et même du français.

Quelques mots magyares dérivés du germain : Ajto, Thüre, porte (en parler souab, etter); arat, Aernte, récolte; abrak, Hafer (en slave, obrok), avoine ; borbély, Barbier, barbier ; butsu, Busse, pénitence ; borosta, Bürste, brosse ; drot, Draht, fil de fer ; font, Pfund, livre ; friss, frisch, frais ; föld, Feld, champ ; gyémant, Diamant, diamant ; goromba, grob, grossier ; gyilk, gyilok, Dolch (dans l'ancien magyare, gyolk], poignard; gesztenye, Kastanie, châtaigne; istráng, Strang, traits; istállo, Stall, écurie ; istáp, Stab, baguette ; kurta, kurz, court; lusta, faul, lass, paresseux; lassan, langsam, lentement; komor, Kummer, chagrin; krumpli, Kartoffel, Grundbirn, pomme de terre ; lyuk, lik, Loch, trou; mozsâr, Morser, pilon; major, Maier, métayer; ökör, Ochs, bœuf; pldjbász, Bleiweiss, crayon ; piascz, Platz, place ; pellengér, Pranger, carcan : puszpâng, Buchsbaum, buis; rozsda, Rost, rouille; saláta, Salad, salade; rettek, Rcttich, radis ; sinor, Schnur, ganse ; srof, Schraube, vice ; tánc, Tánz, danse ; torony, Thurm, tour; tenglitz, Stieglitz, chardonneret; cél, Ziel, but; vandorlani, wandern, voyager; ház, Haus, maison; vér, blut sang (chez les chasseurs, Verch, couleur) ; viz, Wasser, eau; et ainsi de suite.

Quelques mots magyares dérivés du slave :

Borotva, britva, rasoir ; vacsora, vecera, souper : ebéd, obed, dîner; ecet, ocet, vinaigre; asztal, stul, table; udvar, dvur, cour; barât, brat, ami; veréb, vrabec, moineau; király, kral, roi; kalâsz, klas, gerbe ; kulcs, kluc, clef ; szalma, slama, paille : szolga, sluha, domestique ; szilva, siva, prune ; szabad, svoboda, libre ; unoka, vunk, nièce ; olasz, vlach, italien ; orvos, vrac (ancien slave), médecin; orszâg, rusag (ancien slave), pays ; szerda, sreda, mercredi ; szombat, sobota, samedi ; ainsi de suite.

Quelques mots dérivés du latin.

Szarvas, cervus, cerf ; lentse, lens, lentille ; len, linum, lin ; szent, sanctus, saint ; falu, villa, village ; csillag, stella, étoile; ora, hora, heure ; kert, hortus, jardin ; férj, vir, homme ; tégla, tegula, brique ; sogor, socer, beau-frère ; angolna, anguilla, anguille ; almârium, armarium, armoire ; cseresznye, cerasum, cerise ; császár, Caesar, empereur ; etcet, acetum, vinaigre ; fige, ficus, figue ; kurta, curtus, court ; márvány, marmor, marbre; ainsi de suite.

Quelques mots dérivés du français :

Acél, acier ; arestálni, arrêter ; bárka, barque ; bokréta, bouquet ; bastya, bastion ; érsek, archevêque ; iskatulya, chatouille ; forint, florin ; ainsi de suite.

Ajoutons encore que c’est à la langue latine que le magyare a emprunté son alphabet. Les anciens écrivains comme Turoczy, Zamoscius[45] et Oláh[46], parlent de caractères magyares, et le mot betü, lettre, dérivant du mot bot, la baguette, bed chez les Ostiaks, en dit plus que les plus éloquents commentaires. Le magyare, possédant plus de quarante sons différents, a dû surmonter bien des difficultés avant de pouvoir adapter les caractères latins à ces nombreux sons. Les Magyares, ainsi que les anciens Slaves, ont choisi la réunion de plusieurs consonnes pour exprimer un seul son. Les Slaves modernes ont suppléé à ce défaut par des signes caractéristiques placés au-dessus des consonnes, et des célèbres écrivains, tels que Révay et Vörösmarty[47], ont tenté la même réforme dans leur idiome, malheureusement sans succès. Leurs efforts pour simplifier l’écriture devaient échouer en face de ce vieux pédant qui s’appelle l’usage.
VI


Quelques particularités du magyare et conclusion.

Finalement, quelques particularités de la langue magyare.

Les accents et les voyelles jouent un grand rôle dans la langue magyare. Les dernières se subdivisent en dures et douces, et cette subdivision est d’une influence capitale sur la grammaire entière, car les différents suffixes (et presque tous les pronoms et prépositions, etc., sont exprimés par des suffixes) s’emploient selon que le radical contient une voyelle douce ou dure.

La langue hongroise, ainsi que le finnois, ne distingue pas de genre, et l’article ne joue qu’un rôle fort secondaire[48], comme par exemple en anglais. Les déclinaisons sont également inconnues aux Magyares ; les flexions de ce cas consistent en particules qui se joignent au radical et se confondent plus ou moins avec lui sans toutefois jamais l'altérer.

Une autre particularité du hongrois est encore le manque absolu du verbe être (copula) dans les phrases où ce verbe sert à la liaison du sujet et de son attribut, absolument comme dans les langues sémitiques. Les pronoms possessifs s'expriment ainsi qu'en turc et en persan par des suffixes qui sont soumis aux mêmes règles que celles qui régissent les particules accollées aux substantifs.

