La France au Soudan
Revue des Deux Mondes3e période, tome 43 (p. 689-709).
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LA FRANCE AU SOUDAN


II.[1]
LE CHEMIN DE FER TRANSSAHARIEN.


Le chemin de fer du Sénégal au Niger étant sur le point d’être exécuté[2], les considérations qui plaidaient en faveur de la construction du chemin de fer transsaharien deviennent beaucoup moins pressantes. La date où la construction de celui-ci s’imposera va forcément dépendre de la fortune de celui-là.

Que veut-on ? Créer un débouché au Soudan pour ouvrir son immense territoire à notre influence et son riche marché à notre commerce. Ce but sera provisoirement atteint par la ligne du Sénégal. Une voie ferrée qui le mettra en communication avec le reste du monde est indispensable à ce grand pays jusqu’à présent fermé ; mais deux, c’est un luxe auquel on ne devra songer qu’autant qu’il aura fait ses preuves. Quel trafic peut-il alimenter ? Les données que nous avons résumées dans un précédent travail permettent à ce sujet les plus brillantes hypothèses, mais ce ne sont que des hypothèses : l’exploitation de la ligne du Sénégal aura pour premier effet d’en vérifier la valeur ; elle nous procurera, en outre, sur le Soudan une foule de renseignemens précis, et ces nouveaux élémens auront un poids décisif dans les appréciations sur l’utilité d’un autre chemin de fer. Si le trafic se développe lentement, il est évident que la construction du Transsaharien sera reculée en raison de cette lenteur. Une première ligne donnant des résultats peu satisfaisans, qui fournirait plusieurs centaines de millions pour en créer une seconde ? Si le succès répond aux espérances, il est évident, au contraire, qu’il dissipera toutes les appréhensions des esprits que le projet de lancer une voie ferrée à travers 2,000 kilomètres de sable inquiète comme une idée un peu chimérique. Échec ou réussite, le sort de la ligne du Sénégal aura donc un contre-coup inévitable sur celui du Transsaharien.

Si incertaine que cette situation rende l’époque où cette grande entreprise entrera dans sa période d’exécution, la France, pour se trouver prête à tout événement, n’en doit pas moins terminer promptement les études commencées. Aussi bien le gouvernement les fait-il continuer, — avec moins de vigueur, il est vrai, qu’on ne le souhaiterait. Deux raisons l’y engagent. La première, c’est que la ligne du Sénégal deviendra vite insuffisante pour un commerce très actif, parce qu’elle laisse les produits à neuf jours de Bordeaux, tandis que le Transsaharien les amènera à quelques heures de Marseille, et parce qu’elle se maintient sur tout son parcours dans des régions qui sont meurtrières pour, les blancs pendant les mois de l’hivernage, tandis que : l’Algérie et le Sahara, hormis pourtant, les bas-fonds, sont d’une salubrité constante. La seconde, c’est que cette ligne desservira mal la partie la plus riche et la plus peuplée du Soudan, celle qui s’étend entre le Niger et le lac Tchad. Le Transsaharien sera nécessaire pour y atteindre véritablement. Le voyageur Gérard Rohlfs a proposé, les journaux allemands et italiens ont discuté et discutent encore le projet d’un chemin de, fer qui, partant de Tripoli pour aboutir au Bornou, nous enlèverait à jamais toute cette région. Les concurrens qui peuvent nous surgir de ce côté reparaissent pas, assez niches pour aventurer une aussi colossale dépense ; il est bon néanmoins de nous en préoccuper, car pas plus là que dans le haut Niger nous ne devons nous laisser distancer. Dans le Soudan gît notre dernière chance de nous créer un grand empire colonial. Il faut que, le jour où la ligne transsaharienne sera jugée nécessaire, nous soyons en état d’y mettre aussitôt la pioche.


I

La commission supérieure, instituée « pour l’étude des questions relatives à la mise en communication par voie ferrée de l’Algérie et du Sénégal avec l’intérieur du Soudan » se réunit pour la première fois le 21 juillet 1879, et ses séances se prolongèrent jusqu’à la fin du mois d’octobre suivant. M. de Freycinet l’avait composée de tous les hommes capables d’apporter quelque lumière sur les points à traiter : voyageurs ayant exploré le Sahara, officiers ayant commandé dans le sud de l’Algérie, savans ayant étudié la nature du désert, ingénieurs experts dans lest travaux projetés, sénateurs et députés des départemens algériens, membres du parlement s’occupant d’une façon particulière de notre colonie. On ne pouvait rêver assemblée plus compétente, et cependant, malgré l’intérêt que présentèrent les discussions, elles ne servirent qu’à faire éclater la divergence des vues. Précisément parce qu’il était familier avec la question, chaque membre arrivait avec une opinion toute faite, des idées fixes. Les uns raisonnaient d’après leurs sympathies pour les régions qu’ils avaient parcourues, les autres subissaient l’influence des traditions indigènes qu’ils avaient étudiées ; ceux-ci prétendaient arrêter la voie à Ouargla, la faisant ainsi aboutir au néant du désert, ceux-là demandaient qu’on ouvrît immédiatement des chantiers, alors que personne ne sait encore d’où la ligne partira et où elle ira ; deux sous-commissions prenaient sur le même sujet, des résolutions absolument différentes ; les représentans de l’Algérie parlaient chacun pour leur province ; et les militaires et les civils se témoignaient une défiance qui était comme un écho lointain de l’inimitié quilles divise dans notre colonie africaine. Ni sur le point de départ, ni sur la direction générale, ni sur le point d’arrivée de la ligne, ni sur la façon de procéder aux études, il ne fut possible d’arriver à une entente. Les provinces algériennes réclamaient toutes : les trois l’avantages d’être prises pour tête de ligne, ce qui obligeait à choisir entre trois points de départ ; comme but à atteindre, les uns proposaient le Niger et les autres le Haoussa, ce qui obligeait encore à choisir entre deux points d’arrivée ; enfin, il y avait deux systèmes en présence pour les explorations dans le désert, celui des voyageurs isolés et celui des voyageurs escortés. Pour ne mécontenter personne, tout choix fut remis jusqu’à plus ample informé. On décida que les divers tracés seraient simultanément étudiés et que les deux systèmes d’exploration seraient employés concurremment. Disons tout de suite à ce propos que M. Soleillet, qui s’était fait connaître par deux voyages à In-Salah et à Segou et qui s’était offert pour voyager isolément, a échoué deux fois dans son projet d’aller de Saint-Louis du Sénégal à Alger, en passant par Tombouctou. Il tente actuellement cette entreprise pour la troisième fois.

Sur la proposition de la commission, le ministre des travaux publics confia l’étude des tracés : dans le Tell aux ingénieurs des ponts et chaussées des départemens dont ils empruntent le territoire ; dans le Sahara algérien, à des missions techniques spéciales ; et dans le grand désert, où l’insécurité ne permet pas le même appareil scientifique, à des expéditions chargées de prendre une vue rapide du pays, qui est presque tout entier inconnu. Nous passerons rapidement sur les travaux de MM. Lebiez et Neveu-Derotrie dans la première de ces zones, parce que les convenances locales auxquels ils répondent ne sont pas de nature à peser beaucoup dans le choix du tracé définitif ; ils ont démontré que, pas plus dans la province de Constantine que dans celle d’Alger, la traversée de l’Atlas ne présente d’obstacle sérieux et qu’on pourra facilement y raccorder le Transsaharien au réseau des chemins de fer déjà existans.

