La Guirlande des dunes/Temps gris

Toute la Flandre
Deman (La Guirlande des dunesp. 10-11).

Temps gris


La Mer du Nord n’est elle-même
Qu’aux jours rugueux d’hiver,
Quand ses vagues à l’infini sont blêmes
Et ses sables, jusqu’au printemps, déserts.

Toute sa patience avide et sourde
Travaille alors à son énormité
D’embruns compacts, de vagues lourdes
Et de mornes clartés.

Si, vers midi, les cieux noirs se dérident,
L’instant vite s’enfuit, l’instant vermeil
Où se traîne, sur les grèves torpides,
L’or fatigué des vieux soleils.

Et l’ombre, à coups de lumière éventrée,
Se referme, sitôt que l’horizon hagard
Soulève, avec les blocs de sa marée,
Les flux montants de ses brouillards.

Et la mer, boudeuse et vomissant l’écume,
Recommence sa lutte et ses combats,
Engloutissant, derrière un mur de brumes,
Tant de voiles qu’on ne voit pas.