La Gamme (Gariel)
LA GAMME
Quelle que soit la simplicité d’une œuvre musicale, ou quelle que soit sa complication, le nombre des notes qui peut la constituer est très-restreint : un orgue qui embrasse toute l’étendue des sons employés en musique ne produit pas deux cents notes différentes de hauteur. Il faut remarquer, d’autre part, que d’octave en octave, on retrouve des sons qui ont entre eux la plus grande ressemblance, si bien qu’il suffit, pour connaître tous les sons musicaux, d’étudier ceux compris dans ce que l’on appelle l’intervalle d’une octave : l’ensemble de ces sons constitue la gamme. La musique européenne (pour ne pas entrer dans des discussions sur les musiques arabe ou persane) emploie une gamme composée de sept sons, auxquels on a donné les noms suivants :
après avoir exécuté ces sept sons, on recommence la même gamme à l’octave supérieure.
La hauteur d’un son, cette propriété, cette qualité qui fait que nous le qualifions d’aigu ou de grave, dépend du nombre de vibrations effectuées en une seconde par le corps sonore : c’est là un fait trop connu pour qu’il soit nécessaire d’insister. Il est naturel de rechercher à quels nombres de vibrations correspondent les notes de la gamme ; mais, avant d’aborder la question, il importe de faire quelques remarques importantes.
La note qui sert de point de départ à la gamme n’a rien de fixe, et l’on peut chanter une gamme en partant d’un son quelconque : ces différentes gammes nous feront éprouver des sensations très-semblables, bien qu’une oreille exercée arrive à les distinguer les unes des autres.
On peut, à l’aide de différents procédés, évaluer le nombre de vibrations qui correspond à une note quelconque ; si l’on applique l’un d’eux à l’étude de ces gammes, on arrive aux résultats suivants :
Ce qui caractérise les relations musicales entre les sons (les intervalles, pour employer le mot propre), c’est le rapport entre leurs nombres de vibrations : ainsi l’octave d’un son correspond toujours à un nombre de vibrations double du nombre des vibrations du premier son, quel que soit d’ailleurs ce nombre. De même encore, les nombres de vibrations de deux sons qui donnent la quinte juste sont dans le rapport de 3 à 2.
On conçoit l’intérêt qui s’attache à la connaissance de ces rapports pour les diverses notes de la gamme, puisque l’on a par là un moyen de les reproduire avec une justesse mathématique. Mais sur quoi faut-il s’appuyer pour effectuer cette détermination ?
Les musiciens savent bien que les divers degrés de la gamme ne sont pas égaux ; que si l’on désigne l’intervalle d’ut à ré par le mot ton, l’intervalle de mi à fa et celui de si à ut sont plus petits ; aussi les désigne-t-on sous le nom de demi-tons, bien que, en réalité, la succession de deux demi-tons ne reproduise pas exactement un ton. Mais il faut aller plus loin : il faut rechercher si les tons sont tous égaux ; si l’intervalle de ré à mi, par exemple, est le même que celui d’ut à ré. Sur un certain nombre d’instruments, il n’y a pas lieu de douter un instant ; par exemple sur le piano, sur l’orgue ; mais on sait que ces instruments sont accordés à la gamme tempérée et non à la gamme juste ; l’explication de ce fait nous entraînerait trop loin, il nous suffit de le signaler. Il est donc entendu que, dans tout ce qui suit, nous ne parlons pas des instruments à sons fixes, mais que nous avons spécialement en vue la voix humaine, le violon, le violoncelle, dont les sons peuvent varier par degrés insensibles.
Deux théories se trouvent en présence depuis fort longtemps : l’une est attribuée à Pythagore, l’autre se trouve dans les ouvrages de Ptolémée. Indiquons en quoi consistent ces théories et signalons les points sur lesquels elles différent essentiellement.
Dans la théorie pythagoricienne on admet que les notes qui constituent la gamme ont été obtenues par une succession d’intervalles de quintes[1], telles que les suivantes : fa0 ut1 sol1 ré2 la2 mi3 si3.
En ramenant ces notes à être toutes comprises dans la même octave, on trouve que les rapports entre les nombres de vibrations des diverses notes et de l’ut sont les suivantes :
ut1 | ré1 | mi1 | fa1 | sol1 | la1 | si1 | ut2 |
Si l’on recherche la valeur des intervalles entre deux notes consécutives, on trouve que les divers tons sont tous égaux entre eux et représentés par , et que les demi-tons correspondent au rapport .
