La Grande et véritable pronostication des Cons sauvages/Texte entier


LA GRANDE ET VERI-
TABLE Pronoſtication des
Cons ſauvages, avec la
maniere de les aprivoi-
ſer, nouvellement
imprimée par
l’autorité de
l’Abbé des
Conars.
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AVX LECTEVRS

SALUT
Prognoſtication des Cons ſauvages


Reprenant les ſots Aſtrologues,
Elle eſt ſi vraye que c’eſt rage,
Et ſi vaut mieux pour un Village,
Le tiers qu’une poche de drogues.



OR faictes paix, taiſez-vous là
Et croyez ce que m’oyrez dire,
Autant decà comme de-là
Pas ne ſuis venu pour vous nuire,
Mais afin de vous inſtruire
Suis cy venu en grand inſtant,
Faux Aſtrologues contredire,
Deſquels le monde eſt mal content.
Ces meſchans Prognoſtiqueurs couchent
En eſcrit du tems advenir,
Et ſemble qu’aux Planettes touchent
Du bout des doigts à les ouyr,
On les deuſt tous vifs enfouyr,

Ou les ietter en la riviere :
Hors du pays les feray fuir,
Si ie puis avant qu’il ſoit gueres.
Sçauez-vous de quelle matiere
Ie veux icy en droit parler ?
Ie vous viens monſtrer la maniere
De ſçavoir quand devra greſler,
Plouvoir, tonner, & eſclairer,
Dont ſouvent eſtes en eſmoy ;
I’eſpere avant que m’en aller
Qu’en ſçaurez autant comme moy.
Qui veut ma ſcience comprendre
Achepte des Cons s’il n’en a,
Il en eſt qui ne font qu’attendre
Qu’on les embeſogne à cela ;
Mais acheptez en de ceulx-là
Qui ont ſens & entendement,
Et n’en prenez point de plus là,
Ou vous perdriez tout votre argent.
Tout ce que nous prognoſtiquons,
Le comprenons en un vieil livre,
Nomme le Kalendrier des Cons,
Contenant cent & un livre ;
Et ſi s’il qui a le livre
Veult feuilleter la Librairie,
Luy fault ung cierge d’une livre
Pour le droit de la Confrérie.

Le premier mois du Kalendrier
Eſt ſouvent ſi froid que merveilles,
Auſſi eſt-il comme Janvier,
Ou ſon bonnet à grandes oreilles.
Si les Cons ont les joues vermeilles,
Coygner leur fault très-bien les aynes,
Aux fillettes non pas aux vieilles,
Nous aurons pour bled des avoynes.
En Febvrier quon nomme le court,
Si vous voyez les Cons farouches,
C’eſt adventure s’il ne court
Le mois d’après force de mouches.
On menera grande guerre aux ſouches
Ce mois-là s’il faict encore froid,
De peur que vos enſans ne ſoient louches
Il fault percer les trous à droict.
Chacun ſçait que le mois de Mars
Ne fauldroit iamais en Kareſme,
Si les Cons ſifflent comme iars,
Il ne fault point que lon fe cheſme
D’avoir fromage, laict & creiſme,
Autant que iamais on en veit ;
Si vous n’avez vn Con de meſme,
Par deſpit coupez-vous le Vit.
Le mois d’Avril regarderas
Si les cons ont vertes oorées ;
Si il eſt ainſi dire pourras

Qu’il ſera force de porées,
Et que les ieunes eſpouſées
Deſireront de leurs marys
Eſtre hochée a repoſée,
Et ſera force de ſous-tys.
S’il advient qu’au mois de May
Il ne faſſe pluye ou rouſée,
Vous ſçavez auſſi bien que moi
Avant la toiſon ſera touſée,
Iamais ne feuſt tant de marée
Qu’il ſera, mais nous en taiſon
De maquereaux ou telle denrée
N’empêchez point votre maiſon.
Le mois de Juin donnez-vous garde
S’ils ont une lippe iaulne,
Il ſera force de mouſtarde
A Digeon & du vin de Beaulne,
On n’excommuniera point au Proſne
Ceux qui hochent ſans argent
S’ils n’ont le Vit plus long qu’une aulne
À la meſure de Nogent.
Quant vient au mois de Juillet,
Les Cons ont ſouvent la conſue ;
Qui voudra ouvrir le feuillet
Face premierement revue.
Il voirra, s’il n’a la berlue,
S’il y a boutons aux Roſiers ;