Les verbes changent leur terminaison en passant de l'intransitif au transitif.

La langue magyare diffère aussi des autres idiomes européens par le manque presque absolu des prépositions. Ces prépositions sont ou des postpositions ou des suffixes, comme dans plusieurs langues de l'Asie.

Le grand nombre de ses mots et postpositions indique suffisamment combien la langue magyare doit être concise et explicite.

« Parmi les langues vivantes de l'Europe qui viennent de l'Asie, dit un écrivain français, la langue magyare est une des plus jeunes ; la séve de la vie physique y abonde, et aucune peut-être ne renferme dans son organisme moins d'éléments étrangers. » Le génie de la langue hongroise est fidèlement caractérisé par ces paroles.

La richesse de ses mots et de ses expressions tient du prodige ; sa merveilleuse accentuation et la combinaison harmonieuse de ses voyelles lui prêtent un certain charme doux et mélancolique qui s'observe surtout dans les chants du peuple. Un fameux orientaliste a dit jadis qu'il n'y avait pas de langue pouvant lutter avec le magyare comme perfection de construction et comme sonorité.

Basé sur ce que nous avons dit dans les chapitres précédents, nous pouvons compter l'idiome magyare au nombre des langues finnoises ou tchoudes. Il n'est pas encore suffisamment démontré si cette langue dérive du finnois de l'ouest ou du finnois de l'est; mais tout porte à croire que c'est de cette dernière branche de la race touranienne-altaïque que le magyare fait partie.

Les deux familles finnoises ou tchoudes se sont probablement séparées de très bonne heure ; une d'elles a quitté son domicile antique, les versants boisés du mont Oural et les riantes vallées de l'Obi pour émigrer vers l'ouest où elle a habité peut-être des siècles entiers, au centre de l'Europe, comme peuplade puissante, industrielle et civilisée. Les migrations suivantes ont forcé ce peuple de reculer vers le nord où, entouré de lacs limpides et de forêts vierges, il a trouvé un asile qui lui permettait de vivre à son goût et de développer sa riche langue.

Les dominations suédoises, ainsi que le pouvoir des Russes, n'a jamais été exercé que superficiellement en Finlande et n'a pu altérer ni les anciennes traditions ni la langue des aïeux. Même les Lapons et les Esthoniens ([49]), plus exposés que leurs frères, ont su conserver le cachet caractéristique de leur idiome, qui n'a subi que de légères modifications.

Les Finnois de l'est habitent encore aujourd'hui la demeure de leurs ancêtres. Les Magyares ont quitté vers la fin du VIIIe siècle, subitement, cette belle contrée où ils avaient mené une vie de chasseurs et de pâtres. Une vie guerrière s'est éveillée dans ce petit peuple et l'a pénétré d'une sauvage énergie. Il s'est répandu dans les plaines fertiles du Danube et du Theisz, pourchassant les paisibles habitants de ces contrées et pénétrant jusqu'au cœur de l'Allemagne, même jusqu'à Lyon, semblable à un fleuve impétueux qui a brisé ses digues et se répand en mugissant sur toute la civilisation environnante, la broyant impitoyablement. La langue parlée par ces barbares valeureux ne nous a pas été conservée dans toute son identité, mais les monuments de la première littérature, que nous avons appelés incunables, ainsi que les dialectes qui existent encore aujourd'hui, montrent jusqu'à l'évidence sa grande ressemblance avec le finnois. Les savants magyares parcourant les vallées du mont Oural, y ont trouvé des débris de peuples parlant un idiome semblable au magyare. Ce qui nous paraît bien plus vraisemblable que le conte du linguiste hongrois qui avait voyagé en Suède et qui prétendait avoir causé avec les paysans lapons sans les embarrasser ni pour les réponses, ni pour les explications. Il est certain que la langue magyare a subi d'importantes modifications dans le courant des siècles. Le séjour des Magyares au bord du Volga a dû introduire beaucoup de mots tartares dans leur langue, et plus tard la civilisation germaine ainsi que la domination turque ont eu une influence capitale, non-seulement sur la formation de beaucoup de nouveaux mots, mais aussi sur la grammaire, sur la construction organique de la langue. Toutefois la langue, dépouillée de ses éléments étrangers, qui sont d'ailleurs faciles à distinguer, a conservé toute son originalité et ses nombreuses analogies avec les langues finnoises ou tchoudes.

Et ce serait une bien mesquine vanité nationale que de vouloir nier quand même cette parenté qui saute aux yeux et qui n'a rien d'humiliant pour nous. Les anciens Finnois de l'Oural sont assurément d'aussi nobles aïeux que les Huns d'Attila et les Mongols de Gingis-Khan et de Tamerlan ([50]). LA LITTÉRATURE MAGYARE

Je puis dire qu'il y a désormais une littérature hongroise, c'est-à-dire un titre sérieux a l'appui des réclamations d'une noble race.

(Saint-René Taillandier.)

La littérature magyare reflète fidèlement le caractère de ce peuple, et à elle seule elle aurait mérité d'attirer l'attention des nations de l'Occident, car elle est d'une grande richesse, d'une grande variété avec un caractère d'originalité très marquée.

