La France juive/Livre Deuxième/VI/2

Marpon et Flammarion (p. 445-526).


Après avoir laissé passer l’occasion et n’avoir travaillé que très mollement à amener la seule solution possible, les hommes d’Etat, qui dirigeaient si malheureusement le parti conservateur, eurent quelques velléités de réagir au 16 Mai et ils auraient réussi s’ils avaient eu la moindre énergie. Qui ne connait, hélas ! les conditions ridicules dans lesquelles le combat fut engagé par des êtres pusillanimes qui, après avoir mis leur épingle au jeu sans trop savoir pourquoi, n’étaient préoccupés que de la retirer ?

Des deux chefs du Seize-Mai, le plus disposé à sacrifier sa vie eût été certainement le duc de Broglie, mais il était gêné par les habitudes d’un tempérament tout littéraire, par cette perpétuelle hésitation d’esprit qui rend les hommes d’une certaine école politique impropres à toute détermination virile. Fourtou, pur gascon, vrai capitan de comédie, était avec plus de rouerie, le modèle du Sulpice Vaudrey de Monsieur le Ministre, le provincial corrompu par la vie de Paris, il ne profita de son passage au ministère que pour « s’en fourrer jusque là. »

Le duc de Broglie était timoré comme un parlementaire, l’autre poltron comme la une, le premier avait peur d’endommager sa doctrine, l’autre tremblait de compromettre sa peau[1]

Toutes les fois qu’il fallut agir ou qu’on leur proposa d’agir pour eux, les hommes du Seize Mai reculèrent. M. Oscar de Vallée me racontait, à ce sujet, un détail qui a son intérêt. On avait annoncé dans le Français sa nomination comme procureur général à la cour de Paris. « Je suis prêt à accepter, dit-il à M. Brunet, mais je vous préviens que mon premier acte de magistrat sera de faire arrêter M. Gambetta et son fameux comité[2]. »

Le gouvernement ne pensait guère à cela. Ces prétendus catholiques, que nous avons vus si durs pour les pauvres diables de la Commune, tremblaient devant cet Italien factieux.

Le vrai coupable, cependant, ce fut le maréchal Mac-Mahon. Il avait lui-même pris l’initiative du Seize Mai que rien ne rendait indispensable à ce moment, il avait répété sur tous les tons qu’il ne reculerait pas, il refusa d’appeler au ministère de la guerre le général Ducrot qui se déclarait prêt à prendre les mesures que nécessiteraient les circonstances.

Le général Ducrot, dans cette triste période de notre histoire, fut le seul qui ait été constamment résolu à se sacrifier au besoin pour le salut du pays. Au commencement de 1873, quand tout était si bien organisé pour le retour de l’Empereur que Napoléon III, pour pouvoir monter à cheval, se soumit à l’opération dont il mourut, Ducrot était l’âme du mouvement qui allait s’accomplir. Il se mit ensuite avec le plus entier dévouement à la disposition du comte de Chambord. Au mois de décembre 1877, il ne demandait qu’à agir en déclarant seulement qu’une fois l’ordre rétabli, il se prononcerait « pour le premier qui serait là ». C’étaient ses propres paroles. Le Prince Impérial, qui attendait impatiemment de l’autre côté du détroit, serait-il arrivé avant le comte de Chambord ? Je le crois. En tout cas, la France eût été sauvée, le Maréchal ne voulut pas qu’elle le fût, il obéit à un sentiment de mesquine jalousie envers un compagnon d’armes en refusant d’appeler le général Ducrot au ministère de la guerre[3].

Ces faits m’ont été confirmés par des confidents intimes, par des amis personnels du général, qui l’ont entendu répéter, à cette époque, qu’il acceptait toutes les responsabilités, ils sont, d’ailleurs, de notoriété publique.

— Vous avez cent fois raison, me dit un des hommes les plus activement mêlés à ces événements et qui s’exprime sur le compte du Maréchal en termes que je ne veux pas reproduire, mais vous avez tort d’être aussi net, cela nuira au succès de votre livre dans un certain monde.

Voilà où ils en sont. La vérité les gêne, comme la lumière gêne les malades, il leur faut la veilleuse qui brûle tristement dans la chambre soigneusement calfeutrée.

Il me semble nécessaire, au contraire, que si la France périt on connaisse le nom de celui qui l’a perdue, nécessaire aussi qu’on rende hommage à ce pauvre général Ducrot, qui dort là-bas dans un coin de la Nièvre. Deux fois vaincu, le grand patriote n’a pas voulu que tout ce bruit militaire, sonneries de clairons, roulements de tambours, qui avait bercé sa vie héroïque retentît autour de son cercueil et c’est simplement qu’il s’en est allé attendre, dans un cimetière de village, la justice tardive de l’histoire.

Fourtou, lui, voulut couronner par un acte mémorable cette belle résistance du parti conservateur, avant de quitter le ministère, il nomma chevalier de la Légion d’honneur le Juif Albert Millaud, auteur de Madame l’Archiduc et autres opérettes grivoises. Ce fut son testament de Brutus et l’adieu aux affaires du représentant de l’ordre et de la religion.


Les Juifs étaient les vrais vainqueurs du 16 Mai et l’occasion se présenta bientôt pour eux de montrer qu’ils étaient les maîtres chez nous.

Pour la première fois, au congrès de Berlin, la France allait se retrouver en face de Europe, qui l’avait si tranquillement laissé mutiler en 1871.

Qui fut chargé de représenter cette revenante ? Un Anglais……

J’ai esquissé ailleurs le portrait de Waddington[4], ce cosmopolite qui rentre dans la catégorie de tous les naturalisés, de tous les Peregrini, de tous les circulatores que nous rencontrerons dans le cours de ce travail. Il a des parents partout, excepté en France, ses cousins sont nombreux en Allemagne, sa sœur a épousé un diplomate prussien, M. de Bunsen, un de ses oncles est colonel dans l’armée anglaise, un autre, Evelino Waddington, est mort au mois d’avril 1883 à Pérouse.

Nul dans le pays ne s’étonna du choix de cet Anglais, pas plus qu’on ne s’était étonné du choix de Spuller comme secrétaire général du gouvernement de la Défense nationale. L’abaissement des intelligences était telle, à ce moment, qu’on ne prêtait même pas attention à ces énormités.

L’attitude prise par Waddington au congrès ne souleva même que de timides protestations.

La conduite à suivre était tout indiquée et le premier Français venu, intelligent et patriote, l’aurait suivie d’instinct.

La Russie, par l’antagonisme latent qui existe entre elle et l’Allemagne, est sinon notre alliée naturelle, du moins la seule nation sur laquelle nous puissions compter. Le tsar Alexandre nous avait rendu un signalé service en 1873, en s’opposant à un retour offensif de l’Allemagne sur nous. Que pouvaient nous faire les conditions du traité de San-Stéfano favorables à la Russie ?

On vit cependant cet étrange spectacle d’un ministre des affaires étrangères, nominalement français, épousant, avec un zèle éperdu, les intérêts de l’Angleterre, la poussant à prendre Chypre, souriant quand elle annonçait d’avance l’intention de nous chasser de l’Égypte et de s’en emparer.

Pour la France, Waddington ne réclamait qu’une chose… l’émancipation des Juifs de Roumanie.

Pour la Roumanie comme pour l’Allemagne, nous renvoyons à notre prochain volume, l’Europe juive, et nous ne prenons de la question que ce qu’elle a de commun avec la France.

Quels que soient les mensonges de la presse juive, chacun, d’ailleurs, est un peu au courant de la situation de cet infortuné pays.

Braves, artistes, hospitaliers, les Roumains, qui descendent des anciens Colons de Trajan, aiment à rappeler que leur nom même constate leur étroite parenté avec les fils de l’ancienne Rome.

Ce ne fut que sous Aurélien en effet que Rome fut contrainte d’abandonner la Dacie aux Barbares et à la Dacie des montagnes substitua, de l’autre côté du Danube, la Dacie du rivage : Dacia ripensis.

Nous ne dirons pas aussi facilement que l’Empereur, écrit éloquemment à ce sujet M. Victor Duruy, un adieu définitif à cette vaillante population romaine de la Dacie Trajane. Digne de son origine et de celui qui lui avait donné ses premières cités, elle a joué dans les Carpates le rôle de Pélage et de ses compagnons dans les Asturies, bravant du haut de cette forteresse inexpugnable toutes les invasions, regagnant pied à pied, tandis qu’elles s’écoulaient vers le Sud ou l’Ouest, le terrain perdu, et reconstituant, après seize siècles de combats, une Italie nouvelle, « Tzarea roumanesca », dont les peuples de race latine saluent l’avènement au rang des nations libres.

Le type italien a pris chez les Roumains une sorte de grâce orientale à la fois mâle et poétique, ils aiment à chanter le soir, à la clarté des étoiles, ces originales mélodies dont le rythme bizarre reste dans l’oreille charmée. Ils seraient, en un mot, parfaitement heureux, comme les Français du reste, si les Juifs n’existaient pas.

Le Juif là ne constitue pas une maladie fixe, un marais plus ou moins étendu et plus ou moins fétide, c’est une sorte d’écoulement perpétuel qu’il est impossible d’arrêter. Le grand réservoir du Sémitisme, la Galicie et les provinces Russes limitrophes déversent incessamment là leurs hordes puantes.

Cent fois on a décrit ces Juifs à tire-bouchon, à houppelande crasseuse ornée d’énormes brandebourgs, laissant tomber la vermine partout où ils passent, offrant un danger constant pour la salubrité publique.

Acharnés sur ce malheureux pays, où leur Messie, disent-ils, doit naître de la famille d’Isrolska, les Juifs ont fait de lui ce qu’ils voudraient faire de la France, ils le dévorent, ils le rongent, ils le sucent, ils l’épuisent. Monopolisant la vente des liqueurs fortes, ils attirent petit à petit à eux tout l’argent, tous les produits, toutes les propriétés de la contrée[5].

Dès qu’un fermier a mis le pied dans un cabaret, il est perdu, tout passe dans l’engrenage : la ferme, le champ, le bétail, les vêtements, l’anneau de mariage, tout. Abruti par le poison qu’on lui verse, l’infortuné signe un engagement qu’on surcharge et qu’on ne lui représente plus que bien longtemps après, lorsqu’il est hors d’état de payer. Alors le Juif fait saisir, et un compère achète à vil prix le petit domaine du pauvre diable.

Tout le petit commerce, écrit M. Ernest Desjardins[6], membre de l’Institut, comme M. Waddington, et peu suspect par nature d’exagération, est entre leurs mains, le lait, la viande, les fruits, l’eau-de-vie surtout, dont ils ne boivent pas et qu’ils frelatent avec du vitriol, trompant les Roumains, empoisonnant du même coup la ville et la campagne.

Ce peuple, dit ailleurs le même écrivain, ne veut ni servir, ni s’instruire, ni cultiver, ni payer, il ne veut participer à aucune charge, ne fait aucun sacrifice, ne se soumet même pas aux lois de police, aux règlements d’hygiène, et avec ses huit cent mille bras ne saisit ai la charrue, ni la pioche, ni le fusil — mais l’argent[7].

Voilà les clients que M. Waddington donna à la France, la protectrice séculaire des opprimés, voilà ceux dont il prit la cause en main, à la stupéfaction de Bismarck qui riait aux éclats à chaque séance où notre ministre remettait la question sur le tapis.

Il y eut après le traité de Berlin des épisodes vraiment touchants dans la douleur de ce peuple que l’Europe condamnait à disparaître devant le Juif.

Il ne s’agissait pas, nous le répétons, d’un nombre déterminé de Juifs à admettre, mais de tous les Juifs auxquels il plairait de s’établir dans ce pays au détriment des propriétaires du sol. D’après la doctrine de Waddington, tout Juif était citoyen roumain.

Un ancien révolutionnaire, un homme qui, pendant son exil en France, avait été l’ami de tous les républicains arrivés, Bratiano dit à la Chambre des représentants cette parole émouvante : « Messieurs, dans ma vie politique j’ai passé par beaucoup de vicissitudes et par beaucoup de malheurs, mais nulle part et jamais je ne me suis senti aussi malheureux qu’à Berlin. »

Pendant ce temps la Juiverie exaltait, et Crémieux, dans une séance de l’Alliance israélite, s’écriait sur un ton dithyrambique :

Ma foi est grande devant notre situation aujourd’hui si belle ! Ah ! laissez-moi reporter tout cela à la conduite si noble, si loyale et si pure qu’a tenue à Berlin notre ministre des affaires étrangères, notre Waddington. (Plusieurs salves d’applaudissements accueillent cette parole de l’orateur.)

Ce mot notre semble indiquer que Waddington est d’origine juive, à moins que Crémieux n’ait voulu dire par là que le ministre des affaires étrangères était à eux parce qu’ils l’avaient payé.

Juif ou payé pour servir les Juifs, Waddington en tous cas n’épargna rien pour défendre sa race ou pour gagner son argent. Il tint la main à la cause du traité de Berlin, qui était la mort de la Roumanie, avec une âpreté toute judaïque. La France, grâce à lui, la généreuse France, joua ce rôle ignoble d’un gendarme étreignant les poignets d’une nation faible, pour permettre au Juif d’entrer de force du vitriol dans la gorge de la moribonde.

Bratiano, avec l’énergie, l’espoir toujours vivace du vrai patriote, entreprit à travers l’Europe un voyage semblable à celui de Thiers allant supplier pour la France vaincue.

L’Autriche, la Russie et la Turquie reconnurent individuellement l’indépendance de la Roumanie. En Angleterre, en Italie, Bratiano avait trouvé partout les ministres vendus aux Juifs, et s’était heurté à d’impitoyables résistances. Les consciences cependant s’étaient révoltées devant les faits qu’il racontait et on lui avait répondu : « Les puissances signataires du traité de Berlin sont solidaires. Que la France se déclare prête à reconnaître l’indépendance de la Roumanie sans exiger l’accomplissement immédiat de la clause léonine relative aux Israélites, et nous en ferons autant. »

Waddington résistait et répondait toujours : « Point de droits de citoyens accordés aux Juifs qui tiennent des maisons de filles, des cabarets d’eau-de-vie empoisonnée, des comptoirs d’usuriers, point de ministre de France accrédité près de la Roumanie. »

En vain on lui disait : « Mais en quoi cette question qui est toute de police intérieure peut-elle intéresser la France ? La liberté des cultes n’est pas même en cause puisqu’il est avéré que la Roumanie est peut-être le pays du monde oû la tolérance est le mieux pratiquée. »

Le Waddington ne bougeait mie et la gauche, presque tout entière mêlée aux spéculations financières et vivant ainsi aux gages des Juifs, trouvait naturellement cette conduite admirable.

Un autre envoyé de la Roumanie, M. Catargi ne fut pas plus heureux. Voici textuellement, d’après les journaux israélites, la réponse cynique que lui fit Gambetta : « J’engage votre gouvernement à s’exécuter, la France ne reconnaîtra pas l’indépendance de votre pays sans que vous ayez reconnu les droits civils à tous les Juifs sans distinction. M. Crémieux y tient. M. Waddington a pris au congrès de Berlin l’initiative de cette question, il y va de l’honneur de la France de ne pas la laisser éluder. Moi-même j’ai donné ma parole à Crémieux de l’appuyer, ainsi je ne peux encore une fois que vous engager à remplir sans délais vos engagements. »

Répétons qu’il ne s’agissait nullement d’une question de liberté religieuse.

M. Ernest Desjardins écrit encore à ce sujet dans sa brochure : Les Juifs en Moldavie :

J’affirme que le motif religieux n’a aucune part dans les mesures prises par le gouvernement, ni dans l’hostilité que la population témoigne aux juifs. La tiédeur des Grecs orthodoxes pour leur culte et l’indifférence des prêtres salariés par l’État rendent impossible le moindre soupçon de persécution religieuse. Ce qu’on hait c’est un peuple étranger dans un pays dont il absorbe la substance, formant un État dans l’État, comme les protestants en France avant les édits de Richelieu.

Mais nous avons de ce fait un témoignage plus significatif encore, celui de M. Ad. Franck qui jouit dans le monde israélite d’une estime méritée.

Dans la réponse qu’il adresse à M. Xavier Roux qui lui avait demandé quelles étaient, selon lui, les causes de l’agitation anti-sémitique qui va grandissant dans toute Europe, le professeur au collège de France déclare qu’en Roumanie comme en Russie les croyances religieuses sont absolument étrangères aux mesures prises contre les Juifs[8].

Le savant auteur de la Kabbale serait bien aimable alors de nous dire au nom de quel principe nous intervenons dans les affaires intérieures d’un peuple qui n’a que le malheur d’être trop faible pour nous prier de nous mêler de ce qui nous concerne.

La Roumanie cependant échappa à moitié au péril.

Un député républicain eut le courage de traiter ce sujet que tout le monde évitait avec le plus grand soin.

« Voilà dix-huit mois, dit M. Louis Legrand dans la séance du 15 décembre 1879, que le traité de Berlin a proclamé indépendant l’Etat de Roumanie. L’Autriche, la Russie, la Turquie, les trois puissances les plus intéressées à l’observation du traité de Berlin, ont immédiatement reconnu l’indépendance de cette petite nationalité. L’Italie vient, à une date récente, de suivre cet exemple. Je demande que la France en fasse autant et noue avec la Roumanie des relations diplomatiques régulières. »

Waddington évita, on le comprend, de dire la vérité et d’expliquer les mobiles qui l’avaient fait agir, il craignait la publication de certains documents qui ne lui auraient pas fait honneur, il se contenta d’ergoter sur la naturalisation par tête et par catégories déterminées qui ne le regardaient aucunement, et dans lesquelles le gouvernement français n’avait aucune espèce de raison de s’immiscer.

Dans la peur d’être démasqué, il finit cependant par céder. Les Juifs, en outre, sentaient que les Roumains étaient à bout de patience, ils n’ignoraient pas qu’il se préparait de ce côté des scènes auprès desquelles les exécutions de Bulgarie et de Russie n’auraient été, pour employer un mot de Retz souvent cité par Maxime du Camp, que « des verdures et des pastorales. »

On prit le parti d’envoyer de ce côté, comme membre français de la commission du Danube, un fonctionnaire dont l’origine sémitique ne me surprendrait pas et qui, en tous cas, fut comme le représentant de la Juiverie française dans cette région. On choisit un nommé Barrères, ancien condamné de la Commune devenu gambettiste. S’il faut le juger d’après la façon rapide dont il s’est enfui sous la Commune dès que la bataille des rues a commencé, je crois qu’au moment d’un grand massacre, ses coréligionnaires de là-bas auraient eu tort de compter sur lui. Du reste, la Juiverie reconnaissante l’a fait depuis passer en Égypte où nous allons le retrouver bientôt[9].