La génération des notes par quintes est rationnelle et facile : c’est par quintes que l’on accorde encore de nos jours les violons et autres instruments de la même famille. On peut d’ailleurs continuer la série de quintes soit au-dessous de fa0, soit au-dessus de si3, et l’on obtient alors les dièses et les bémols, sur lesquels nous ne nous arrêterons pas. Nous dirons seulement qu’en prenant cette série complète, on arrive à deux notes qui, ramenées à la même octave, diffèrent assez peu pour qu’il soit possible de les confondre, et par suite d’arrêter la recherche de nouveaux sons musicaux. Mais, il faut le reconnaître, on ne voit pas pourquoi on s’arrête à sept sons pour constituer la gamme, et rien non plus ne fait comprendre pourquoi ces sons appartiennent au ton d’ut (dans la tonalité actuelle) plutôt qu’au ton de fa ou à tout autre.
Dans le système de Ptolémée, les rapports des nombres de vibrations sont pris arbitrairement et sans qu’on connaisse les raisons de ce choix, au moins pour les notes mi, la et si. Ces rapports sont les suivants :
ut1 | ré1 | mi1 | fa1 | sol1 | la1 | si1 | ut2 |
Ce sont ceux qui, depuis Zarlin, de Venise (1602), ont été adoptés et sont devenus classiques. En étudiant les intervalles qui séparent chaque son du précédent, on trouve trois rapports différents :
Le ton majeur , qui se trouve entre ut et ré, entre fa et sol, et entre la et si,
Le ton mineur , qu’on observe de ré à mi, et de sol à la ;
Le demi-ton , correspondant aux intervalles mi-fa et si-ut.
Jusqu’à ces dernières années, on ne pouvait expliquer d’une manière plausible le choix fait de ces divers rapports : la distinction entre les tons majeurs et les tons mineurs ne semble pas être faite par les musiciens.
En s’appuyant sur les harmoniques des sons[2] et sur la parenté de deux sons, c’est-à-dire sur le caractère de deux sons d’avoir un ou plusieurs harmoniques communs, M. Helmholtz est parvenu à faire comprendre comment on pourrait expliquer la constitution de la gamme de Ptolémée et de Zarlin. Cette gamme est d’ailleurs la seule qui puisse expliquer la sensation particulière que l’on éprouve lors de l’audition d’un accord consonnant : aussi M. Helmholtz désigne la gamme de Zarlin sous le nom de gamme naturelle.
C’est entre ces deux gammes qu’il s’agit de décider : les raisons invoquées par M. Helmholtz ne sauraient prévaloir contre des expériences directes : or, à plusieurs reprises, divers physiciens s’étaient prononcés en faveur de la gamme pythagoricienne, tandis que les expériences de M. Helmholtz donnent des résultats conformes à sa théorie ; en particulier, les suites d’accords exécutés sur un orgue susceptible de produire à volonté les notes de l’une ou l’autre gamme, sont plus agréables avec les notes naturelles qu’avec celles de Pythagore : « Les accords pythagoriciens, dit M. Helmholtz, paraissent durs, troubles, tremblotants, irréguliers. »
Peut-être serait-il possible d’admettre que chacune des deux gammes a sa raison d’être ; que la gamme pythagoricienne est celle qu’on emploie exclusivement lorsque l’on exécute un chant, une mélodie, tandis que la gamme naturelle sert aux accompagnements, aux accords. Cette solution serait satisfaisante, puisqu’elle permettrait d’accepter des séries d’expériences qui, au premier abord, semblent devoir s’exclure absolument. Mais certains faits rapportés par M. Helmholtz semblent en opposition avec cette possibilité d’admettre deux gammes.
M. Helmholtz rapporte, en effet, dans son ouvrage : Théorie physiologique de la musique, le résultat d’observations faites sur la Société chorale de Londres, « the Tonic sol-fa Association, » et diverses expériences exécutées avec l’aide d’un chanteur et d’un violoniste, et dans lesquelles il comparait le son émis par le musicien avec les sons d’un orgue donnant la gamme naturelle ; il a toujours trouvé que le son du soliste était celui de cette gamme : il s’agissait cependant, dans ces conditions, d’intervalles mélodiques et non pas d’accords.
