Note A.
LA LETTRE DE Mgr DE MONTRÉAL À L’ARCHEVÊQUE DE QUÉBEC

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Cette appréciation de l’Archevêque est déjà passablement concluante en faveur de ce que je maintiens, savoir : que Mgr de Montréal ne cède pas plus aux saintes congrégations qu’aux autres quand il a fixé son esprit sur une question. « Nous ne chercherons pas, disait l’Archevêque, des faux-fuyants pour éluder les décrets, (de Rome) Notre soumission sera franche, loyale, complète, comme il convient à de véritables enfants de l’Église. » Et l’Archevêque ne parle ici de faux-fuyants et de soumission franche et loyale que parcequ’il était parfaitement au fait des faux fuyants auxquels Mgr de Montréal avait eu recours pour reporter à Rome l’affaire du Séminaire de St. Sulpice après la décision intervenue sur un rapport de lui, l’Archevêque. Il savait mieux que personne alors que Mgr de Montréal résistait encore, sous le vain prétexte de demander une explication ou une interprétation dont personne absolument ne comprenait la nécessité, et qui n’était évidemment qu’un autre moyen de gagner du temps. On sait que cette demande n’eut aucun résultat.

Eh bien, cette opinion de l’Archevêque sur le manque de soumission franche et loyale de son collègue, exprimée le 22 Nov. dernier, se trouve aujourd’hui complètement corroborée par la lettre de Mgr de Montréal à l’Archevêque en date du 16 Avril. Sans doute, dans cette lettre, Mgr de Montréal parle plus de soumission que jamais, mais que signifient les paroles devant le fait qu’invité à faire cesser la guerre ecclésiastique par les autres, et conséquemment à ne pas la renouveller lui-même, il revient au contraire à la charge avec plus de détermination que jamais ? Que signifient pour nous toutes ces protestations de soumission filiale que les actes démentent à chaque instant ?

Et puis il y a dans cette lettre un mot de trop, un de ces mots prononcés simplement pour produire un effet sur la foule ; un de ces mots malheureux qui font douter de la sincérité de celui qui ne le prononce clairement que comme formule de convention et non comme récit d’un acte réellement accompli. Sa Grandeur nous informe qu’elle a baisé avec une souveraine vénération ce vénérable document… Est-ce qu’elle baise ainsi chaque lettre qui lui arrive de Rome ? Est-ce qu’Elle avait aussi baisé le décret qu’Elle a éludé par des faux fuyants ? Voyons ! Pourquoi nous dire de ces choses là ? Qui va croire que Sa Grandeur a réellement baisé cette lettre que, dans la minute suivante, elle met tranquillement de côté pour recommencer la guerre contre l’Archevêque ? Elle ne l’a clairement pas plus baisée qu’Elle ne s’y est soumise. Et si elle l’a baisée en projetant de recommencer la guerre, ça n’est pas exactement édifiant. Voilà un mot qui me donne la clé de certaines choses que Sa Grandeur m’a dites, ou a dites publiquement de moi, et qu’Elle ne pensait peut-être pas plus qu’Elle n’a baisé le vénérable document. Nul doute que des mots de ce genre n’aient beaucoup d’effet sur la foule qui ne voit jamais que ce qu’on lui montre, mais franchement ils font beaucoup trop penser ceux qui examinent sérieusement les choses. Et je reconnais moins que jamais à l’homme qui a recours à ces petits moyens à effet le droit de traiter les autres d’hypocrites. Sa Grandeur a parlé des hypocrisies des membres de l’Institut, et là encore Elle ne pensait pas plus ce qu’Elle disait qu’Elle n’a baisé le vénérable document, mais elle a cru que le coup porterait, venant d’un Évêque. Et il est incontestable qu’il a porté auprès des ignorants. C’est l’élément sur lequel Sa Grandeur compte avant tout, et c’est sans aucun doute à cet élément que le baiser épiscopal s’adresse.

Je ne commenterai pas très au long la lettre de Mgr de Montréal à l’Archevêque, mais j’en examinerai deux ou trois points qui me paraissent montrer que si S. G. a réellement baisé le document, le fait y était plus que l’intention.

Sous quelles circonstances cette lettre est-elle écrite ?