C'est avec saint Étienne (an 1000) que cette littérature prend naissance. La langue latine occupe d'abord la première place, le clergé et la noblesse ne s'expriment que dans cette langue, et le magyare paraît être relégué dans l'oubli. Mais le peuple, qui chérit la langue de ses pères, venue des steppes de l'Asie, la conserve et s'y attache avec cette tenacité propre aux Magyares. Les chants populaires, qui exhalent un charme mélancolique tout particulier, se transmettent de génération en génération, et le XVIe siècle apporte avec la réforme un élan dans la poésie nationale, qui s'épanouit dans toute sa superbe beauté. Une littérature magyare est créée, littérature pleine de séve et d'un développement abondant et riche. Mais la langue nationale étant considérée comme la source de l'hérésie et de la sédition, cette littérature est étouffée dans son germe, et de 1702 à 1780, nous assistons aux siècles d'or des écrivains latins. Avec le règne de Joseph II et la révolution française commence une nouvelle période pour la littérature hongroise. Plus puissante que la première, de grands poètes surgissent et se rendent dignes de gloire et d'immortalité. Les revers de 1848 parviennent à ralentir sa marche sans pouvoir l'étouffer de nouveau. La lutte avec l'élément allemand la ranime et la vivifie, et dans ce moment elle marche à pas de géants, occupant une place glorieuse auprès des littératures des autres nations.

Nous distinguerons donc quatre périodes dans l'histoire de la littérature magyare.

La première comprend le commencement de la littérature ; les écrivains latins et le germe d'une littérature nationale, de 1000 à 1500.

Deuxième période : La littérature nationale se fortifie et prend une nouvelle extension de 1500 à 1700.

Troisième période : Siècle d'or des écrivains latins, de 1700 à 1780.

Quatrième période : La littérature nationale devient la plus importante de 1780 jusqu'à nos jours. PREMIÈRE PÉRIODE

La langue magyare et la langue latine, auxquelles on pourrait ajouter pour une modeste mais importante fraction l'idiome allemand, dominent tout le développement intellectuel du pays.

Par sa conversion au christianisme, le premier roi de Hongrie, saint Etienne, introduisit l'élément latin. Le clergé devint le premier état du royaume, et si l'on considère que la noblesse de ce temps ne s'occupait que de la guerre, on voit qu'il devient nécessairement la seule force intellectuelle du pays. Toutes les lois et tous les actes légaux furent rédigés en latin, et sous les successeurs d'Etienne cette langue devint définitivement la langue officielle. L'élément allemand ne tarda pas non plus à paraître. Le mariage du roi avec une princesse allemande et surtout les nombreux colons qui furent appelés dans le pays, contribuèrent pour une large part à sa propagation. La plus grande partie de la nation, imbue d'un esprit païen et foncièrement oligarchique, s'opposait toujours avec plus ou moins de force sous les règnes des Arpádes aux efforts que faisaient les rois pour rendre la langue latine la seule dominante. Ce ne furent que les monarques issus du sang français, les princes de la maison d'Anjou, qui parvinrent à calmer cette effervescence, grâce à leur sage politique. Mais ce ne fut guère que sous Mathias Corvin que la littérature nationale commença à se relever. Par malheur, les siècles suivants apportèrent à son essor de si puissantes entraves que cette jeune poésie dut succomber dans une lutte inégale. Nous avons exposé dans nos notes historiques la création successive d'écoles et d'universités en Hongrie. C'est en 1473 qu'un homme d'une haute intelligence, André Hesse, fonda à Bude la première imprimerie de laquelle sortit le Chronicon Budense. La poésie et la prose furent également cultivées, et les sciences et les arts commencèrent à fleurir. Nous citerons entre les plus anciens écrivains du pays magyare, Simon Kéza, Jean de Kikellö et Laurent de Monacsics. Mais c'est surtout vers la fin du XVe siècle que surgissent un grand nombre d'historiens et de chroniqueurs remarquables. J. Thurotzius, Zermegh, Forgács, Nádasi, Rátkai, Mart. Jzentivdnyi et les comtes Jean et Farkas Bethlen sont des noms dont la Hongrie s'honore à juste titre. Pour ce qui regarde la médecine, les sciences naturelles, la philosophie et les mathématiques, on compte beaucoup d'hommes illustres entre lesquels l'éminent savant Boskovich occupe incontestablement la première place.

Parmi les poètes et les orateurs, nous signalerons seulement Jean Vitéz, François Hunyadi, Szentgyörgyi, Szerdahelyi, Somsich, Nic Rêvai et Deseffy, noms qui tous existent encore de nos jours en Hongrie.

Malheureusement ces célèbres écrivains n'exercèrent une influence directe et salutaire que sur les classes instruites et sur le clergé. Leur mépris de la langue nationale fut cause que la culture intellectuelle de la grande majorité de la nation resta si fort en arrière.

Sous Ladislas II (1491), la plupart des grands dignitaires du royaume ne savaient ni lire ni écrire, et c'est assurément à l'exclusion de l'élément magyare qu'on peut attribuer ce fait étrange. L'avènement des rois de la maison d'Anjou porta remède à cet état de choses et amena le développement de la seconde période. DEUXIÈME PÉRIODE.