D’autre part, des expériences récentes, qui sont dues à MM. Cornu et Mercadier, semblent permettre de conclure que la gamme pythagoricienne seule doit être admise au point de vue mélodique. Ce sont les résultats dus à ces observateurs habiles et consciencieux que nous voulons exposer avec quelques détails : nous indiquerons l’état actuel des expériences, nous réservant d’y revenir lorsque de nouveaux faits se dégageront avec netteté de ces recherches qui se continuent actuellement.
Dans ces expériences, MM. Cornu et Mercadier ont cherché à éviter toute intervention de l’expérimentateur ; ils ont voulu que le son produit par le musicien pût s’inscrire directement, sans que l’on eût à le comparer par l’oreille avec un autre son donné comme type. Sans nous arrêter aux premières recherches, dans les lesquelles ils employaient le phonautographe, nous décrirons la manière dont ils opèrent maintenant et par laquelle ils ont obtenu les résultats intéressants que nous rapportons ci-après.
Remarquons d’abord que les deux gammes qu’il s’agit de comparer ont un certain nombre de sons identiques, sur lesquels, par suite, il n’y a pas de doute et qui pourront servir de points de repère, qui donneront des vérifications ; ce sont le ré, le fa et le sol ; le mi, le la et le si sont les notes pour lesquelles il existe une différence. Cette différence n’est pas d’ailleurs bien considérable ; pour le mi, par exemple, la valeur pythagoricienne et la valeur généralement adoptée sont dans le rapport de à soit : c’est-à-dire que tandis que l’ut fait 1 000 vibrations, le mi pythagoricien en fait 1 266 et que le mi de Zarlin et de M. Helmholtz n’en fait que 1 250. La différence est donc seulement de 16 vibrations sur plus de 1 200; cette valeur est ce que l’on appelle un comma. « Or, la valeur du comma est très-petite, bien qu’elle soit très-sensible à l’oreille, dit M. Mercadier[3], auquel nous empruntons la description de l’appareil ; il faut donc, pour la mettre en évidence, avoir recours à des musiciens exercés et employer des appareils suffisamment précis.
« En second lieu, quand on veut mesurer des intervalles formés par des sons successifs, il convient de considérer ces intervalles dans le cours même d’une mélodie et non isolément. Par suite, si l’on emploie comme moyen de mesure le procédé qui consiste à faire inscrire par le corps sonore ses propres vibrations (et dans l’état actuel de la science, il n’y en a pas de meilleur), il est nécessaire de pouvoir inscrire d’une manière continue les vibrations des sons constituant des fragments de mélodie à mesure qu’on les exécute sur un instrument.
« Enfin, il est évidemment indispensable que l’enregistrement des vibrations soit automatique, indépendant de la volonté des observateurs ; il faut que l’exécutant n’ait pas à s’en préoccuper, qu’il ne le voie pas même fonctionner, afin que son attention soit concentrée tout entière sur la musique qu’il joue.
« Après bien des essais, nous avons réussi à remplir ces conditions ; l’appareil dont nous nous servons est fort simple …
« L’expérience prouve qu’un fil métallique d’acier, de cuivre, de laiton, etc., sans tension, soutenu seulement de façon que ses vibrations puissent s’effectuer librement, transmet à une de ses extrémités, par vibrations transversales, les sons émis par un corps sonore fixé à l’autre extrémité.
« On prend un pareil fil de 5, 6, 8, 10, etc. mètres de longueur, suspendu au moyen de rondelles étroites de caoutchouc (fig. 1); on soude à une extrémité une petite lame de laiton mince L, que l’on place entre la table d’harmonie d’un instrument à cordes et les pieds du chevalet ; l’autre extrémité est fortement pincée dans un lourd support S. Près du point fixé on soude une petite lame de clinquant c, à laquelle on attache une barbe de plume b avec un peu de cire molle (cette disposition donne aux vibrations une amplitude plus grande que si la barbe était fixée directement au fil). Un instrumentiste se place de façon que le fil ne gêne pas les mouvements de son archet, et il joue des fragments de mélodies simples dans un mouvement lent (chaque son doit durer au moins une seconde). Les vibrations des cordes se transmettent au chevalet, à la lame métallique, au fil et à la barbe de plume qui vibre synchroniquement. Il ne reste plus qu’à inscrire ces vibrations.