Les études dans les deux autres zones se partagent naturellement en deux faisceaux : un coup d’œil sur la carte suffit pour s’en rendre compte. Adopte-t-on le Haoussa pour but ? le Transsaharien doit passer par le Hoggar et partir, soit de la province de Constantine, soit de la province d’Alger ; la province d’Oran est trop éloignée pour entrer en concurrence. Est-ce le Niger que l’on vise ? alors c’est la province de Constantine qui est trop éloignée à son tour ; la ligne doit passer par le Touat et partir d’Alger ou d’Oran. Il y a par conséquent un tracé oriental et un tracé occidental. Examinons-les l’un après l’autre.

M. Choisy, ingénieur en chef des ponts et chaussées, fut chargé de reconnaître et de comparer deux itinéraires du Sahara algérien, à savoir : 1° entre Laghouat et El-Goleah, une ligne pouvant servir de tête aux deux tracés et aboutir aux régions soudaniennes, soit par le Touat, soit par le Hoggar ; 2° entre Biskra et Ouargla, un tracé destiné à gagner le Haoussa par la vallée de l’Igharghar et le Hoggar. Il emmena avec lui un ingénieur des ponts et chaussées, un ingénieur des mines, un docteur en médecine pour les recherches médicales et anthropologiques, un garde-mines et deux chefs de section du cadre auxiliaire des travaux de l’état. Comme il devait séjourner dans des pays sans eau, il lui fallut un matériel considérable : sa caravane ne comptait pas moins de cent dix chameaux. Un membre des Ouled-Sidi-Cheikh y était incorporé pour la protéger de son prestige dans une région qui est soumise à la domination religieuse de sa famille. La mission quitta Laghouat le 17 janvier 1880, se dirigeant sur El-Goleah, qui est presque sous le même méridien ; elle inclina légèrement vers l’est pour se rapprocher du M’zab, que le chemin de fer ne saurait négliger de desservir. Pendant neuf jours, elle travailla en toute sécurité, prenant son temps, se dispersant à droite et à gauche, opérant un cheminement au théodolite complété par un levé de détail à la planchette ; mais au puits de Zebbacha, elle reçut un courrier de la division d’Alger, lui annonçant qu’une bande de pillards s’organisait sur la frontière du Maroc pour envahir le sud de l’Algérie et lui conseillant de se replier sur Laghouat. M. Choisy trouva cette retraite humiliante au moment où ses travaux ne faisaient que commencer ; il envoya des éclaireurs dans la direction du Maroc et, ayant constaté que l’ennemi ne s’était pas encore montré dans un rayon de 100 kilomètres, il continua sa marche vers le sud, — avec plus de hâte, il est vrai ; il fallut renoncer désormais aux opérations géodésiques et se contenter d’un itinéraire à la boussole et au baromètre, quitte à faire des levés exacts sur les points douteux ou difficiles.

La mission parvint, le 17 février, à El-Goleah, où elle passa une semaine. Cette oasis, perdue entre l’Algérie et le Touat, a gardé un souvenir durable de la visite que lui a faite une de nos colonnes en 1873 ; elle paie régulièrement l’impôt, et le cheikh fit un accueil empressé à nos compatriotes. Pendant qu’on se reposait des fatigues d’un mois de marche à travers des lieux inhabités, une partie de l’expédition fit une pointe dans le sud. Depuis le voisinage du golfe de Gabès jusqu’aux bords de l’océan Atlantique, le Sahara est coupé en biais par une épaisse bande de dunes de sable qui court du nord-est au sud-ouest et qu’on appelle les areg dans le sud de l’Algérie. Ces sables constituaient une des grosses objections que l’on opposait au projet du Transsaharien. Comment les traverserait-on ? Dans son voyage à In-Salah, M. Soleillet avait découvert qu’au sud d’El-Goleah, ils n’avaient que 6 kilomètres de traversée ; M. Choisy voulut s’en assurer, et il eut la chance de découvrir un passage plus facile encore, car il n’a que 1 kilomètre 1/2 d’épaisseur. Un tunnel en tôle pour contenir les sables comme les Américains en ont établi sur le Transcontinental pour arrêter les neiges, c’est tout ce qu’il faudrait pour franchir, en cet endroit, cette barrière, que quelques imaginations s’étaient plu à dépeindre comme insurmontable ; on retrouve ensuite au-delà des plaines à sol plat. D’El-Goleah à Ouargla, le programme de la mission ne comportait pas formellement l’étude d’une ligne de chemin de fer ; elle ne s’en attacha pas moins à dresser une carte du pays, qui fournira de précieuses indications si l’on veut plus tard relier Ouargla avec le Touat. a Cette région fut la plus inhospitalière de tout notre parcours, dit M. Choisy. Les indigènes avaient comblé les puits, qui sont profonds, pour se défendre contre les incursions du sud. Le sol pierreux et presque absolument stérile offrait à peine quelques touffes de thym pour alimenter les chameaux de la caravane. Enfin un parti puissant nous attendait en un point considéré comme une des étapes obligées de la route, le puits de Kechaba. Une manche forcée de neuf journées sans rencontrer un seul point d’eau, a seule pu déjouer les projets d’attaque. »

A partir de Ouargla, la mission retrouva la sécurité et put reprendre le canevas géodésique avec levé de détail. Un long chapelet d’oasis s’égrène devant les pas du voyageur. Les populations sont soumises, l’eau ne manque nulle part ; sauf la chaleur, qui commençait à devenir excessive, et l’absence de points de repère dans un pays parfaitement plat, rien ne gêna les études. Elle ne s’arrêta plus qu’à Biskra, où elle arriva le 16 avril, après avoir parcouru 1,250 kilomètres en trois mois et une semaine ; Grâce à une hygiène sévère, elle n’avait pas perdu un seul homme. L’expédition Flatters, dont nous parlerons tout à l’heure, a joui de la même immunité : ce double exemple confirme ce que l’on savait déjà de la salubrité du Sahara. Considérés en eux-mêmes, les deux tracés étudiés par M. Choisy sont de valeur bien inégale. Les 450 kilomètres qui séparent Laghouat d’El-Goleah sont compris presque tout entiers dans le plateau crétacé du M’zab ; le sol y a, dans la première moitié du trajet, la physionomie de ce que les Arabes appellent la kamada ; il est dur, rocailleux, poli par les vents, sans terre végétale ; stérile et désolé ; dans la seconde, il est raviné par de nombreuses vallées orientées vers le sud-est ; les bords de ces vallées sont heureusement peu escarpés. Quatre chaînes de dunes détachées des aregs et parallèles à ces vallées coupent le tracé et exigeraient 5 kilomètres de tunnel. L’eau est rare. L’ingénieur des mines, M. Rolland, qui s’est spécialement occupé de l’hydrographie, ne croit pas à la possibilité d’obtenir des eaux artésiennes par des sondages de profondeur modérée ; les nappes d’infiltration qui alimentent les puits indigènes sont d’un faible débit, et ce sont les seules sur lesquelles on puisse compter. Ces eaux, comme la plupart des eaux sahariennes, sont très chargées de sels terreux et de chlorures ; il faut s’attendre à ce qu’elles incrusteront fortement les chaudières des locomotives. Il n’y a point d’autre population sédentaire sur le parcours que celle du M’zab, qu’on évalue à trente mille âmes ; ce pays est si pauvre qu’un tiers des habitans émigrent chaque année pour aller trafiquer au loin ; il ne possède que quatre-vingt-huit mille palmiers. La nature ne semblait pas l’avoir fait pour être jamais aussi peuplé, mais, jaloux de leur indépendance, séparés du reste des hommes par leurs doctrines que repoussent les musulmans qui les entourent, repliés sur eux-mêmes, les M’zabites ont fait violence au désert pour se constituer un asile, et chérissent d’un sombre amour ce triste coin de terre, dont la désolation même leur assure la paix en les protégeant contre l’envie.