L'idiome national ne se développa donc que très lentement. Il n'était guère plus en usage que dans les relations commerciales, au camp, au sein des familles, dans les fêtes publiques, et jusqu'à un certain point dans les réunions des comitats et à la diète. Pourtant, dans les annales du Cantus Joculatorum et Truffatorum, on mentionne d'anciens chants populaires et des sermons magyares ; aussi prétend-on que la bulle d'or existe dans son original magyare.

Ce n'est que sous le roi Charles Robert que la langue nationale prit plus d'extension, mais le latin resta toujours la langue officielle. Le Hongrois fut cependant parlé à la Cour. Charles Robert fit élever en Hongrie la fiancée de son fils ; Louis le Grand ses deux futurs gendres, pour les rendre familiers avec les mœurs et la langue du pays.

Vers la même époque, on commença à écrire en hongrois des actes publics et des lettres; plus tard, l'Écriture sainte et la Bible furent traduits, et Jean Pannonius, un célèbre érudit, composa même une grammaire qui s'est malheureusement perdue. Mais ce fut seulement la réforme qui donna le plus puissant essor à la littérature nationale et, sous ce rapport, il se produisit en Hongrie un phénomène en quelque sorte analogue à celui qui avait eu lieu en Allemagne. Nous savons quelle source de richesse et quel puissant levier devint pour la littérature allemande cette fameuse traduction de la Bible que le mâle génie de Luther avait conçu. De même, en Hongrie, la traduction des livres saints et les discussions religieuses introduisit la langue nationale dans l'Église et dans les écoles. Elle se polit et se perfectionna de plus en plus. Les écrivains qui se distinguèrent dans cette glorieuse époque sont trop nombreux pour les énumérer tous, et nous nous bornerons à citer les plus remarquables chroniqueurs connus :

Székely (1559), Pethö (1660, dont le nom véritable est comte Zrinyi), Bartha (1667);

De savants traducteurs de la Bible, comme : Erdesi (1571), le même Székely, Károly (1590), et Albert Molnár (1608), qui fut forcé de publier ses excellents ouvrages dans l'exil ;

De spirituels orateurs comme : l'éloquent Gáál (1558) ; Iuhâsz (1563), et Kultsâr (1577) ;

Dans la poésie sacrée : Székely, Bornemisza, Ujfalvi, et Alb. Molnár, etc.

« Jamais il n'y eut plus de chants populaires destinés à rappeler les exploits des héros indigènes, à raconter les vieilles histoires ou de vieux contes. »

Tinodi (1580), Tsanâdi (1577) et Szöllösi (1580) ont brillé dans cette partie comme dans la poésie épique. Le comte Nicolas Zrinyi (1652), le comte Etienne Kohâry (1699), et surtout le très fertile Etienne de Gyöngyösi (1667-1737), sans contredit le plus grand poète de son époque. Il sut manier sa langue nationale avec une rare habileté ; ses expressions sont riches et variées, et ses vers exhalent un parfum triste et mélancolique qu'on rencontre si souvent dans les poésies magyares.

Rimai, Balassa, Benitzki et d'autres, s'essayèrent dans la poésie lyrique sans dépasser de beaucoup, excepté Balassa, la médiocrité. Ce ne fut que deux cents ans après qu'un tout jeune poète réussit à faire de la poésie lyrique hongroise la digne sœur des autres poésies de l'Europe.

Beaucoup d'écrivains s'illustrèrent en écrivant des grammaires, des dictionnaires et d'autres ouvrages philologiques, et contribuèrent ainsi, en grande partie, au perfectionnement de la langue. Les sciences aussi marchaient de pair avec les belles-lettres. TROISIÈME PÉRIODE.

Mais les vives persécutions qu'éprouva la religion protestante en Hongrie eurent les plus funestes suites pour cette jeune littérature pleine de sève et de vie et qui promettait tant. Elle fut pour ainsi dire étouffée dans son germe, et la littérature latine, usurpant de nouveau la première place, entra dans son siècle d'or.

En i820 parut en latin la première gazette du pays, ainsi que plusieurs autres publications statistiques.

Grand nombre d'écrivains de talent rivalisèrent d'élégance romaine, et nous nous bornerons à citer ceux qui ont eu le courage de lutter contre le courrant général et de rester fidèles à la muse nationale. François Faludy, Albert Bartsai, le baron Lörincz Orczy, le comte Ad. Teleky et Paul Anyos sont des hommes auxquels la Hongrie devra une éternelle reconnaissance pour leur fidélité à la langue et à la cause de la patrie.

L'Université de Pesth fut fondée en 1771 par Pázmán, prince de l'église, d'une haute intelligence et d'un profond savoir.

Cet état de choses se prolongea durant tout le règne de Marie-Thérèse, et ce n'est que sous Joseph II, qu'il fut changé de fond en comble. Les réformes de l'instruction publique en Autriche eurent leur contre-coup en Hongrie, et l'intention évidente de « germaniser» le pays souleva la nation entière. Il s'engagea une lutte vive et passionnée qui est restée sans trève jusqu'à nos jours. Toutes les questions qui se rattachaient à la nationalité furent mises à l'ordre du jour, le peuple entier s'intéressa à cet étrange combat qui régénéra la littérature hongroise et donna au peuple même une grande idée de son esprit d'indépendance, de son aptitude et de ses moyens et de l'immense carrière qui s'ouvrait devant lui. Ce brillant élan donna naissance à des poètes et à des écrivains de première ordre qui fondèrent la gloire de la quatrième période. QUATRIÈME PÉRIODE.