La Juiverie ne fut pas ingrate pour Waddington. En 1883, l’Alliance israélite eut le crédit de retirer l’ancien ministre de l’oubli méprisant dans lequel il était tombé, pour l’envoyer en Russie plaider, avec l’autorité qui peut s’attacher encore au titre d’ambassadeur de France, la cause des Israélites de Russie.

M. Jules Delafosse prononça à cette occasion un discours d’un admirable patriotisme. Laissant toute question politique de côté, il se plaça seulement sur le terrain des intérêts français, il rappela que M. Waddington inféodé à l’Angleterre avait contrecarré au congrès de Berlin tous les projets du seul allié sur lequel nous pouvions compter ; il demanda qu’à cette cérémonie où les nations étrangères déployaient toutes leurs pompes, la France fût représentée par un de ses vrais enfants, par quelque glorieux soldat.

Tout fut inutile. L’Alliance israélite avait parlé, on couvrait la voix de l’orateur, et, des tribunes, on entendait les députés crier en riant : l’Anglais ! l’Anglais.

Waddington s’en alla à Moscou promener à nos dépens sa noblesse de carte de visite et son écusson grotesque où figuraient des fleurs de lis sous une hache d’armes, avec cette devise qui, pour un si oblique personnage, a l’air d’une raillerie : Loyauté !

Pendant son ambassade en Russie, Waddington, convaincu qu’on peut tout se permettre avec nous, fut énorme d’aplomb. Pour empêcher tout rapprochement avec la Russie, l’Allemagne désirait que nous fissions une avanie au gouvernement du czar. Waddington y consentit volontiers et, dans le grand bal officiel qu’il donna, il ne daigna pas inviter le ministre des affaires étrangères, M. de Giers.

Ce fait, que mes lecteurs m’accuseraient peut-être d’inventer par esprit de parti, est absolument authentique, il est mentionné notamment dans le Gaulois du 22 juin 1883, par M. Louis Teste, un écrivain très modéré et très au courant des questions diplomatiques. N’est-ce pas ravissant encore, la France, à la veille de la banqueroute, offrant deux cent cinquante mille francs à un Anglais pour aller faire des insolences à la seule puissance qui ait conservé pour nous une ombre de sympathie ?

L’envoi de M. Waddington à Londres a couronné cet édifice de ridicule. On avait dit que l’ancien élève de Cambridge était fixé là-bas sans esprit de retour et que, la qualité d’Anglais ne se perdant pas, il avait l’espoir d’être nommé pair. Nous n’avons pas eu cette chance, il continue à servir l’Angleterre sur notre dos. C’est lui qui décida le gouvernement français à désavouer et à priver de son commandement le brave amiral Pierre qui mourut de chagrin. Mais son chef-d’œuvre fut le projet d’adhésion de la France à la conférence de Londres pour le règlement de la question égyptienne. Non seulement la France acceptait l’occupation par l’Angleterre de cette Égypte où notre influence avait été si longtemps prépondérante, où nos capitaux français s’étaient engloutis, non seulement elle consentait à la réduction d’une dette garantie par toutes les puissances, mais elle admettait un emprunt primant tous les autres et destiné par l’Angleterre à réparer les dommages qu’elle avait seule causés.

Les Allemands et les Russes, fort heureusement, défendirent mieux nos intérêts que ne l’avaient fait nos ministres, et la conférence avorta piteusement. M. Waddington en fut inconsolable.

Quant à la conduite de Barrère elle fut plus singulière encore. On sait avec quel intérêt toute l’Europe suivait ce qui se passait en Égypte au mois de septembre 1884, au moment où l’on annonçait comme imminente la suspension de l’amortissement de la dette. Pour servir son pays lord Northbrook, en bon Anglais, avait quitté sa grande existence, ses chasses, sa belle résidence de Forham dans le Hampshire. Barrère, le méchant communard devenu ministre de France en Egypte, ne daigna pas se trouver à son poste : « J’ai tiré sur le drapeau français en 1871 devant les Prussiens, est-ce qu’on croit qu’en 1884 je vais aller le défendre au Caire devant les Anglais ? » Ainsi raisonnait sans doute ce diplomate opportuniste.

Le commissaire français de la dette, M. Lechevallier avait également choisi ce moment pour s’adonner à la villégiature.

Partout, d’ailleurs, nous retrouvons des Waddington et des Barrère. Dans un journal anglais le Statist, un diplomate a tracé au mois d’août 1884 un tableau burlesque et navrant pour nous autres qui avons conservé un cœur, français, de ce que fut notre politique extérieure livrée à tous les aventuriers de l’Europe. On se débarrassa peu à peu de tous les hommes de la carrière pour confier nos intérêts à des Juifs de tous les pays, quand un diplomate avait par hasard conclu un traité avantageux, on le désavouait parce qu’il n’avait pas réservé de bénéfices spéciaux à la Juiverie.

En 1880, dit le journal anglais, la France prend en Afrique une attitude militante. Gambetta, préoccupé de ménager l’opinion publique en Italie, expédie à Rome et à Tunis un diplomate de race, rompu aux affaires depuis vingt-cinq ans. Le baron de Billing apaise le ressentiment des Italiens et rapporte un traité excellent. Il est désavoué parce que les aigrefins de l’opportunisme y trouvaient peu de pépites à ramasser. L’invasion de la Tunisie a lieu, le traité du Bardo est imposé au Bey. A qui confie-t-on le soin de le libeller ? A M. Bréard, général de brigade, absolument inconnu, et à M. Roustan, petit agent d’ordre purement commercial.

En Chine, un diplomate fin et habile, M. Bourée, fait un traité aussi avantageux que la convention de Kassar-Saïd rapportée de Tunisie par M. de Billing. Vite, la faction opportuniste s’empresse aussi de le désavouer, et la France se lance dans des négociations absolument bouffonnes conduites par des médecins de la marine, des commandants d’aviso, des douaniers prussiens. C’est un comble. Ne désespérons pas de voir prochainement Courcel ou Saint-Vallier commander des cuirassés.

Deux ans avant de mourir, Gambetta, éprouvant le besoin de remplir les poches des Israélites plus ou moins allemands ou cosmopolites de son entourage, voulait opérer la conversion de la Dette italienne. Au lieu d’envoyer en mission à Rame un inspecteur général des finances, il invente d’y expédier un pique-assiette de Mme Arnaud, de l’Ariège, un Juif espagnol du nom de Ruiz.

On sait l’accueil qui fut fait à ce triste personnage par la Consulta, le marquis Maffei en tête. — A l’apogée de sa carrière, Gambetta désire obtenir une audience de Bismarck. Il lance en éclaireur un député algérien, ancien commissionnaire en douane à Marseille, bientôt suivi par un autre député, rabin à ses heures, émetteur de loteries, et marchand d’angélique de Niort. Le banquier juif Bleichroeder, malgré toute sa bonne volonté, participe à ces ridicules pourparlers qui échouent misérablement.

Les Juifs avaient Waddington à l’extérieur, à l’intérieur ils eurent Léon Say. Léon Say qui passe, à tort ou à raison, pour le frère d’Alphonse de Rothschild, est l’homme du roi des Juifs, Il s’honore de porter sa livrée, il vient chaque matin comme un commis fidèle prendre le mot d’ordre chez lui, il ne fait rien que pour lui, par lui, avec lui. En imposant à la République, les Rothschild n’avaient pas seulement la satisfaction d’être absolument les maîtres du marché financier, ils goûtaient la joie orgueilleuse de voir un de leurs employés gouverner en sous-ordre cette France qu’ils ne daignaient pas gouverner eux-mêmes.

Le vrai maître de la Juiverie en France, en effet, celui dans lequel Israël et la Franc-maçonnerie mettaient leur plus cher espoir, c’était Gambetta.

En échange du pouvoir, les Juifs demandaient à Gambetta quatre choses :

1° Des affaires à brasser ;

2° La persécution religieuse, l’enlèvement des classes de ce Christ qui les offusquait, la fermeture de ces écoles d’où tant d’hommes illustres étaient sortis et oû l’on apprenait aux enfants à devenir de bons chrétiens et de bons Français ;

3° Une loi de sûreté générale qui permit, au moment opportun, de compléter l’œuvre de la Commune, et sous prétexte de récidivistes, de vagabonds, de souteneurs, de chasser beaucoup de Français de la terre natale, afin d’installer à leur place tous les Juifs de Russie, d’Allemagne, de Roumanie qui éprouveraient le besoin de changer de pays ;

4° Enfin ils demandaient la guerre.

Les affaires, Gambetta en organisa tant qu’on en voulut. Il fit le coup de Bône à Guelma, le coup de la fausse conversion avec l’aide de Léon Say, il décida le rachat des chemins de fer d’intérêt local, par l’Etat, qui fut si fructueux.

C’était la répétition purement et simplement de ce qui s’était fait en Allemagne. Le centre avait réussi, il est vrai, à empêcher le rachat de toutes les lignes au compte de l’Empire, mais le prince de Bismarck avait fait racheter, pour le compte de la Prusse, un certain nombre de lignes et les Juifs, sur une opération de douze cents millions, avaient réalisé au moins cinq cents millions de bénéfice. Ils avaient agi comme on devait plus tard agir en France, prévenus d’avance, ils avaient fait tomber les actions, les avaient accaparées et s’étaient fait rembourser au taux de l’émission. Le Parlement prussien, il faut le reconnaître, fut plus honnête que nos députés qui tous, ils ne s’en cachaient pas, avaient une part dans ces tripotages. M. de Maybach ayant proposé de racheter au taux de 23 les actions de la ligne du Rhinnahe, qui n’ont qu’un cours nominal de 8, une telle clameur s’éleva dans l’Assemblée qu’il dut renoncer à son projet. En France, les républicains auraient simplement dit au ministre des travaux publics « Combien y a-t-il de bénéfice pour chacun ? »

La persécution, Gambetta la fit exercer, on sait comment, par les Constans et les Cazot.

La loi de proscription des Français, il chargea Reinach de la préparer et Waldeck-Rousseau de la présenter.

Tout cela, pour les Juifs, était broutille.

Ils aiment, on le sait, à parler par paraboles, par figures que les initiés comprennent à demi-mot. Quelques mois avant la guerre de 1870, vous ne causiez pas avec deux personnes un peu mêlées au mouvement qui se préparait sans qu’on ne parlât de détourner le cours du Nil. Détourner le cours du Nil, c’était faire passer l’influence de la France à l’Allemagne. A partir de 1872, il était question de la grande affaire. Les riches en devisaient à l’Opéra ou au cercle. Les plus besogneux Israël, en prenant une demi tasse, laissaient entendre que les temps étaient proches et qu’eux aussi allaient avoir des châteaux, des hôtels et des chasses.

Grande affaire, en effet, et si grande qu’aucun évènement de l’histoire n’aurait eu un pareil retentissement.

Les milliards, que les malheureux Français avaient versés sans compter pour le budget de la guerre, avaient été gaspillés, on avait tout fait pour semer la division et la haine dans les cœurs, l’armée avait été savamment désorganisée, rien n’était prêt, on le vit bien quand Farre, pour envoyer un régiment en Tunisie, dut prendre des hommes à Brive, des chevaux à Perpignan, des selles à Versailles[10].

Mettez cette désorganisation en face de la redoutable organisation de l’Allemagne et vous devinez le résultat. On aurait eu à peine le temps de faire le petit emprunt et l’ennemi était sur nous, nous serrant à la gorge, tandis qu’un duc de Frigolet ou un Thibaudin quelconque aurait essayé de mettre en branle cette formidable machine de la mobilisation qu’il faudrait un Napoléon pour manier.

C’était l’écrasement, c’est-à-dire dix milliards de rançon.

Comment les payer ? Le Juif était là. Il se chargeait pour le compte de l’Allemagne d’avancer une partie de la somme, seulement la rentrée, on le comprend, ne pouvant se faire en un jour, il aurait pris en quelque sorte le pays en régie pour le compte du vainqueur, il aurait réalisé son rêve d’être le maître, au moins momentané, de cette terre promise qui l’avait si longtemps rejeté hors de ses frontières, de tenir la France à la glèbe. Percepteur nécessaire à l’Allemagne, il aurait exercé une sorte de royauté, peut être obtenu pour Rothschild le titre de vice-roi. Alors tous les Juifs, petits et grands, seraient venus s’asseoir au foyer non plus par milliers, mais par centaines de milliers.

La souriante perspective que M. Alexandre Weill, fort aimable homme du reste, déroulait un jour devant moi, se serait réalisée.

Les Français, vraiment dignes de ce nom, se seraient dispersés à travers le monde comme les Israélites après la destruction du Temple, ou les Polonais après la défaite de Kosciusko.

La masse serait restée travaillant sous le bâton pendant que le Juif aurait chassé, écouté les opéras de Meyerbeer ou les opérettes jouées par Judic.

Grande affaire, encore une fois, car jamais spéculation plus gigantesque ne hanta un cerveau humain.

Cette opération prodigieuse Gambetta ne put la réussir.

Qui sauva la France menée par une bande d’intrigants et d’exploiteurs, trompée, bernée, mystifiée de toutes les façons ?

Ce fut simplement cet instinct vital auquel la France avait déjà dû son salut tant de fois. Elle laissa tout dire, tout oser, elle cria aux gens qui la gouvernaient : « Pillez, volez, trafiquez de tout, » mais à toute velléité de guerre, elle opposa une force d’inertie, obstinée, sourde, inébranlable sur laquelle rien ne put mordre. Ce sentiment de conservation ne vint pas au pays d’une intuition supérieure, il fut tout animal ; comme la bête qui sent l’approche de l’abattoir, la France refusa prudemment d’avancer et rien ne put l’y contraindre.

En vain Gambetta poussa à la ridicule manifestation de Dulcigno, comme si la France, à laquelle on avait arraché Strasbourg, avait un intérêt, un motif quelconque d’enlever une ville à ces braves Monténégrins pour la donner aux Grecs. En vain il excita la Grèce à la guerre et lui donna un gage de notre intention de la soutenir en organisant la ridicule mission Thomassin. En vain il alla tenir des discours belliqueux à Cherbourg ; personne ne bougea.

Ni la France par des fanfaronnades ridicules, ni l’Allemagne par des insolences ne firent le jeu de l’homme des Juifs.

Il convient de s’arrêter ici sur l’attitude prise par le prince de Bismarck vis-à-vis de la France. Nous pouvons dès à présent la juger telle que la jugera l’avenir, dont le Chancelier parait s’être surtout préoccupé.

Le Chancelier de fer eut, en 1873, la pensée de se ruer sur nous. A son point de vue avait-il tort ? Il se produisait alors, nous l’avons dit, une véritable tentative de relèvement. La terrible leçon semblait avoir porté ses fruits. On apercevait chez les nouvelles générations, qu’elles fussent bonapartistes ou royalistes, de l’ardeur, de l’élan, du dévouement. Ces jeunes officiers, qui avaient appris le chemin des sanctuaires, ces vieux aumôniers qui réunissaient autour d’eux des soldats, qui leur parlaient à la fois de leurs devoirs envers Dieu et envers la Patrie, ce retour vers les immortels souvenirs de la France chrétienne, tout cela inquiétait à bon droit l’étranger, et semblait annoncer que la grande nation allait redevenir elle-même.

Dès que rien ne fut plus à craindre et que le triomphe de Gambetta et des Juifs eut jeté la France en pleine décomposition sociale et militaire, le prince de Bismarck cessa de nous menacer et ne parait pas même avoir voulu profiter de trop faciles avantages.

Que se passa-t-il dans cette âme ? Le prince de Bismarck semble avoir agi comme ces politiques supérieurs, qui s’occupent non du résultat immédiat mais de la figure qu’ils feront devant la Postérité et du rôle qu’ils auront dans les annales de l’Humanité.

Avec ce don qu’ont les grands hommes de vivre déjà dans les siècles futurs, le Chancelier se représenta, sans doute, si la France s’écroulait comme nation, les sentiments qui animeraient ceux qui seraient appelés à juger le plus grand procès de l’histoire, il devina que toute une littérature se ferait sur ce thème la France naïve, chevaleresque, généreuse, écrasée par un diplomate allemand, astucieux et retors.

Evidemment, en songeant à nous, Bismarck était hanté à chaque instant par le souvenir des malédictions qui ont poursuivi ceux qui ont détruit la malheureuse Pologne par la violence et la ruse. Il a voulu que sa mémoire restât pure de l’ombre que jettent même sur les succès de tels procédés.

Ce qui est certain, c’est que sa conduite fut très nette. Nul ne pourra prétendre que l’homme d’État allemand ait trompé la France, il lui a dit constamment la vérité. Lors du procès d’Arnim, il rendait publiques des lettres dans lesquelles il déclarait que la République était le gouvernement qui faisait le mieux les affaires de l’Allemagne. Une autre fois, il reconnaissait que la seule force qui existait encore en France était dans les croyances religieuses. En 1883, au moment de la divulgation de la triple alliance entre l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie, les journaux officieux allemands proclamaient nettement « que la République, en rendant la France incapable de se réorganiser, était la meilleure garantie de la paix européenne. »

Dans les plus petits détails, l’Allemagne apporte cette franchise brutale, grossière, mais réelle. En constatant sur un ton méprisant le dégoût que les officiers allemands éprouvent à se trouver en rapport avec Thibaudin, l’homme qui a manqué à sa parole, les « Grenzboten », la Revue officielle du chancelier disait crûment :

L’Allemagne ne peut que souhaiter de voir le général Thibaudin conserver le plus longtemps possible le portefeuille de la guerre.

De même, en effet, que le maintien de la République en France est la meilleure garantie de la paix européenne, de même un homme d’un passé tel que celui du général Thibaudin doit exercer sur l’armée française, où, en raison des dissentiments politiques entre les officiers, la cohésion n’est sauvegardée que par les idées de devoir et d’honneur. – « une action complètement dissolvante. »

La France, encore une fois, n’a pas été trompée, elle a été libre de se sauver elle-même[11], elle a pu avoir à sa tête, au lieu de tous les ignobles drôles qui la déshonorent et la pillent, le plus honnête des hommes et le plus noble des rois, elle n’a pas voulu, elle aussi a réclamé Barabbas.

Devant les provocations incessantes de Gambetta, qu’il était facile d’accepter de façon à rendre une guerre inévitable, l’hôte de Varzin, sous les hêtres centenaires à l’abri desquels il va si souvent demander le calme des méditations, dut certainement considérer longtemps les cinq ou six hypothèses probables.