Car puiſqu’il fault que l’homme ſue,
D’aller aux lymbes a dangeir.
En Aouſt les Cons ont de couſtume
A eſtre palles & dégoutez,
Et ont une groſſe apoſtume,
Regardez-bien où vous boutez ;
Piquez tout beau, & vous haſtez,
Chevauchant par vaulx & par plains,
Car vous ſerez bien mal montez
Quand vous n’aurez que des Poullains.
Ie vous en advertis, bonnes Dames,
Tous les ans au mois de Septembre,
D’avoir de bonnes ſages-Femmes
Avecque vous en votre chambre,
Car on vous tirera un membre
Au corps dont changerez couleur,
Chacune de vous ſe remembre
De prendre en gré cette douleur.
Le mois d’Octobre vient après
Que l’on ſeme les bleds en terre :
Si les Cons ſont preſſez trop près,
Et qu’on leur veuille faire guerre,
Fault le Vit auſſi dur que pierre,
Si fauldra-t-il qu’il amolliſſe,
Et s’il cuyde gagner Sanxerre
Non ſera, mais bien la palice.
Pour certain le mois de Novembre,

Si les Cons font laide grimace,
Par cela donnent à entendre
Que c’eſt affin qu’on les rebrace,
Si le Con d’une ieune Garce
Se met à muer ce moys-là,
On le ſuivroit à la trace
Iuſques à Sens & bien pus-là.
S’ils ont la Motte groſſe & dure
En Decembre, il eſt à craindre
Qu’il en ſortira de l’ordure,
Si peu ne les ſçaura-t-on poindre,
Et ne pourra la playe rejoindre
Pour oingture que l’on lui baille,
L’on oyra maint bon homme plaindre
Qu’on luy baille trop de la taille.
Meſſieurs, voylà les influences
Qui peuvent advenir ſous les Cieux,
De ces Cons l’on dict par Sentence,
L’ung ſent le ieune, l’autre le vieulx :
Vous en voyez devant vos yeux
La Bulle vraye & authentique,
Acheptez là pour la voir mieulx,
Si ſentez y avoir pratique.
Prince, nous aymons les flacons
Remplys, affin que y croquons
Et les perdrix prins aux faulcons,
La moytié plus que ces gros Cons.


FIN.

Cy-après enſuyt la Chanſon
chantée de très-méchant ſon
.



VOus qui tenez eſcolle
Du bas eſbattement
Gardez en chaulde colle
De gaſter l’inſtrument,
Car la groſſe vérolle
Se prend ſoudainement,
Puis on eſt mis au roolle
D’amoureux en tourment.
Le trou de la femelle
Mord cauteleuſement,
Bien ſouvent la plus belle
En a couvertement :
Portez de la Chandelle,
Regardez baſſement,
Qui d’en porter ſe meſſe
Il faict très ſagement.
C’eſt groſſe Seigneurie
D’eſtre perlifié
Pour aller en Suerie
Eſtre vivifié :
N’en ayez point d’envie,
I’en ſuis certifié,

Autant vault ſur ma vie
Eſtre crucifié.
Le ioyaux de la brague
N’a eſté mal courtoys,
Car pour un coup de dague
I’en ai ſué un moys
Plus aſpre que lignaige
M’ont faict toucher le boys,
Au Dyable ſoit la dague,
Et le ieu du Biſcoy.
Lyez & gouſtez le pourpoint,
Non ſans avoir quelque remord :
Le compoſiteur en eſt mort
Qui avoit d’un ſeul coup point.
Ce Livre-cy fut compoſé
À Naples au pays de Suerie,
Auquel lieu a eſté portée
À un maiſtre d’Imprimerie,
Lequel ſoudain ie vous aſſie,
Pour l’imprimer ceſſa toute œuvre,
On le vend à la Bourgeoiſie
De Rouen rue de la Chievre.


FINIS