Une fois le signal donné, le patriotisme de la nation fit tout pour entretenir ce nouvel essor. Le savant Mathias Ráth fonda en 1781 le premier journal hongrois à Pressbourg. L'agitation augmenta toujours et elle atteignit en 1820 une activité à laquelle elle n'était pas encore parvenue et où elle a persévéré jusqu'ici.

Certaines écoles commencèrent à ouvrir des cours en langue magyare, des écoles professionnelles surgirent, un théâtre hongrois s'ouvrit à Bude et un autre à Pesth, et un grand nombre de publications périodiques et même des revues purement littéraires furent publiées rapidement. Des philologues consommés s'occupèrent de la grammaire magyare et y apportèrent d'utiles corrections et d'importantes modifications. Les grands poètes de cette époque sont nombreux et féconds. Les noms de David Szabo, Joseph Rajinis, Gabr. Dajka, Georges Aranka, Charles Döme, Batsányi, Takáts, le comte Joseph Teleki, Jos Mátyási, le comte Ladislas Teleki, le comte Jean Fekete, François Nagy, Verseghi, Kováts, Virág, Jean Kis, Döbröntey, Paul Szemere, Lad. Tot, Michel Vitkovits sont tous populaires et chers à la nation.

Michel Csokonai, qui sut tirer parti de la sonorité de la langue, se distingua par son style fier et mâle, et ses poésies jouissent d'une renommée qui brille encore de tout son éclat. Mais la palme de la poésie est due aux frères Kisfaludy (Alex et Charles), à Költcsey, à Berzsenyi, tous poètes du premier ordre qui, avec Vörösmarty et Petöfi, sont les plus grands génies de la poésie hongroise.

Pour le théâtre magyare commence avec Charles de Kisfaludy une nouvelle ère, et cet écrivain est également admiré comme poète et comme prosateur. Deux morceaux de Charles de Kisfaludy, que nous avons cru devoir reproduire, témoigneront d'ailleurs plus éloquemment que tout éloge en faveur de la richesse et de la concision de sa prose, et de la magnificence de sa poésie. N'oublions pas non plus de mentionner André Horváth, mort en 1839, qui est l'auteur du premier poème épique en langue magyare intitulée Arpád. Il s'efforça d'imiter le style de 1'Iliade et de l'Odyssée, mais il est plus particulièrement l'imitateur du célèbre traducteur allemand Voss.

Les poètes éminents de cette glorieuse époque furent presque tous aussi de grands prosateurs, tels que : Kazinczy, Virág, Batsányi, Pápai, Tot, Takáts, Endrödi, etc. La prose se distingua surtout par sa concision lacédémonienne et sa grande force d'expression. Combien cette concision et cette force prêtaient à l'éloquence? C'est ce que prouva quelques années plus tard le plus grand orateur hongrois, Louis Kossuth, dont les merveilleux discours furent traduits par tous les peuples.

Grâce à la généreuse initiative du comte Etienne Széchényi, fut fondée, en 1827, l'académie hongroise à Pesth, et la nation n'épargna dans la suite aucun sacrifice pour assurer le succès de cette fondation.

Aujourd'hui, nous admirons à Pesth un magnifique palais académique, et une souscription spontanée de quelques jours suffit pour réunir la somme nécessaire pour élever une statue à la mémoire du grand fondateur.

C’est vers cette époque qu’apparut Kossuth, et qu’il mit son prodigieux talent au service de la gloire nationale. Son journal, le Pesti-Hirlap, donna un nouvel essor à tous les autres journaux tant amis qu’adversaires. Le Hirnök, Nemzeti Ujság et le Jellenkor augmentèrent en importance, et le Buda Pesti Hirado se livra contre Kossuth à une polémique acharnée.

Les belles-lettres firent en quelques années plus de progrès qu’elles n’en avaient fait jusqu’alors pendant des siècles.

Le baron Eötvös[51], Szalay, Tréfort, Szemere et Pulszky publièrent des ouvrages remarquables sur l’économie politique et sur leurs nombreux voyages. Etienne et Michel Horváth, Szalay et Jaszáy écrivirent des ouvrages historiques d’un grand mérite. Les romans trouvèrent naturellement aussi de nombreux et zélés vulgarisateurs. Le baron Josika imita quelque peu la manière de Walter Scott, le baron Kemény celle des romanciers allemands, et Kuthy, Nagy et Pâlffy rappellent Eugène Sue.

Le baron Eötvös est le premier pour son style varié et original. Dans le Notaire du Village, il nous retrace une fidèle image de son pays et nous initie sous une forme simple et sans aucune recherche aux aventures poignantes qui se passent quelquefois sous un toit couvert de chaume situé dans les plaines reculées de la Hongrie orientale.

La comédie est cultivée également avec succès par le baron Eötvös et Obernyik ; le drame trouve ses interprètes dans Gáál, Vörösmarty et Ladislas Teleky. Mais le fécond Sziglegeti, qui règne presque en maître absolu sur la scène magyare, rappelle en quelque sorte le célèbre Lope de Vega qui étonna son siècle par son talent et sa prodigieuse fécondité. Quelques-unes des pièces de Sziglegeti rappellent par leur élégance et leur grâce les proverbes d'Alfred de Musset et les comédies de Scribe, Sardou et Delphine Gay. Le dialogue est piquant, les personnages sont bien dessinés, et l'action même soutient sans défaillance l'intérêt qui s'y rattache.