Le parcours entre Biskra et Ouargla, qui est de 370 kilomètres, est beaucoup plus avantageux. Sur toute la ligne des oasis, le sol absolument plat est formé d’alluvions qui ont la consistance du tuf. Il n’y aurait quelques remblais à faire qu’au-delà de l’Oued-Rhir pour traverser sur une largeur de 50 kilomètres une plaine d’un aspect fort singulier ; elle est ridée par une multitude de petites dépressions dont la profondeur n’excède guère 5 mètres et dont le fond est blanchi par des cristallisations salines ; le sol sableux en est maintenu par une sorte de ciment gypseux qui l’agglutine légèrement et par une végétation spontanée que la culture pourrait développer. L’Oued-Rhir offre une ligne d’eau continue sur un espace de plus d’un degré terrestre. Les oasis comptent douze mille huit cents habitans et quatre cent trente mille cinq cents palmiers en rapport. Les deux ateliers de forage que les Français y ont organisés et qui creusent des puits avec une rapidité qui émerveille les indigènes accroissent chaque jour l’étendue des terres cultivables en amenant à la surface les eaux souterraines ; on estime qu’il sera possible de doubler celle qui existe actuellement et de porter à 8,000 tonnes la production des dattes et à 1,200 celle de l’orge. Ouargla et les oasis de son rayon, bien que n’ayant que de quatre à cinq mille habitans, ont autant de palmiers que l’Oued-Rhir et peuvent fournir 7,000 tonnes de dattes. Si l’on ajoute à cela le commerce du M’zab, qui à défaut de la ligne de Laghouat à El-Goleah, se servirait de celle de Biskra à Ouargla, celui du Souf, qui donne 3,000 tonnes de dattes par an, et celui des Zibans, qui en donne 14,000, on en arrive à conclure avec M. Choisy que ce chemin de fer de Biskra à Ouargla « trouverait dès à présent des élémens locaux de trafic capables d’indemniser au moins partiellement des frais de son établissement. »

Chemin faisant, la mission a fait des observations intéressantes qui ne relevaient point absolument de son programme. Le docteur Weisgerber a exécuté de nombreuses mesures anthropologiques qui aideront sans doute à déterminer avec certitude à quel rameau de l’espèce humaine il faut rattacher la curieuse population sédentaire des oasis. On sait qu’elle est noire, et M. Weisgerber incline à penser qu’elle provient d’un métissage entre nègres et berbères, Elle parle un dialecte berbère qui paraît se rapprocher beaucoup du Zenaga da Soudan. Elle aime le travail autant que la race arabe l’abhorre, et est parfaitement acclimatée dans les bas-fonds humides de l’Oued-Rhir, qui deviennent meurtriers pour celle-ci à certaines époques de l’année. Le problème des origines du Sahara, qui préoccupe si vivement les géologues, n’a point laissé la mission indifférente ; elle a confirmé une découverte qui rend inadmissible l’hypothèse consistant à considérer le désert comme une mer desséchée par un récent soulèvement qui en aurait élevé le fond au-dessus du niveau des eaux. Le sol du Sahara renferme des pointes de flèches en silex et des débris de la taille de ces flèches en quantité innombrable, preuve irrécusable de l’existence d’une population nombreuse qui trouvait un climat favorable à la vie dans des contrées qui semblent vouées aujourd’hui à une stérilité éternelle. La mission a recueilli à Ogla-el-Hassi des débris de taille de silex sous une incrustation gypseuse de 0m,60 déposée par des sources qui ont cessé de couler dès les temps géologiques. C’est sans doute le plus ancien témoignage de l’industrie humaine que l’on ait jusqu’à présent retrouvé.

Une expédition commandée par le colonel Flatters, que quatre ans de commandement à Laghouat ont familiarisé avec les questions sahariennes, a continué au-delà de Ouargla l’étude du tracé commencée par M. Choisy. Elle comprenait, outre M. Flatters, quatre officiers, un ingénieur de l’état, M. Beringer, un ingénieur des mines, M. Roche, le docteur Guiard, un conducteur des ponts et chaussées et un chef de section du cadre auxiliaire des travaux de l’état. L’élément militaire y était assez fortement représenté, comme on voit, et son emploi n’a justifié aucune des craintes qui avaient été exprimées un peu tragiquement dans la commission supérieure. Les populations ne se sont point soulevées, les puits n’ont point été comblés, les voies de communication n’ont pas été rendues impraticables, et l’expédition n’a pas rencontré d’autres obstacles que ceux que lui opposaient le climat et la nature du pays. Les officiers, obligés à des rapports quotidiens avec les indigènes, y acquièrent une connaissance de leur langue et de leurs mœurs qui se rencontre rarement parmi les civils, unie au savoir nécessaire pour l’étude des terrains. Il serait absurde que les mauvais souvenirs des bureaux arabes empêchassent d’utiliser ces précieux avantages dans l’exploration du désert. Là, plus que dans le reste de l’Afrique encore, les indigènes n’ont de respect que pour la force ; l’expédition, avec son escorte et ses chameliers, présentant une troupe de cent cinq hommes bien armés, personne n’a songé à inquiéter sa marche, et elle a trouvé auprès des tribus auxquelles elle a eu affaire une bonne volonté qui s’explique aisément par ceci, qu’elle était en état de tenir tête à n’importe quelle attaque et qu’elle accablait de cadeaux quiconque se présentait en ami.