« L’instrument enregistreur se compose d’un cylindre métallique M, dont l’axe est muni d’une vis mobile dans un double écrou solidement fixé soit à une table, soit à un mur. Le cylindre est recouvert d’une feuille de papier qu’on enfume en la faisant tourner au-dessus de la flamme fuligineuse d’une lampe à huile. Un diapason D, de 300 à 500 vibrations doubles par seconde, muni d’un style en clinquant, est solidement encastré dans un étau ou dans le mur, et disposé de manière que son style vibre suivant les génératrices du cylindre : ces vibrations servent à marquer le temps, et le diapason sert de chronographe, sans qu’il soit nécessaire que le mouvement qu’on donnera tout à l’heure au cylindre soit régulier et uniforme. D’ailleurs, on avance la barbe de plume de façon que sa pointe effleure le papier noirci et qu’elle vibre tout près du style et, comme lui, suivant les génératrices du cylindre.
« Ces dispositions prises, on met le diapason en vibrations soit avec un archet, soit par le choc d’un tampon garni de peau, et l’instrumentiste joue pendant qu’on fait tourner le cylindre soit à la main, soit à l’aide d’un moteur quelconque, avec une vitesse convenable.
« On obtient ainsi un graphique semblable à celui dont la figure 2 ci-contre reproduit un fragment, où chaque son de la mélodie est représenté par une forme de vibrations différente. On compte pour chaque son le nombre de vibrations correspondant à 100 vibrations du diapason, par exemple, et les rapports des nombres obtenus donnent les valeurs des intervalles…
« Pour pouvoir conserver le graphique, après l’avoir détaché du cylindre, on le fend longitudinalement, on le trempe dans une dissolution de 4 pour 100 de gomme laque dans l’alcool ; il se trouve ainsi recouvert d’une couche très-mince d’un vernis inaltérable.
« Si, au lieu de mesurer des intervalles mélodiques, on veut mesurer des intervalles harmoniques de deux sons, on accorde simultanément deux cordes de l’instrument (comme à l’ordinaire) soit à la tierce, soit à la quinte, soit à la sixte, etc., jusqu’à ce qu’il n’y ait pas de battement et que l’oreille soit pleinement satisfaite ; puis on inscrit séparément les sons des deux cordes ainsi accordées. »
Les expériences ont été faites avec l’aide de plusieurs personnes musiciens amateurs, ainsi qu’avec le concours d’artistes distingués, tels que MM. Léonard et Ferrand, violonistes, et Seligmann, violoncelliste : elles ont porté spécialement jusqu’à présent sur les intervalles de mélodies sans modulations. Voici quelques-uns des résultats les plus intéressants.
Nous supposerons que nous considérions 1 000 vibrations de la tonique ut : d’après la théorie, les notes ré, fa et sol doivent faire pendant le même temps, respectivement, 1 125, 1 333 et 1 500 vibrations ; l’expérience a donné 1 128, 1 330 et 1 500 vibrations pour les moyennes d’un grand nombre d’observations. Ces résultats suffiraient pour prouver l’exactitude de la méthode, alors même que des expériences directes, dont nous n’avons pas parlé pour ne pas compliquer la question, ne l’auraient pas mise en évidence.
Dans la gamme majeure, la tierce et la sixte doivent correspondre aux nombres suivants :
mi | la | |
Gamme pythagoricienne, | 1 266 | 1 687. |
Gamme naturelle, | 1 250 | 1 667. |
Diverses séries d’expériences fort concordantes ont donné les nombres | ||
suivants : | 1 265 | 1 686. |
Ces valeurs sont, on le voit, entièrement d’accord avec les valeurs de la gamme pythagoricienne.
Pour le si, on n’a pas trouvé un accord aussi satisfaisant entre la théorie et l’expérience : on a trouvé 1 917 au lieu de 1 898 (gamme de Pythagore), ou de 1 875 (gamme naturelle) qu’indiquait la théorie ; du reste, c’est encore de la valeur pythagoricienne que le nombre trouvé se rapproche le plus. Il est intéressant de remarquer que, dans les expériences faites, le si servait de note sensible et se résolvait sur l’ut tonique ; dans ces conditions, les musiciens savent que le si est plus élevé que dans le mouvement inverse : la valeur 1 917 indique bien un son plus rapproché de l’octave de la tonique 2 000, que ne le donne la valeur pythagoricienne. Il serait intéressant d’avoir le complément de ces expériences et de déterminer la valeur du si dans une gamme descendante.
