La Frontière (Claretie)/II/I

É. Dentu (p. 93-124).


I


Il flottait maintenant, le drapeau français, il flottait en face du drapeau d’Italie, dans le ciel, au-dessus des monts ; il semblait protéger, guider dans leurs manœuvres les Alpins envoyés là-haut, le long de cette frontière tracée sur les rochers, plus haut que les nuages. Il flottait gaiement, on le voyait de partout. Il commandait la vallée profonde, les vallons de la Mollière, de Salles, de la Madone, qui séparaient les deux versants. Il étendait ses plis au-dessus du versant italien. Il semblait l’étendard même du pays, de tout le pays, — à des distances infinies. Et les Alpins du capitaine Deberle en étaient fiers, fiers comme d’un pavillon hissé au grand mât de quelque navire immense. Il la dominait cette mer de montagnes et de neige. Il semblait qu’Orthegaray, avec sa gymnastique, eût assuré à la petite troupe, mieux que cela, à la France même une sorte de suprématie imprévue. Cette constatation, héroïquement puérile, remplissait d’orgueil les chasseurs alpins, amusés, ou plutôt sérieusement heureux de cette petite victoire enfantine. Un moment découragés, agacés, on leur avait rendu l’allégresse ardente, la joie d’avancer, d’aller, de grimper, de vivre… La songerie du capitaine Deberle lui faisait dire qu’on mène les hommes comme les petits, avec des jouets. Mais il donnait de la confiance et de la joie, et, avec cette force morale, de véritables forces matérielles aux soldats en marche, ce joujou planté dans la neige, et dont, le lendemain du jour où Orthegaray l’avait érigé là, on avait fêté l’apparition en buvant le café et en choquant les quarts de fer-blanc à la santé des officiers.

C’était à présent comme une partie de plaisir, les manœuvres, sous ce drapeau. En route, on le regardait. « Pas fatigué, lui ! » disait un soldat, dans le harassement d’une journée dure.

— C’est qu’il n’a pas tant de kilos sur le dos !

— Il a plus que ça : il porte la France ! On riait, et gaiement on achevait l’étape. On le cherchait du regard au réveil. Toujours là ! Le cordonnier avait bien cousu les couleurs : le vent des sommets n’y faisait rien. On le saluait à l’heure du sommeil. C’était le grand chef. Les troupiers dans leurs lazzis lui demandaient : Es-tu content ?

Les Alpins ne songeaient qu’à rencontrer des pics plus élevés que la Valetta sur leur route, afin d’y planter encore un drapeau et de « faire plus fort » qu’Orthegaray. Mais le malin avait choisi le plus haut sommet. Rien à faire !

— Il tient le record, Orthegaray ! disait un Parisien.

Et ils se divertissaient « de la tête » qu’avaient dû avoir les Italiens, de l’autre côté, lorsqu’ils avaient vu le drapeau français leur « faire la nique ». Leur macaroni n’avait pas dû passer tout seul. C’est vexant tout de même d’avoir devant soi des gaillards qui vous plantent des étendards au-dessus de vos têtes, comme pour vous dire : « Venez-y-donc ! Trop haut, le tonnerre ! »

Dans les haltes, au grand repos, le drapeau attaché au tronc de sapin était le continuel sujet des conversations de ces troupiers. Il revenait comme un refrain dans tous leurs propos. On en avait fait une chanson qu’on chantait sur l’air de Sidi-Brahim :

Franc chasseur alpin, gai soldat,
La France est là qui te regarde :
À l’heure rouge du combat,
Tu sais ta place ? À l’avant-garde !

Et le mot éternel, le mot enfantin de ces grands collégiens héroïques, c’était :

— Ils doivent bisquer, les Italiens ! Ils bisquent, ils bisquent !