La France pouvait avoir un réveil comme elle en eut un avec Jeanne d’Arc, se relever brusquement au moment d’expirer, rejeter violemment les traîtres qui l’avaient fait rouler si bas, appeler le Roi à son secours et gagner une suprême bataille.

L’Europe pouvait s’opposer à une destruction totale et exiger qu’il y eût une France. Quelque réduite qu’elle eût été, cette nation éclairée enfin, reconnaissant les auteurs de ses maux, ayant une même foi et une même pensée, était plus dangereuse que cette masse énorme, accessible à tout venant, flottant à tout vent, dirigée par quelques vulgaires tripoteurs, où nul lien n’est plus là pour réunir les citoyens en un faisceau serré, où les secrets d’État sont les secrets de tous les Polichinelles de la Chambre, de la Bourse ou de la rue.

Une France mise à la chaîne des Juifs pour payer la rançon offrait un autre danger et Bismarck qui, après le Culturkampf, avait trouvé après tout qu’il était moins humiliant d’aller à Canossa qu’à Jérusalem, ne se souciait pas de donner à cette race envahissante et malfaisante une si formidable puissance.

Si les Polonais errants avaient troublé l’Europe qui avait si bassement laissé égorger la nation qui l’avait sauvée tant de fois, quels germes d’agitation ne porteraient pas partout les Français désormais sans Patrie[12] ?

Tous ces motifs, sans doute, décidèrent Bismarck. La grande affaire ne passa pas du domaine du rêve dans celui de la réalité.

Faute d’une grande affaire, Gambetta en organisa une petite : la guerre de Tunisie.

Vous avez aperçu bien souvent, dans les livres de voyage, ces Juives d’Afrique à demi vautrées sur des coussins au fond d’une pièce retirée de leur habitation, tenant leurs mains toutes chargées de bagues sur un gros ventre aux chairs flasques. Gênées par l’embonpoint à trente ans, luisantes de graisse, elles n’ont plus qu’une passion, voir s’augmenter le pesant collier de sequins qui entoure leur cou bouffi.

Ce fut avec une de ces Juives, l’Elias Mussali, que le Roustan décida qu’il fallait faire tuer un certain nombre de nos pauvres petits soldats qui ne demandaient qu’à vivre, à achever leur temps, puis à retourner au pays, à entonner de nouveau à la moisson ou aux vendanges les chants joyeux qui avaient bercé leur enfance.

Est-il besoin de raconter toutes ces hontes ? Elles ont été étalées une à une devant le jury lors du procès intenté à l’Intransigeant. Le Marneffe tunisien recevant pour prix de ses complaisances envers l’amant de sa femme la croix de commandeur de la Légion d’honneur, le beau-frère, condamné jadis à vingt ans de bagne, se contentant de la croix d’officier et ayant le droit de dire à nos vieux légionnaires : « je suis des vôtres, » les impudents mensonges de Ferry déclarant jusqu’au dernier moment qu’il s’agissait uniquement de réprimer des Kroumirs qui n’ont jamais existé, les millions dépensés en l’absence des Chambres, les malversations, les concussions, les infamies de toute nature… Vous connaissez tout cela.

On a publié le traité que Léon Renault était allé proposer cyniquement au Bey au nom de quelques Juifs français.

Le Bey répond honnêtement : « Nous avons cent millions en tout d’or et d’argent dans la Régence, vous me proposez d’émettre pour cinq ou six cent millions d’actions : ou vous dépouillerez mes sujets en leur donnant du papier en échange de leur métal, ou vous volerez les Français auxquels je n’ai aucune raison d’en vouloir. »

— Soit ! Tu le prends comme cela, réplique Léon Renault, on va te déclarer la guerre !

— La France, je le sais, est une grande et puissante nation, elle fait parfois la guerre pour un coup d’éventail, mais elle ne la fait pas pour un coup d’agio. Ce serait imiter les Juifs de la capitale qui se disputent pour quelques piastres.

— C’est ce qui te trompe. Les Juifs si méprisés chez toi sont les maîtres chez nous, et puisque tu ne veux pas les enrichir aux dépens de ton peuple, tu vas avoir de mes nouvelles.

Tout cela, encore une fois, a été dit, prouvé, démontré jusqu’à l’évidence, en dépit des précautions prises par le Juif Weil Picard pour acheter le dossier Bhockos.

— Si douze jurés français déclaraient sur l’honneur qu’ils croient ces faits vrais, je serais le premier à demander que M. Roustan s’assît sur le banc des prévenus.

Ainsi parlait le procureur général Dauphin dans un accès de vertu.

Tous ces faits sont vrais, nous le déclarons sur l’honneur, ont répondu les jurés.

Dauphin n’a rien demandé du tout.

Roustan, après être retourné à Tunis une dernière fois pour y assister à un banquet organisé par l’Alliance israélite universelle, a été envoyé comme ministre à Washington, où il empoche, avec un traitement double, les injures que les Yankees ne se font pas faute de lui prodiguer chaque fois qu’ils le rencontrent dans la rue. Vous croyez qu’après le retentissement de ce procès, les scandales vont s’arrêter, du moins pour quelque temps ? Vous ne connaissez pas les républicains. Cambon continue Roustan. Son prédécesseur recevait des pots de vin, il semble avoir de la préférence pour l’eau, il réalise un bénéfice énorme avec la compagnie des Eaux de Tunis et fait arrêter les conseillers arabes qui veulent s’opposer à ces concussions.

L’histoire des biens de Mustapha est un chapitre des annales financières d’une gaieté inénarrable. Une fois débarqué ici, ce pauvre Mustapha, si folâtre au Bardo, tomba dans le bourbier parisien comme un vieux cheval dans un marais plein de sangsues. À bout de ressources, il fut heureux de trouver la Banque Transatlantique qui lui offrit un million et il bénit Allah de lui avoir fait rencontrer des gens si obligeants. Après l’avoir laissé tranquille quelques mois, on finit cependant par lui demander de rembourser.

— Trouvez-nous, au moins, lui dit-on, quelqu’un qui garantisse votre dette.

Le malheureux se désolait, lorsque Volterra et Alfred Naquet vinrent lui parler d’une société philanthropique qui se proposait de mettre de suite en actions, non pas les terrains qu’elle possédait en Tunisie, mais ceux qu’elle pourrait posséder un jour. Mustapha confia ses peines à ces deux bons Juifs qui lui dirent : « Nous sommes ceux que vous cherchez et vous êtes l’homme que nous cherchons. Cédez-nous vos terrains et nous répondrons de votre million. »

Décidément, pensa Mustapha, Paris est une ville bien extraordinaire ! Tout s’y trouve. Il accepta avec joie l’offre qui lui fut faite de garantir sa créance, ce qui était d’autant plus facile à ses nouveaux amis, que ceux qui le menaçaient de le poursuivre et ceux qui lui proposaient de le sauver étaient les mêmes, appartenaient à un seul et même groupe financier.

Mustapha, néanmoins, n’était pas au bout de ses épreuves. Il devait en voir de toutes les couleurs avec ses Juifs et passer avec eux par toutes les vicissitudes. Tant qu’on eut besoin de lui, il traversait les antichambres au milieu d’huissiers inclinés, il s’asseyait à la place d’honneur à la table du conseil et on l’appelait gros comme le bras : Son Excellence le général Mustapha ben Ismaïl. Un peu plus tard, on l’interpellait d’un laconique : « Qu’en dit le général Mustapha ? » A la fin, il était redevenu, comme au temps de sa jeunesse, un simple banabak, on le laissait se morfondre avec les garçons de bureau et on le hélait de la porte d’un dédaigneux : « Hé, Mustapha ! » Son fez, tantôt triomphant, tantôt lamentablement affaissé et affalé comme son maître, racontait ces phases diverses.

La situation, en effet, n’était pas très nette. Les cinquante millions de propriétés, que Saddock avait donnés à son favori, dans ces heures d’épanchement, où l’on ne sait pas toujours ce qu’on fait, étaient des biens habbous, c’est à dire inaliénables. Les uns appartenait au collège Sadiki, les autres constituaient le domaine privé de la famille beylicale.

Ces obstacles n’étaient pas de nature à arrêter des Juifs désireux de faire une affaire. Un ancien fonctionnaire du 4 Septembre qui avait eu Cambon pour secrétaire, se chargea, moyennant un prix convenable, cela va de soi, de le rendre favorable aux prétentions de Mustapha. Cambon déclara qu’il était indispensable qu’on lui envoyât un personnage politique français, gros d’influence et léger de scrupules, qui pût l’aider à peser sur le Bey.

Floquet était tout naturellement désigné pour ce rôle et il s’en alla en Tunisie plaider ce vilain procès, qui avait été déjà perdu par Mustapha devant le tribunal le Charaa, le seul compétent dans l’espèce[13].

Cambon avait la partie belle. « Tu vois, dit-il au Bey, le président de la Chambre lui-même s’intéresse à cette question, si tu ne cèdes pas il t’arrivera malheur et tu seras détrôné. Tu n’as qu’une seule chose à faire, prendre pour arbitre un honnête homme, un homme étranger à cette affaire, républicain désintéressé et pur… le vertueux Naquet[14]. »

Tout allait bien et par statuts déposés chez Me Dupuy, notaire, à la date du 24 mars 1885, la Société foncière tunisienne fut définitivement constituée, elle comptait parmi ses fondateurs, presque tous Juifs : MM. Géry, Thors, Sauner de Beauregard, Bloch, Volterra, Rey, Levy, Césana et Mustapha ben Ismaïl.

Un nouveau point noir ne tarda pas à se montrer. Le fonctionnaire du 4 Septembre trouva que Cambon avait tout pris pour lui et ne lui avait rien laissé et il courut raconter tout au long, dans le Figaro, ces malpropres tripotages. On entendit alors, pendant quelque temps, le duo le plus amusant qui se puisse imaginer entre la Lanterne et le Figaro. La Lanterne louait imperturbablement l’intégrité de Floquet et déclarait qu’un fonctionnaire comme Cambon, qui se prêtait à ces trafics, était le plus méprisable des concussionnaires. Le Figaro, sans défendre Cambon, affirmait, avec quelque raison, qu’il était honteux à Floquet de s’entremettre pour ce Mustapha, qui avait été si longtemps deliciae domini, et de déshonorer ainsi non seulement lui-même — ce qui était peu de chose — mais la Chambre française dont il était le vice-président et dont il fut plus, tard le président[15].

Ils avaient raison tous les deux, l’un pour Cambon, l’autre pour Floquet. Sans doute, sous prétexte de civilisation, on a cruellement rançonné souvent les peuples prétendus barbares, mais jamais aigrefins ne se sont abattus sur un pays avec plus de rapacité, jamais on n’a vu des hommes politiques étaler plus effrontément leur corruption, jamais faits ne furent plus ignominieux que ceux pour lesquels la presse dut ouvrir une rubrique spéciale : Les Odeurs de Tunis.

Ce qu’il faudrait dire, ce sont les souffrances endurées par nos soldats pour permettre aux Juifs de se livrer à ces opérations.

Ce qui a manqué au récit de cette expédition, c’est un écrivain peintre, à la manière de Fromentin, racontant les indicibles souffrances de cette guerre faite pour procurer de l’argent à des boursiers.

Qui n’a senti ses poings se serrer en entendant un officier vous décrire cette marche en colonnes, sous un ciel d’airain, sans un arbre à l’horizon, sans une source, avec le désert à quelques pas ! Sur des chameaux, on porte l’eau nécessaire qui, parfois, est en retard de trois ou quatre lieues et arrive chaude et croupie[16]. Tout à coup, un homme prononce des paroles incohérentes, il rit aux éclats, il est devenu fou ! Un autre, brusquement, tombe comme une masse, on s’empresse autour de lui, il est mort... A la hâte, on improvise un cercueil avec une caisse de biscuits et dans le sable, que la nuit prochaine viendront fouiller les chacals, on enterre le malheureux. Parfois le capitaine dit le De profundis et c’est tout... La Franc-Maçonnerie a défendu à Farre d'attacher des aumôniers au corps expéditionnaire.

Tout soldat isolé est perdu, fait prisonnier, il est livré comme jouet aux femmes des tribus qui le font mourir lentement en lui enfonçant dans les chairs des aiguilles rougies au feu. Un de mes parents, qui est revenu mourant de l’expédition, me racontait l’impression d’horreur qu’il avait éprouvée devant un sous-officier du train qu’on ne pouvait reconnaître. L’infortuné, les yeux arrachés, les oreilles coupées, les parties viriles affreusement mutilées, essayait en vain de tracer son nom sur le papier avec un crayon qu’on lui avait mis dans la main ! Quel tableau pour la plume vengeresse d’un grand écrivain !

Le général juif Lambert, bientôt parent par alliance des Rothschild, est venu exprès pour promener dans les rues de Tunis son uniforme de général et bien prouver que c’est le Juif, si méprisé en Orient, qui maintenant gouverne et commande en France. C’est la vraie guerre juive dont on fait l’essai sur cette terre qui a vu saint Louis mourir sur la cendre les bras en croix, comme son divin Maître : la guerre, où l’on fait tuer les Français pour la Juiverie, en leur ôtant même l’espérance d’une autre vie.

Après tout, les documents scientifiques sont peut-être plus éloquents que les descriptions du plus merveilleux écrivain.

Qui n’a lu ce rapport sur les hôpitaux du docteur Lerehouillet, un ami du gouvernement, un familier du journal le Temps ? Pas de lit, pas de médecin, pas de remède. Sur de la paille, des agonisante se débattent dans les cauchemars de la fièvre typhoïde comme dans un purgatoire anticipé. Dans une salle méphitique où flottent les génies de la Mort se croisent les appels, les gémissements et les râles. On entend s’entrechoquer pêle-mêle toutes les divagations et tous les délires. Celui-ci halette et, la gorge desséchée, crie sans cesse : à boire ! Celui-là n’a plus soif, il boit en imagination l’eau limpide du ruisseau natal, pour la savourer à plus longs traits, il se penche à travers les ajoncs et les herbes, par une de ces associations d’idées qui s’établissent même dans les cervelles en désarroi, il se revoit remontant la colline pour rentrer au village, il s’assied près de la vieille mère, il mange des crêpes de blé noir et des châtaignes, il ouvre la bouche pour sourire à la payse…… et sans souffrance il vient d’exhaler le dernier soupir. Regardez... la tête exprime la sérénité… le pauvre pioupiou semble dormir et, dans sa main raidie, tient encore la petite médaille de la Vierge que le Frère, qui lui a appris l’A B C, lui a remise en partant. Le coquin galonné qui, pour plaire à la gauche, a supprimé nos aumôniers militaires, n’aura pas réussi complètement. Encore un Français qui vient de mourir en chrétien !

Mais, n’est-ce pas, que cette atmosphère putride commence à vous peser ? Allez voir Mantegnis qui est à Camondo, Beauregard qui est à Hirsch. Les ondes jaillissantes qui, semblables à celles de Vaux, « ne se taisent ni de jour ni de nuit, » les frais taillis, les ombrages épais, les merveilles de l’art de tous les siècles embellissent 1’éxistence. La vie est belle, en effet, les actions achetées 125 francs en valent 500, depuis le traité du Bardo et la France se charge de la dette !

Le joli mot fut prononcé par Gambetta ! « Après tout, dit-il à la tribune du Sénat avec un geste d’indéfinissable dédain, combien est-il mort d’hommes ? 1500 Français tout au plus….. »

Cette fois cependant il manqua d’estomac. S’il eût accusé le vrai chiffre, les Juifs l’auraient porté en triomphe[17].

L’épilogue m’a été conté par un de mes amis qui se trouvait, le 19 novembre 1882, sur la route qui conduit de la gare de Gretz au château de Saint-Ouen Mantegnis, propriété du levantin Camondo. « Sur l’omnibus superbement attelé, qui transportait les invités de la gare au château, raconte le Figaro du 22 novembre, étaient installés MM. Gambetta, accompagné de M. Arnaud de l’Ariège, Léon Renault, Antonin Proust, Dugué de la Fauconnerie, Pignatel, Alfassa. »

Ce que le Figaro ne dit pas, c’est l’accès de gaîté qui prit tous ces messieurs, lorsqu’ils aperçurent quelques soldats en congé qui allaient prendre le train.

En Tunisie ! en Tunisie ! s’écrièrent les joyeux compères, auxquels la vue de ces pauvres gars, qui cheminaient le front attristé, avec leurs effets dans un mouchoir de poche à carreaux, venait de rappeler les bénéfices qu’ils avaient réalisés.

Sous ce ciel d’automne mélancolique et pluvieux, ces gaîtés bruyantes, me disait mon ami, étaient sinistres à entendre.

Rendons maintenant la parole au Figaro toujours bien informé.

« Tableau de la journée : 700 pièces dont 450 faisans.

« Et l’on dit qu’il n’y a plus de gibier en France ! ».

Lorsqu’il a fait monter la Rente d’un centime,
________Le soldat peut mourir content,
Car il faut qu’on s’amuse et qu’on chante et qu’on rie
________Car il faut que les Turcarets
Battent monnaie avec les deuils de la Patrie,
________Quittes à déguerpir après,
Il faut que, débridant sa passion fougueuse,
________Tel fat qui n’avait pas un sou
Puisse au bois de Boulogne étaler une gueuse
________Dans sa voiture de marlou,
Il faut que tel gaillard aux gestes hypocrites,
________Pris au piège des concordats,
Puise, un de ces matins, liquider ses faillites
________Avec le sang de nos soldats[18].

Avec la Ligue des Patriotes, Gambetta tenta un suprême effort pour procurer à son pays d’adoption cette guerre qui aurait eu probablement pour résultat de le faire disparaître de la carte de Europe.

En entreprenant cet ouvrage nous avons eu surtout pour but d’apprendre à nos compatriotes à exercer leur intelligence, à rapprocher des idées, à raisonner en un mot comme nos pères l’ont fait avant eux. Par qui ? Pour qui ! Telle est l’interrogation qu’on doit se poser devant tout fait important.

Décomposons donc l’incident de la rue Saint-Marc, et voyons bien qui est en cause. Une fête d’adieu est organisée par la Société de gymnastique allemande. En l’honneur de qui ? La circulaire suivante, envoyée après la scène du premier soir, va nous l’apprendre.

Société allemande de gymnastique à Paris
P. P.

Par suite d’un incident imprévu, le local de réunion n’est malheureusement pas à notre disposition ce soir.

La fête d’adieu en l’honneur, des sieurs jul. Gras et A. Cohen aura par conséquent lieu mercredi prochain 30 août, et nous comptons sur une nombreuse réunion.

Amicalement.

Pour le comité,
Le 2eme secrétaire,
Eugène Wolff.