Cependant la poésie est la partie la plus brillante de cette jeune littérature : Czuczor, Bajza, Garay, Vachot, Erdélyi et Kerényi écrivent des morceaux dignes de figurer à côté de ce que la littérature moderne a produit de plus beau chez les autres peuples de l'Europe.

Vörösmarty est le plus grand entre tous, aussi bien par la grâce de la forme que par l'expression et la puissance de son langage. Le patriotisme de ce poète lui inspira des chants sublimes et d'une rare éloquence. C'est lui qui composa l'hymne national magyare, le Szozat, qui est la Marseillaise hongroise dans toute l'acception du mot.

La société kisfaludienne, qui se forma après la mort du plus jeune de ces deux illustres frères, est encore de nos jours un puissant appui pour chaque talent naissant.

Mais ce ne fut qu'en 1845 que se firent entendre les premiers accords d'une lyre enchanteresse qui électrisèrent et entraînèrent le pays entier. Alexandre Petöfi affranchit la poésie nationale de l'influence étrangère et lui imprima le cachet du véritable génie de la nation. Le fils d'une illustre Française, M. Desbordes Valmore, écrivain distingué, a publié quelques éloquentes pages sur notre grand poète national, et je les reproduis ici avec son assentiment ; on verra à quel point le jugement d'un homme d'un goût aussi sûr est flatteur pour la littérature hongroise.

« Parmi les poètes, Petöfi est le plus grand et le plus fidèle représentant de son pays. Perdu par sa naissance dans le sein de la plus humble foule, opprimé par la misère pendant la durée de sa courte existence, il a connu les poignantes douleurs qui empêchent le cœur de s'engourdir auprès d'un esprit exclusivement occupé ; il a appris la science de la vie sans rien perdre de sa sensibilité. Tout pauvre qu'il était, et peut-être à cause de sa pauvreté, la Muse l'avait reçu et lui avait donné cette voix d'or, ce pouvoir merveilleux de charmer les oreilles et d'entraîner les âmes. Aussi, dès qu'il chanta, il fit pleurer; l'art n'avait pas tué l'homme en lui. L'homme était tellement vivant et dominait à ce point le poète, que le jour où il fallut mourir pour la liberté de son pays, il se précipita au devant du sacrifice, sentant qu'avant tout il était le fils de la Hongrie, et que dans ce moment suprême, elle lui demandait son sang et non des vers. La vie et la mort de Petöfi ont été consacrées à son pays; il l'a chanté en poète et servi en héros. Il a souvent aimé, mais même alors il semblait chercher, sous les traits charmants de ses jeunes idoles, les traits adorés de la patrie magyare. « Si tu veux comprendre le poète, a dit Gœthe, il faut aller dans la patrie du poète. » N'est-il pas également vrai que, pour les âmes qui sentent vivement et juste, lire un poète national, c'est-à-dire un poète demeuré de son pays par le cœur et devenu universel par le génie, lire ses vers, c'est s'initier à la vie intime de son pays? Si, la mémoire remplie des chansons de Béranger, on se met à parcourir la France, à l'étudier de près, on retrouvera bien vite, en entendant causer le soldat, le paysan, le jeune homme et le vieillard, les accents de notre cher et grand poète; on reconnaîtra cette ironie si vive et si gaie, cette fidélité légère, cet esprit libre et ce cœur profond. Aujourd'hui que j'ai lu Petöfi avant d'avoir pu, avant peut-être de pouvoir jamais connaître son pays, il me semble que la Hongrie ne m'est plus étrangère.

« J'ai entendu son peuple parler, crier sa joie et sa douleur; demain, il me serait permis de descendre le Danube jusqu'au lieu où il change son nom allemand pour pénétrer dans l'orient de l'Europe ; je suis persuadé que mon être s'ouvrirait aux sentiments exprimés dans l'œuvre de Petôfi. La mélancolie, l'ivresse de la musique, la flamme d'une vie plus impétueuse, la passion pure de la liberté, toutes les émotions que m'ont données ses vers, je les retrouverais avec joie, mais sans surprise.

« Je verrais des compatriotes dans ces frères de Petôfi dont j'ai partagé souvent, durant des heures brûlantes et rapides, l'amour pour la Hongrie, la haine pour l'étranger, presque les souvenirs, les douleurs et les espérances. »

Après Petöfi, Tompa, Lisznai et Szâsz composèrent des poésies dans le même genre, mais ils furent tous dépassés par le brillant Jean Arany, qui sut le mieux conserver les traditions du maître. Les poésies de cet éminent écrivain jouissent en Hongrie d'une réputation méritée.

L'année 1848 n'arrêta que momentanément le développement de la littérature magyare, et de nos jours nous admirons dans le jeune poète Iokai Mor sa grande fécondité, sa brillante imagination et la rare pureté de son style.

La littérature de voyage fut cultivée avec non moins de succès par Jerney, Egressy, Horányi et autres, et surtout par le comte Jules Andrássy, qui, dans la description de ses voyages aux Indes, se montra l'égal des premiers narrateurs des autres pays.