Les soldats en eurent, du reste, la preuve évidente, un soir qu’à la grand’garde se présenta un Alpin italien qui demanda à parler au commandant français. Un beau garçon, bien découplé, petit, mais leste et presque élégant, qui venait se rendre : un déserteur. La tentation est grande de ces désertions à la frontière. D’un pays à l’autre il semble que la liberté soit conquise en trois pas. La souffrance qui étreint l’homme ici, chez lui, dans son pays, va-t-elle le lâcher lorsqu’il aura revêtu un autre vêtement, respiré un autre air ? Il le croit. Et il jette ses armes, apporte sa vie. L’Alpin italien faisait ainsi. Il en avait assez du service en Italie. Servir ailleurs, avec les mêmes obligations, les mêmes devoirs rudes, eh bien ! c’était du nouveau. Une aventure. Il la tentait.

On l’amena devant Deberle. Les soldats français examinaient le déserteur, détaillaient son costume, sur le chapeau la plaque de cuivre estampée aux armes royales, la plume d’aigle plantée dans une olive sur la cocarde, tricolore aussi, le pantalon gris à passepoil rouge ; ils examinaient son armement, le fusil, genre Mannlicher à poudre balistite, et ils disaient tout bas (la chaussure, mère des ampoules, était la grande préoccupation de ces pauvres gens en marche) :

— Fameux, leurs brodequins !

— Ils sont bien chaussés !

Deberle examinait l’Italien qui se raidissait devant lui, très correct, saluant militairement.

— Vous savez le français ? — demanda le capitaine.

— Assez bien, oui, mon capitaine, — dit le soldat.

— D’où venez-vous ?

— Du col de Cériéga, mon capitaine.

— Et vous désertez !

— Oui.

— Pourquoi ?

— Parce que je m’ennuie !

— Ah !… Vous n’avez pas d’autre raison ?

— Pas d’autre !

— Aucune punition encourue chez vous ?

— Aucune.

— Pas de condamnation ?

— Pas de condamnation.

— Vous servez depuis longtemps ?

— Depuis deux ans, mon capitaine !

— Et vous désertez ? répétait Deberle.

— Oui, je déserte, dit le soldat fermement.

— Vous n’aimez donc pas votre pays, vous ?

— Si, je l’aime !

— Et vous le fuyez !

— Oui !

— Comme cela, sans raison ?

— Je vous ai donné ma raison, capitaine. Je m’ennuie !

Deberle regardait l’Italien dans les yeux, des yeux noirs, ardents, un peu fous.

— Oui, et je veux me battre. On se bat chez vous. Il y a des coups à donner et à recevoir dans la Légion étrangère, au Dahomey, au Soudan, je ne sais pas, moi. Se battre, c’est vivre. Être caserné, cantonné, c’est végéter. J’ai rendu mes armes. Donnez-m’en d’autres !

— On vous enverra à Sospel, puis à Nice, puis au Tonkin probablement.

Les yeux de l’Italien s’allumèrent.

— Le Tonkin, j’y ai bien pensé. L’Asie ! Voir l’Asie ! l’Afrique ! Voir du pays ! C’est mon rêve !

Deberle songeait à ces aventuriers qui ont soif de l’espace, courent et découvrent des mondes, ou à ces farouches qui, nés loups, restent loups, héroïques dans le rang, redoutables en liberté, dans la vie courante. Il se demanda, un moment, si ce fauve échappé n’était pas un espion. Mais non, le déserteur ne songeait qu’à la liberté, à l’aventure.

Vous connaissez le pays ? — demanda Deberle.

— Du côté de l’Italie, oui. De ce côté-ci, non !

— Qui vous a guidé de ce côté ?

— Ce garçon, — fit l’Italien.

Et il montra, assez loin de là, un petit être rabougri qui se tenait à demi caché.

Alors, Deberle aperçut, derrière les soldats, Lantosque, l’innocent rencontré sur l’Alpe, l’errant qui vivait là-haut, aux jours d’été et rentrait, niché dans quelque étable, aux mois d’hiver.

C’était l’idiot qui avait montré le chemin au déserteur. Ce malheureux, fruste et rabougri, cet être qui ne savait rien de ce qu’était l’Italie ou de ce qu’était la France, avait amené aux Français l’Italien qui fuyait l’Italie. Le dégénéré ignorant de la patrie servait de guide au soldat lassé et secouant le joug de cette patrie.