C’est deux Juifs, probablement, et certainement un, A. Cohen, qu’on veut fêter dans cette société, qui a pour président un Juif, le docteur Mayer et pour secrétaire encore un Juif, Eugène Wolff, parent probablement du Wolff, dont l’agence avait envoyé, en 1870, le fameux récit de l’outrage fait à M. Benedetti.

Mais un exemplaire de cette circulaire s’égare, il est porté, par un étonnant hasard, à un membre de la Ligue des Patriotes, dont le susceptible courage s’émeut et voit là un défi. Ce patriote, à la fibre si sensible, est-il donc un de ces Français d’ancienne date, qui ont conservé au plus profond d’eux-mêmes le souvenir des gloires de la vieille France par une rencontre bizarre, ce fougueux patriote porte le nom juif de Mayer, absolument comme le président de la société allemande.

Là-dessus qui prend feu ? C’est le Juif Laurent dans le journal du Juif Weil Picard, confident du Juif Gambetta.

Tout se passe donc absolument entre Juifs, et la vie de milliers de Berrichons, de Bretons, de Poitevins, de Bourguignons se joue sur une carte, dans une arrièreboutique voisine de la Bourse, entre quelques Israélites. Il est convenu que le premier Mayer fera l’insulteur, et que le second Mayer fera l’insulté, qui bondit au nom de sa mère la France.

Pour faire réussir le coup il faut trouver un imbécile de bonne foi, Déroulède est là. Il est absolument incapable, j’en suis convaincu, d’avoir reçu quoi que ce soit pour jouer le rôle de l’agent provocateur. C’est simplement un type bien actuel, l’homme affolé de réclames[19], ayant le besoin d’être toujours en scène.

Il s’est fait une sorte de profession de son bruyant patriotisme, c’est dans ce rôle que le Paris des premières est habitué à le voir, et il ne peut plus dépouiller ce personnage.

Il est patriote à la ville, à la campagne, le matin, le soir, aux Variétés et aux Boutres, à la Petite Mariée et à la Mascotte. Au Salon, à côté de vieux soldats qui ont vingt campagnes, dix blessures, il se fait peindre par Neuville, la capote enroulée autour du corps, portant dans des étuis de cuir toutes sortes d’instruments, des cartouches, des lorgnettes, un revolver.

Croyait-il vraiment que Gambetta, à la bataille du Mans, avait chargé seul en criant aux fuyards : « Retournez-vous au moins pour voir comment meurt votre général ! » Était il convaincu que, pareil à Jean le Bon, à Poitiers, le chef du gouvernement de la Défense nationale avait combattu deux heures sur un monceau de morts, seul, superbe, fou de douleur et de courage,

Ne gardant qu’un tronçon de trois grandes épées.

Je n’en sais rien, le fait est qu’il parlait de ce Vitellius déclamatoire, comme on ne parlerait ni du Brutus de Philippes, ni du François 1er de Pavie.

Non, non, ils n’ont rien vu, rien regardé qu’eux-mêmes ;
Ce sont leurs intérêts qui sont leurs seuls problèmes.

L’état français n’est rien pour ces esprits mesquins.
Ils ont même érigé sa faiblesse en systèmes,
Ces nouveaux féodaux des temps républicains !

Mais, va ! ta route est bonne, et la leur est mauvaise :
La leur, sans but commun, conduit au désarroi,
Il faut en la suivant qu’on piétine ou qu’on biaise,
Et, pour quiconque tend à la grandeur française,
L’obstacle, ce sont eux ! — Le Ralliement, c’est toi !

Sans doute, si l’on pouvait enfermer deux ou trois heures ce vaniteux dangereux, s’il pouvait se recueillir dans cet isolement qui pèse à ces natures comme le silence du tombeau, il serait effrayé lui-même du danger qu’il a fait courir à son pays, il écouterait celui qui lui dirait : « Voyons, vous êtes un Français, un chrétien, et pour procurer une affaire aux Juifs, vous allez faire tuer des milliers d’êtres qui ont des mères, des femmes, des enfants. Vous savez que rien n’est prêt, que les concussionnaires et les malversateurs de la Chambre ont gaspillé les milliards que nous avions fournis pour la réorganisation de l’armée. Laisant, un homme de votre parti, vous a prouvé que l’effectif de nos régiments était ridicule, vous avez vu Farre à l’œuvre, même dans une affaire ou toute la Juiverie était intéressée, restez tranquille et n’associez pas votre nom à la ruine de votre pays. »

Malheureusement, Déroulède n’avait probablement jamais trouvé personne pour lui parler ainsi, lorsqu’il entreprit sa campagne de la rue Saint-Marc.

Cette équipée, qui ne fut que ridicule, aurait pu être dangereuse si, l’Allemagne, pour des raisons que nous avons déduites, n’avait pas été résolue à la paix, si Paris, devinant d’instinct, sans savoir au juste la vérité, les spéculations cachées là-dessous, ne fût resté profondément indifférent[20].

Il y eut là un capitaine de Landwehr dont le flegme philosophique fut admirable. Figurez-vous un officier de Napoléon 1er, après 1806, qu’on serait venu troubler dans son café ? Vous entendez d’ici les jurons et les défis. Ce brave homme de capitaine, qui est probablement un homme aussi brave que M. Déroulède, s’en alla paisiblement prendre sa choppe ailleurs.

L’Allemagne n’eut point seulement du bon sens, elle eut de l’esprit, ce qui est assez rare chez elle. Maîtresse des municipalités pleines de Juifs d’Outre-rhin qui, ainsi que nous l’avons dit, se donnent pour Alsaciens, elle fit organiser, quelques jours après la démonstration Déroulède, un grand banquet pour célébrer l’anniversaire de Sedan.

Vous voyez d’ici le contraste. En septembre 1870 les cadavres français jonchaient le champ de bataille, les captifs s’acheminaient mornes et sombres vers ces îles de la Meuse où ils restèrent deux jours sans nourriture, au milieu des acclamations et des vivats, le régiment de la garde à cheval défilait en élevant nos drapeaux dans l’air… Douze ans après, à la même date, à la même heure, les républicains sablaient le champagne dans le palais de la Bourse pour célébrer cet heureux jour.

Sur la place, le capitaine de Landwehr, que Déroulède avait empêché de prendre son bock, sans aucune raison plausible, riait dans sa barbe blonde de ce rire à la Barbemuche, particulier aux Allemands et qui se voile parfois d’une sorte de philosophie attristée.

Supposez que Déroulède, au lieu d’être un poseur et un fanfaron de patriotisme, eût eu vraiment au cœur les sentiments d’un patriote, l’amour profond et sincère de son pays, quelle belle occasion s’offrait à lui d’intervenir, de rappeler à la pudeur ces banqueteurs éhontés ! Imaginez un orateur à la parole ardente et chaude allant trouver des ouvriers, des bourgeois, d’anciens soldats et leur disant : « Souffrirez-vous qu’on commémore par des ripailles un semblable anniversaire, qu’on choisisse, pour s’enivrer, le jour où la France a été si douloureusement frappée ? ».

Ces hommes auraient compris, on se serait rué sur les noceurs, on aurait renversé les nappes, Floquet aurait achevé sa digestion dans l’égout et, secoué par la tourmente, l’adjoint Winckam, l’expulseur des sœurs de Charité, un nom bien français encore celui-là, par parenthèse, aurait cassé tous ses bandages.

Déroulède ne trouva pas révoltant le spectacle de cette fête de Sedan et l’on n’entendis pas dans cette circonstance :

Le beau luth éploré qui vibre sous ses doigts.

En aucune circonstance, d’ailleurs, vous ne trouverez le fondateur de la Ligue des Patriotes réclamant une mesure sage et pratiquement utile à la défense du pays. Il y a, par exemple, dans nos codes une lacune qui paraîtrait incroyable, après ce que la guerre de 1870 nous a appris de la façon dont les Prussiens avaient organisé leur service de renseignements, si l’on n’était fixé sur le patriotisme d’une Chambre qui eut longtemps le Badois Spuller pour oracle. Les étrangers, pris chez nous en flagrant délit d’espionnage, ne sont passibles d’aucune peine. Le colonel Massa, qui avait été accrédité jadis par le gouvernement italien comme attaché militaire pour suivre nos grandes manœuvres, fut arrêté quelques années après au moment où il prenait les plans du fort Mont Gilbert, en Savoie. On se contenta de le conduire à Chambéry où il fut mis en liberté. Au mois de septembre 1885, ce fut le général prussien commandant à Mulhouse qui se fit prendre à Belfort.

Au fort du vallon de Servance, dit le Libéral de l’Est, deux messieurs, suivis de deux jeunes gens, examinaient et montaient même sur l’escarpement, le garde s’en aperçut et leur demanda ce qu’ils faisaient là : ils répondirent qu’ils cherchaient le chemin de Saint-Maurice. Le garde le leur indiqua, sans cesser de les surveiller. Au lieu de le prendre, ils montèrent près d’autres affûts et le garde, qui savait l’allemand, entendit :

« Ici on pourrait monter à l’assaut. » Il prévint aussitôt le commandant qui lui dit :

« Prenez des hommes avec vous et arrêtes-les ! Ils parurent surpris. Le plus âgé donna sa carte : C’était le général prussien de Mulhouse, ses fils et son aide de camp. On les fouilla, ils avaient des cartes géographiques. On les fit entrer chez le lieutenant tandis qu’on télégraphiait à la place qui répondit : « Reconduisez-les à la frontière. »

Reconduisez-les à la frontière ! Voilà tout ce que le commandant de la place, dont la conduite me parait singulière en cette affaire, se contente de répondre. Il eût pu se souvenir cependant qu’un officier français, attaché à l’état-major du 15e corps, et pris dans le voisinage du col de Tende, avait été condamné à deux ans de prison.

Un honorable négociant de Mayence, M. Tissot, contre lequel on ne put relever que des racontars sans importance, avait été condamné à cinq ans de prison.

Pourquoi, tandis qu’il célébrait Gambetta en prose et en vers, M. Déroulède n’a-t-il pas songé à lui demander de faire voter d’urgence une loi précise à ce sujet ? Si, au lieu de faire tirer des coups de carabine à Mme Edmond Adam, au polygone de Vincennes, il avait organisé un meeting et ouvert un pétitionnement pour faire résoudre cette question, on aurait dit : « Voilà un homme qui n’est pas un fanfaron de chauvinisme, mais un patriote vigilant et attentif qui s’efforce de nous préserver de ce qui nous a perdu en 1870. »

Quoi qu’il en soit, la France l’avait échappé belle. La Juiverie, d’ailleurs, avait opéré avec moins d’ensemble que de coutume, ce fut peut-être ce qui sauva nos paysans. Tandis que le Mayer de la Société de gymnastique allemande insultait ou n’insultait pas, on n’a jamais su au juste la vérité, que le Mayer de la Ligue des Patriotes s’indignait, qu’un troisième Mayer, le Meyer du Gaulois, parlait vaguement de l’honneur du drapeau français et déclarait qu’il n’y laisserait pas toucher, un quatrième Mayer, celui de la Lanterne, entrait en scène.

Etait-il venu trop tard ? Gambetta avait-il distribué toutes les commandes de semelles en papier et de couvertures en pelure d’oignon destinées à nos malheureux soldats pour la prochaine guerre ? Je l’ignore, toujours est-il qu’il fit ressortir l’étonnant ridicule dont s’était couvert Déroulède.

Ce dernier Mayer, précisément, n’eut pas de chance, pour une fois qu’il avait été honnête Le poète l’alla souffleter et, comme de tous les abbés du monde, l’abbé que les Juifs aiment le moins est encore l’abbé de l’Epée, on dut porter le soufflet devant les tribunaux qui condamnèrent Déroulède à vingt-cinq francs d’amende, — ce qui parut bien léger à ceux qui avaient entendu le souflet et parut, au contraire, exorbitant à ceux qui connaissaient le personnage qui l’avait reçu.

Un bonheur ne vient jamais seul. La France, qui venait d’échapper à une guerre qui aurait été sa ruine, fut mise définitivement quelque temps après à l’abri d’une nouvelle tentative de ce genre. Le jour même où l’année 1882 finissait, il s’éleva, du côté de Ville-d’Avray, un peu de cette poussière que Julien l’Apostat avait lancée vers le ciel dans les plaines de la Perse, en s’écriant : « Tu as vaincu Galiléen ! » Dieu avait touché Gambetta du doigt et ce puissant s’était écroulé, comme ses pareils, dans un drame resté mystérieux. Quomodo cecidit potens...


Derrière le convoi des Romains illustres, marchait un esclave vêtu comme le défunt, chargé de parodier ses gestes, ses attitudes, son port de tête, c’était l’Archi-mime, acteur funèbre et comique à la fois, comme une figure de Danse macabre se promenant dans un carnaval, comme un masque de Mardi-gras qui gambaderait dans un cimetière. Ferry fut l’Archi-mime de Gambetta, il fut un second lui même, mais avec cette différence qui sépare le valet du maître, il plut ainsi à l’Union républicaine et tranquillisa presque le pays. Plus Franc-maçon encore que Juif, au contraire de Gambetta, qui était plus Juif que Franc-maçon, il était l’exécuteur prédestiné des œuvres infâmes de l’intérieur, mais sa bassesse ne se hausse point à des coups comme l’organisation d’une guerre européenne, il n’a point les reins pour pousser cela et ses côtés de pleutre rassuraient ceux qu’effrayait son sans gêne de drôle. Sans doute, il est féroce contre tout ce qui est faible et volontiers implacable contre tout ce qui est noble et généreux, mais au demeurant, c’est plutôt l’homme de la boue que l’homme du sang, et la France en était à regarder cela comme un bien.

À partir de ce moment, semblable au Rhin qui n’est plus qu’un ruisseau quand il arrive à la mer, l’histoire de France n’est plus guère que l’histoire des Ferry et l’histoire des Ferry elle-même n’est guère que l’histoire de la Banque Franco-Égyptienne.

C’est Charles Ferry qui se charge de centraliser tout et de servir de raison sociale. Ancien courtier en fleurs et plumes avant d’être employé chez Watel, il avait eu tout jeune la vocation du commerce. Jadis il était chargé de négocier sur les quais les livres qu’on envoyait à son frère, ce qui n’est pas un crime, mais n’indique pas une situation de fortune bien florissante.

C’est ainsi que j’ai acheté, en souvenir du spirituel auteur des Lettres d’un passant, En chasse, une plaquette réglée en rouge et coquettement imprimée par Jouaust qui porte cette dédicace : A mes chers amis Jules et Charles Ferry, Arthur de Boissieu.

Aujourd’hui M. Charles Ferry est vingt fois millionnaire. Nous le voyons se rendre acquéreur, au mois de septembre 1884, dans la liquidation des biens du général tunisien Ben-Aïad, de l’immeuble situé 43, rue Saint-Georges, et le payer 540,000 francs !

Les journaux racontent le fait. Charles Ferry a l’impudence de nier l’achat, et d’affirmer sur l’honneur qu’il n’a jamais acquis une maison à Paris. On lui met tranquillement sous les yeux l’extrait des Petites Affiches du 10 septembre 1884.

Il vient d’être vendu une maison à Paris, rue Saint-Georges. 43 et 45, adjugée à la requête de :

1° M. Ahmed Bey-Ben Aïad ou Benaiad, à Paris, avenue des Champs Elysées, 99 ; 2° M. Tayer Bey-Ben-Aïad, à Paris, rue Blanche, 49, au profit de Monsieur Charles Ferry, député, à Paris, rue de Rivoli, 244, suivant jugement des criées de la Seine, le 18 juin 1884, moyennant 540,000 francs.

Il n’en est que cela. Nul n’a l’idée d’interpeller ce pauvre hère d’hier sur l’origine de la fortune qu’il possède aujourd’hui. C’est à peine si, devant les cris d’indignation des électeurs des Vosges, Charles Ferry a la pudeur de retirer sa candidature aux dernières élections, et de renoncer momentanément à la vie publique.

Avec Marc Lévy Crémieu, Charles Ferry organise toutes les grandes opérations de la Franco-Égyptienne.

Ce Lévy Crémieu, fort estimé en Israël, car il était tout chargé des dépouilles des goym, fut le véritable ministre des finances de l’opportunisme. Maître des secrets de l’Etat, connaissant tous les évènements à l’avance, il réalisa en quelques années d’énormes bénéfices. D’accord avec Challemel Lacour, il avait entrepris, dans la République française, la campagne à la baisse contre les obligations tunisiennes. Il fut avec Lebaudy, derrière lequel étaient les Rothschild, l’organisateur et le préparateur du Krach que le gouvernement facilita de tout son pouvoir. Enfin, c’est lui qui négocia, avec Tirard et Dugué de la Fauconnerie, l’opération de la conversion. Il avait débuté à Marseille dans le commerce des toiles, puis s’était établi coulissier à Paris et avait fait faillite. Au moment de sa mort, à la fin de janvier 1886, il laissa quinze millions et des propriétés partout, dans la Nièvre, en Seine-et-Marne, en Seine et Oise. Le Gaulois consacra à cet homme de bien un article où débordait l’admiration pour cet écumeur de Bourse qui avait passé sa vie à accumuler les deuils et les ruines autour de lui[21].

Quant à la Banque Franco-Egyptienne, c’est une de ces immenses machines juives qu’il faudrait démonter et analyser pièce à pièce, pour se rendre compte de la situation économique, non seulement de la France, mais du monde entier.

M. Taine, dans le dernier volume des Origines de la France contemporaine, qui doit contenir beaucoup de tableaux statistiques et financiers, compte, parait-il, s’occuper de ces questions, mais je doute qu’il s’en tire. Proudhon, l’auteur du Manuel du spéculateur à la Bourse, y aurait vu plus clair.

La Banque Franco-Égyptienne, qui a pour directeur un Juif avenant d’allures, Edgar May, et qui est presque exclusivement composée de Juifs, fait des affaires ordinaires, comme le Didot-Bottin, où Edmond About avait gagné une partie de sa fortune, les Brasseries et Malteries de France, les Eaux de Constantinople, les Manufactures d’armes de Saint-Étienne, elle trouve que nous n’avons pas encore perdu assez avec le Mexique, et patronne chaleureusement la Barque nationale du Mexique, elle s’occupe de change, et elle a un comptoir à Maurice, où son agent tire sur la maison mère à Paris, et vend ses tirages sur France à 33 0/0 de bénéfice, elle se charge aussi des recouvrements sur l’Égypte. Elle continue là le système des Juifs anglais et levantins, qui ont réussi à dépouiller presque entièrement les malheureux Fellahs en les engageant, par tous les moyens, à emprunter de petites sommes, ils sont incapables de rendre à l’échéance et on les exproprie[22]. C’est toujours la guerre antique dépouillant le plus faible de son lopin de terre, et le réduisant en esclavage, seulement la guerre ici est faite à distance par le Juif cher à Renan, celui qui meurt de la moelle épinière dans un hôtel bien capitonné des Champs-Élysées.

