Calmann-Lévy (p. iii-iv).

PRÉFACE DE L’AUTEUR

J’ai parcouru la triste Galilée au printemps, et l’ai trouvée muette sous un immense linceul de fleurs. Les ondées d’avril y tombaient encore, et elle n’était qu’un désert d’herbages, un monde de graminées légères, prenant vie nouvelle au chant d’innombrables oiseaux. Les grands souvenirs, les débris, les ossements semblaient plus profondément y sommeiller, sous ce silencieux renouveau des plantes, — et j’ai voulu, dans mon récit, les remuer à peine. Aux approches de Nazareth et de la mer de Thibériade, le fantôme ineffable du Christ deux ou trois fois s’est montré, errant, presque insaisissable, sur le tapis infini des lins roses et des pâles marguerites jaunes, — et je l’ai laissé fuir, entre mes mots trop lourds…

Les aspects intimes de la campagne, la couleur, les sons et les parfums, c’est tout ce que j’ai peut-être noté en passant.

Et c’est d’ailleurs, dans ce pays sacré de Gâlil tant de fois décrit par les poètes merveilleux, la seule part que mes aînés m’aient laissée. 


P. LOTI.