Son but était de traverser de part en part le pays des Touareg et, après avoir visité la Sebkha d’Amadghor et gagné le pays d’Aïr, de descendre au Soudan sur un point dont le choix était laissé à l’inspiration des circonstances. Elle ne l’a point atteint dans sa première campagne. Après avoir suivi l’itinéraire qu’elle s’était tracé jusqu’à El-Biodh au sortir des areg, elle a quitté la direction sud et s’est laissé entraîner vers le sud-est à Temacinin et dans la vallée des Ighargharen, qui l’aurait menée à Rhat si elle l’avait suivie jusqu’au bout. M. Flatters explique cette déviation imprévue par le mauvais vouloir de ses guides chaamba, par leur ignorance du chemin de l’Igharghar supérieur (qu’il ne faut pas confondre avec les Ighargharen qui en sont un affluent), par la nécessité de s’aboucher avec les Azdjer, sur le territoire desquels il s’était engagé, et par diverses considérations d’ordre politique, toutes choses que peut-être on aurait dû prévoir. Du reste, par suite des lenteurs budgétaires, le départ avait été beaucoup trop tardif ; l’expédition n’a pu en effet quitter Ouargla que le 5 mars 1880, alors que l’époque des grandes chaleurs approchait. Elle y est rentrée le 17 mai suivant, après avoir poussé jusqu’au lac Menkhough, où elle était arrivée le 16 avril. Elle a rapporté du chemin qu’elle a parcouru un levé à la boussole avec détermination des altitudes au baromètre et des observations astronomiques de longitude et de latitude faites tous les deux ou trois jours et dans tous les endroits importans. Elle a reconnu sur une longueur de 600 kilomètres environ le tracé que l’on devra adopter pour le Transsaharien si on se décide pour la ligne orientale. À partir de Ouargla, le sol s’élève d’une manière insensible. Après une plaine unie, on rencontre la région des Kantras ; les Arabes appellent kantra (pont) des hauteurs qui ont été créées pour le ravinement du sol autour d’elles. Puis on entre dans les areg, qui ont en cet endroit une épaisseur de près de 300 kilomètres ; à son retour, l’expédition a découvert un passage qui a parfois jusqu’à 50 kilomètres de large et qui est libre de dunes. La traversée de cette région redoutée ne présenterait donc encore de ce côté aucune difficulté. Les indigènes appellent ce passage le gassi de Mokhanza. Au-delà s’étendent des hamadas plates, nues et désolées, auxquelles succède la vallée de l’Igharghar, dont le colonel Flatters comparé le sol à un terrain de ballast. Les cartes donnent à l’Igharghar un lit continu, ce qui peut induire en erreur ; comme beaucoup d’autres oueds de la région, l’Oued Igharghar n’est qu’une suite de dépressions, orientées dans une même direction et n’offrant point le thalweg qu’on s’attendrait à rencontrer dans le lit d’une rivière desséchée.

Au point de vue de l’établissement de la voie, le pays visité par l’expédition ne laisse rien à désirer ; le terrain y est presque toujours uni : on n’aurait le plus souvent qu’à poser purement et simplement les rails dessus. Mais cet avantage est-il suffisant pour compenser une désolation dont on aura une idée par ce fait, que nos compatriotes ont parcouru plus de 800 kilomètres sans rencontrer d’autre habitant sédentaire que le nègre qui garde la Zaouïa de Temacinin, espèce de Robinson du désert perdu au milieu de ce royaume du néant ? Quant aux nomades, ils en virent en tout quatre-vingts, pauvres vagabonds que la faim talonne sans cesse et qui furent reçus et traités par l’expédition, car, par une coutume qui dit assez quelle est leur misère, chez eux c’est l’étranger qui offre l’hospitalité. Sables et cailloux calcinés par un ciel de feu, lignes désespérément monotones, d’un sol dénudé, l’œil n’aperçoit pas autre chose, et l’attristante impression de cette aridité est renforcée encore en quelques endroits par les teintes lugubres que donnent aux terrains les débris de silex noir et de calcaire gris qui les recouvrent. On ne peut guère espérer une résurrection de ce pays maudit. M. Roche estime que l’on trouvera de l’eau de bonne qualité en quantité suffisante pour les besoins du chemin de fer, mais il y a peu de chances de découvrir des nappes artésiennes pareilles à celles qui sont la vie et la fortune de l’Oued-Rhir et de Ouargla.

Le parlement ayant voté un nouveau crédit de 500,000 francs pour la continuation des études du Transsaharien, M. Flatters a quitté Paris au mois d’octobre dernier pour aller reprendre ses explorations. Instruit par l’expérience de la première campagne, assuré des bonnes dispositions des Touareg Azdjers, qu’il a visités, appelé par des avis des Touareg Hoggars, auxquels il a annoncé sa visite, il se promet cette fois de pousser jusqu’au Soudan la reconnaissance du tracé oriental qu’il a entreprise. Quelles difficultés présentera le passage du versant nord au versant sud du Hoggar ? Quels escarpemens rencontrera-t-on sur le versant sud ? La région montagneuse de l’Aïr n’offrira-t-elle point d’obstacles ? Rencontrera-t-on de l’eau partout ? Autant de questions sur lesquelles on a besoin d’être renseigné avant de juger définitivement dans quelles conditions d’exécution se présente ce tracé.


II

M. Pouyanne, ingénieur en chef des mines, avait été chargé d’étudier le tracé occidental en territoire algérien. Une expédition organisée par la société de géographie d’Oran, se joignant aux caravanes indigènes qui vont chaque année au Touat, devait achever la reconnaissance du terrain jusqu’à ce pays et plus loin si c’était possible. La commission supérieure n’avait pas cru de voir envoyer elle-même une mission destinée à opérer dans des régions où une hostilité tantôt sourde, tantôt ouverte, n’a jamais cessé de régner contre les Français depuis à conquête ; elle avait pris ce détour de recourir à la société de géographie d’Oran. Il nous semble que la commission a une tendance à s’exagérer l’importance du caractère des personnes chargées d’expéditions dans le désert. Officier ou civil, délégué officiel du gouvernement ou voyageur privé, un Français n’est pour les populations sahariennes qu’un étranger qu’elles redoutent et dont elles se défient. S’il affecte de se présenter en simple particulier, elles se défient un peu plus de lui et elles le redoutent un peu moins. « C’est un espion, » ne cessait-on de répéter autour de Gérard Rohlfs. Peut-être le mieux serait-il de revêtir franchement tous nos voyageurs d’un caractère officiel ; ils ne trouveraient ni plus ni moins d’antipathies, et du moins ils seraient protégés par la crainte qu’inspire la France, dont la force est bien connue dans tout le désert.

Deux ingénieurs étaient placés sous les ordres de M. Pouyanne. L’un, M. Clavenad, a étudié une ligne de Tiaret à El-Maïa, suivant un tracé proposé par le général Colonieu ; il a reconnu qu’elle serait très facile à construire, mais elle ne saurait prétendre à devenir la tête du Transsaharien, car elle allonge le trajet sans utilité et ne mène directement à aucun des grands ports de l’Algérie. L’autre, M. Baills, a étudié deux lignes auxquelles il serait possible de souder le tracé occidental. La première va de Saïda à Mecheria : elle a le grave inconvénient de rencontrer des pentes assez raides aux environs immédiats de Saïda, où des inclinaisons de 0m,0l5 seraient nécessaires ; de plus, l’eau y est assez rare. La seconde va de Ras-el-Ma au même point, Mecheria ; les points d’eau y sont abondans et les pentes les plus fortes y ont moins de 0,m,010. En aucun autre point de l’Algérie, dit M. Pouyanne dans son rapport, il ne serait plus facile de franchir les montagnes. Une lacune de 32 kilomètres subsistait entre Ras-el-Ma et Magenta, point extrême du chemin de fer de Sidi-Bel-Abbès. Des études faites par la compagnie de l’Ouest algérien ont démontré qu’elle ne présentait pas plus de difficultés que le reste du parcours. Ainsi se trouve résolue la question de la traversée de l’Atlas dans la province d’Oran, traversée prématurément jugée impraticable par la deuxième sous-commission du Transsaharien, ce qui lui avait fait rejeter en bloc le tracé occidental. Il est reconnu aujourd’hui, au contraire, que les provinces algériennes offrent toutes les trois des passages faciles à travers la double chaîne de l’Atlas, ce ne sont donc point des considérations d’ordre technique qui pourront déterminer un choix entre elles.