Toutes ces opérations ne sont guère qu’accessoires. La grande affaire de la Banque Franco-Égyptienne, ce sont les syndicats, les agiotages, les coups de Bourse entrepris d’accord avec les hommes du gouvernement.

L’expédition du Tonkin fut une opération de ce genre.

On ne peut évidemment mettre en avant aucun motif patriotique ou élevé. La politique coloniale, qui a sa raison d’être pour les peuples embarrassés d’un trop plein de population, serait insensée pour la France où le nombre des naissances est inférieur à celui des autres nations, et qui est obligée maintenant d’appeler des ouvriers étrangers sur son sol[23] Cette admirable Algérie, qui est à nos portes, qui ne demande qu’à être cultivée, et où personne ne veut aller, est là pour nous démontrer l’inutilité de nos possessions lointaines.

Les Espagnols, les Italiens, les Maltais constituent là-bas une population bien supérieure à la population française. Dans la province d’Oran, il y a 83,000 Espagnols contre 58,000 Français[24]. Nous faisons 920 millions d’affaires avec l’Amérique du Sud, dont nous ne nous sommes jamais occupés, et nous n’en faisons que pour 306 millions avec l’Algérie qui nous a coûté tant d’hommes et tant d’argent.

Le chiffre le plus élevé des marchandises importées de France dans nos établissements français, en Océanie, a été de 618,567 francs ! En Cochinchine, il n’y a guère, en fait de Français, que des fonctionnaires que nous sommes obligés de payer. C’est à peine si nous expédions à toutes nos colonies réunies pour 47 millions de produits par an.

Ces grossières évidences sautent aux yeux de chacun et l’esprit le plus borné les perçoit. En six cents ans, les habitants du Tonkin, qui sont le peuple le plus indigent de l’Asie et qui vivent exclusivement du ris qu’ils récoltent, ne nous achèteront pas pour un million de marchandises.

« Je défie, disait, devant la commission, le vice-amiral Duperré ancien gouverneur de Cochinchine, qu’on me cite un Français pouvant gagner au Tonkin, dans l’industrie, de quoi payer son passage pour revenir en France. »

M. Alcide Bleton, qui avait été chargé, par le ministre de la marine et des colonies, d’une mission commerciale au Tonkin et dont le rapport a été publié, n’a absolument rien vu qu’on pût exporter ou importer dans ce pays. Tout ce qu’on pourrait faire, selon lui, pour gagner un peu d’argent, serait de construire des cambuses pour les employés européens et d’établir des blanchisseries. Au moment où l’Allemagne est menaçante à nos portes, faire tuer nos meilleurs soldats pour arriver à blanchir le linge sale des Annamites et des Tonkinois est une conception bien baroque.

Il n’en est pas moins vrai que nous sommes allés au Tonkin pour faire une affaire.

Sans doute, on aurait pu s’y méprendre. On entendait Tondu, même après Lang-Son, s’écrier dans les corridors : « Jamais je n’abaisserai le drapeau de la France ! L’honneur national avant tout ! Fallût-il sacrifier cinquante mille hommes, que je ne quitterai pas le Tonkin ! » On disait : « C’est excessif mais c’est égal, c’est un lapin que ce Tondu… »

Dietz-Monin et Bozerian tenaient le même langage au Sénat, et les pères conscrits, frappés d’admiration, répétaient : « Ce sont deux crânes que ces deux gaillards, Ils n’ont pas froid aux yeux. »

Tout à coup, M. Andrieux apporta à la commission du Tonkin un document qui montra Tondu et ses amis sous un nouveau jour. Voici quel était le texte de ce papier :


PROJET DE CRÉATION
d’une grande compagnie fermière de l’état dans l’indochine

Article premier. — Le président du conseil, ministre des affaires étrangères, au nom de l’Etat, concède à la société française générale de l’Indo-Chine, représentée par MM. XXX, qui acceptent :

La concession pendant quatre-vingt-dix-neuf ans de toutes les terres, forêts et mines vacantes de la Cochinchine, de l’Annam, du Tonkin et du Cambodge, ayant un caractère domanial.

Le droit exclusif :

D’établir au Tonkin, dans l’Annam et le Cambodge, une Banque d’émission, de prêt et d’escompte, jouissant des droits et privilèges conférés à la Banque de l'Indo-Chine par le décret du 21 janvier 1875 ;

De construire et d’exploiter les voies ferrées dont le gouvernement français ordonnera l’établissement ;

Et de créer et d’exploiter les lignes de transport maritimes et de navigation sur les voies fluviales, les ports, canaux, docks et entrepôts qui pourraient être nécessaires ;

Le recouvrement en espèces et en nature, conformément à la loi annamite de l’impôt foncier et la réalisation en espèces pour le compte de l’État de la partie perçue en nature, moyennant une indemnité à fixer.

A la suite de ce projet était une note écrite de la main de Ferry, signée des initiales de Ferry, constatant que ce traité financier lui était soumis par Tondu, Dietz-Monin, Bozerian et autres députés et sénateurs de cette nuance.

Les choses là sont avouées de tous et ne choquent presque pas. S’il existait jadis des hommes publics qui fissent commerce de leur mandat, ils se cachaient, ils prenaient des précautions infinies, ils détournaient la tête pour ne pas voir les billets de banque ou les paquets d’actions, que des entremetteurs discrets comme la tombe feignaient, à la suite d’une audience, d’avoir oubliés sur le coin du bureau. Souvent même on n’osait pas procéder ainsi, on attendait le jour de l’An pour envoyer à la fille du personnage, qui s’était intéressé à vos affaires, une belle poupée de chez Giroux, et la poupée se trouvait par hasard avoir sur elle cinquante mille francs de diamants. Les diamants, autour d’une tabatière ou d’un portrait, couvrirent ainsi de leurs feux étincelants pas mal de compromis assez sales.

Aujourd’hui, le trafic des consciences se fait ouvertement, franchement, cyniquement. On porte ces marchés chez les jurisconsultes, en les priant de les bien régulariser, afin de ne pas avoir de contestations, on abrite ces turpitudes chez les notaires,

Dont le vieux panonceau balance avec fierté
______Cent ans d’honneur héréditaire.

Avant de découvrir le pot aux roses de Tondu, M. Andrieu avait déjà analysé, dans le Matin, sans indignation trop violente, la plupart des traités relatifs au Tonkin.

Toute la famille Ferry prend part à la curée. C’est M. Bavier-Chauffour, cousin de Jules Ferry, et qui a épousé une nièce de M. Floquet, qui, après avoir dirigé sans succès une banque à Berne, est chargé d’aller représenter dans l’Extrême-Orient les intérêts de toute la tribu[25].

La Correspondance radicale a donné le texte du traité passé par M. Bavier-Chauffour avec la cour d’Annam.

    M. Bavier-Chauffour, à qui sa qualité de parent du ministre créait une situation privilégiée, a pu acheter, sous le régime du traité de 1874, et sans qu’il fut possible d’empêcher ce marché, le traité de Hué n’étant pas ratifié :

1° L’île toute entière de Ké-Bao, pour une période de cens ans : sol, sous-sol, etc., au prix de 60,000 dollars (à 4 fr 55), payable le 31 août 1886. Arrhes, 600 dollars.

2° Le bassin houiller de Hou-Gae, dans la baie d’Allong, au prix de 40,000 dollars, pour la même période, et payable comme précédemment. Arrhes, 400 dollars.

La cour d’Annam prélèvera 1 0/0 sur les bénéfices nets de l’entreprise des sous-sols, et attachera un mandarin à l’exploitation, en qualité de contrôleur financier.

Au bout de cent ans, retour à l’Annam des concessions accordées, à moins de nouvelle entente avec les héritiers de M. Ravier-Chauffour, en tout cas, obligation à la cour de Hué de donner la préférence à ces derniers sur tous autres à égales propositions.

Est, en autre, concédé à M. Ravier-Chauffour le droit de construire des

appontements, des quais, des voies ferrées, etc., de céder, transporter et vendre.

L’exemple des hommes du gouvernement excite chacun. A première nouvelle qu’un traité a été conclu, nous apprenons qu’un groupe de négociants et de financiers, en tête duquel figurent naturellement des Juifs, les Gunzburg, les Ulmann, les Ernest Lévy, s’est réuni au local des Chambres syndicales, rue de Lancry, pour y jeter, comme dit le Gaulois, « les premiers jalons d’une organisation au Tonkin. »

Au premier abord, avec des phrases ronflantes sur la civilisation en plus, la situation semble donc être la même qu’au XVIe siècle.

Trouver de l’or ! c’était l’idée fixe des compagnons de Cortez et de Pizarre, et l’histoire, hélas ! Nous apprend qu’ils ne se firent pas faute de mettre plus d’un malheureux indien sur le gril, pour le forcer à déclarer où étaient ces mines regorgeant de fabuleuses richesses, dont la pensée hantait obstinément le cerveau des envahisseurs.

Dès que vous vous donnez la peine de réfléchir, vous êtes bien vite convaincu qu’il n’existe aucune analogie entre les deux cas.

Les Espagnols ont cherché de l’or, ils en ont trouvé, ils en ont rapporté et les galions des Indes ont permis aux rois d’Espagne de soutenir une lutte de cinquante ans contre le monde. Si vous aviez des doutes à ce sujet, vous n’auriez qu’à vous adresser à M. Duclerc, l’ancien ministre des affaires étrangères. Sous prétexte qu’un galion s’était échoué jadis dans la baie de Vigo, il a trouvé moyen de soutirer quinze millions à des actionnaires qui n’ont jamais revu ni l’argent de Philippe II, ni le leur.

Les circonstances cette fois sont toutes différentes. Il n’y a pas de mines au Tonkin et l’on ne fait la guerre que pour lancer une Société en commandite qui ressemblera à toutes les entreprises précédentes et ruinera tous ceux qui confieront leurs capitaux aux fondateurs.

M. Raoul Duval en causant, au mois d’octobre 1884, avec un journaliste qui était venu le questionner, a eu le courage de dire la vérité sur ce point, il a montré nettement le fond de la question.

On a nommé à grand bruit une commission d’ingénieurs pour régler le système des concessions. Le plus clair produit de celles-ci, vous pouvez en être bien sûr, sera de faire passer dans la poche des concessionnaires l’argent que de naïfs actionnaires ne manqueront pas de leur donner. Comme valeurs de rapport, il n’y a pas de mines dans le delta du fleuve Rouge, dans lequel nous tenons les points occupés par nos troupes sans qu’il soit possible de sortir de leur ligne à moins de risquer la tête[26]. Pour trouver des mines, il faut pénétrer dans la partie montagneuse et très peu accessible qui confine aux provinces chinoises. gne et d’Amérique, situées au centre même des marchés de consommation, font aujourd’hui de mauvaises affaires. Il est vraiment désolant de penser que c’est pour une pareille chimère qu’on épuise les forces de la France et son crédit.

C’est ainsi que toujours nous revenons au système juif. « On vit de ce que l’on est et de ce que l’on crée, » a dit Proudhon. Or le Juif est une négation, il ne crée rien et il veut de l’argent, il est donc fatalement condamné, inévitablement condamné à l’aller chercher où il est, c’est-à-dire. dans la bourse de ceux qui ont travaillé pour en acquérir. Les Castillans, à force d’audace, de supériorité dans le courage, ont pu prendre d’assaut le palais plein d’or de Montezuma[27], les Juifs en reviendront toujours, avec toutes sortes de circuits apparents, à faire le même siège, le siège de l’armoire à glace, dans laquelle le petit rentier, l’ouvrier rangé, le portier serrent leurs économies[28].

La vérité est qu’on a fait tuer dix mille Français au Tonkin et dépensé huit cent millions pour trouver un endroit favorable à la publicité sur lequel il put afficher un prospectus d’émission financière. Tous les emplacements ayant déjà servi, on a cherché de nouveau et on a choisi la muraille de Chine. Nous n’avons pas à revenir sur les invraisemblables détails de cette guerre commencée sans qu’on ait jamais dit pourquoi et poursuivie pendant si longtemps sans avoir été déclarée. On ne comprend rien à la façon dont les choses ont été menées et il semble que cette politique incohérente doive cacher toutes sortes d’infamies secrètes et que l’avenir seul mettra en lumière. Tout le monde se mêle des négociations, excepté ceux que cela regarde. On désavoue et disgracie M. Bourée, qui avait obtenu, avant le commencement de toute hostilité, plus que le traité de Tien-Tsin ne nous donnait après tant d’hommes sacrifiés, et on charge un officier de marine de négocier sur les bases qu’on a refusé d’accepter. Le Times publie ce traité singulier et l’on s’aperçoit qu’il contient précisément tout le contraire de ce que M. Jules Ferry prétendait y trouver. L’inepte Millot fait égorger nos soldats à Bac Lé, faute d’avoir pris les plus élémentaires précautions. Jules Ferry s’écrie solennellement : « Ces choses-là se payent ! » et, après avoir réclamé deux cents millions, il fait conclure par un Anglais un traité où il n’est pas question de la moindre indemnité et par lequel nous abandonnons les îles Pescadores, le seul point qui nous fût utile dans ces parades, le seul où nous gênions les Anglais. Pendant ce temps les Français meurent par milliers sous les balles, du typhus, du choléra, du climat, les hôpitaux sont pleins de malades et vides de médicaments. Enfin, pour couronner l’édifice, le malheureux Herbinger perd la tête à Lang Son et notre fuite éperdue devant des Chinois achève d’enlever à l’armée française le peu de prestige qui lui restait[29].

L’esprit reste confondu quand on songe que toutes ces extravagances sont de l’histoire, que des hommes sont réellement morts par la volonté de pareils fantoches, qu’une Assemblée a approuvé tout cela. Rien peut-être ne donne mieux l’idée de l’endurance de la pauvre humanité, de la façon dont elle subit tout. Les misérables, qui ont ôté la vie à tant d’êtres humains, jouissent tranquillement de leurs millions. À peine remis d’une première terreur qui, il est vrai, avait été forte, Jules Ferry, au moment où l’on discutait l’affaire de Lang Son, riait aux éclats à son banc avec Raynal qui, paraît-il, l’amusait beaucoup en lui racontant les mutilations hideuses qu’on fait subir là-bas à nos soldats prisonniers. On ne croirait pas à tant de cynisme si le compte rendu de cette séance n’était pas là.

M. Clemenceau. — Tout débat est fini entre nous. Nous ne voulons plus vous entendre, nous ne voulons plus discuter avec vous les grande intérêts de la patrie. (Applaudissements.) Nous ne vous connaissons plus, nous ne voulons plus vous connaître. (Nouveaux applaudissements.)

Sur ce que vous avez dit ou fait jusqu’à cette heure, je veux jeter aujourd’hui le voile de l’oubli. (Mouvements divers.) Ce ne sont plus des ministres que j’ai devant moi, ce sont des accusés. (Applaudissements à droite et à gauche.

Voix à gauche et à droite : Ces messieurs rient !

M. le président. — Veuillez, messieurs, garder le silence.

M. Raoul Duval. — Il y a des indignations qui ne peuvent être contenues : M. le président du conseil riait ! (Applaudissements à droite.)

M. Clemenceau. — Oui, des accusés de haute trahison, sur qui, s’il y a un principe de justice en France, la main de la loi s’étendra avant longtemps. (Nouveaux applaudissements à gauche.

M. Gaillard (Vaucluse). — Je constate que M. Jules Ferry rit encore. (Bruit.)

La chute de Ferry est une page d’histoire à regarder, et cette date du 29 mars, qui vit l’effondrement de l’homme des décrets, vaut la peine qu’on s’y arrête.

Sous l’émotion causée par la nouvelle du désastre de Lang Son, cette société, brusquement réveillée, se montra telle qu’elle est comme une de ces vieilles, qu’on rencontre la veille, élégantes encore sous le fard et qui, aux cris : au feu ! Se précipitent dans un escalier et se révèlent ce qu’elles sont réellement, horribles à voir, ridées partout comme de vieilles pommes, cadavéreuses.

Le Paris qu’on aperçut à ce moment nous offre l’image navrante de ce que serait la capitale après une première défaite, même insignifiante, dans une guerre avec l’Allemagne. Il n’y a plus d’autorité, plus de gouvernement, il n’y a plus rien, tout est par terre.

Un seul mot de vérité suffit à frapper à mort cet opportunisme qui avait constamment vécu par le mensonge, qui avait érigé l’imposture en système. Cette vérité, comment Ferry l’a-t-il dit ? Pourquoi ne cacha-t il pas cette dépêche comme il avait caché les précédentes ? Il eut peur. Cet avocat sinistre, qui a tué plus d’hommes qu’un conquérant, qui a tué par la famine savamment organisée pendant le siège, qui a tué par les cours martiales, en 1871, qui a tué par la Tunisie et le Tonkin est obsédé comme par un fantôme, de l’idée fixe qu’il tombera un jour vivant entre les mains du peuple et qu’il payera tout le mal qu’il a fait. Au reçu de la dépêche il se crut perdu et il lâcha tout.

Les masses semblent, ce jour-là, avoir été désarmées par le dégoût. C’est dans ces heures nerveuses, où tout le mouvement de la cité est sur le Forum, où journalistes, compositeurs, mécaniciens, brocheuses, marchandes de journaux, causent pêle-mêle au milieu des imprimeries, que l’on voit combien le peuple a conservé de beaux côtés. Il a l’intuition soudaine des vraies responsabilités. Les ouvriers n’avaient pas lu le Times, qui constatait que c’était les Rothschild qui s’étaient chargés de l’emprunt chinois et avaient fourni ainsi des armes contre nous. Spontanément cependant des groupes se forment dès onze heures du matin, à l’angle de la rue Laffitte et de la rue Lafayette. On s’indigne, on discute bruyamment, on crie : « Chez Rothschild ! chez Rothschild ! »

« Heureusement, dit le Gaulois, d’autres personnes interviennent et dissuadent la foule de mettre ce projet à exécution. »

Sans partager l’opinion du journal juif, il faut noter cette manifestation presque instinctive qui est comme le cri de la conscience publique, un moment lucide, et que les journaux endorment bien vite.

Quel foyer de patriotisme existe encore chez ce peuple qui ne lit que des journaux où l’on déclare que la Patrie n’est qu’un vain mot ! Comme ces prolétaires communient vraiment par la pensée avec nos infortunés soldats perdus à des milliers de lieues de la France, entourés de hordes innombrables, noyés dans des flots de barbares !