Mgr l’Archevêque, qui a été si constamment persifflé, insulté et vilipendé par le Nouveau-Monde et surtout par le Franc Parleur, depuis huit mois, passe à la Propagande quelques Numéros de ces deux saintes feuilles. On peut voir aux pages 64, 71, 74 et 78 ce qu’elles se sont permis de dire du Métropolitain, de quelques autres Évêques, et de plusieurs institutions religieuses. L’Archevêque avait-il le droit d’attirer l’attention de la Propagande sur les inconcevables écarts de deux journaux soi-disant religieux ? À son retour, il publie dans son Diocèse une lettre du Cardinal Barnabo aux Évêques du pays blâmant les excès de journaux et de pamphlets rédigés par des catholiques. Qu’ont dit les journaux censurés après la publication du vénérable document ? Pas un mot d’excuse à ceux qu’ils avaient vilipendés sans merci ; et ceux là, ce n’étaient pas des libéraux auxquels on n’est jamais tenu en conscience de faire une réparation quand on les a calomniés, mais c’était et bel bien des dignitaires ecclésiastiques ! Donc pas un acte de soumission au vénérable document. Il n’y a que les impies qui sont tenus de se soumettre aux documents venus de Rome, et cela sans doute parcequ’ils n’ont pas l’avantage de baiser les susdits documents !

L’Archevêque avait fait précéder la lettre du Cardinal Barnabo de l’information qu’il avait soumis plusieurs Numéros de pamphlets et de journaux, parmi lesquels le Nouveau Monde et le Franc Parleur. Or qui prend feu là-dessus ? Ni plus ni moins que Mgr de Montréal en personne ! S. G. empêche les deux saintes feuilles de parler, mais vient Elle-même leur faire un rempart de son propre corps, et publie une lettre à l’Archevêque dans laquelle Elle défend à outrance les deux journaux coupables des plus impudentes insultes envers son Métropolitain ! Et je dois dire que j’ai rarement lu un document plus chargé de mécontentement passionné, de colère intérieure, d’aigreur vindicative que l’on comprime le moins mal que l’on peut au dedans de soi-même, que cette lettre qui, en dépit de la souveraine vénération avec laquelle on a baisé le vénérable document, eût recommencé la guerre si l’Archevêque n’eût pas été plus réfléchi et plus pacifique que son vieux collègue.

Sa Grandeur était-Elle attaquée par la lettre de l’Archevêque ? Pas le moins du monde ! Les deux journaux seuls qu’Elle patronne étaient nommés comme ayant été déférés à la Propagande. La lettre du Cardinal Barnabo blâmait-elle en quoi que ce soit Mgr de Montréal ? Pas le moins du monde encore ! Comment se fait-il donc, quand S. G. n’était ni attaquée par celui-là ni blâmée par celui-ci, qu’Elle soit venu se jeter à corps perdu dans la presse pour reprocher à l’Archevêque un acte accompli dans les limites de son Diocèse où l’on a été naturellement irrité des insultes qui lui avaient été faites ; acte d’ailleurs que le simple bon sens, à part le soin de sa réputation et de sa position hiérarchique, lui imposait presque forcément ? Qu’a fait S. G. autre chose, en couvrant de son égide deux journaux qui ont si fort scandalisé les catholiques, qu’assumer directement la responsabilité de leurs insultes ? Était-ce bien le rôle d’un Évêque de chercher à justifier ce qui est clairement indéfendable ? Le document qu’Elle a baisé ne lui indiquait-il pas quelque chose de mieux à faire ? En vérité la vénération de S. G. pour ce document me semble fort être du même calibre que sa charité et sa mansuétude pastorales envers les membres catholiques de l’Institut.

Maintenant dans plusieurs phrases de sa lettre, S. G. argue sans trop le dire du manque de sincérité de l’Archevêque. D’après Elle, il fait dire au document de Rome ce qu’il ne dit pas ; il le commente pour l’interpréter dans un sens qui ne lui est pas propre et naturel ; l’exposé de l’Archevêque peut induire en erreur ceux qui n’ont pas suivi son court plaidoyer devant la Propagande… Enfin l’Archevêque n’a pas signalé d’autres journaux coupables, etc., etc.

Eh bien, ces assertions sont-elles vraies ? Je ne crains pas de dire que les trois premières ne le sont pas, et que la dernière est souverainement injuste. Si Mgr de Montréal avait à se plaindre sous un rapport ou sous un autre, de certains journaux, pourquoi ne les déférait-il pas lui-même à la Propagande ? Pourquoi S. G. n’envoyait-elle pas ces journaux à Rome par Mgr Laflèche, son délégué ? Sa Grandeur a bonne grâce, en vérité, à reprocher à l’Archevêque de n’avoir pas dénoncé les journaux dont Elle avait à se plaindre ! Quant aux trois autres reproches, il est facile de montrer que ce n’est pas l’Archevêque, mais S. G. seule qui contourne péniblement la lettre du Cardinal pour y trouver ce qui n’y est certainement pas ; que c’est S. G. qui donne aux écrits et aux faits un sens évidemment forcé ; que c’est S. G. qui tire ses conclusions par les cheveux pour influencer les esprits dans un sens contraire à la raison et aux faits.