M. Pouyanne a poursuivi les études vers le sud à partir de Mecheria ; il devait s’engager par l’Oued-Namous, dans la direction du Touat, mais la menace d’une incursion des pillards marocains, qui avait déjà inquiété M. Choisy, l’empêcha de dépasser Tiout, et la mission de la société de géographie d’Oran dut également tourner bride en cet endroit. De sorte que, tandis que les missions attachées au tracé oriental pénétraient jusqu’à 1,500 kilomètres dans l’intérieur des terres, celles du tracé occidental étaient obligées de s’arrêter à 460 kilomètres de la côte. Si fâcheux que soit le fait, il ne rend cependant point impossible dès maintenant une appréciation raisonnée de ce dernier. Nous possédons en effet sur les pays qu’il doit traverser jusqu’au Touat une masse de renseignemens à laquelle les missions avortées auraient donné sans doute plus de précision, mais sans pouvoir beaucoup y ajouter. Le général Colonieu est allé jusqu’au Gourara ; Gérard Rohlfs a visité en détail le Tafilalet, le Touat et le Tidikelt[3]. M. Soleillet est également parvenu jusque dans cette dernière contrée ; une colonne française sous les ordres du général de Wimpfen a parcouru en 1870 le bassin de l’Oued-Guir ; le général de Colomb a réuni une quantité énorme d’informations indigènes sur le Touat dans un résumé dont l’exactitude a surpris tous les explorateurs qui ont pu la vérifier sur les lieux ; enfin M. Sabatier et le capitaine Graulle ont refait pour l’édification de la commission supérieure un travail du même genre. On voit que les autorités ne manquent point.

La partie la plus élevée de la chaîne de l’Atlas est située dans le Maroc, elle dépasse la ligne des neiges éternelles. Il en résulte que les oueds du versant méridional, c’est-à-dire ceux dont le cours appartient au Sahara, tandis qu’ils n’ont le plus souvent que des lits desséchés en Algérie, coulent au Maroc à la surface du sol pendant l’hiver et contiennent en tout temps de l’eau en abondance à quelques mètres de profondeur sous le sable. Le 1er avril 1870, la colonne du général de Wimpfen eut le spectacle d’une inondation en plein désert. « C’était une crue de l’Oued-Guir, dit M. du Casse dans sa relation ; l’eau se précipitant en flots écumeux soulève la poussière qui semble précéder le fleuve, lequel présente alors l’aspect le plus étrange. Le milieu du cours roule des vagues rapides, élevées, tandis que les bords semblent disparaître sous des flocons d’eau saumâtre. On ne tarda pas à distinguer une foule de reptiles : lézards verts, serpens jaunes, tortues grises, cherchant à se hisser sur les branches des tamarins déracinés et emportés par le courant. Ce spectacle rappelait sur une petite échelle, aux soldats du centre de la France, les inondations de la Loire. » L’Oued-Guir se réunit à l’Oued-Sousfana pour former l’Oued-Saoura, appelé aussi Messaoura et Messaoud, qui se perd dans les sables après avoir longé le Touat. L’eau, c’est la vie dans le désert ; elle fait jaillir la verdure comme par enchantement ; aussi le Sahara marocain n’a-t-il point l’aspect désolé du Sahara algérien, les oasis s’y pressent en lignes serrées le long des rivières, nourrissant une population nombreuse. On estime à cent cinquante mille le nombre des habitans de l’Oued-Guir et à deux cent mille celui des habitans du Tafilalet.

L’importance du Touat justifierait à elle seule la construction d’un chemin de fer pour le desservir. Sur un espace de 300 kilomètres de long et de 160 de large s’épanouissent au milieu de leurs jardins trois cent cinquante villages dont quelques-uns, comme Tamentit, comptent jusqu’à six mille habitans. Le total de la population ne doit pas être inférieur à quatre cent mille âmes. Des nappes souterraines d’une extraordinaire abondance et aménagées avec une admirable industrie par les indigènes, entretiennent la fraîcheur de ce pays au milieu des plaines arides qui l’entourent. Les oasis étant placées dans des vallées inclinées vers le sud, les Touatiens creusent un puits à 1 ou 2 kilomètres au nord de l’endroit où ils veulent amener l’eau, puis un autre à 30 mètres plus bas, puis un troisième à la même distance du second, et ainsi de suite jusqu’au point d’arrivée. Chaque puits alimente une rigole ; on relie tous ces ruisselets par des galeries souterraines qui les ramassent en un ruisseau dont les indigènes qui ont coopéré à la besogne se partagent les eaux, une fois qu’elles sont arrivées à ciel ouvert : on appelle cela une Feggara. Ces patiens travaux de taupe sillonnent le pays de leurs innombrables ramifications. A l’ombre des dattiers qui sont la principale culture, le sol ainsi fécondé produit du blé, de l’orge, du maïs, du mil, des haricots, des petits pois, des pois chiches, des fèves, des navets, des carottes, des oignons, des aulx, des choux, des citrouilles, des melons, des pastèques et divers autres légumes. Les chameaux, les chèvres et les moutons forment de grands troupeaux, ces derniers n’ont point de cornes et par suite d’un effet du climat ils ont du poil au lieu de laine. Chaque année, des caravanes apportent du blé de l’Algérie et l’échangent contre des dattes. On calcule que, tant dans le Touat que dans l’Oued-Guir et le Tafilalet, il existe actuellement dix millions de palmiers pouvant donner 150,000 tonnes de fruits. A un élément de trafic si considérable s’ajouterait encore pour le chemin de fer, au cas improbable où on ne le prolongerait pas plus loin, le commerce assez important auquel te Touat a servi de tout temps de lieu de transit entre le Maroc et Tripoli, d’une part, et le Soudan, de l’autre.

Le tracé occidental du Traassaharien se rattacherait à Magenta au réseau algérien déjà existant, traverserait les hauts plateaux au milieu des plus beaux champs d’alfa qu’il y ait en Algérie, côtoierait l’immense plaine de Tamlett, que la colonne de Wimpfen trouva couverte d’un incomparable tapis de fleurs et dont les cultures des Beni-Guill et des Douï-Menia indiquent quel serait l’avenir entre les mains de la colonisation européenne, — toucherait à Figuig, l’oasis semblable à une ville du moyen âge avec ses onze ksours[4] reliés par une muraille flanquée de tours rondes, — suivrait le cours de l’Oued-Sousfana, et gagnerait le Touat à travers une véritable forêt de palmiers. « Depuis Figuig jusqu’au point où il se perd, dit M. de Colomb, l’Oued-Messaoura est rempli d’oasis et de ksours qui s’élèvent surtout sur la rive gauche ; on ne perd pour ainsi dire pas de vue les palmiers et les hommes. Les caravanes trouvent de l’eau à chaque étape, elles marchent toujours, comme disent les Arabes, dans el amara, c’est-à-dire le plein, l’opposé de el khela, le vide, le désert. C’est un long trait d’union composé d’eau, de palmiers, d’habitations humaines entre les rives de la Méditerranée et le groupe le plus important des oasis sahariennes, que partout ailleurs sépare une large barrière de sables brûlans. » Rohlfs, dans les notes qu’il prenait au moment où il allait atteindre Karsaz, confirme ainsi ces renseignemens : « Quant au lit de l’Oued-Saoura, il est envahi par les palmiers plutôt que par l’eau ; aussi l’appelle-t-on, du moins dans cette partie de son cours, Rhaba, la forêt. » M. Pouyanne propose une variante qui, s’inclinant vers l’ouest à Tiout seulement, ne gagnerait la vallée du Sousfana qu’au-dessous de Figuig. Le premier tracé paraît préférable. Quel que soit celui qu’on adoptera, comme on disposera de plus de 5 degrés de latitude pour descendre de 700 mètres environ, la pente sera nulle, et, la traversée des areg, s’opérant par la vallée de l’oued, se fera sans qu’on ait aucune dune à franchir.