Deberle resta muet un moment, songeur.

Cet idiot était un Français ! Ce fuyard était un Italien ! Et ni le cerveau congestionné du révolté, ni le cerveau obtus du débile n’avaient la conception de la mère-patrie, de ce qu’elle est, de ce que lui doivent ses fils.

— Votre nom ? demanda brusquement le capitaine pour échapper à une sorte de trouble irrité.

— Vincenzo Capuana.

— Vous êtes né ?

— À Gênes !

Deberle écrivait au crayon les réponses sur un calepin.

— Vous avez vos papiers ?

— En règle, mon capitaine. On pourra m’incorporer dans la Légion étrangère quand on voudra.

— Ah ! çà ! mais, que diable, s’écria Deberle, vous me paraissez un soldat fieffé et pourquoi, encore un coup, déserter, passer d’un pays dans un autre ? Le régiment en Italie ou le régiment en France, c’est toujours le régiment !

— Oui, répondit Capuana, — mais c’est du nouveau !

Il avait dit : du nouveau, comme un affolé d’inconnu eût parlé de sa chimère, un amoureux de son rêve.

— Alors, quelque soit le drapeau, pourvu que vous alliez de l’avant, vous êtes satisfait ?

— Oui. Si le drapeau change, je ne change point, n’est-ce pas ? je suis toujours moi. Mon individu, c’est toujours Vincenzo Capuana. L’Italie ne satisfait pas les appétits de curiosité, de nouveauté que je ressens. Je vais ailleurs.

— Vous aimez la France !

— Oui. Et je ne déteste pas l’Italie. Mais, je vous l’ai dit, je m’y ennuie. J’étais peut-être trop heureux. Je veux des coups !

Et le soldat riait.

— Vous devez avoir faim ?

— Un peu, oui.

— Et ce pauvre garçon aussi, dit Deberle en montrant Lantosque. On va vous donner des vivres.

— Et je partirai pour Sospel quand ?

— Demain matin, avec le vaguemestre. On vous conduira au premier poste de gendarmerie. Et bonne chance au Tonkin, ou au Sénégal !

— Merci, mon capitaine !


Deberle était troublé et de méchante humeur en voyant s’éloigner ce déserteur, conduit vers la soupe par des Alpins qui plaisantaient gaiement avec lui. Ce sans-patrie lui causait une impression de malaise, comme eût pu le faire un cas de maladie lépreuse rencontré dans un musée anatomique. Il y en avait aussi en France, de ces esprits révoltés ou simplistes qui, dans l’immensité de la terre et la complexité des devoirs, ne voyaient rien que leur propre appétit, leur propre instinct, l’affranchissement intégral de leur moi ! Alors, à quoi bon le dévouement à une collectivité ou à une idée ? L’héroïsme du soldat qui meurt pour une frontière, un lambeau d’étoffe, était-il donc une duperie ?… Une bêtise ?

Et l’officier se reprenait à songer encore à cet ironique hasard qui rapprochait l’idiot du réfractaire.

— Du symbolisme, ma parole ! pensait Deberle en essayant de sourire.

Il échangeait, tout en gagnant lentement sa tente, ses impressions avec le lieutenant.

— Ça ne vous étonne pas, vous, Bergier, ces désertions-là ?

— Ma foi, non, capitaine. Ça s’explique parfaitement. Ils ont en Italie un homme qui découvre sur le faciès d’un monsieur tous les faux instincts qui peuvent se cacher dans son individu et qui a inventé les criminaloïdes !

— Oui, Lombroso.

— Lombroso, justement. Eh bien ! Lombroso vous dirait qu’il vaut mieux que ce déserteur donne carrière à ses instincts de tapedur au Tonkin ou au diable que dans un faubourg de Gênes. Il est né pour cogner, il veut cogner, il demande à cogner et il va cogner. Tout est pour le mieux.

