La Grande Encyclopédie, inventaire raisonné des sciences, des lettres, et des arts/Aristoxène (de tarente)

ARISTOXENE de Tarente, philosophe grec ou plutôt historien de la philosophie et chef de l’école musicale qui porte son nom (V. l’art. Grèce [musique]), né à Tarente, entre 356 et 382 avant l’ère chrétienne. Son père, Spintharus, qui avait connu Archytas, était l’ami de Socrate et d’Epaminondas il donna lui-même à son fils la première instruction musicale et scientifique. Puis le jeune Aristoxène reçut tour à tour les leçons de Lamprus d’Erythrée et du pythagoricien Xénophile, disciple du physicien Philolaüs, qui avait été aussi le maître d’Archytas. Il passa de longues années dans l’école d’Aristote et c’est chez le Stagirîte qu’il devint l’ami du philosophe Dicéarque. Il avait résidé quelque temps à Corinthe pendant que Denys le Jeune exerçait dans cette ville les fonctions de maître d’école. A la mort d’Aristote (322), il aurait conçu, d’après le témoignage de Suidas, le plus vif dépit de n’avoir pas été choisi par le philosophe pour lui succéder, mais dans l’unique de ses écrits où il cite son maître, c’est pour louer sa méthode d’enseignement et l’opposer à celle de Platon, ce qui infirme singulièrement ce témoignage. A partir de ce moment nous n’avons plus aucune donnée, même approximative, sur les circonstances qui ont rempli si vie. L’époque même de sa mort est restée inconnue. Le même Suidas prétend qu’il avait écrit 453 livres. Voici les titres de ceux de ses ouvrages dont la mention nous est parvenue. (Nous écrivons en caractères italiques les parties conservées).

Œuvres musicales : 1° Sur la musique au moins 4 livres ; 2° Sur l’enseignement de la musique ; 3° Eléments harmoniques ; 4° Eléments rythmiques ; 5° Eléments de la théorie des intervalles ; 6° Sur les tons (échelles de transposition) ; 7° Sur les métaboles (modulations ?) ; 8° Sur les principes harmoniques ; 9° Sur les flûtes et autres instruments ; 10° Sur le percement des flûtes ; 11° Sur la danse tragique ; 42° Sur la mélopée ; 43° Histoire de l’harmonique. 11 est probable d’ailleurs que cette nomenclature comporte plus d’un double emploi.

Œuvres philosophiques et scientifiques : 4° Règles d’éducation ; 2° Lois politiques ou plutôt civiles ; 3° Maximes pythagoriciennes ; 4° Traité d’arithmétique. Œuvres historiques et mélanges : Vies des philosophes Pythagore, Socrate, Platon, Xénophile , Aristote et autres. Vies des Tragiques. Vies des Aulètes ou joueurs de flûtes. Vie de Téleste, poète dithyrambique. Mémoires historiques. Mélanges. Divers. Comparaisons. Mélanges de table. Epiméthies. Praxidamanties. De la plupart de ces écrits nous sont restés des fragments recueillis par G. L. Mahne et, en plus grand nombre, dans le t. II e des Fragmenta historicorum grœcorum, publiés par Ch. Millier (collection grecque-latine de Firmin Didot). Aristoxène a été cité comme musicographe par plusieurs auteurs latins, notamment par Cicéron. Vitruve a donné un exposé de la musique des Grecs « d’après la doctrine d’Aristoxène » (De architectura.l. V, ch. iv). Les Eléments harmoniques, ou plutôt les textes divers réunis sous ce titre dans tous les manuscrits connus, ont été publiés pour la première fois par Jean Meursius avec les textes d’Alypius, Introduction musicale, et de Nicomaque, Manuel d’Harmonique (Lugduni Batavorum, 1616, pet. in-4), puis avec traduction latine, par Marc Meibom (Antiques musicœ auctores septem., (MA., 4652, 2 vol. pet. in— 4), et enfin, avec traduction allemande, accompagnée d’un commentaire critique et exégétique par P. Marquard (Berlin, 4868, in— 8). Dès 4562, Antoine Gegavin, de Grave, en avait donné une médiocre traduction latine, suivie de celle des Harmoniques, de Ptolémée, et du traité Aristotelh de objectu auditus, avec un fragment de Porphyre (Venetiis, V. Valgris, 4562, in-4).Villoteau, aidé de Nicolas-Louis Achaintre, les traduisit en français au commencement de ce siècle ainsi que les autres textes compris dans le Corpus de Meibom. Cette traduction conservée à la Bibliothèque du Conservatoire de musique a été critiquée avec une juste sévérité par A*drien de la Fage. L’auteur de la présente notice a traduit les Eléments harmoniques avec commentaire perpétuel d’après un texte revu sur vingt manuscrits (F. Didot, 4870, in-8). M. Rudolf Westphal a publié une nouvelle traduction allemande des Eléments harmoniques et des Eléments rythmiques accompagnée d’un riche et savant commentaire (Aristoxenus von Tarent, Melik und rythmik des classischen Hellenenthums, Uebersetx, und erldutet) (Leipsig, Abel, 4883, in-8). Cette traduction doit être suivie d’une édition critique. — Les Eléments rythmiques, dont il ne reste qu’un fragment du second livre, ont été publiés d’abord par Jacques Morelli, bibliothécaire en chef de la Marcienne, à Venise ( à la suite de Arisiidis oratio adversus Leptinem, Libanii declamatio pro Socrate ; Venise, 4785, in-8). En 4842 un philologue allemand, Julius Caesar, a publié dans le fiheinische Muséum un opuscule inédit du polygraphe byzantin Michel Psellus, Prolégomènes de la science rythmique reconnus pour être des fragments du premier, du second et du troisième livre de ce traité. La 2 9 édition des Eléments rythmiques est due à H. Feussner (Hanau, 4840, in-8), la 3 e , à Jean Barthels (Bonn, 4854, in-8). R. Westphal a reproduit ce texte une 4 e fois avec l’opuscule de Psellus et d’autres fragments relatifs à la rythmique, en supplément du t. 4 er de sa Metrik der Grieches, 2 8 édition (Leipzig, 4867). La doctrine rythmique d’Aristoxène tient une grande place dans les études consacrées à cette matière par M. Henri Weil (Neue Jahrbiicher, fur philologie und pœdagogik, année 4855), par Lehrs et Brill et par M. Gevaert (Histoire de la musù]ue de l’antiquité). M. Westphal a tenté la reconstitution des Mélanges de table d’Aristoxène, sans en reproduire le texte grec, mais en traduisant les fragments de cet ouvrage rapportés par Athénée,


Thémistius, et surtout Plutarque (Dialogue sur la musique).

C.-E. Ruelle.

Bibl. : G.-L. Mahne, Diatribe de Aristoxeno, philosopho-peripatetico, dans le Thésaurus criticus novus ; Leipzig, 1802, t. I, in-8. — Fetis, Biographie universelle des musiciens, art. Aristoxène. — A. de La Fage, Aristoxène et son école (Revue et gaz. musicale, 5 avril, 10 et 17 mai 1857). — C.-E. Ruelle, Etude sur Aristoxène et son école (Revue archèolog. 18.Y7). — Carl von Jan, Die Harmonik des Aristoxenos (Philologus, t. XXXIX, pp. 30u et suiv.). — Bernhard Brill, Aristoxenus Rhythmische und metrische Messungcn (Leipzig, 1870). Voir aussi les diverses publications de R. Westphal sur la métrique et le rythmique grecs et le bel ouvrage, déjà cité, de M. Gevaert.