Quelle est la nature du pays entre le Touat et le Niger ? Sur la foi de quelques itinéraires fournis par des indigènes, on le considérait généralement comme fort désolé. Un mémoire soumis par M. Sabatier à la commission supérieure est venu ébranler cette croyance. Procédant au-delà de Touat comme il avait procédé en deçà, M. Sabatier a recueilli les témoignages de divers indigènes, arabes, touaregs et nègres, qui ont visité cette région, et il a acquis la conviction qu’après avoir disparu sous les dunes d’Iguidi qui ont envahi son lit, l’Oued-Guir reparaît au-delà dans l’Oued-Ahenet, se joint, en en prenant le nom, à l’Oued-Teghazert[5], indiqué par M. Duveyrier sur sa belle carte du Sahara, et s’en va se perdre dans des marais dont Barth a signalé l’existence près du coude septentrional du Niger. Cette découverte, si elle se vérifie, ferait de l’Oued-Guir un affluent du grand fleuve soudanien, dont le vaste bassin serait agrandi vers le nord jusqu’aux montagnes de l’Atlas. M. Sabatier a recueilli assez de détails pour avoir pu essayer une description de cette intéressante vallée. Il n’en a point obtenu sur l’origine du Teghazert, mais depuis qu’il a composé son mémoire, nous avons su par M. le colonel Flatters que l’Oued-Teghazert qui sort du plateau de Mouydir, présente près de sa source cette particularité, remarquable pour des Sahariens, d’un ruisseau d’eau vive coulant à ciel ouvert pendant quelques kilomètres. Après s’être dirigé vers l’ouest jusqu’aux environs d’In-Zize, où il rencontre l’Oued-Ahenet, le Teghazert se détourne vers le sud dans la direction du Niger. L’eau n’est pas apparente dans son cours supérieur, si ce n’est en temps de pluie, mais il suffit de creuser un peu dans son lit pour la trouver douce et abondante. Des cultures importantes y seraient possibles, n’étaient la violence et la fréquence des orages. « Les grêlons sont tellement gros, disait un des informateurs de M. Sabatier, qu’ils tuent des gazelles et des moutons, et chaque fois la rivière charrie des animaux tués. Dans ces circonstances, l’oued devient très fort, et on reste parfois plusieurs jouis sans pouvoir le traverser. » Les pâturages sont très beaux dans le voisinage après les pluies, et les lions, les sangliers, les gazelles, les mouflons, les antilopes et les autruches y trouvent une abondance attestée par la facilité avec laquelle ils s’y multiplient. A mesure qu’il descend vers le sud, le Teghazert reçoit, surtout des montagnes du Hoggar, de nombreux affluens ; il grossit et garde plus longtemps un courant apparent : il coule pendant toute la saison des pluies. Dans son cours moyen apparaissent de véritables forêts peuplées de bêtes sauvages, parmi lesquelles l’éléphant, dont la présence ne peut s’expliquer que par l’existence d’eaux permanentes ; les pâturages deviennent plus vastes, et les possesseurs du pays, les Touareg Aouliminden, y élèvent d’innombrables troupeaux de bœufs, de moutons, de chèvres et de chameaux. Enfin, plus bas encore, on entre dans la région des pluies tropicales, la végétation est de plus en plus puissante, les forêts sont de plus en plus étendues ; on trouve dans la vallée des plantations de dattiers et des cultures de riz et de mil, et il n’est pas de pauvre qui n’y ait au moins une vingtaine de bœufs et de chameaux et une cinquantaine de moutons, tant les troupeaux sont nombreux.

Des témoignages assez probans viennent corroborer les rapports des indigènes consultés par M. Sabatier. Barth signale dans la direction où se trouverait la vallée du Teghazert divers districts particulièrement favorisés : celui d’Im-Eggellala « remarquable par sa terre noirâtre et l’abondance de ses puits, » celui de Tilimssi « riche en fourrages pour les chameaux, » celui de Timitren, a qui, indépendamment des puits nombreux, possède plusieurs villages, » celui d’Aheret (ou Ahenet), qui présente « abondance de puits et de torrens temporaires. » L’officier de spahis Ben-Driss a déclaré devant la commission supérieure qu’il tenait de son frère, qui a conduit une expédition au-delà du Touat, qu’à cinq jours de ce pays se trouve une région montagneuse, arrosée, couverte de diverses essences parmi lesquelles dominent les gommiers, très peuplée et habitée par une population sédentaire (ce serait l’Ahenet). Dans un mémoire adressé à la même commission, le rabbin Mardoché, qui a résidé plusieurs années à Tombouctou et a descendu le Niger jusqu’à Gago, évalue à deux millions le nombre de Aouliminden. Si exagéré que soit ce chiffre, il suppose évidemment que le désert où ces Touareg passent une partie de leur existence offre de grandes ressources. Enfin il a existé, ainsi qu’en témoignent El-Bekri, Ibn-Batouta et les traditions indigènes, une ville considérable nommée Tademekka à neuf jours au nord du coude du Niger, en un point compris dans la vallée du Teghazert, telle que M. Sabatier la trace. « C’est une grande ville, dit El-Bekri, mieux bâtie que Ghana et Kouka, habitée par des Berbères. » D’autres ruines sont également signalées dans la même direction ; il faut nécessairement que le pays où elles se trouvent soit fertile pour avoir pu nourrir autrefois une nombreuse population.

L’importance du travail de M. Sabatier ressort du simple énoncé des faits ; il est inutile d’y insister. Elle impose au gouvernement l’obligation d’organiser au plus vite une expédition mieux escortée que celle de la société de géographie d’Oran. L’expérience du colonel Flatters a démontré la vérité de l’axiome depuis longtemps formulé que cent hommes bien armés peuvent parcourir le désert sans avoir rien à craindre. Qu’on assure à la nouvelle mission la protection nécessaire, qu’on lui trace au besoin un itinéraire à l’orient du Touat pour éviter toutes complications dans les oasis et qu’elle reconnaisse sans tarder cette vallée qui vient de nous être révélée et qui, continuant celle de l’Oued-Guir, établirait entre l’Algérie et le Soudan, à travers ce Sahara si longtemps réputé inaccessible, une ligne d’eau et de verdure ininterrompue.