N'oublions pas, en finissant cette courte étude, de parler de ce célèbre voyageur, Vambéry, qui s'est conquis un nom européen, et de notre grand orateur, vaillant patriote et illustre homme d'État, François Deâk, le fondateur de la nouvelle ère en Hongrie, qui, par son éloquence réfléchie et persuasive, conquit cette grande influence sur les esprits éclairés du pays et devint son sauveur.
MORCEAUX CHOISIS

DE LA

POÉSIE MAGYARE

CHANSONS POPULAIRES
TRADUITES DU RECUEIL FAIT PAR LA SOCIÉTÉ KISFALUDIENNE
I

Ne prends pas une jeune fille pour son or,
Son argent ou ses beaux vêtements ;
Ne la prends pas pour sa couronne ;
Aime-la plutôt pour sa timidité,
Pour sa conduite sans tache.

Ne regarde pas sa jambe quand elle danse,
N'écoute pas sa voix mielleuse,
Fais attention à son âme
Et aux mystères de son cœur.

II

Si j'étais un paon, un fier paon,
Le paon de l'impératrice ;
Si j'étais un paon,
Je me lèverais de meilleure heure.

J'irais vers l'eau qui coule,
Je boirais l'eau qui coule,
Je secouerais mes ailes
Et je répandrais mes plumes ;
De belles jeunes filles les ramasseraient
Et en feraient un bouquet
Qu'à ma toute belle
Je mettrais sur son chapeau.

III

N'importe où je vais
Les arbres pleurent,
De leurs tendres branches
Tombent les feuilles.

Tombez feuilles
Et cachez-moi,
Car ma colombe
Me cherche en pleurant.

Tombez feuilles
Et couvrez mon chemin,
A fin que ma rosée ne sache pas
Où est allée sa colombe.

IV

  
L'étoile brillante
Retourne chez elle ;
Le brun jeune homme
Retourne auprès de sa colombe ;

Mais avant qu'il ne soit arrivé,
Son amour naissant
A grandi trop vite
Et s'est évanoui.

V

Ma mie est partie et elle m'a délaissé,
Elle a emporté avec elle toute ma joie.

Le Danube s'écoule et il ne remonte plus ;
Ma mie est partie et elle ne reviendra plus.

L'hirondelle aussi s'envole, mais elle revient
Avec le printemps ;
Mais ma colombe ne reviendra jamais.

VI

Je bois du vin le dimanche,
Je ne travaille pas le lundi,
Il est bon de se reposer le mardi,
Et de se lever le mercredi ([52]),
De se soigner le jeudi,
De compter le vendredi
Et de se demander le samedi :
A quoi allons-nous travailler?

VII

Petite cruche, grande cruche,
Tu ne vaux rien si tu n’as du vin.
Mais si tu es remplie de bon vin
On te vide facilement.

La bière est meilleure que l’eau,
Mais le vin est encore meilleur que la bière.
Il faut de la bière aux Allemands,
Il faut du vin aux Magyares.

Car animé d’un vin généreux
On se transforme ;
Le vin inspire
L’amitié et l’amour.