De quelle voix poignante on interroge les journalistes qu’on s’imagine savoir quelque chose ! Je vois encore, avec ses taches de rousseur et ses yeux gris, bons et tristes, une humble ouvrière, un de ces êtres souffreteux, mal vêtus, battus par le mari, mangeant à peine pour donner leur part aux enfants. De quel accent plein d’angoisse elle disait : « On a abandonné le trésor de l’armée, quel malheur ! Savez-vous au moins si l’on a sauvé les drapeaux ? »

Le trésor de l’armée ! Qu’est-ce que cela pouvait lui faire à cette pauvre femme, qui avait peut-être quarante sous dans son porte-monnaie crasseux pour passer la semaine, et notre cœur se serrait malgré tout, lorsqu’elle nous répétait. « Savez-vous si l’on a sauvé les drapeaux ? »

Nous reconnaissions la plébéienne du siège qui, par l’hiver rigoureux, claquant des dents, faisant la queue dès quatre heures du matin à la porte des boulangeries, et riant quand même sous la bise, raillait Bismarck et s’écriait : « Comme il doit enrager de voir Paris se défendre comme cela ! »

Les drapeaux ! Ce qu’on appelle la haute société, s’en moquait pas mal. Une véritable fièvre de fêtes et de bals coïncida avec la nouvelle des malheurs qui frappait la Patrie.

La semaine de Pâques, comme d’usage, annonce le Figaro, est en véritable renouveau mondain.

Mardi : Bal blanc chez Mme la duchesse de Maillé.

Mercredi : Bal chez Mme de Châteaubourg et chez la comtesse de Ferronnays.

Jeudi : Matinée dansante chez lime la duchesse de Trévise.

Vendredi : Le bal costumé chez M. Gaillard.

Messieurs les conducteurs de cotillons, à votre poste !

Tous les financiers accourent chez ce Gaillard, qui trouvait l’instant opportun pour donner un bal masqué dans un hôtel qu’il avait eu la pensée bizarre de faire construire sur le plan même du château de Blois.

Les Juifs ouvrent leurs salons à deux battants. Grand bal chez la baronne de Hirsch qui, pour célébrer sans doute la victoire des Célestes, a placé une guirlande de lauriers dans ses cheveux. La toilette est de satin vert mauve ouverte sur une jupe de faille maïs toute pampillée d’or.

« La duchesse de Bisaccia est en toilette de brocart ramagé d’or et d’argent. Duchesse de Maillé en lampas Renaissance.

« Mme Henry Schneider : ravissante toilette Émpire en crèpe blanc à longue ceinture de rubans coquelicot.

« Mme Salomon Goldschmidt : robe de lampas lilas, le devant tout brodé de perles fines, avec grands revers et corsage de velours violine. »

Tous les Rothschild sont sur le pont. Le bal de la baronne Adolphe est plus select, mais celui de la baronne Salomon est plus brillant. Toute l’aristocratie défile dans l’hôtel de la rue Berryer, et l’énumération des grands seigneurs et des grandes dames, qui s’amusent pendant qu’on meurt là-bas, tient deux colonnes dans les journaux bien informés.

Lang-Son, en effet, avait été une aubaine inattendue pour les Juifs, et la bourse avait retrouvé l’éclat des anciens jours.

Un écrivain, dont le tallent inégal a parfois des lueurs superbes, M. Octave Mirbeau, a tracé un saisissant tableau de ce monde qui ne songe devant une pareille catastrophe qu’au plaisir et à l’argent.

C’était la Bourse qu’il fallait voir, la Bourse au spectacle de laquelle le cœur se soulevait de dégoût. Chaque fois que la France est en péril, chaque fois que le sang ruisselle de ses flancs, les larmes de ses yeux, il y a des milliers d’hommes de proie qui s’abattent sur elle, qui se précipitent pour recueillir ce sang et ces larmes et, hideux alchimistes, les transformer en or. Du fond de quels antres, de quelles banques, de quels bagnes, de quels ghettos déchaînés ces misérables étaient-ils accourus ?

La bouche tordue, les bras agités, les yeux allumés de rapines, ils couraient, s’écrasaient, se marchaient les uns sur les autres, et une immense clameur montait, plus barbare que les cris de victoire des Chinois. Les marches du grand bâtiment étaient toutes noires, de cette foule grouillante et grimaçante, qui semblait porter, sur ses épaules, le monstre énorme et sans yeux, d’oû l’on entendait sortir, comme des bruits d’écroulement — l’écroulement de la fortune de la France. Et l’on se demandait si la France n’était point là, couchée dans ce tombeau, belle, pale et morte, et si toutes ces mains avides, pareilles à des tentacules de pieuvres, ne s’approchaient pas d’elle, ne se posaient pas sur elle, et, lentement, l’enlaçant de leurs mille suçoirs, de leurs mille ventouses, ne pompaient pas le sang tout chaud de ses veines ouvertes.

Ces bandits souhaitaient que le désastre fut plus irréparable encore, la défaite plus définitive. Ils inventaient les nouvelles sinistres, comme si la réalité n’était pas déjà assez douloureuse, et le deuil assez sombre. Il ne leur suffisait pas que, là-bas, notre petite armée fût peut-être perdue et que peut-être pas un de ceux qui ont combattu ne revint vers le pays qui les pleure, ils faisaient courir le bruit que l’émeute était dans Paris, qu’on s’égorgeait autour de la Chambre et sur les boulevards.

S’ils avaient pu apprendre tout d’un coup que la Patrie s’effondrait, qu’il n’y avait plus que des ruines, que de Marseille à Lille, de Nancy à Bordeaux, la France était devenue un champ horrible de carnage, quelles acclamations et quels forcenés hurrahs. Et à mesure que les cours s’éffondraient, à mesure que nos rentes, sous l’effort de ces brigands unis, s’abîmaient affolées, dans la déroute, on voyait la joie se crisper sur ces visages, pareils à ceux de ces juifs sordides qui, le soir des batailles, parmi les affûts de canons brisés et les fusils tordus, vont dépouiller les blessés et détrousser les cadavres.

Oui, je vous le jure, j’ai souhaité un instant de voir les canons et les mitrailleuses balayer cette bande de chacals et faire tomber une à une les pierres et les colonnes de ce temple maudit qui se dresse impudemment, comme une perpétuelle insulte et une trahison à la Patrie.

Et pendant ce temps, pendant que les hommes de plaisir se ruent au plaisir sans pitié et que les hommes de proie se ruent aux proies honteuses, nos héroïques petits soldats, sans secours, sans espoir, attendent peut-être la mort dans ces défilés hérissés d’ennemis féroces et peut-être leurs cadavres mutilés, la face tournée vers le pays lointain, jonchent-ils les champs de riz et le marécages empestés, leurs testicules aux dents !

Au milieu de toutes ces hontes se détache seule la glorieuse et pure figure de l’amiral Courbet. Ce stoïque qui, esclave du devoir, sacrifie sa vie pour obéir aux ordres d’hommes qu’il méprise profondément, semble comme l’incarnation de la France militaire, ce grand chrétien qui porte au cou, comme le dernier de ses matelots, la médaille bénie de la Sainte Vierge, apparaît comme la vivante antithèse du Franc-Maçon persécuteur et tripoteur personnifié dans Ferry. Cette France, pour laquelle il est mort, l’héroïquement la sert encore au delà du tombeau, defunctus adhuc loquitur. Ces lettres, où déborde un tel mépris pour les républicains au pouvoir, ces lettres qui sont comme autant de soufflets sur ces joues infâmes, raniment une dernière étincelle dans les âmes, et, quand le scrutin s’ouvre, décident enfin le pays à vomir les députés qui osent encore s’avouer opportunistes.


La Juiverie ne regretta que médiocrement l’opportunisme, elle en avait tiré tout ce qu’elle en pouvait tirer. Les conventions avec les Compagnies de chemins de fer, que le Juif Raynal avait fait voter, avaient mis la France en gage chez les Juifs. La loi nouvelle substitua les Juif à l’État, leur tailla un immense fief économique en pleine terre française, en fit nos maîtres ; non plus de fait, mais grâce à un titre authentique[30].

Ce qu’il y eut de pots de vins, de sous-entendus honteux, de dessous inavouables dans ces traités avec les chemins de fer, nul ne saurait le dire.

À ce point de vue, la discussion qui eut lieu à la Chambre, le 3 juillet 1883, à propos d’un fantastique chemin de fer sénégalais, sera encore un document précieux pour les historiens qui voudront voir réellement, en dehors de toute déclamation de parti, le fonctionnement de la République juive en France.

On prend d’abord quelques millions au pays sous prétexte de construire un chemin de fer au milieu des sables, dans une région ravagée périodiquement par la fièvre jaune. Au bout d’un certain temps, on a construit seize kilomètres et dépensé seize millions, avoue le gouvernement, vingt-sept millions affirme M. Blancsubé, qui doit être compétent puisqu’on voulait en faire un ministre des colonies.

Ést-ce seize millions ? Est-ce vingt-sept millions ? Personne n’en sait rien. Les seize kilomètres, qui reviennent à un million l’un dans l’autre, les rails étant probablement en or, sont-ils même construits ? On l’ignore absolument. Il est très possible qu’il en soit de ce chemin de fer comme du chemin de fer de Memphis au Pacific, pour lequel les actionnaires ont versé des sommes énormes, sur le rendement même duquel on a distribué quelques dividendes et qui n’a jamais existé. Ce qui est certain, c’est que trois gouverneurs du Sénégal ont successivement donné leur démission plutôt que de s’associer à ce vol.

Un autre que Ferry se fût contenté de ce joli résultat, mais, avec son impudence habituelle, le président du conseil affirma à ses intimes qu’il se sentait de force à extraire encore quelques millions. Charles Ferry, dans la discussion, donna de sa personne et réclama le vote. « Sans doute il y a du coulage, » dit Maurice Rouvier dans son beau langage, « mais où n’y en a-t-il pas à notre époque ? » Et l’on vota…

Par une malchance véritablement inouïe, il arriva aux pièces de comptabilité, avec lesquelles le gouvernement espérait répondre aux accusations de malversation, le même accident qu’aux pièces de comptabilité du gouvernement de la Défense nationale ; elles disparurent dans un incendie au moment précisément où elles étaient le plus nécessaires. « Il y a des hasards réellement étonnants ! » s’écriait le Matin, en racontant ce lamentable événement.

La réflexion est juste et Jules Ferry a dû cruellement souffrir en apprenant cette catastrophe.


Avez-vous visité Thiers ? Rien n’est pittoresque comme cette petite ville enfouie au fond d’une vallée si profonde que, du viaduc du chemin de fer, on distingue à peine les cahutes de couteliers, qui se pressent aux bords de la Darolle. Tout autour d’immenses rochers noirs, débris des révolutions volcaniques, se dressent et semblent toucher le ciel. Parfois, pendant l’été, on aperçoit tout en haut comme un tapis jaune qui se confond presque avec l’azur du firmamnent. C’est du blé qui pousse là.

Comment l’a-t-on semé, ce blé, sur ces blocs à arètes vives qui paraissent inaccessibles ? Comment va-t-on le moissonner ? C’est un mystère. Le cœur s’émeut cependant devant cet effort de l’homme, qui a su utiliser ce lambeau de terre pour essayer d’y récolter un peu de pain. L’œil va des ouvriers d’en bas qui, du matin au soir, fabriquent de petits couteaux qu’on leur paie un prix dérisoire, à ces paysans d’en haut qui risquent leur vie pour obtenir une gerbe de froment.

Ce sont ceux-là, et les mineurs qui végètent au fond des galeries sans air, et les pauvres laboureurs de certaines contrées qui se nourrissent de bouillie, qui, par l’impôt, versent tout cet argent dont profitent les Ferry et les Lévy-Crémieu, tandis que la gauche bat des mains, sans savoir au juste si c’est seize ou vingt-sept millions.


Le Juif nous coûte cher ! c’est la pensée qui, je crois, viendra à chacun après m’avoir lu.

Nous voici arrivés, en effet, à la fin de ce tableau, incomplet forcément mais exact, pensons-nous, dans ses lignes essentielles, qui montre le rôle du Juif en France.

Ceux qui nous ont suivi à travers tant d’années et tant d’événements ont déjà, sans nul doute, formulé la conclusion qui convient et qui se résume dans cet axiome « Quand le Juif monte, la France baisse ; quand le Juif baisse, la France monte. »

Jusqu’au XIVe siècle, comme le reconnaît M. Albert Kohn, les Juifs sont 800,000 en France, ils ne rendent aucun service, et, à force d’intrigues et d’usures, obligent les propriétaires du sol à les chasser. A partir de cette époque, la prospérité de la France prend un développement magnifique. Ils rentrent derrière la Franc-Maçonnerie, en 1790, et deviennent les maîtres absolus d’un pays qu’ils ont détaché peu à peu, avec une astuce prodigieuse, de toutes les traditions qui faisaient sa grandeur et sa force.

Le côté frappant de cette situation c’est l’impuissance absolue du Juif à faire quoi que ce soit d’un pouvoir qu’il a conquis avec une incontestable habileté sur des êtres faciles à tromper par des mots. Avec le Sémite, tout part de Bourse, tout revient à la Bourse, toute action se résume en une spéculation.

« Fondez des sociétés financières ! » Telle est la première maxime politique du Juif « Crucifiez de nouveau le Christ ! Persécutez ceux qui l’adorent ! » Telle est la seconde maxime.

Il est clair qu’une telle conception, appliquée à un grand État chrétien, ne peut aboutir qu’à la situation où nous sommes, à ce chaos que le Talmud (traité Hagguiyah) appelle le Tohou-va-bohou...

Notre malheureux pays aurait-il une chance d’échapper à cet effondrement ?

Oui, sans doute, si les opprimes s’entendaient pour réagir contre le Juif qui est leur ennemi commun[31].

Sur qui pèse le plus durement le régime actuel ? Sur l’ouvrier révolutionnaire et sur le conservateur chrétien. L’un est atteint dans ses intérêts vitaux l’autre est blessé dans ses croyances les plus chères.

Pour l’ouvrier, la Révolution sociale est une nécessité absolue. Convaincu désormais qu’il n’y a rien au delà de la terre, pliant sous le poids d’une exploitation que les exigences du capital rendent de plus en plus rude, il se regarde comme un déshérité de la vie ; il veut posséder l’outillage industriel, comme le paysan, avant 89, voulait posséder la terre, il réclame la socialisation, l’expropriation à son profit des instruments de travail.

Tous les raisonnements qu’on tente d’opposer à ces revendications, qui ont la force à leur service, peuvent être excellents, mais n’offrent hélas ! qu’une valeur toute philosophique et littéraire.

Au fond, dans ces questions, le Bien, le Mal n’ont qu’une signification de convention. En 1792, beaucoup de braves gens possédaient des champs, des bois, des maisons qui n’avaient rien de féodal, qui leur venaient le plus légitimement du monde par héritage, qui étaient le fruit de l’épargne de cinq ou six générations, qui leur appartenaient au même titre que ma montre m’appartient. On a guillotiné les propriétaires et on a pris les biens. Dès 1817 ou 1818, quand la Restauration eut passé là-dessus, la spoliation fut un fait acquis ; les anciens possesseurs saluaient parfois au passage ceux qui les avaient dépouillés. Aujourd’hui des conservateurs, des chrétiens jouissent sans aucun remords du résultat du vol de leurs grands-pères, et en font parfois un très louable usage. Un monsieur, qui posséderait cinq cent mille livres de rentes en terres, provenant de l’achat de Biens nationaux, serait infiniment mieux reçu, dans le faubourg Saint-Germain, qu’un monsieur dont l’aïeul aurait refusé d’acheter de ces biens, et qui, tout en appartenant à une famille sans tache, n’aurait que vingt-cinq centimes dans sa poche.

Il s’agit donc de savoir non pas tant si les ouvriers ont raison de se proposer ce but, que de voir s’ils ont une chance de l’atteindre dans les conditions actuelles. Je suis convaincu, pour ma part, qu’ils ne réussiront pas ; ils mettront très facilement la main sur Paris, mais ils ne pourront se saisir de la France.

Les difficultés, qui arrêteront les ouvriers, ne sont pas par elles-mêmes très considérables, mais elles suffiront à faire échouer leur entreprise.

En 1792, les paysans étaient sur le sol ; ils n’ont fait qu’en prendre possession d’une manière définitive, et comme le blé, le vin, les fourrages sont des productions de première nécessité, ils n’ont eu qu’à continuer ce qu’ils faisaient auparavant en devenant simplement de fermiers propriétaires.

Les ouvriers sont également dans l’usine. Ils comptent, dès à présent, parmi eux des hommes assez intelligents, des contre-maitres assez habiles pour faire tout fonctionner, de façon à ce que la disparition du patron ne s’aperçoive même pas. Je suis persuadé qu’ils n’ont qu’à le vouloir, étant donnée leur organisation actuelle, pour s’emparer de tout.

Malheureusement pour eux, une révolution comme celle là arrêtera net toutes les fabriques, et dans cet intervalle, la bourgeoisie se ralliera, trouvera un général qui noiera dans le sang la révolte prolétarienne.

Si la bourgeoisie française ne fait pas cela, l’Allemagne le fera pour elle, saisira cette occasion d’intervenir et sera soutenue par la bourgeoisie épouvantée.

Ce but, que poursuivent les ouvriers, et qu’ils n’ont pas tort de poursuivre à leur point de vue, ne pourrait-il pas être atteint pacifiquement ? Pourquoi un prince chrétien, un chef aux conceptions fermes et larges qui, au lieu de voir les questions à travers des lieux communs, les regarderait en face, ne confisquerait-il pas les biens juifs ? Pourquoi, avec les ressources ainsi créées, ne permettrait-il pas aux ouvriers d’expérimenter leurs théories sur l’exploitation collective et directe des usines et des établissements industriels ? La plupart des propriétaires se prêteraient très volontiers à cette expropriation à l’amiable, dès qu’ils seraient convenablement indemnisés. On pourrait juger, par les résultats, des avantages et des inconvénients que présentent, avec leur constitution différente, les syndicats ouvriers purement laïques, et les syndicats formés sur le modèle des Cercles catholiques ouvriers.

Il importe, dans de tels sujets, de ne pas se faire d’illusion, et de prévoir sur quoi on peut compter.

Les Juifs possèdent la moitié du capital circulant sur la terre, or la fortune de la France, qui paye un budget de près de quatre milliards[32], peut être évaluée à cent cinquante milliards[33], sur lesquels les Juifs possèdent bien quatre-vingts milliards. J’estime cependant qu’avec les ménagements obligés, avec la facilité de dénaturer les valeurs[34], une opération comme celle-là ne produirait pas immédiatement plus de dix à quinze milliards et j’accepte le chiffre de dix comme minimum.