Encore une fois je ne me donne pas la mission de défendre l’Archevêque ni personne autre ; mais j’apprécie sans crainte comme sans hostilité préconçue ce qui se passe sous mes yeux ; j’examine les petites tactiques auxquelles Mgr de Montréal a eu recours contre ses propres collègues, et je ne veux montrer qu’une chose, savoir : que Mgr de Montréal n’est pas plus sincère dans sa lutte contre l’Archevêque qu’il ne l’a été dans la guerre inintelligente et aveugle qu’il a faite à l’Institut. Quand un homme se montre aussi opiniâtre dans ses idées que sa lettre à l’Archevêque le démontre ; quand il vient prouver si clairement qu’il n’est pas dans sa nature de céder à qui que ce soit ni sur quoique ce soit, quelle autre conclusion peut-on en tirer que le désir de rendre justice à autrui est le moindre de ses soucis ; que l’obligation de reconnaître ses torts est la moindre de ses inquiétudes ? Et si les hommes qui ont l’habitude d’approuver toujours en public parceque c’est un Évêque qui parle, les choses qu’ils blâment dans leur conscience, veulent prétendre que je vais trop loin dans ma lutte contre le despotisme épiscopal de ce Diocèse et contre son auteur, je leur répondrai qu’il y a quinze ans que Mgr de Montréal représente les membres de l’Institut sous les plus fausses couleurs ; qu’il ne perd jamais une occasion de leur attribuer des idées qu’ils n’ont pas, des actes qu’ils n’ont jamais commis, etc. ; qu’il ameute contre eux par le fait seul de son caractère d’Évêque, toute la presse religieuse du pays ainsi que tous les gens qui ne se donnent pas la peine d’examiner une question quand un Évêque a parlé, et qu’il les a en toute préméditation calomniés dans ses mandements, traités d’hypocrites, de blasphémateurs et d’impies quand il ne peut rien montrer au soutien de ces injures !  ! Et c’est après nous avoir traités ainsi qu’il vient couvrir de son propre corps deux feuilles qui ont publié de véritables infamies contre ses collègues !  ! Mais aussi c’est là qu’il est venu échouer dans sa tactique d’écrasement contre tous ceux qui tiennent à leur libre arbitre comme citoyens ! Quand il ne maltraitait que les membres de l’Institut, nombre de gens s’en inquiétaient assez peu, ne se donnant pas la peine de songer que l’écrasement de l’un aujourd’hui signifie l’écrasement de l’autre demain sous d’autres prétextes. Mais à présent que Sa Grandeur s’est aveuglément entêtée dans la lutte acharnée dont nous sommes témoins contre l’Archevêque, on commence à comprendre que l’invincible obstination de caractère qui la distingue est au fond de la plupart des luttes qu’elle a suscitées et des déboires qu’elle s’est attirés.

Non ! Sa Grandeur n’est pas plus sincère dans sa tactique contre l’Archevêque qu’elle l’a été dans sa tactique contre l’Institut. Elle dit dans sa lettre ces choses qu’elle ne peut pas croire exactes ! Elle défend des feuilles qui sont coupables d’écarts qu’Elle ne peut pas croire légitimes. Si je croyais que c’est l’Archevêque qui manque de sincérité, dans la grande lutte actuelle, je le dirais également ; mais il est des choses qui crèvent les yeux.

Comment, par exemple, Sa Grandeur peut-elle dire sincèrement : « J’ai demandé que l’on examinât ces journaux, (le Nouveau Monde et le Franc Parleur) avec toute la sévérité requise, protestant que si l’on y découvrait quelque chose de contraire… aux saintes règles de la charité et de la justice, tout serait réparé publiquement et dans le plus petit détail. »

Voilà les paroles, les protestations de bouche ; quels sont les faits !

Le Franc Parleur permet à un correspondant — que l’on assure être prêtre — de parler de la fourberie grecque de l’Archevêque ; à un autre de décrire sa supériorité arrogante, son froid dédain mal déguisé pour toute autre supériorité, son odieuse et basse jalousie de toute autre grandeur que la sienne, et aussi l’effronterie avec laquelle il trompe les autres !  ! Franchement était-il bien nécessaire d’aller s’enquérir à Rome même s’il y avait dans ces insultes de feuilles religieuses à un Archevêque quelque chose de contraire aux saintes règles de la justice et de la charité ? Quoi ! S. G. n’a pas pu apercevoir des insultes qui ont scandalisé tous les catholiques, quand elle découvrait chez moi des blasphèmes là où il n’y en avait pas trace !  !