  1. Poésie magyare, Alexandre Petœfi, traduction par H. Desbordes-Valmore et Ch.-E. Ujfalvy de Mezö-Kövesd.
  2. Cette couronne, à laquelle les Magyares attachent une importance superstitieuse et qui fut enlevée de Vienne par Soliman, puis rendue par lui à Zapolya et par la veuve de celui-ci à l’empereur Ferdinand, s’était perdue lors du départ du gouvernement insurrectionnel hongrois pour la Turquie. Elle a été retrouvée en 1863 avec le manteau de Saint-Étienne et les autres insignes du couronnement dans une caisse enfouie près d’Orsowa ; transportée à Vienne, elle y faisait partie des joyaux de la couronne. Elle a été rendue depuis et se trouve de nouveau à Bude, où une compagnie d’élite est affectée à sa garde.
  3. Voir Constantin Porphyrogenète. De Adm. Imp.
  4. Origines Hungariœ, seu liber, quo vera nationis Hungaricae origo et antiquitas e veterum monumentis et linguis prœcipius panduntur. Pars I et II, Franequerœ, 1693.
  5. Rajzolatok a magyar nemzet legrégiebb tœrténeteibœl. Pesten, 1825.
  6. Hungarœ gentis avitum cognomen, origo genuina, sedesque priscæ ducentibus graecis scriptoribus coœvis detectœ. Posonii, 1825.
  7. Magyar Mythologia.
  8. De même on fait descendre les trois grandes familles des langues sémitiques, chamitiques, japhétiques ou ariennes des trois fils de Noé. Le sémitique, comme souche de l'hébreu, de l'arabe, etc.; le chamitique, comme souche du libien, du copte, de l'ancien égyptien, etc., et l'aryah enfin mère de toutes les langues indo-germaines. Supposé la justesse de cette hypothèse, il ne sera pas impossible de trouver dans la suite des temps des points de contact entre ces trois branches principales.
  9. Helsingfors, 1849.
  10. Magyar nyelvészet, Ier folyam, 1, füzet.
  11. Jogur, en turc : lier, attacher ensemble.
  12. Versuch über die finnisch-tartarischen Sprachen. Berlin, 1836. Ueber das altaische oder finnisch-tartarische Sprachengeschlecht, 1849.
  13. De affixis personalibus linguarum aliaicarum dissertatio. Helsingforsiœ, 1850.
  14. Suggestions for the assistance of officers in learning the languages of the seat of war in the East. London, 1854.
  15. Sprachen Europas.
  16. Ueber das altaische oder finnisch-tartarische Sprachengeschlecht.
  17. Un célèbre voyageur du dernier siècle, le conseiller aulique russe, M. de Orlay (de naissance magyare), prétend avoir rencontré dans ses voyages dans les monts Caucases une peuplade appelée par les Russes : Uhritschi ou Ugritschi, parlant un dialecte congénère du magyare. D'autres voyageurs mentionnent un tel peuple entre les habitants des vallées des monts Ourals.
  18. Specimen usus linguæ gothicæ. Upsala, 1717.
  19. Beschreibung des russischen Reiches. Stockholm, 1730.
  20. Quæst. Petropol.
  21. Astronome viennois envoyé en Laponie, 1764.
  22. Demonstratio idioma Ungarorum et Lapponmn idem esse. Tyrnavia, 1770.
  23. Disp. de convenientia linguæ Lapponicæ cum Hungaricæ. Upsala, 1777. Gothischer Glossar. Upsala, 1769.
  24. Neue Beweise der Verwandtschaft der Ungarn mit den Lapplændern. Wien, 1794.
  25. Affinitas linguæ hungaricæ cum linguis fennicæ originis grammatice demonstrata. Gœttingse, 1779.
  26. Die finnischen Sprachen. Sitzungsbericht der Kais. Akademie der Wissenschnften. Iahrgang, 1853, 1854, 1855.
  27. Tajékozas a magyar mjelvtudományban. Pesten, 1852, et Magyar Akademiai Ertesitœ, 1852-55.
  28. Magyar Nyelvészet szerkeszti. Hunfalvy Pál. Pest., 1855-57.
  29. A. M. Riedl est auteur de la meilleure et de la plus complète grammaire philologique de la langue magyare.
  30. Ueber das Zahlwort in der tschudischen Sprachenclasse, wie auch im türkischen, tungusischen und mongolischen.
  31. Les préfixes sont même une innovation ; l'ancien magyare n’en possédait pas.
  32. Le sanscrit est la seule langue parmis les langues indo-germaines dans laquelle la racine, détachée du corps du mot, a une signification toute précise.
  33. Hid en finois sitta.
    Ir kirjaa.
    Tiltkielto.
    Nyir nivara.

  34. Il y a surtout un dialecte, celui des Palocs, qui possède son poète de génie, en Lisznai, comme le Provençal en France s'honore de son Mistral.
  35. Nous appelerons ainsi les premiers documents de la langue magyare, sortis du berceau de la littérature.
  36. Dans l'Oraison funèbre, nous rencontrons beaucoup de racines de verbe sans aucun préfixe. Dans les impératifs p. e. morieris, autrefois : holz, aujourd'hui : meghalsz; indulgeat, a : bulcsassa, ah : megbocsássa; liberet, a : zoboducha, ah : meg- ou kiszabaditsa. Le préfixe du superlatif leg n'existait pas encore au XVe siècle. Les mots d'aujourd'hui : hi, vi, ri, i-nni, dans la traduction de la Bible encore : hio, vio, rio, in-ni.
  37. Isa, père, chez les Lapons.
  38. Le finnois a une tendance telle vers doux syllabes dans les racines les plus simples qu'il a fait de l'allemand : Rath, raati, conseil ; de sack, sakki, poche. (Chute trochaïque.)
  39. Voir grammaire philologique de la langue magyare, par A.-M. Riedl.
  40. Voir grammaire philologique de la langue magyare, par A.-M. Riedl. Vienne, 1858.
  41. Versuch über die tartarischen Sprachen.
  42. Sprachen Enropas.
  43. Les Székelys sont un rameau de la race magyare sur l'origine duquel existent les versions les plus contradictoires. D'après quelques-uns (Toldy, p. e.), ce seraient les derniers débris des Huns restés dans le pays; d'après d'autres, les restes d'une race tartare, et d'après d'autres encore, tout simplement des magyares laissés dans le pays pour surveiller les frontières de l'Est pendant que leurs compatriotes parcouraient les vallées du Danube et l'Allemagne centrale. Cette dernière version nous paraît la plus vraisemblable.
  44. D'après Toldy, c'est un des noms que les anciens magyares portaient auprès des monts Caucase.
  45. Dans son ouvrage intitulé : Analecta.
  46. Dans son ouvrage intitulé : Attila.
  47. Dans ce chapitre comme dans les précédents, nous avons souvent consulté A.-M. Riedl, dans ce moment sans contredit le plus compétent philologue magyare.
  48. On peut aller plus loin et prétendre que l’ancien magyare n’a pas dû avoir d’article du tout.
  49. Le livonien est en train de disparaître peu à peu.
  50. Dans ces recherches philologiques, nous avons souvent consulté l'excellent ouvrage de A.-M. Riedl, le plus complet qui existe dans ce moment sur l'étymologie de la langue magyare.
  51. Il n’y a pas longtemps, la Hongrie a éprouvé une douloureuse perte, le baron Eötvös, son ministre de l’Instruction publique et un de ses meilleurs écrivains, fut enlevé subitement au milieu d’une carrière glorieuse.
  52. Dans le texte coucher.