Avec cinq ou six milliards comptants[35], on exproprierait certainement assez d’usines, sans léser personne encore une fois, pour permettre aux ouvriers d’expérimenter leurs doctrines sociales dans des conditions d’autant meilleures qu’aucune révolution violente n’ayant eu lieu aucun chômage ne se produirait.

Tout ceci, je ne crains pas d’insister sur ce point, s’accomplirait sans secousses, sans effusion de sang, par simples décrets en quelque sorte, sans plonger le pays dans une de ces crises dont profite l’étranger. L’administration des Biens juifs confisqués fonctionnerait comme a fonctionné l’administration des Biens nationaux, et je ne vois pas trop comment on attaquerait la légitimité de cet acte puisque aucun des manuels, qu’on met entre les mains de la jeunesse, ne hasarde un blâme contre les confiscations révolutionnaires.

L’avantage même, si l’on comparait, serait pour la transmission de propriété que nous proposons. Nul ne contestera sérieusement, en effet, que la richesse juive n’ait, comme nous l’avons dit, un caractère spécial ; elle est essentiellement parasitaire et usuraire, elle n’est point le fruit du travail économisé d’innombrables générations, mais le résultat de l’agiotage et du dol ; elle n’est point créée par le travail, mais soutirée, avec une adresse merveilleuse, de la poche des travailleurs réels, par des sociétés financières qui ont enrichi leurs fondateurs en ruinant leurs actionnaires.

Ne voyons-nous pas, d’ailleurs, tous les jours, les journaux juifs et en même temps des gens qu’on proclame volontiers purs de tout trafic pécuniaire, comme M. Brisson se déclarer partisans de la confiscation des biens de ces congrégations dont chaque membre a bien l’un dans l’autre pour sa part cinq cents francs par an ? En quoi l’abbaye des Vaux de Cernay, qui est la propriété de Mme de Rothschild, serait-elle plus respectable qu’une abbaye où des religieux élèvent de pauvres orphelins[36] ?

Les causes, qui empêcheront peut-être cette opération de salut public qui replacerait la France, pour deux ou trois cents ans, dans des conditions d’existence normale, sont de plus d’un genre.

Il faut constater, tout d’abord, qu’en même temps qu’une diminution de force physique, il y a en France une diminution de force intellectuelle, un affaiblissement évident des facultés, comme un commencement de ramollissement du cerveau commun aux classes ouvrières comme aux classes élevées.

Les ouvriers, habitués à l’atmosphère factice des romans qu’on leur raconte, victimes des mots, accoutumés à ne penser que par leurs journaux, sont de plus en plus incapables de voir la réalité, de saisir les rapports des idées entre elles, d’avoir une vue d’ensemble.

Le Juif, en outre, est fort habile ; pour détruire l’ancienne société qui le repoussait, il s’est placé lui-même à la tête de l’action démocratique. Les Karl Marx, les Lassalle, les principaux Nihilistes, tous les chefs de la Révolution cosmopolite sont Juifs. De cette façon, le Juif imprime au mouvement la direction qu’il veut. (On le vit bien sous la Commune où l’on n’a pas touché à une seule propriété juive).

Si un orateur, dans une réunion publique, indiquait la solution que je viens d’exposer, et qui est excellente, un Juif détournerait de suite l’attention, qui se porterait intem- pestivement sur M. de Rothschild, en racontant qu’il a rencontré un capucin qui marchait pieds nus et qui avait l’air défait de quelqu’un qui jeûne. Marcher pieds nus ! jeûner ! quel crime ! s’écrierait ce pauvre peuple sans réfléchir que cela ne le gêne en rien et qu’il ne sera pas plus riche quand il aura empêché ce capucin de marcher pieds nus et de jeûner.

Quelque chagrin que l’on puisse avoir de la décadence mentale de ce peuple, qui se laisse ainsi berner par ceux qui s’enrichissent à ses dépens, il faut tenir compte de ce fait que l’union, qui a toujours été la force de la Juiverie, la sert merveilleusement dans cette circonstance. Les Juifs d’en bas sont appuyés par ceux d’en haut et les Juifs d’en haut sont garantis contre la Révolution, puisque ce sont les leurs qui conduisent les insurrections.

Il faut ajouter que les membres des classes élevées n’ont guère une vision plus nette de la situation que les prolétaires. Chez eux, le chrétien résigné à la persécution dans laquelle il trouve une occasion de mérite auprès de Dieu, prime trop le citoyen, qui, né dans un pays que ses pères ont défriché, agrandi, civilisé, entend bien défendre ses droits et ne permet à personne de le traiter en Paria ; ils ne se rendent pas compte de ceci, que celui qui va chercher la persécution en Chine ou au Japon est un héros, tandis que celui qui la subit patiemment chez lui est un lâche.

Personne ne protesta quand le Juif Stern dit, au Cercle de la rue Royale, ce mot que les journaux citent complaisamment au moins une fois tous les mois : « Dans dix ans, je ne sais pas comment un chrétien fera pour vivre ». Parmi les représentants de la noblesse qui composaient ce cercle avant ses malheurs, il ne se trouva pas un homme assez courageux pour relever cette insolence, pour dire : « Mais enfin, Juif, pourquoi donc les chrétiens ne mangeraient-ils pas dans leur pays ! »

Ces obstacles sont considérables, ils ne sont pas cependant insurmontables. Il peut surgir, des rangs du peuple, un homme d’origine française, qui ait la magnifique ambition d’attacher son nom à la solution pacifique de ce problème du prolétariat, qui a déjà coûté inutilement tant de sang aux plébéiens et qui leur en coûtera encore davantage s’ils suivent une autre voie.

Il peut se trouver également un officier, qui soit brave, vivement frappé de l’avilissement dans lequel est tombé son pays et qui risque sa vie pour le relever.

Dans la situation actuelle, en présence d’un gouvernement méprisé de tous et qui craque de toutes parts, cinq cents hommes résolus dans les faubourgs et un régiment cernant les banques juives suffiraient pour réaliser la plus féconde révolution des temps modernes. Tout serait fini avant la fin de la journée et, quand on verrait les affiches annonçant que les opérations de la Caisse des biens juifs vont commencer dans quelques jours, tout le monde s’embrasserait dans les rues.

Ainsi se trouverait réalisée la belle parole de Pierre le Vénérable, abbé de Cluny : « Serviant populis christianis, etiam invitis ipsis, divitiæ Judeorum… »



  1. Ce ministre si mou qui, avec la puissante machine de la centralisation à sa disposition, croyait aller jusqu’aux dernières limites de l’audace, en interdisant la vente du Petit Journal dans les gares, se retrouvait à la tribune, il répondait très fièrement aux menaces de la gauche victorieuse : « Si j’avais fait tout mon devoir, vous ne seriez pas ici. » Ce n’est pas un des moindres inconvénients du système parlementaire, que de donner la direction des affaires à des hommes qui n’ont qu’un courage tout verbal, qui s’imaginent, selon le mot de Guizot, « avoir agi quand ils ont parlé. » A part quelques exceptions, l’assurance à la tribune et l’énergie dans l’action s’excluent entre elles. Bonaparte faillit se trouver mal quand, en entrant dans la salle de l’Orangerie, il aperçut trois cents fantoches couverts d’oripeaux grotesques en train de brailler. Morny, lui-même, qui fut si admirable au 2 Décembre, était obligé d’écrire d’avance sur un morceau de papier les moindres paroles qu’il prononçait à la Chambre.
  2. M. Raoul Duval, dont on connait l’énergie, aurait consenti également à prendre le portefeuille de l’intérieur. Il ne demandait qu’à être autorisé à arrêter six cents individus qui, depuis 1870, avaient commis des délits de droit commun, et qui se promenaient tranquillement, comme Challemel Lacour, qui n’a jamais payé les cent mille francs auxquels il avait été condamné pour la part prise par lui dans le pillage de l’établissement de Calluire.
  3. On a prétendu que M. de Lareinty était parvenu à relever un moment le moral du malheureux Maréchal, si lamentablement affaissé qu’il en était arrivé, un soldat, à pleurer au lieu de combattre. Il aurait été nommé ministre de la guerre et une pièce signée de lui en cette qualité existerait encore au ministère de la rue Saint Dominique. Le vicomte d’Harcourt serait revenu près du Maréchal et l’aurait déterminé à consentir à sa propre déchéance.
        Cela est possible. Il est pas douteux, néanmoins, que M. de Lareinty, qui passe, il est pour très versatile et très inconsistant, n’ait été de ceux qui vinrent trouver le Maréchal pour le décider à se remettre aux mains de Dufaure.
        Pour apprécier le rôle véritablement honteux du maréchal Mac-Mahon, sur lequel pèsera une si lourde responsabilité, si la France succombe sous le gouvernement qu’il a laissé s’établir, il faut lire le Journal de dix ans, de M. Eugène Loudun. Il n’est pas de démarche qu’on n’ait tentée, pas d’offre qu’on n’ait faite, pas d’argument qu’on n’ait employé pour exciter le Maréchal à agir. Tout fut inutile.
        M. Rouher disait à ce sujet à M. Eugène Loudun :
        « Le Maréchal est une nullité. Vous avez dit qu’il était déconsidéré, méprisé, je le lui ai dit moi-même, il y a quatre ans : « Vous pouvez être Cromwell on Monck, si vous êtes Cromwell, montrez-le, nous verrons si nous devons vous suivre. Il est plus facile et plus digne de vous d’être Monck, mais, si vous n’êtes ni l’un ni l’autre, vous serez méprisé par l’histoire. » Aujourd’hui, il n’a été ni l’un ni l’autre, et il continue à se traîner sans autre idée que de rester où il est. Parfois, il est fort ennuyé et même effrayé, et il pleure, il a pleuré encore en novembre, mais cela ne même à rien. »
  4. Papiers inédits du duc de Saint-Simon, un volume, chez Quantin.
  5. Les faits se produisent de la même façon en Russie. Dans le Juif de Sofievka, un volume publié chez Plon, V. Rouslane qui, me dit-on, est le pseudonyme d’une femme d’un grand cœur, la baronne d’Uxkull, dont le mari est ambassadeur de Russie près le roi d’Italie, a admirablement décrit l’absorption d’un village tout entier par une famille de Juifs. Un Juif tombe d’inanition à la porte d’un château, un vieux domestique, guidé par son instinct, veut le repousser, le seigneur miséricordieux intervient et le recueille, au bout de quelques années le Juif est absolument le maître, il a amené toute une tribu, le seigneur est ruiné, le château appartient aux envahisseurs. Le dénouement est superbe. Raillés par ceux qui les ont dépouillés, ces malheureux paysans russes aperçoivent tout à coup la réalité, sans réfléchir, sans se concerter, instinctivement, ils s’élancent sur les Juifs, ils ne pillent pas, mais égorgent, brûlent, et ne s’arrêtent que lorsqu’ils sont à bout de forces.
        Malgré les sages mesures du gouvernement russe, le baron juif Stieglitz n’en a pas moins laissé en mourant une fortune de 300 millions.
        Le vampirisme juif dans ce pays a gardé encore son côté brutal et matériel, chez nous la pieuvre est gantée, elle arrache la bourse sans violence. Quand la victime crie par hasard, la presse juive fait aller la musique pour couvrir sa voix : « Affranchissement, principes de 89, oubli de préjugés barbares… » Le malheureux ruiné comprend qu’il serait de mauvais goût de se plaindre, et va se suicider loin du palais du Juif pour ne pas le déranger.
  6. Les Juifs de Moldavie.
  7. Les Juifs roumains ont au moins le mérite d’avouer, avec une certaine franchise, leur horreur pour le métier des armes. Le 1er juillet 1865, ou déposait, sur le bureau du Sénat de Bucarest, une pétition des Juifs de la commune de Leova, qui, pour s’exempter du service militaire, disaient ceci : « Comme nous autres Juifs sommes en général des peureux qui ne savons pas seulement tirer un lièvre, motif, pour lequel nous avons perdu notre patrie et gémissons depuis deux mille ans d’une situation inférieure à tous, nous ne pouvons pas être utiles au pays comme soldats. » (Archives israélites, année 1865.)
  8. Annales de la philosophie chrétienne, octobre 1881.
  9. Les Juifs n’ont pas renoncé pour cela à venir à bout de la Roumanie, et ils emploient tous les moyens pour réussir. En 1885, le gouvernement français a frappé d’un droit de cinquante pour cent tous les produite d’un pays coupable seulement de ne pas aimer les usuriers d’Israël, c’est un véritable blocus commercial. Les Archives israélites ne se gênent pas pour déclarer aux Roumains que c’est là un châtiment providentiel. « La justice divine, disent-elles dans leur numéro du 13 août 1885, qui n’est pas aussi lente qu’on s’en va le répétant, inflige en ce moment des épreuves à la Roumanie sur ce terrain commercial dont l’accès a été illégalement, odieusement défendu aux Israélites. Et c’est la France, qui a si courageusement pris la défense des Juifs opprimés, tourmentés et torturés par la population roumaine, c’est la France qui joue ce rôle de justicière. »
  10. Au moment où Déroulède et la Ligue des Patriotes provoquaient niaisement l’Allemagne, nous n’avions pas même de munitions, les cartouches de nos arsenaux étaient avariées et hors d’état de servir. Dès la fin de 1882, le général Billot dut demander à la Chambre un crédit extraordinaire annuel de 2,673,323 francs destiné à détruire ces cartouches qui nous avaient coûté des sommes énormes. Voir sur ces cartouches en laiton des lettres pleines de détails techniques adressées au journal la Ligue (21, 22, 23, janvier 1885), par M. Albert Hubner, notable commerçant, qui eut la naïveté d’aller confier ses angoisses patriotiques, devinez à qui… à Spuller.
        Dans sa lettre du 24 janvier, M. Hubner constate que derrière le principal fabricant de ces cartouches en laiton il y avait les Rothschild. Voir ce que nous disons, livre 1er, de ces rois juifs, roi du blé, roi des chemins de fer, qui, en réalité, disposent en maîtres absolus de tout ce qui intéresse la sécurité ou la vie d’un pays.
  11. Bismarck n’intervint dans nos affaires d’une façon active qu’une seule fois, en s’opposant à la proclamation de l’état de siège pendant le Seize Mai. Je crois pouvoir affirmer ce fait sans crainte d’être démenti. On devine l’intérêt qu’avait le Chancelier au triomphe des républicains qui perpétuaient l’anarchie en France.
  12. Toutes ces grandes questions sociales, absolument étrangères à nos politiciens français, sont familières aux hommes d’État allemands. Au mois de juillet 1854, M. de Moltke publiait dans la Revue illustrée Vom fels zum meer (Du rocher à la mer), sous ce titre Ueber die Polen, un article où il indiquait le rôle anti-social joué par les Juifs en Pologne et leur part dans la ruine de ce malheureux pays.
  13. Le tribunal français lui-même, devant lequel l’affaire avait été portée, refusa de donner complètement raison aux juifs. On prit le parti de l’épurer pour avoir des juges dont on fût sûr. Le président, M. Pontois, fut nommé président de Chambre à la Cour de Nîmes.
  14. Naquet, après avoir reconnu qu’il avait été un des actionnaires de la Société foncière tunisienne et que l’argent avait été versé pour lui par M. de Rothschild, avoue qu’il était désigné d’avance comme arbitre, mais il prétend qu’il avait rétrocédé ses actions. Il ne se justifie donc pas d’avoir avec Floquet trempé dans des spéculations sur des immeubles en litige.
  15. Voir le Figaro des 9 et 11 juillet 1885, qui ne donne point toute la genèse de l’affaire, comme nous le faisons, mais où la spéculation Floquet, Naquet et Cie est très exactement résumée ; consulter également les innombrables articles de la Lanterne. Ces deux journaux se complètent sur cette question comme les deux bouts d’un étui. La Lanterne, on le sait, avait mis Cambon au défi de la poursuivre et, pour éviter le procès, on dut nommer une commission dite des blanchisseurs composée de M. de Saint-Vallier, l’ancien ambassadeur, de Flourens, président de section au conseil d’État, et de Martin, inspecteur général des ponts et chaussées.
        M. de Saint-Vallier fut si incommodé des miasmes qui se dégageaient de cette lessive qu’il en mourut six semaines après.
  16. C’est un bon Juif, naturellement, Chemla qui est le fournisseur officiel de l’armée française pendant l’expédition. En quelques mois il gagne trois millions. Un cri de réprobation unanime s’élève contre les concussions inouïes commises aux dépens de la santé et de la vie de nos malheureux soldats. Au mois de juin 1883, on est obligé de traduire Chemla devant le conseil de guerre de Sousse, où l’influence des tripoteurs tunisiens et une habile plaidoirie de M. Georges Lachaud le font acquitter. Tant pis pour ceux qui sont morts de faim !
  17. Un journal de province ordinairement bien informé, l’Appel au Peuple du Gers, donne un chiffre de dix-huit mille victimes.
        « Voulez-vous savoir, pères de famille, combien de vos enfants ont été tués, blessés, réformés ou sont morts de maladie depuis quinze mois pour le seul profit des « Jeckers » de la Tunisie et de l’opportunisme ?
        Dix-huit mille sur cinquante mille.
        Tel est le chiffre officiel que nous donnait hier même un médecin militaire qui a fait toute la campagne et que nous mettons le gouvernement de la R. F. au défi de contredire. »
  18. Clovis Hugues, les Jours de Combat.
  19. Ajoutons que le président de la Ligue des Patriotes n’est pas toujours très scrupuleux dans les procédés qu’il emploie. Sous prétexte que M. Rothan a prodigué au gouvernement impérial les avertissements les plus clairvoyants et les plus prophétiques sur les desseins de l’Allemagne, Déroulède fait figurer sur ses listes, en qualité de vice-président, l’ancien ministre à Hambourg. Le diplomate, qui ne tient pas à se trouver en vedette avec les Erckman-Latrian, qui ont déclaré que les officiers tombés héroïquement à Gavelotte et à Saint-Privat étaient des lâches ou des traîtres, proteste avec énergie. Déroulède promet de rayer son nom et n’en fait rien. Finalement, en août 1885, M. Rotban est expulsé de sa propriété de la Lutterbach, en Alsace, ou il composait tranquillement des livres qui auraient pu nous instruire tandis que Déroulède se promène triomphalement sur le boulevard, enchanté d’avoir fait encore une fois du bruit sur le dos des autres.
        Partout le sauteur apparaît. Au mois d’octobre, Déroulède écrit : « Quelles que soient mes opinions personnelles, j’ai refusé de laisser inscrire mon nom sur aucune liste, parce que la cause que je sers et que je ne veux pas abandonner me défend d’être le candidat d’aucun parti. » Six semaines après, il demande à être porté sur la liste opportuniste et, pour donner un gage à ses méprisables amis, il enchérit sur Goblet, qui enlève leur pain à de pauvres curés de 80 ans, il demande qu’on leur enlève aussi le droit de vote, qu’on en fasse de véritables parias.
  20. Nous avons vu à la fête du 14 juillet 1884, se reproduire les mêmes grossièretés niaises suivies des mêmes reculades. Le drapeau allemand fut jeté dans le ruisseau par un commissaire de police éperdu de peur, un jeune Allemand, M. Wurster, faillit être massacre par la foule avinée.
  21. An même moment, la France perdait Lange, un autre Juif. « Personne, s’écria Arthur Meyer dans le Gaulois, avec un transport d’enthousiasme, personne ne savait placer les primes comme lui. » Il en aurait casé trente mille de la même valeur en une seule Bourse ! Aussi, les banquiers le recherchaient-ils. Beaucoup, et des plus grands, se servirent de son merveilleux tempérament. Il y a gagné la croix de la Légion d’honneur ! »
        Il n’y a pas cinquante personnes à Paris, maintenant, qui puissent comprendre combien cette phrase est précieuse comme date, qui puissent apprécier l’espèce d’inconscience presque naïve de ce Juif qui se pâme d’admiration devant un loup-cervier de la Bourse, que l’on décore parce qu’il a placé beaucoup de primes.
  22. J’ai montré les Juifs se réinstallant à Paris, et dans les environs de Paris, aux endroits mêmes où ils étaient lors des expulsions, au bout de trois mille ans, les Juifs sont revenus implacables sur cette terre des Pharaons où ils avaient été esclaves, ils ont levé sur ces pauvres populations, des tributs véritablement monstrueux.
        « Il est difficile, dit M. Gustave Lebon dans son livre : » La Civilisation des Arabes », d’établir ce que les financiers européens, les Juifs surtout, ont soutiré en quelques années aux Fellahs. Nous savons, par des chiffres publiés par M. Van den Berg en 1878, que sur un montant de 1,397,175,000 francs, produit de cinq emprunts, les financiers avaient prélevé en pots de vin, commissions, etc., la modeste somme de 522 millions. 875 millions seulement sont entrés dans les caisses du gouvernement égyptien.
        On verra, livre IV, avec quel effroyable mépris de toute justice et de toute humanité la démocratie française et le libéralisme anglais agissent vis-à-vis des peuples asservis, comme les Arabes et les Indiens
  23. M. Bertillon, quoique appartenant à l’opinion avancée, a eu la loyauté de constater cet effrayant symptôme dans la Statistique humaine de la France. « Au XVIIe siècle la population de la France, comparée à l’ensemble de la population des grandes puissances, représentait 38 pour 100. Ce chiffre montre assez de quel poids était alors la volonté du roi Louis XIV, car il représente, toutes choses égales d’ailleurs, notre force économique et plus exactement encore notre force militaire, comparée à celle des États voisins. Notre roi était le plus puissant des monarques de son temps. » En 1789, la France figurait encore pour 27 pour 100 dans la population totale, en 1815, le chiffre n’était plus que de 20 pour 100, il est aujourd’hui de 13 pour cent.
        L’affaiblissement de l’influence, la diminution du nombre de ceux qui parlent la langue française ou qui lisent les livres français, correspondent à ces chiffres. On sent comme un astre qui entre dans la période glaciaire, dont l’atmosphère radiante diminue. Voilà ce que les honnêtes gens devraient répéter sans cesse, preuves en mains, tandis que les députés de la gauche, mentant selon leur habitude, déclarent au peuple qu’il est le plus grand de tous les peuples depuis 89, alors que c’est précisément à cette date que commence sa décadence.
  24. Rien de concluant comme le rapport adressé par le directeur de la Sûreté générale au ministre de l’intérieur sur le service de l’émigration en France pour les années 1882, 1883 et 1884. Les trois années réunies donnent une moyenne de 4,162 émigrants, descendue à 3768 en 1884, malgré la misère générale.
        Si l’on ajoute aux totaux provenant des agences le chiffre des passagers d’entrepont, que l’on peut considérer comme appartenant à une catégorie analogue, on arrive, pour 1884, à un total de 6,100 individus des deux sexes et de tout âge, partis pour tes régions exotiques. Or, pendant la même année, 31,339 émigrants étrangers se sont embarqués dans nos ports de mer pour l’Amérique et la côte d Afrique.
  25. Nos généraux, du moins, ont manifesté leur répulsion pour ces vilains trafics, comme en témoignent les deux dépêches communiquées à la commission du Tonkin, dans la séance du 1er décembre 1885 :
    Général de Courcy à Ministre guerre