III

Convient-il de comparer dès aujourd’hui deux tracés sur lesquels les informations sont encore si loin d’être complètes ? Ce n’est, en somme, qu’imiter ce qui s’est fait à la commission supérieure, dont presque tous les membres, comme nous l’avons dit, sont arrivés avec une opinion faite. Le Transsaharien ne sera pas une affaire industrielle ; il va de soi pourtant qu’on devra s’efforcer de le construire de façon à ce qu’il coûte le moins et à ce qu’il rapporte le plus possible. Le coût et le rapport probables de chaque tracé, voilà donc ce qu’il faut comparer. Le tracé oriental aura à franchir le faîte du Hoggar et à passer par le pays alpestre de l’Aïr ; il y a donc des difficultés techniques à prévoir de ce côté ; pour le tracé occidental il n’y en a point : deux vallées à suivre pour arriver au Niger et par conséquent des pentes insensibles. Le tracé oriental nécessitera en outre des travaux considérables pour la recherche de l’eau ; sur le tracé occidental on l’indique partout comme très abondante. Le trafic local sur le tracé oriental sera à peu près nul. De Ouargla à l’Aïr, il y a 1,400 kilomètres du plus stérile des déserts, 1,400 kilomètres sans autre culture que les 200 palmiers de Temacinin. Qu’on songe à ce que coûtera une journée d’ouvrier quand il faudra amener là non-seulement l’ouvrier, mais encore l’eau qu’il boira, les vivres qu’il consommera, les ustensiles, tous les objets de campement et jusqu’au bois dont il aura besoin. Dans un pays plus de deux fois aussi grand que la France vivent les Azdjers et les Hoggars, qui forment vingt-quatre tribus : la plus importante d’entre elles peut mettre sur pied 200 hommes, il y en a beaucoup qui n’en peuvent pas mettre 20. Et encore M. Duveyrier dit-il qu’une population aussi clairsemée ne peut vivre des produits du sol, à moins d’avoir la sobriété du chameau. Qu’on juge par là de ce qu’il faut attendre de cette partie du Sahara ; ces 1,400 kilomètres ne produiront jamais un centime de trafic local, et exigeant cependant autant d’entretien que les autres, grèveront éternellement le budget du Transsaharien de frais improductifs. De Biskra aux frontières du Haoussa, pour 2,200 kilomètres de chemin de fer, on ne peut compter pour alimenter le trafic local que sur les 36,800 tonnes de produits qu’au dire de M. Rolland, peuvent donner les oasis du Sahara algérien et sur ce que fourniraient les 80 ou 100,000 habitans de l’Aïr, pays qui, s’il faut en croire Barth, nourrit également assez mal sa population. Le tracé occidental a sous ce rapport un avantage écrasant. Sur 1,100 kilomètres de parcours, un trafic qui serait peut-être suffisant pour justifier la construction d’une ligne d’intérêt local lui est assuré jusqu’à la frontière du Maroc par l’alfa et au-delà de la frontière du Maroc par une population de 750,000 habitans et une forêt de 10 millions de dattiers produisant 150,000 tonnes de dattes. Passé le Touat, les élémens d’appréciation manquent ; pourtant on est assuré déjà de ne point rencontrer de vide immense comme entre Ouargla et l’Aïr.

Si on s’en tenait au prix de revient et au trafic local, aucune hésitation ne serait permise, il ne saurait être question du tracé oriental. Mais il y a une autre considération, et capitale, celle du point où il est le plus utile de faire aboutir le Transsaharien. Les partisans du tracé oriental disent : Ce point, ce sont les riches royaumes du Soudan central, qu’il ne faut pas nous laisser enlever par une ligne allant de Tripoli au Bornou. Il faut que le Transsaharien aboutisse au Haoussa ; à quoi bon le faire aboutir au Niger, qui aura déjà un débouché par la ligne du Sénégal ? A notre avis, ils ont raison quant au point à atteindre. Mais de ce que le Transsaharien doit avoir pour but de desservir le Soudan central, il ne s’ensuit pas forcément qu’il doive passer par les plateaux dévastés des Touareg. Rien ne fait une nécessité d’arrêter le tracé occidental au coude du Niger ; de là on n’a qu’à le faire descendre par la vallée du fleuve pour le faire pénétrer dans le Soudan central. Prenez une carte et mesurez les distances. Sokoto est la capitale du grand empire qui occupe avec le royaume moins considérable de Bornou le Soudan central. Une ligne partant de Philippeville pour aboutir à Sokoto en passant par Ouargla, la Sebkha d’Amadghor, l’Aïr et Katsena, ce qui est, croyons-nous, le tracé le plus en faveur, aurait en chiffres ronds 3,000 kilomètres de longueur ; une ligne partant d’Oran et aboutissant à Sokoto en passant par l’Oued-Guir, le Touat, le coude et la vallée du Niger, n’en aurait que 70 ou 80 de plus, c’est-à-dire que la distance serait sensiblement la même. Pour les pays à l’ouest de la longitude de Sokoto, le tracé par le Niger aurait l’avantage d’une plus courte distance ; l’avantage appartiendrait au tracé par le Hoggar pour les pays situés à l’est, qui sont, il est vrai, les plus importans. Le problème qui se pose se résume donc ainsi. Le tracé oriental a pour lui d’être de 500 kilomètres plus court pour aller à Kano, à Kouka et dans le bassin du Chari ; contre lui de ne pouvoir compter dans un parcours de 2,200 kilomètres que sur un trafic local insignifiant, d’avoir à traverser 1,400 kilomètres d’un désert terrible, d’offrir des difficultés d’exécution plus grandes, d’être plus long pour atteindre les rives du Niger moyen, qui ne laissent point que d’être fort peuplées et fort commerçantes. Le tracé occidental a pour lui d’être assuré sur 1,100 kilomètres de parcours d’un trafic local considérable, d’arriver au Soudan par une vallée verdoyante, de desservir la vallée du Niger supérieur, pour laquelle la ligne du Sénégal sera vite insuffisante et que le tracé oriental n’atteindra jamais, de drainer ainsi le commerce du Soudan tout entier, d’être plus court pour atteindre le Niger moyen ; contre lui d’exiger 500 kilomètres de plus pour aller à Kano et plus loin dans l’est. Il ne serait point sage de ne pas attendre l’achèvement des études pour se prononcer définitivement, mais dès à présent on peut remarquer qu’il y a bien des avantages réunis du même côté.