Le même Franc-Parleur permet à un autre correspondant de louer l’habileté avec laquelle l’Évêque d’Ottawa sait nager entre deux eaux, vrai loose fish haut canadien sachant ménager la chèvre et le chou, et qui fait involontairement songer au renard rusé et au loup traître et sournois qui peuplent son voisinage !  ! Eh bien, pour que Sa Grandeur voie là des insultes à son collègue d’Ottawa, il faut qu’on lui apprenne de Rome que ce sont bien des insultes ! Sans cela Elle ne s’en douterait pas !  !

Je trouve encore dans la même feuille la description détaillée de l’air pompeux et gourmé de la Grandeur de St. hyacinthe, qui se tourne gauchement de droite à gauche, probablement pour nous débiter sa lourde phraséologie… Encore ici S. G. ne voit pas la plus petite médisance à l’adresse de son collègue !  !

La même feuille nous informe encore qu’à l’université Laval, on développe de mauvais germes chez les jeunes gens ; que cet établissement, exclusivement dirigé par des prêtres sous la surveillance immédiate de l’Archevêque, n’a de catholique que le nom ; qu’on y fait de la science sans Dieu[1] et qu’elle procède en véritable université athée. Je ne vois pas trop ce que l’on peut dire de plus injurieux que cela à un établissement dirigé par des prêtres. Eh bien S. G. ne le saura que si on le lui dit à Rome même !  !

Encore une fois, voilà l’homme qui se permet de jeter du louche sur la sincérité d’autrui ! Comment appeler cela de son vrai nom sans sortir des limites permises à la discussion publique ? Et rappelons-nous que S. G. elle-même a déclaré cet établissement précieux à la religion ! Et elle ne sait pas par elle-même s’il est contraire à la charité et à la justice de dire qu’il n’a de catholique que le nom, etc., etc.

Enfin le Nouveau-Monde, le propre journal de S. G. solennellement approuvé par Elle, fait depuis deux ans du persifflage impudent à l’égard de l’Archevêque ; apprend aux fidèles qu’il s’est défait de l’esprit romain, — fait où je ne verrais pas le moindre inconvénient quant à moi, surtout sur ce qui concerne le temporel ; mais l’assertion n’en est pas moins une insulte pour lui, — et montre combien il était devenu nécessaire d’administrer à haute dose les remèdes amers à ce grand malade !  ! Et pour découvrir ici quelque chose de contraire à la justice et à la charité, S. G. a absolument besoin du microscope romain !  ! C’est seulement si on lui dit à Rome que c’est mal que S. G. commencera à s’en douter !  ! S. G. ne verrait-elle donc absolument que ce qu’elle veut voir ? Il y a longtemps que je le sais, moi ; mais à présent il en est bien d’autres qui commencent à comprendre.

Non ! il n’y a aucune sincérité dans ce passage de la lettre de S. G. Il a été écrit pour la masse ignorante. Quant aux hommes un peu clairvoyants, S. G. se dit in petto : « ils ne sont pas assez nombreux pour que je me préoccupe beaucoup de ce qu’ils en penseront. » Voilà la vérité !

S. G. nous informe ensuite qu’elle n’a pas reçu de réponse à sa demande d’examen. Je n’en suis certes pas surpris, car le Cardinal Barnabo, dont les manières sont passablement brusques quelquefois, a dû se dire, en voyant une si prodigieuse demande : « Mais ce bon Évêque se comprend-il bien lui-même ? »

Et qui sait si son mot charmant sur les saints : « Je les aime bien mieux morts que vivants… » ne lui est pas revenu involontairement à l’esprit ?

On n’a donc pas répondu à Sa Grandeur, nous dit-elle. Que l’on n’ait pas directement répondu à son inconcevable demande, cela n’a en vérité rien d’étonnant ; mais la lettre du Cardinal aux Évêques du pays n’aurait-elle pas pu être regardée par S. G. comme une réponse ? Elle demande un examen des mêmes journaux qu’Elle sait avoir été déférés par l’Archevêque ; on lui adresse de Rome un document dans lequel on l’engage à faire cesser les querelles des feuilles catholiques qui causent du scandale ; elle baise le vénérable document avec une souveraine vénération, mais il ne lui vient pas à l’idée que ce puisse être une réponse et qu’elle doive le regarder comme tel ; exactement comme elle ne s’était pas doutée que les insultes de ses fils d’obéissance aux Évêques fussent une violation des saintes règles, etc., etc. Ne serait-ce pas là se moquer d’un public à peu près un million de fois plus qu’il n’est permis ?