— Dans l’espèce, soit. Ce qui n’empêche pas que ce ne soit étrange et inquiétant, cette fièvre morbide qui vide un cerveau de toute idée de nationalité et de devoir. Eh ! sans doute, s’il ne s’agissait que de ces fauves, de ces impulsifs, comme ce Capuana, ou de ces débiles, comme Lantosque ; mais si l’on interrogeait certains penseurs — je dis des penseurs, je pourrais dire des farceurs — ils vous répondraient que, sauf le réengagement dans la légion, Capuana est dans la vérité en quittant son pays et en jetant ses armes, et que nous faisons, nous, un métier de niais, à courir les sentiers pour délimiter ou garder des frontières, en attendant que nous fassions un métier de bourreaux (ah ! ça s’imprime journellement) en risquant notre vie pour les autres. Drôle de moment, mon pauvre Bergier !

— Sans doute. Mais si vous voulez mon avis, capitaine, je crois bien qu’à peu de chose près, ça a toujours été comme ça !

— Qui sait ! fit Deberle.


Il salua le lieutenant, gagna son abri et s’étendit dans sa couverture, ne lisant pas, ce soir-là, songeant, énervé, et ne pouvant dormir. Une cérébration involontaire le tenait éveillé. Oui, il revenait à ce Capuana invinciblement. Ce n’est pas celui-là qui se fût senti électrisé, remonté, parce qu’un bout de drapeau eût flotté sur un glacier ! Il s’en moquait bien du drapeau ! Deberle eût voulu savoir ce que pensaient du déserteur les chasseurs qu’il commandait.

— Bah ! Ils n’analysent pas, heureusement. Ils font leur devoir, d’instinct, se dévouent comme le terre-neuve sauve. Mais le jour où les Capuana seront plus nombreux… ?

Parbleu, tout soldat qu’il était, Deberle n’avait ni l’appétit des tueries, ni la haine des étrangers. Il n’eût demandé qu’à présenter les armes à l’embrassade générale des nations réconciliées. L’humanité, il en savait le prix, il en avait la passion comme de la patrie. Mais à ce rêve de bonté, d’oubli et d’amour, décevant comme tous les rêves, fallait-il sacrifier le devoir quotidien, l’éveil constant du fils protégeant la terre natale comme une mère menacée ? C’était facile, en vérité, la satisfaction de l’instinct ; c’était admirable, l’idée supérieure de l’humanité dominant le foyer ; mais la réalité s’imposait plus étroite, plus sévère et plus triste. Il en était de ceux qui brisent les liens, secouent les charges du patriotisme comme d’hommes qui sacrifieraient la famille, les proches, à l’affection vague d’une foule voisine.

N’importe, le « moment », comme il disait à Bergier, était bizarre et la désertion de l’Italien ramenait la pensée de l’officier à tous les problèmes redoutables, à l’anarchie morale, intellectuelle, politique, de l’heure présente. Singulier moment, en effet, où les fronts se heurtaient aux réalités dures, quand les cerveaux ne se perdaient pas dans les mysticismes morbides.

— Le rêve ! Eh ! parbleu, c’est beau le rêve, beau et attirant comme ce gouffre sur lequel passaient mes soldats. Mais la réalité. La vérité, c’est le tronc d’arbre qui permet de franchir l’abîme !

Et, peu à peu, il se laissait aller à des songeries consolantes. Dans le trouble contemporain, il avait du moins rencontré le point d’appui, ce sentiment du devoir qui était le pivot de son métier. On était loin, en haut des Alpes, loin de toutes les compromissions et de toutes les hésitations d’en bas. On vivait là en pleine vérité comme en plein ciel. Et ces braves gens venus de bien des coins de France pour servir sous le même uniforme, ces Alpins endormis étaient comme lui sans troubles, habitués à résumer leur existence dans un seul mot, le plus beau de tous : servir.