Dans la gamme mineure
la1 | si1 | ut2 | ré2 | mi2 | fa2 | sol2♯ | la2 |
des résultats analogues ont été obtenus : les notes si1, mi1 et la2, qui ont la même valeur dans les deux systèmes, savoir, 1 125, 1 500 et 2 000, la tonique la étant représentée par 1 000, ont été trouvées respectivement caractérisées par les nombres 1 124, 1 501 et 2 001 en moyenne ; voici les résultats correspondant aux autres notes :
ut | ré | fa | sol♯ | |
Gamme pythagoricienne, | 1 185 | 1 333 | 1 580 | 1 898 |
Gamme naturelle, | 1 200 | 1 350 | 1 600 | 1 875 |
Moyenne des expériences, | 1 186 | 1 334 | 1 582 | 1 901 |
Il ne saurait y avoir de doute : dans les mélodies majeures ou mineures, les notes exécutées soit par des amateurs exercés, soit par des artistes, sont bien les notes de la gamme pythagoricienne.
Il y a lieu de faire une remarque intéressante sur la gamme mineure : c’est que les écarts entre les diverses séries d’expériences, sans atteindre jamais de bien grandes valeurs, sont moins faibles cependant que les écarts observés dans les recherches sur la gamme majeure : il y a lieu de rapprocher cette indécision des notes du mode mineur du caractère un peu vague et flottant des mélodies de ce même mode et de l’opposer à la netteté, la franchise des mélodies majeures et de la facile détermination des nombres de vibrations des notes de cette gamme.
D’autre part, quelques expériences, moins nombreuses, il est vrai, exécutées sur des tierces faisant partie d’un accord, ont donné des valeurs qui concordent parfaitement avec les valeurs de la gamme naturelle de M. Helmholtz. De telle sorte que les conséquences à déduire des recherches de MM. Cornu et Mercadier sont bien celles qu’ils ont énoncées dans leurs premiers mémoires : la gamme pythagoricienne est celle employée par les musiciens dans l’exécution de leurs mélodies ; la gamme de Zarlin (gamme naturelle de M. Helmholtz) est usitée dans la formation des accords.
Nous ne croyons pas que des expériences aient été, jusqu’à présent, opposées à celles dont nous venons de rendre compte : nous ne pensons pas que les expériences de M. Helmholtz puissent être opposées à ces mesures directes ; elles ne sont pas assez nombreuses, et surtout elles exigent l’intervention de l’oreille de l’observateur ; elles ne nous semblent pas d’ailleurs porter exclusivement sur la gamme mélodique. Du reste, ce savant ne serait peut-être pas éloigné d’admettre les conséquences des travaux de MM. Cornu et Mercadier.
Nous avons dit sommairement que la raison d’être de la gamme naturelle, comme gamme harmonique, avait été donnée, et que M. Helmholtz a prouvé qu’elle est nécessaire. On ne voit pas de semblables raisons pour la gamme pythagoricienne, employée comme gamme mélodique ; on ne comprend pas pourquoi la gamme naturelle ne sert pas à la formation des mélodies ; la génération par quintes, explication plausible d’ailleurs, n’explique que bien difficilement que faisant avec ut une tierce majeure dans un chant, on attaque la note pythagoricienne, alors qu’il faut une succession de quatre quintes pour passer d’une note à l’autre ; quoi qu’il en soit, le fait semble prouvé : il faut l’accepter en attendant que l’on en trouve une explication, et il faudrait encore l’accepter, lors même que l’explication ne serait pas donnée, si de nouvelles expériences ne viennent s’opposer à celles que nous avons décrites.
- ↑ La quinte est, après l’octave, l’intervalle le plus facile à reconnaître et à produire avec justesse. — Dans ce qui suit les indices qui se trouvent à côté de chaque note indiquent les octaves successives dans lesquelles ces notes se trouvent comprises.
- ↑ Les divers sons qui ont des nombres de vibrations multiples du nombre de vibrations d’un son donné sont dits les harmoniques de ce son.
- ↑ Journal de physique, t. I, 1872, p. 114.