Nous n’avons point parlé jusqu’à présent d’une objection qui a été faite au tracé occidental et qui a bien son importance, c’est que c’est une objection de circonstance, une objection politique en quelque sorte, qui ne nous semblait pas pouvoir entrer en ligne de compte avec les considérations, tirées de la nature du pays que nous venons d’exposer. Les siècles succéderont aux siècles, et il est probable que le Hoggar sera toujours aussi désolé ; c’est là une difficulté éternelle, tandis que la difficulté qui nous reste à mentionner peut disparaître du jour au lendemain ; elle est donc loin d’avoir la même force. De Figuig à l’extrémité du Touat, le tracé occidental traverse une région soumise nominalement à l’empereur du Maroc. Comment surmonterez-vous cette difficulté politique ? demandent les partisans du tracé oriental. Si nous osions dire toute notre pensée, nous avouerions que nous serions heureux que le gouvernement fût obligé de la surmonter, car il serait amené par là à mettre fin à une situation que nous supportons depuis bien des années avec une résignation qui ne nous fait pas grand honneur. Expliquons-nous. La frontière entre le Maroc et l’Algérie a été fixée par le traité de 1845, dont la colonie n’a jamais cessé de demander la révision. À partir de Teniet-el-Saci, les plénipotentiaires ont jugé inutile d’en fixer la ligne, « la terre ne se labourant pas ; » ils se sont contentés de faire le départ des oasis et des tribus qui relèveraient de la France et de celles qui relèveraient du Maroc. Les Beni-Guill, les Douï-Menia, les Amour et quelquefois\les-.A’it-Atta et les Aït-Eddeg, qui ont été attribués à cette dernière puissance, formaient autrefois la redoutable association armée i du Zegdiou qui envahissait régulièrement tous les hivers le territoire de la province d’Oran au moment où les troupeaux des nomades descendaient dans le Sud. Nous avons infligé plusieurs leçons sévères, à ces pillards ; leurs expéditions sont devenues moins considérables, mais elles n’ont point cessé. Depuis l’insurrection de 1864, une partie de la grande tribu oranaise de Ouled-Sidi-Cheikh s’est réfugiée chez eux, et ce ferment de haine n’a : point contribué, on le pense bien, à ichanger leurs dispositions à notre égard. Il ne se passe point d’année que quelques razzias ne soient tentées contre nos tribus ; l’année dernière, on leur a volé encore quinze cents chameaux et une escouade du train, surprise sur la route d’El- Aricha à Sebdou, a eu deux hommes tués. On a vu, en outre, que quelques-unes des missions chargées d’étudier le tracé du Transsaharien ont été arrêtées par la nouvelle d’une nouvelle incursion qui se préparait et que d’autres ont été gravement inquiétées dans leurs travaux. L’état de guerre est permanent de ce côté, et cette insécurité empêche souvent nos tribus de jouir de leurs pâturages. L’autorité du Maroc sur les tribus que nous avons citées est absolument nulle ; elles ne paient point d’impôt, n’obéissent à aucun ordre, se battent fréquemment entre elles et vivent de fait dans la plus parfaite indépendance. Cette indépendance, elle est virtuellement reconnue par les deux puissances intéressées elles-mêmes, par la France, puisque ce n’est que dans des cas exceptionnels qu’elle a demandé compte au gouvernement marocain des déprédations dont elle est la victime, par le Maroc, puisqu’il a parfaitement toléré à différentes reprises que nos colonnes aillent châtier ces brigands sur le territoire qui est censé lui appartenir ; en 1870, la colonne du général de Wimpfen s’est avancée jusqu’à 320 kilomètres au-delà de la frontière telle qu’elle est marquée sur les cartes. Une pareille situation est intolérable ; armés de la trop longue liste de toutes ces violations de notre territoire, forts de l’impuissance du Maroc à maintenir l’ordre bien avérée par trente-cinq ans d’expérience, nous avons le droit et le gouvernement a le de voir d’en demander le règlement. Comment ? Tous les officiers, tous les voyageurs, tous les hommes qui ont eu l’occasion de s’occuper de la question sont unanimes. Certes, l’opinion du voyageur allemand Gérard Rohlfs est bien désintéressée ; or voici ce qu’il dit : « Avant tout, les Français devraient transporter leurs frontières jusqu’à l’Oued-Messaoura, s’emparer de cette rivière et de ses affluens, ce qui entraînerait la soumission du Touat : c’est d’ici, en effet, que partent toutes les difficultés, tous les désordres, et tant qu’ils n’occuperont pas ces frontières naturelles, il n’y aura aucun calme durable dans le sud de la province d’Oran. » Est-ce là une difficulté de nature à faire rejeter le tracé occidental ? De ce qu’on vient de lire, il n’est point téméraire de conclure que cette rectification de frontière pourrait s’obtenir par un accord avec le Maroc ; il faudrait au moins le tenter. Il n’y aura réellement difficulté qu’après qu’on aura échoué, si on échoue.

Reste le Touat. Là nous sommes absolument libres, rien ne nous lie les mains. Le traité de 1845 dit formellement : « Article 6. Quant au pays qui est au sud des ksours des deux gouvernemens (ksours désignés dans l’article 5), comme il n’y a pas d’eau, qu’il est inhabitable et que c’est le désert proprement dit, la délimitation en serait superflue. » Comme on voit, rien du Touat, qui géographiquement appartient à l’Algérie, sous les longitudes de laquelle il est placé. Le Maroc y exerce, il est vrai, une sorte d’autorité religieuse, mais nous n’y avons jamais reconnu son autorité politique, qui y est plus illusoire encore que parmi les tribus de l’Oued-Guir. Quelques faits vont le démontrer. En 1857, des délégués du Touat vinrent à Alger offrir la soumission de leur pays ; ils demandaient un traité pareil à celui que nous avions conclu avec le M’zab et qui, moyennant le paiement d’un tribut, accordait à ce pays le droit de se gouverner à sa guise. Leur offre ne fut pas acceptée, par pure insouciance, croyons-nous. En 1860, le commandant Colonieu se présenta devant Timimoun muni de lettres de l’empereur du Maroc l’autorisant à visiter le pays ; on lui répondit : « Nous nous moquons de l’empereur du Maroc comme de toi, chien de chrétien ! » Cependant, effrayés de l’apparition d’un Français et craignant les attaques d’une puissance qui leur avait refusé un traité, ils réunirent 25,000 douros et vingt jolies esclaves noires et les envoyèrent au sultan du Maroc en lui demandant sa protection contre les Européens ; le sultan la promit. Quatre ans après, Rohlfs constate plaisamment dans le Tidikelt que l’empereur du Maroc « n’est pas oublié dans les prières du vendredi à la mosquée ; mais à cela se bornent ses droits. » En 1873, en apprenant qu’une colonne française était à El-Goleah, les Touatiens, qui craignent avant tout une guerre susceptible de détruire leurs patiens travaux d’irrigation, délibérèrent d’envoyer leur soumission. On dit même que des envoyés se mirent en route et ne revinrent qu’en apprenant que notre colonne était rentrée dans l’intérieur de l’Algérie. En réalité, le Touat est donc indépendant. M. Soleillet a exprimé devant la commission supérieure l’avis qu’au moyen d’une rente annuelle d’une vingtaine de mille francs, nous pourrions nous assurer du cheikh des Ouled-Bou-Hamou, l’homme le plus influent du Touat. Les Anglais ont beaucoup usé de ce système de pensions dans leurs colonies et il leur a généralement réussi. Nous pourrions en essayer.

En terminant, il ne nous reste qu’à exprimer le vœu que ces questions politiques qui intéressent autant l’Algérie que le Transsaharien soient résolues au plus vite, afin que, le jour où les deux tracés seront étudiés complètement, on n’ait, pour faire un choix entre eux, à considérer que les avantages naturels qu’ils présenteront l’un et l’autre.


PAUL BOURDE.

  1. Voyez la Revue du 1er décembre 1880.
  2. Depuis la publication de notre premier travail, la chambre des députés a approuvé la concession du chemin de fer de Dakar à Saint-Louis à la compagnie des Batignolles et voté les crédits nécessaires pour la construction d’une première section de la ligne de Saint-Louis au Niger, section comprise entre Médine et Bafoulabé.
  3. Les oasis que les géographes comprennent sous le nom général de Touat forment trois groupes principaux : le Gourara, le Touat et le Tidikelt.
  4. Ksar, pluriel ksour, centre de population fortifié dans le désert, où le moindre village est du reste protégé par un mur.
  5. Teghazert, Tirejert, Tireschirt, Tirehert, Tireghart, sont un seul et même nom berbère, qui veut dire ruisseau.