Même, en se répétant ainsi qu’il servait, Deberle oubliait la mélancolie de l’éloignement qui, parfois, lui venait quand il pensait à la mère restée là-bas, à Bayonne. Elle sommeillait doucement, à cette heure, ou éveillée, elle pensait à son fils comme il pensait à elle. Oh ! elle ne se plaignait ni ne le plaignait ! Né d’une race de soldats, l’enfant avait le sacrifice dans le sang. Il obéissait. Elle en était fière.

— Il faut bien que l’atavisme, songeait Deberle, ait aussi son bon côté.


Dans une succession de rêvasseries, traversées de visions hypnagogiques où il voyait tantôt des files bizarres de déserteurs italiens emmenés par ses Alpins ou des drapeaux singuliers flottant sur la neige, Deberle peu à peu s’assoupit, s’endormit — comme ses soldats — dans la solitude des sommets. Il fut réveillé brusquement, une ou deux heures après, par un vent de colère qui semblait, au loin, une immense plainte humaine et qui, en se rapprochant, secouait la toile de la tente et lui faisait rendre des sons de tambour battu. Quelque tempête s’était levée dans la montagne.

L’Alpe a de ces surprises. En plein mois d’août, l’année précédente, Deberle et ses hommes, après s’être couchés sous une sorte de grésil, s’étaient réveillés dans une neige haute. Ce n’était pas de la neige, cette fois, c’était la tourmente. Le vent soufflait, sifflait, hurlait comme quelque être vivant, déchaîné comme un fou échappé poussant des clameurs. Deberle entendait, parmi ces hurlements, craquer les hêtres. Sa première pensée fut :

— Et le drapeau ?

Le drapeau planté par Orthegaray, l’immense guidon que suivait des yeux la troupe en marche, ce vent de furie allait-il le respecter ou l’abattre ?

Peut-être la tempête, qui grondait surtout dans les fonds, ne monterait-elle pas jusqu’aux sommets. Elle battait cependant, la faisant claquer comme les voiles d’une barque en détresse, la toile secouée des tentes. Et, au-dessus de sa tête, Deberle entendait passer les hurlements, les bruits, les cris, les jappements de ces chevauchées des nuits de vent que les paysans appellent les « chasses volantes ».

— Oui, le drapeau ! Le vent l’aura arraché !

C’était sa pensée constante maintenant. Il ne dormait plus. Comme le devoir même précisait sa vie, ce point unique, le drapeau, attirait, hypnotisait sa songerie. Il eût voulu que l’aurore vînt pour savoir. Le vent sifflait toujours, un peu calmé pourtant, comme un énergumène lassé de sa rage. Avant le jour, Deberle fut debout. Il n’y avait encore sur les cimes que des lueurs vagues, des nuées éperdues, balayées et fuyantes. Çà et là, difficilement entrevues, devinées plutôt, des taches noirâtres : quelques sapins déracinés.

L’officier regardait avec une fixité anxieuse le haut du pic de la Valetta. Il ne distinguait rien. Au lever du jour, il verrait peut-être. Le vent baissait, baissait. On ne l’entendait plus que très loin, comme un tonnerre qui s’endort, — comme un fuyard.

Confusément, des ombres apparaissaient dans la brume matinale : — des Alpins qui, énervés, ne pouvant sommeiller, s’étaient levés, erraient. Une sorte de brouillard, épais comme la fumée d’une cuve, s’amoncelait dans les fonds plus sombres : mais l’horizon se vidait de nuées qui semblaient balayées, roulées les unes sur les autres, et le jour pouvait être beau. Deberle attendait que le premier rayon éclairât le pic, la cime, là-bas. Il vint, ce rayon, pâle, confus, puis, soudain, très perçant et vif et le mont apparut, incandescent dans sa clarté de neige. Deberle poussa un cri.

— Tonnerre ! Pauvre Orthegaray !

Le tricolore n’y était plus.

Le capitaine frappa du pied, colère. Il rentra dans sa tente, ne voulant pas voir la déception, la tristesse de ses chasseurs lorsque tout à l’heure, la diane sonnée, ils ne retrouveraient plus, au sommet de la Valetta, le drapeau — leur drapeau !