    « Reçois lettre ministre marine, signée Rousseau. Il demande explications à propos de concessions de terrains à Ravier-Chauffour, à Queb-Do, et du bassin houiller de Hong-Gay. Je refuse de me mêler à ces tripotages. Tout me paraît annulé, roi précédent et ministres prévaricateurs enfuis ou déportés.

    « De Courcy. »

    Voici la réponse du ministre de la guerre :

    Au général de Courcy.

    « Je partage vos opinions sur l’affaire Bavier-Chauffour.

    « Campenon. »

    Ceci explique que le général de Courcy ait été rappelé et remplacé par Paul Bert qui est allé essayer de relever là-bas les affaires financières de l’opportunisme.

  26. Voici en quels termes un des journaux de Ferry, l’Indépendant, de Bar-le-Duc, parle de ces mines :
        — L’or est tellement abondant que, dans certaines régions, on élève les canards uniquement pour ramasser dans leurs excréments, devenus un précieux guano, l’or qu’ils ont avalé en barbotant dans les ruisseaux.
        Cela ne fait-il pas songer à la conversation de Gascon et du Marseillais !
        — J’ai laissé tomber une allumette dans mon champ, l’année suivante, j’y ai trouvé une forêt.
        — Té ! Bécasse ! la belle affaire, répond l’enfant de la Cannebière, à Marseille, vous perdez un bouton de culotte, huit jours après, vous trouvez un pantalon tout fait.
  27. Le rapport entre ces deux cupidités a frappé Me Shadock et nous en trouvons trace dans son plaidoyer, dans l’affaire des guanos d’Auguste Dreyfus. La Société générale réclamait à ce Dreyfus, qui est colossalement riche, une bagatelle de cinquante millions. Une première fois Judith Grévy, pour influencer les juges, n’avait pas craint de descendre de son siège de président de la Chambre pour venir défendre un traitant. M. Barboux, cependant, n’a pas fait ressortir suffisamment, selon moi, la différence qui existe entre l’acte des hardis aventuriers qui vont prendre l’argent au loin et le tour de passe-passe, la simple prestidigitation des juifs qui, à l’aide de prospectus menteurs, prennent toujours l’argent au même endroit, dans nos poches.
  28. Pour bien comprendre la forme nouvelle que revêtent les expéditions civilisatrices, il faut lire les articles du New York Herald sur l’état libre du Congo et l’Association internationale, que le journal américain qualifie de « vaste escroquerie. » C’est le gendre de Rothschild, Lambert de Bruxelles, qui a organisé cette affaire avec un certain nombre de financiers juif. Le quart seulement des fonds destinés à cette entreprise a été consacré à l’objet pour lequel ils avaient été souscrits. Les détails sur les fraudes commises, sur les souffrances qu’endurent les naïfs qui se laissent entraîner là dedans, sont inimaginables. Aussi a-t-on bien soin, en les engageant, de faire promettre par écrit à ceux qu’on embauche de ne jamais dire un mot de ce qu’ils auront vu.
        C’est pour venir en aide à cet État du Congo, d’où les Français sont exclus, où les quatre gouverneurs sont allemand, anglais, belge et américain, que le gouvernement républicain, qui avait refusé d’autoriser une loterie de deux millions pour les pauvres de Paris, a autorisé, au mois de novembre 1885, une loterie de vingt millions.
        L’affaire de Mariotti révèle aussi tout un côté de ces expéditions. La fille de ce pauvre diable est violée par les agents de la Compagnie de Panama, elle meurt de honte. Le père désespéré s’adresse aux administrateurs de la Compagnie pour demander justice. Personne ne daigne lui répondre. Le F*** Cousin est en train de faire des discours moraux au Grand Orient, M. de Lesseps rédige des rapports sur les prix de vertu à l’Académie, les Sociétés démocratiques pour la répression des abus ne veulent pas se mettre mal avec une puissance financière. L’infortuné est réduit à tirer un coup de pistolet sur la voiture de M. de Freycinet pour qu’on s’occupe de cette affaire.
  29. Nous n’avons pas à insister sur ce navrant épisode. Le fait même de l’ivresse serait-il exact qu’il n’atteindrait pas l’honneur de l’armée française. IL y a dans L’armée allemande et dans l’armée anglaise des officiers ivrognes, seulement le ministre de la guerre est un homme qui fait son devoir qui connaît le dossier de chacun et qui veille à ce que jamais un de ces officiers ne puisse être chargé d’une mission qui demande du sang-froid. Pour moi le côté intéressant, tristement intéressant pour l’observateur, c’est toujours le mensonge de ces républicains, le système de tromper l’opinion, de créer de fausses réputations à ceux qui sont affiliés au parti. Dans un article du 31 mai 1885, la République française disait : « La France aurait à confier le plus difficile des commandements qu’elle ne pourrait faire de meilleur choix qu’en le remettant aux mains du lieutenant-colonel Herbinger. » Elle ajoutait : « Ceux qui l’ont vu à l’œuvre savent qu’il y a en lui l’étoffe d’un Kléber. » Voyez-vous la France ayant confiance dans le journal de Spuller et demandant, dans une guerre contre l’Allemagne, qu’on confie le plus difficile des commandements à Herbinger !
  30. La Chambre était si bien décidée à priver le pays de tous ses droits de contrôle, qu’elle refusa d’accepter un amendement qui demandait simplement que les mécaniciens, chargés de conduire les trains militaires en cas de guerre, fussent français !
        Pas un député ne songea à profiter de l’occasion pour imposer aux Compagnies l’organisation d’un service particulier à établir en cas de mobilisation. Après tant de milliards dépensés pour le budget de la guerre, il semble inimaginable que rien n’ait été prévu dans l’hypothèse d’une mobilisation ; il en est ainsi cependant. Les employés des grandes Compagnies ont essayé d’attirer l’attention du ministre sur ce point, mais très probablement ce sera absolument inutile.
  31. On n’accusera certes pas Sébastien Mercier d’être un représentant des idées rétrogrades. Dès le Directoire, cependant, cet écrivain à l’esprit si curieux, aux aperçus parfois si justes, avait prévu que le Sémitisme deviendrait un danger pour l’Europe qui serait obligée de soutenir une lutte acharnée pour se défendre. Le chapitre consacré aux Juifs, dans l’An deux mille quatre cent quarante, Rêve s’il en fut jamais, a le caractère d’une véritable prophétie.
        « Les politiques sensés, écrit Mercier, n’avaient pas su prévoir les suites fâcheuses que pouvait avoir l’explosion soudaine d’un peuple nombreux et inflexible dans ses opinions dont les idées, contrastant fortement avec celles des autres peuples, devenaient cruelles et fanatiques de leur loi et des promesses pompeuses qui remontaient à l’origine du monde, car la terre leur appartenait et les autres peuples n’étaient à leurs yeux que des usurpateurs.
        « Les Juifs, se regardant comme un peuple antérieur aux chrétiens et créé pour les subjuguer, se réunirent sous un chef auquel ils attribuèrent soudain tout le merveilleux fait pour ébranler les imaginations et les disposer aux révolutions les plus grandes et les plus extraordinaires.
        « Il composait alors, en Europe, une multitude éparse qui pouvait monter à douze millions d’individus, et les Juifs répandus dans l’Orient, en Afrique, à la Chine, et même dans les parties intérieures de l’Amérique accourant ou envoyant des secours, la première invasion fut violente. Il fallut réparer l’invigilance politique des siècles précédents et nous eûmes besoin de sagesse, de constance et de fermeté pour décomposer ce fanatisme ardent, pour apaiser cette fermentation dangereuse et réduire les Juifs comme ci-devant à gagner leur vie dans une tranquillité absolue.
        « Ils avaient travaillé dans tous les siècles et dans tous les instants avec la soif de la cupidité et l’ardeur que donne l’insouciance pour tout autre objet, toujours avides, toujours heureux en spéculations basses ou intéressées, grossissant éternellement leur bourse. Leurs énormes richesses leur avaient donné une audace fanatique et le titre de Roi des Juifs, donné à un ambitieux, avait occasionné un orage politique dont les secousses ne laissèrent pas que de nous inquiéter. Nous ne voulions pas répandre beaucoup de sang, et ce peuple de son côté, était disposé à renouveler toutes les horreurs qu’offre son histoire et dont il a été l’agent et la victime. »
  32. Le budget ordinaire de 1886 est de trois milliards trente millions six cent douze mille trois cent quatre vingt-huit francs. Le budget extraordinaire est de cent soixante-neuf millions huit cent huit mille deux cents francs. L’indemnité de cinq milliards payée à l’Allemagne n’est point la cause de cet accroissement insensé, comme les républicains s’amusent à le faire croire aux naïfs, puisque le budget de 1876 était de deux milliards cinq cent soixante-neuf millions dans lesquels étaient compris 200 millions pour l’amortissement. Les dilapidations et les malversations de ceux qui nous gouvernent expliquent seules l’écart entre le budget de 1876 et le budget actuel. Depuis sept ans que vous êtes au pouvoir, a pu dire un député républicain, M. Amagat, aux séides de Gambetta, vous avez dépensé plus de dix-sept milliards, vous avez accru la dette publique de plus de huit milliards. Les dilapidations opportunistes ont été plus désastreuses pour la France que la guerre de 1870. »
        Les députés en sont arrivés à ne plus discuter ce budget formidable. On vote cinq ou six cents millions en une heure, dans la dernière quinzaine de l’année, devant des banquettes, avec une centaine de représentants au plus dans la salle. Ou n’a pas même le temps de tout voter et on est obligé, pour ne pas employer le mot de douzièmes provisoires, d’allouer un milliard au gouvernement pour en faire ce qu’il voudra. Le droit de contrôler l’impôt, qui existait aux origines de la monarchie, a cessé même d’être exercé.
        Tous ces mots : dette flottante, dette consolidée sont de la fiction pure, des prestiges analogues à ceux des magiciens d’autrefois. Le gouvernement, étant en plein dans le système juif, qui consiste à prendre l’argent monnayé conquis par le travailleur pour lui substituer du papier, s’est emparé des 2,300,000,000 de francs déposés à la Caisse d’épargne et les a remplacés par des titres de rente qui, en cas de panique, n’auraient pas plus de valeur que les assignats révolutionnaires.
        M. Leroy-Beaulieu a montré, dans l’Economiste français, que les sommes exigibles de l’Etat, soit immédiatement, soit à très courte échéance, s’élevaient à plus de trois milliards de francs, et que l’encaisse dont celui-ci pouvait disposer pour répondre à ces énormes exigences dépassait à peine cent cinquante millions de francs.
        En d’autres termes, le gouvernement se trouve dans la situation d’un négociant qui aurait un actif de 150,000 francs et un passif de 3,000,000 de francs :
        TIl est clair qu’à la moindre alerte un peu sérieuse, c’est la faillite forcée.
  33. Un député, le docteur Vacher, évaluait cette fortune à deux cent soixante milliards, M. de Foville, chef du bureau de la statistique au ministère des finances, s’arrête à deux cent cinquante milliards ; mais ce sont là des chiffres tout théoriques.
  34. Ce serait une erreur complète cependant de croire que la fortune d’Israël est exclusivement en papier. Le Juif, roi absolu en France, n’exerce pas seulement le droit tout régalien d’émettre des actions qui sont de véritables billets de banque, à cette exception près qu’ils ne sont garantis par rien ; il bat encore monnaie, il peut envoyer des lingots à la Monnaie pour les faire frapper et profiter du bénéfice. Ce n’est pas un privilège, dit-on, et tout le monde peut agir de même ; M. de Breda a répondu victorieusement à cette objection : « Oui, tous ceux qui ont des lingots en abondance, mais les matières d’or et d’argent et le numéraire étant concentrés dans les mains des Juifs à un degré tel que le mot monopole n’aurait rien d’exagéré ; il en résulte que ce sont eux qui ont accaparé un des droits régaliens les plus lucratifs. »
        Ce monopole du numéraire est, en réalité, la véritable force des Juifs ; c’est parce que M. de Rothschild dispose, non par le crédit, mais d’une manière effective, de la majeure partie de l’or circulant en France, qu’il peut imposer ses volontés au gouvernement.
  35. Le désordre était si grand, le vol tellement général pendant la Révolution qu’il a été toujours impossible de savoir quel était, au juste, la valeur des biens nationaux. Dans son rapport du 85 germinal an III, au nom des comités de Salut public, de législation et de finances, Johannot déclare que ces biens constituent une fortune effective de seize milliards. Louis Blanc a adopté ce chiffre dans son Histoire de la Révolution. Lavoisier estime ces biens à deux milliards huit cent millions. Cambon donne un total de 2.840.740.259 livres.
        À ce chiffre il faut ajouter les biens confisqués sur les émigrés et les condamnés auxquels Roland, Johannot, Cambon attribuent successivement une valeur de cinq milliards, puis de neuf milliards. Dans le tableau qu’il présenta, à ce sujet, en l’an IV, au Conseil des Cinq Cents, « Eschassériaux » donne un total de cinq milliards en valeur métallique.
        Dans son savant ouvrage, Les Finances de l’ancien régime et de la Révolution, M. René Stourm se prononce pour le chiffre de cinq milliards et demi, qui me paraît un peu faible et qui, selon lui, se décompose ainsi : trois milliards pour les biens du Clergé et de la Couronne, deux milliards et demi pour les biens des émigrés et des condamnés.
  36. Les journaux francs-maçons et juifs ont chaleureusement applaudi au vote de la Chambre du mois de décembre 1884, qui a placé sous un régime fiscal exceptionnel les biens des congrégations ; ils ont déclaré que ce n’était là qu’un acheminement vers la confiscation ; ils admettent donc qu’il suffit d’être le plus fort pour ne pas respecter le principe de la propriété. Dans ces conditions, le système que je propose n’a rien qui puisse choquer les idées reçues ; il a l’avantage d’être plus équitable et plus profitable pour la masse.