Mais S. G. tire une conclusion excessivement remarquable du fait que l’on n’a pas directement répondu à la demande qu’elle faisait avec tant d’apparente gravité. Mais c’est cette conclusion là même, à mon humble avis, qu’elle tire aux cheveux au point que je crois l’entendre crier. « On n’a pas fait mention de ma demande dans le document apostolique, c’est donc que l’on n’a pas eu l’intention de les blâmer, (ses deux fils d’obéissance) plus que les autres ! » Quels autres ? Seraient-ce par hazard les journaux que S. G. accuse l’Archevêque de n’avoir pas déférés ? Mais s’ils n’ont pas été déférés comment peut-on parler d’eux ? Comment a-t-on pu blâmer les uns et les autres quand les autres n’ont pas été soumis ? Quelle jolie inadvertance ! Et combien S. G. doit regretter d’avoir bâti son syllogisme un peu trop à la hâte ! Elle ne s’est pas aperçue que l’un des deux termes de comparaison qu’Elle avait dans l’esprit, manquait dans les faits !  ! Elle n’a pas songé que l’on n’a censuré à Rome que les journaux que l’on a vus, et que l’on n’a pas pu censurer ceux qu’Elle reproche si fort à l’Archevêque de n’avoir pas déférés ! Par quel procédé de raisonnement a-t-elle donc pu arriver à la brillante conclusion que les journaux examinés ne se trouvent pas plus censurés que ceux qui n’ont pas été examinés ? Je ne sais si S. G. a éprouvé beaucoup de satisfaction à bâtir péniblement un syllogisme aussi discordant, mais j’avoue que moi, son adversaire, j’ai éprouvé un plaisir infini à le lire, car il explique admirablement tout un passé d’injustice. Si S. G. se console habituellement avec des raisonnements de ce calibre, je comprends sans peine qu’elle ne puisse jamais arriver à se définir à elle même ses erreurs ou ses torts.

Mais je découvre malheureusement presqu’à chaque phrase une petite blessure à la bonne foi. S. G. vient nous affirmer que le Nouveau-Monde s’est de suite soumis à son Ordinaire ! Eh bien on ne comprend pas qu’un homme puisse venir faire de pareilles assertion à ceux qui ont lu ce qui s’est écrit. D’abord personne n’ignore qu’Elle n’a elle-même donné l’avis au N. M. que quand toutes les injures possibles et impossibles ont été dites à l’Archevêque, et s’il est un fait notoire ici, c’est qu’en prononçant même la phrase hypocrite mais ronflante : « Nous sommes fils de l’obéissance ! » le Nouveau-Monde a maintenu tout ce qu’il avait dit, n’a pas fait la moindre excuse à celui qu’on l’invitait à respecter et qu’il insultait depuis deux ans, et n’a pas fait la plus légère admission qu’il fut allé trop loin ! Et S. G, vient nous affirmer que c’est une soumission empressée ! En vérité, quand on lit de pareilles choses, il faut se tâter pour se convaincre que l’on a bien lu ! L’affirmation que le Nouveau Monde s’est de suite soumis ressemble singulièrement à cette autre assertion de S. G. que les catholiques de l’Institut qui ont fait un appel au Pape étaient rebelles malgré l’appel ! Quand un homme jouit d’une aussi heureuse faculté d’appréciation des actes d’autrui, il me paraît avoir grand besoin de l’ange de St. Raymond de Pennafort.

Non ! cette dernière lettre à l’Archevêque met plus que jamais Sa Grandeur dans son tort ! Cette lettre porte avec elle sa propre condamnation. Elle prouve que même avec ses supérieurs et ses collègues, S. G. ne veut jamais céder, jamais avouer un tort, jamais revenir sur une erreur, jamais avouer qu’elle ait pu se tromper ! Et quand on agit ainsi avec ses supérieurs et ses égaux, que n’a-t-on pas pu faire avec ses inférieurs ou ses administrés ? (18 Avril 73)

  1. Je pourrais bien m’arrêter un peu ici sur ce mot science sans Dieu que tant de personnes emploient sans s’en rendre compte : mais je discuterai cette question une autre fois quand je traiterai un sujet d’où elle découlera naturellement. Il ne s’agit maintenant que de l’appréciation de la guerre ecclésiastique.